pffioou ça cogite dur sur ce fil décidément

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En préambule à ce qui va suivre, j'espère que Theguytou ne m'en voudra pas de parler de moi, mais c'est que ma petite personne reste celui que je connais le mieux et dont je peux au plus juste relater les expériences -> pas de nombrilisme ou gonflage de cheville

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je précise qu'outre le fait d'être photographe, je suis avant toute chose accompagnateur en montagne (et ce n'est pas un vilain mot!), avec un formation initiale en gestion des espaces naturels. Voilà plus d'une décennie que je travail d'une façon ou d'une autre (en asso, en indépendant, bénévolement) à la sensibilisation et à l'éducation du public aux problématiques de protection de la nature. Je pense donc moi aussi avoir déjà un peu de recul pour m'exprimer ici.
Voilà, ceci étant dit, il y a dans tout ce qui a été écrit précédemment des réflexions que je partage d'une certaine façon. Je pense moi aussi que la réglementation est parfois contre productive, surtout quand elle n'est pas assortie d'un gros effort de communication et de pédagogie.
Dans le massif dans lequel je vis, nous avons la chance de disposer en plus des montagnes relativement sauvages d'une grosse portion classée en réserve nationale de chasse et ce depuis plus de 50 ans. La faune alpine y est riche, tout comme la flore et la réserve est une référence mondiale en matière de recherche scientifique sur les ongulés de montagne, notamment le chamois.
Historiquement les co-gestionnaires étaient l'ONCFS et l'ONF, auquel s'est rajouté à se création dans les années 90 le PNR.
La réglementation est très stricte, plusieurs zones sont totalement interdites d'accès pour préserver la quiétude de la faune (ce qui est important pour le bon déroulement de certains protocoles scientifiques), les bivouacs et même la rando la nuit sont également interdits, il est très vivement conseiller de ne pas s'écarter des sentiers, bref c'est plutôt contraignant.
En particulier pour la photo en affût, si on veut faire les choses bien et arriver de nuit voir dormir dans l'affût, on se met en porte-à-faux avec le règlement. C'est ballot parce que du coup celui qui veut faire des images de tétras lyre, s'il veut respecter le règlement risque par contre de déranger les oiseaux.
En discutant de tout ça avec les responsables, j'ai tout de même obtenu des justifications étayées sur des faits constatés, en particulier sur le dérangement que créé un randonneur nocturne par rapport au même passage diurne. Bref, les gars sont sur le terrain presque tout le temps et j'ai quand même un nette tendance à avoir confiance en leur jugement. Reste le fait que cette réglementation n'est pas super clairement exprimée sur les panneaux de la réserve et qu'il manque de la pédagogie pour expliquer pourquoi certaine zones sont interdites. Et le responsable de reconnaître qu'effectivement, si l'ONCFS (dont il dépend) a progressé dans ce domaine, la communication et la pédagogie, c'est pas encore vraiment leur truc et que si la volonté ne manque pas, le temps lui est limité.
Bref, je sais que c'est peut-être un cas particulier, mais la protection de l'environnement n'est fait que de ça! Et je trouve que les propos de Zouave et d'autres, même si j'y adhère en partie, sont un peu trop catégoriques. Il serait intéressant, Zouave, puisque tu sembles dans la partie depuis longtemps, que tu étayes tes affirmations par des faits mesurables, des études d'impacts etc... Parce que tu as peut-être raison, je ne mets pas en doute tes compétences, mais en même temps sur un forum si c'est celui qui affirme les choses avec le plus d'aplomb qui à raison sans compléter ses dires par des exemples précis, personnellement je trouve ça déroutant.
Pour ce qui est de la diffusion des données naturalistes, je trouve personnellement que la base de données communales dispo sur les sites web des DIREN (en tout cas pour Rhône-Alpes) permet d'avoir des infos déjà très précises. Il y a entre autres trésors toutes les ZNIEFF à jour, avec localisation sur carte 1/250000, caractéristiques phytosociologiques du milieux et listes des espèces les plus intéressantes (en générales celles sur liste rouge). Bref tout ça pour dire que des infos pourtant assez sensibles sont à la disposition de tout le monde et qu'il me semble un peu exagérer de blâmer les gestionnaires des sites et les décideurs sur le manque de transparence. Et je suis pourtant d'avis que plus d'information serait encore mieux, notamment pour le très grand public peu averti.
Mais ça bouge, toujours dans mon coin, sous l'impulsion du PNR, le suivi des rapaces rupestres (aigle royal, faucon pèlerin et hibou grand-duc) se déroule depuis plusieurs années de façon partenariale, en impliquant à la fois les réseaux naturalistes traditionnels (LPO entre autres) et les utilisateurs qui pourraient être en conflit avec ces rapaces: grimpeurs, parapentistes, et planeurs. Des équipes mixtes sont mises en place pour assurer sur le terrain le suivi de la repro, la réussite ou non de l'élevage des jeunes, et ce jusqu'à l'envol. Pour cela il a d'abord fallu convaincre les ornitho pur jus de la nécessité de partager la connaissance des sites de nidifications avec ceux qui ont longtemps été considérés comme nuisibles. Et bien ça fonctionne maintenant très bien!!! Comme quoi doucement les mentalités évoluent de part et d'autres.
Enfin, l'aspect mercantile, marchandisation de la nature et ici aussi pointé du doigt. Bien sûr que sur un plan idéologique et théorique, on pourrai à la rigueur souhaiter que la Nature (avec un grand N) soit à la "disposition" de tous, gratuitement (pour ça il faudrait déjà régler le problème de la propriété privée, car dans la nature on est quasi toujours chez quelqu'un, ce quelqu'un pouvant être l'état).
Désolé d'être un peu terre à terre, mais j'ai plutôt le sentiment que si on peut créer en un lieu une activité économique autour de la nature, de son observation et sa compréhension, c'est encore aujourd'hui et pour un bon moment la meilleur façon d'impliquer les habitants de ce secteur à la protection du milieux.
Je vais encore me prendre en exemple (vraiment je suis confus Theguytou, mais je sais que tu me pardonnera ce pêché d'orgueil

). Avec ma double casquette, j'organise des stages photo à thématique nature (rut du chamois en automne, macro et orchidées au printemps, etc...). Non seulement cette activité contribue à mon revenu et me permet donc de vivre en montagne, de pouvoir m'impliquer sur le reste de mon temps libre sur du suivi scientifique etc.. Mais j'apporte aussi quelques clients (ça y est le mot est lâché!) à un collègue qui à un gîte et qui comme moi met son temps à dispo pour du suivi, de la prospection.. Je contribue aussi un peu au chiffre d'affaire de mon boucher-charcutier, de la coopérative laitière (faut bien que mes stagiaires goûtent les spécialités du coins!). Bref au final c'est toute une population qui au départ en avait pas grand chose à faire qu'il y ai telle bestiole ou telle plante dans le coin et qui petit à petit se rend compte que parce que le coin est riche de sa biodiversité, cela contribue presque directement à leur richesse à eux. Et bien ça n'est pas rien, sur le plan des mentalités, pour beaucoup, c'est une vrai révolution des esprits qui s'opère.
Alors les "marchands du temple", on peut les critiquer, il y a sans doute des abus et certains manquent peut-être d'éthique, mais dans l'ensemble, je suis sûr que l'impact est positif. Après personne n'est obligé de passer par la case stage ou affût payant pour faire des photo jusqu'à preuve du contraire (si c'est le cas, j'aimerai là aussi avoir des faits et des preuves..).
Mais les 5 personnes qui étaient avec moi en novembre pour le rut du chamois, j'ai tenté du mieux que j'ai pu de les sensibiliser à notre impact de photographes, à gérer l'approche et reconnaître les signes qui montre que là, faut plus aller plus près, etc.. Et comme j'étais dans la réserve, j'en ai aussi profiter pour expliquer pourquoi certains secteurs pourtant très attirants étaient interdits. J'ai rempli mon rôle de médiateur en somme et je n'ai pas de honte à être payé pour ça.
Nat'Images, pour en revenir au mag, est aussi un médiateur puissant, mais faute de contact direct d'humain à humain, il est à mon avis plus difficile de contrôler la bonne compréhension des messages délivrés, d'où peut-être la nécessité de rester un peu vague sur certaines infos.
On peut dire que c'est juste que certains réservent leurs secrets pour leurs petits copains, mais je crois que c'est de moins en moins le cas.
Voilà, j'espère que c'était pas trop long et je remercie ceux qui auront tout lu avec attention, espérant apporter mon petit caillou à l'édifice de cette réflexion.
-sylvain-