Les photographes par l'alphabet...

Démarré par Verso92, Mai 20, 2013, 20:56:35

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madko

Citation de: PENDER le Janvier 16, 2017, 14:34:14
Oui, évidemment.
Je n'ai rien dit d'autre. Si vous ne voyez pas la différence, qu'y puis-je ?

Bonne journée.

Je ne vois là qu'un exemple de rétropédalage sur rouet pris à contresens.

PENDER

Désolé, mais pour moi, la discussion s'arrête là. restez tranquille avec vos certitudes.

madko

Citation de: PENDER le Janvier 16, 2017, 17:59:30
Désolé, mais pour moi, la discussion s'arrête là. restez tranquille avec vos certitudes.

Il ne s'agit pas de certitudes, mais d'informations vérifiables, comme ci-dessous :

http://time.com/3639043/gandhi-and-his-spinning-wheel-the-story-behind-an-iconic-photo/

Un peu de lecture préalable évite de partir à l'assaut de légendes imaginaires.


madko



Amory Clay (1908-1983)

Cette photographe est le personnage principal du roman de William Boyd,
Sweet Caress (2015). L'intrigue en est assez convenue : une Anglaise traverse
l'histoire du XXème siècle, la nuit de Berlin entre SA et prostituées, le New York
des années 30, la France pendant l'Occupation, et bien entendu le Viet-Nam,
ce qui en fait une photographe de guerre. Les personnages sont transparents,
les rebondissements ne brillent pas par leur originalité, et les dialogues
tournent court, faute d'avoir quelque chose à dire. Quant à la dimension
photographique proprement dite, quelques aspects techniques sont effleurés
(dodging and burning), et quelques conseils utiles sont dispensés (Sometimes
the framing is askew, but you can always crop ...
), sans compter les jugements
à l'emporte-pièce (There are no photographs more boring than photographs of animals ...)
Bref, ce n'est pas le roman le plus réussi de William Boyd, et l'on est à la lecture
progressivement gagné par l'impression qu'il se désintéresse de son projet avant
de l'avoir mené à bien.

Toutefois le livre est intéressant pour au moins trois raisons.

D'abord parce qu'il inclut des reproductions de photos censées avoir été prises par
Miss Clay, et qui sont en fait des clichés anonymes (sauf un), tels qu'on peut en trouver
des boîtes entières chez des brocanteurs. C'était une idée intéressante,
histoire de jouer sur les ambiguïtés de l'effet de réel. Malheureusement,
ces trouvailles sont à des années-lumière de ce qui dormait dans les boîtes de Vivian Maier,
et leur pauvreté ne fait rien pour conforter le récit de la vie d'une photographe reconnue.

Ensuite, et là cela devient plus amusant : Miss Clay collectionne les appareils
photo, et paraît les renouveler plus souvent qu'un geek accro au forum de CI.
Ainsi, elle utilise successivement, au cours de ses débuts, un Box Brownie,
un 2A Kodak Jnr, un Butcher 'Klimax', un Dallmeyer Reflex, un Busch Portrait (ces
deux-là appartenant à son oncle, photographe mondain qui lui met le pied
à l'étrier), un petit Ensignette, un 'Excelda' quarter-plate, un Goerz, un Zeiss
Contax ... et tout ça dans les 90 premières pages. Mais qu'on se rassure :
retraitée sur une île du Nord de l'Ecosse, elle ne se servira plus que de son Leica.

Reste ce qui aurait pu rendre la lecture parfois plus attrayante : les rencontres.
En effet, la photographe imaginée par Boyd croise nombre d'autres photographes,
des femmes surtout, et qui, elles, ne  sont pas toujours imaginaires, au contraire :
rien que pendant son bref séjour à Berlin, elle se souvient avoir fréquenté
« a sorority of women photographers » et elle énumère
ces noms : Hannelore Hahn, Marianne Breslauer, Dora Kallmuss,
Jutta Gottschalk, Friedl Dicker, Edith Suchitsky, Edeltraud Hartmann,
Annie Schulz
« and many more I've forgotten ». Dommage que cette liste
soit condensée dans un paragraphe, et que Miss Clay en reste là dans la description
de cette « secret society » européenne : « We were everywhere, the women,
cameras in hand
». Partout, mais pas dans le livre, hélas, où ces photographes
auraient sans doute fait de meilleurs personnages que les silhouettes de carton-
pâte que la vie de Miss Clay collectionne.

Mais ces noms sont des indices, qui peuvent conduire les ignorants dans mon
genre à faire de belles découvertes photographiques. C'est pourquoi je propose,
puisque l'alphabet lancé par verso naguère est en train de prendre un peu la
poussière, d'y placer ce qu'on peut trouver sur ces photographes-là.
Quelques références, quelques images, pourquoi pas ? L'alphabet n'a pas de fin.

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Marianne Breslauer (1909-2001)

« Née à Berlin en 1909, Marianne Breslauer a pris des cours de photographie à Berlin avant d'arriver à Paris à l'age de 20 ans. Elle rencontre Man Ray et très vite se retrouve dans le milieu artistique du quartier Montparnasse.
Oubliée pendant des années, son œuvre a été redécouverte dans les années 80, et cette exposition lui rend hommage.  Les photos ont bien vieilli. Elles ont conservé leur fraîcheur. Un vrai regard ! »

Source : https://vivreaberlin.com/marianne-breslauer.html

Marianne Breslauer, Sacrow, 1934

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Marianne Breslauer, PAMPLONA, 1933

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Dora Kallmuss (1881-1963)

« Dans les années 1920, la photographe autrichienne Dora Kallmus, alias Madame d'Ora, se rend à Paris et immortalise les personnalités du monde de l'art et de la mode. Après la guerre, elle photographie les abattoirs de Paris ainsi que des prisonniers de guerre allemands et autrichiens de retour dans leur pays. »

Source : https://www.arte.tv/fr/videos/081264-000-A/les-photographies-de-madame-d-ora/

Un site de photos de Dora Kallmuss :

https://www.widewalls.ch/madame-d-ora-dora-kallmus-photography/

Foujita, par Dora Kallmuss (1927)

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Friedl Dicker (1898-1944)

« La vie de Friedl Dicker-Brandeis s'acheva tragiquement à Auschwitz en octobre 1944.
Jusqu'alors, elle avait dévoué sa vie à l'art et à l'éducation – et cela même au camp de Theresienstadt,
où avec d'autres personnes instruites, elle avait fourni aux enfants un petit peu de vie normale. »

Source : https://www.bauhaus100.de/en/past/people/students/friedl-dicker/

Pour plus de précisions sur son travail :

https://awarewomenartists.com/artiste/friedl-dicker-brandeis/
Friedl Dicker, Das Bürgertum faschisiert sich (photographie après photocollage, 1932 – 1933)


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Edith Suschitzky (1908-1973)

« Edith Tudor-Hart, née Suschitzky le 28 août 1908 à Vienne et morte le 12 mai 1973 à Brighton, en Angleterre, est une photographe britannique d'origine austro-hongroise dont certaines des œuvres sont exposées à la National Gallery de Londres. » (source : Wikipedia)
Elle adhère très jeune au parti communiste, « apprend la photographie au Bauhaus et ses clichés sur les révoltes ouvrières et la misère des chômeurs de Vienne en ce début du xxe siècle la rendront célèbre. Militante activiste menacée par le pouvoir, elle émigre en Angleterre, où elle se fait connaître pour son travail de photojournalisme. Devenue espionne pour le KGB, elle joue un rôle-clé dans le recrutement de Kim Philby, le plus célèbre des Cinq de Cambridge. » (source : Actes Sud)
Son petit-neveu, Peter Stephan Jungk, a écrit l'histoire de sa vie (La chambre noire d'Edith Tudor-Hart) et réalisé un documentaire sur sa vie, Tracking Edith.

Plus de détails ici :

https://artblart.com/2014/01/08/exhibition-edith-tudor-hart-in-the-shadow-of-tyranny-at-the-wien-museum-vienna/

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Annie Schulz, etc.

Les autres photographes de la « sororité » berlinoise sont imaginaires.

W. Boyd le confirme dans une interview au sujet d'Hannelore Hahn : «Many readers will find themselves assuming that Amory
—or at least her fellow photographers Hannelore Hahn or Mary Poundstone, or her lover Jean-Baptiste Charbonneau —
have some background in historical fact. None do so.
»

https://www.thebookseller.com/profile/william-boyd-interview-308893

Il existe bien une Hannelore Hahn, qui à cinq ans croisa Hitler dans un parc de Dresde alors qu'elle allait y nourrir les cygnes,
et dont la famille quitta ensuite l'Allemagne pour échapper aux persécutions, mais ce n'est pas une photographe.
Jutta Gottschalk est le nom d'une nageuse allemande. Quant à Edeltraud Hartmann, aucune trace d'une
photographe de ce nom.

Reste Annie Schulz ( ? - ?), dont la seule œuvre trouvée est le portrait (c. 1930)
d'une autre photographe, à la vie beaucoup mieux documentée, Trude Fleischmann (1895–1990).

madko

#1412
Clay vs Capa : une leçon d'authenticité photographique.

madko

Clay vs Capa : une leçon d'authenticité photographique (2)

En 1944, Miss Clay suit l'armée américaine jusque dans les Vosges et photographie la mort d'un GI lors d'une escarmouche. Ce qui l'amène, bien des années plus tard, et en toute modestie, à comparer son travail à celui de Robert Capa, - qu'elle a aperçu une fois, lors d'une soirée au Ritz, dans Paris libéré, alors qu'il passait les nuits aux tables de poker.

Et cette comparaison est l'occasion pour W. Boyd de relancer le débat sur l'authenticité d'une des plus célèbres photos de Capa.

« Je n'avais jamais – jusqu'à présent - publié cette photo du soldat Anthony Sasso, que j'ai prise à l'instant même de sa mort. J'ai appris son nom plus tard – il fut la seule victime de la contre-attaque avortée de Villeforte, et la chance, bonne ou mauvaise, a voulu que je sois là pour conserver le moment de sa mort à la postérité.

Une fois développée et imprimée, j'ai tout de suite nommé cette photo 'Falling Soldier', en référence à celle, fameuse, que Capa avait prise d'un Républicain tombé pendant la guerre d'Espagne : son fusil lui échappe, il est rejeté en arrière, les bras ouverts dans un geste dramatique, sur fond de collines broussailleuses. C'est l'une des plus fameuses photos de guerre jamais prises, et elle a fait le renom de Capa. Bien sûr, cette image a engendré nombre de controverses. Avait-on affaire à une photo truquée ? A une séance photo soigneusement mise en scène ? D'autres questions surgissent : les gens meurent-ils vraiment d'une façon si théâtrale (in such a histrionic way) quand une balle les touche ? Est-ce qu'une balle de fusil ou de mitraillette peut vous projeter ainsi en arrière ? Je pense que là est le problème. Le soldat de Capa, qui tombe à la renverse, les bras ouverts, n'aurait pas paru déplacé dans un western de série B. On dirait qu'il est en train de mourir en scène (on stage).

Par contraste, ma photo de la mort d'Anthony Sasso est banale à l'extrême. Il vient juste d'être touché par une balle, et son visage, le temps d'un fragment de seconde, enregistre instinctivement le choc, et la réalisation de ce qui vient de se passer. La secousse de l'impact l'a fait légèrement se redresser, et la jugulaire de son casque est lancée en avant par l'arrêt instantané de sa course. J'ai découvert plus tard que la balle avait pénétré sous son aisselle droite, et déchiqueté sa cage thoracique. Il était déjà mort en touchant le sol, une demie seconde plus tard.

Et j'étais là. Ma photo suivante, où l'on voit ses camarades assemblés autour de son corps, est surexposée et floue (j'étais en état de choc) mais elle est authentique. La photo suivante de Capa ne fait qu'ajouter aux interrogations. Le corps a été déplacé. L'arrière-plan diffère légèrement. Trop d'anomalies.

(And I was there. My follow-up photo of his comrades gathered round his body is overexposed and blurry (I was in shock) but it is authentic. Capa's follow-up shot just adds more queries. The body has been moved. The background is slightly different. Too many anomalies.) »

madko


Acknowledgements

Sweet Caress se termine par des remerciements, dont le Guardian du 6 sept. 2015 souligne l'originalité,
« dans la mesure où il est probable qu'ils consistent entièrement de gens qu'il n'a jamais rencontrés, et qui sont maintenant morts.
Mais au lieu de l'habituel blabla sentimental (the usual sentimental guff) aux éditeurs, agents et autres loyales épouses,
Boyd adresse ses remerciements, parmi les femmes les plus célèbres comme reporters et photographes du 20ème siècle,
à une liste de 32 d'entre elles, ces pionnières qui se sont fait un nom dans un domaine que dominaient les hommes. »

« Mais, ajoute l'auteur de l'article, Elizabeth Day, il ne faut pas se fier aux apparences.
Au milieu des noms de femmes qui ont réellement existé – Annemarie Schwarzenbach, Martha Gellhorn, Dickey Chapelle,
Diane Arbus, Rebecca West – ont pris place plusieurs des créatures fictives de Boyd. Ainsi, on ne trouve pas trace sur Google
d'une Renata Alabama ou d'une Mary Poundstone. Et cependant, toutes deux apparaissent dans les pages du roman de Boyd,
et sont dessinées avec un réalisme si convaincant qu'on y doit regarder à deux fois – et qu'on ne peut s'empêcher de souhaiter
qu'elles aient vraiment existé. »

Source : https://www.theguardian.com/books/2015/sep/06/sweet-caress-william-boyd-review-textual-hall-mirrors-brilliant-story-life-well-lived

Voici la liste de ces « remerciements »

« Hannelore Hahn, Annemarie Schwarzenbach, Margaret Michaelis, Lee Miller, Gerda Taro, Trude Fleischmann,
Gloria Emerson, Steffi Brandt, Martha Gellhorn, Constanze Auger, M.F.K. Fisher, Nina Leen, Gerti Deutsch,
Lily Perette, Harriet Cohen, Greta Kolliner, Louise Dahl-Wolfe, Renata Alabama, Marianne Breslauer, Lisette Model,
Edith Tudor-Hart, Françoise Demulder, Dora Kallmuss, Catherine Leroy, Edith Glogau, Dickey Chapelle,
Margaret Bourke-White, Mary Poundstone, Diane Arbus, Rebecca West, Kate Webb, Inge Bing (and all the others). »

Parmi elles, Amory Clay est censée avoir croisé Marianne Breslauer, Dora Kallmuss et Edith Tudor-Hart.
Mais Friedl Dicker et Annie Schulz, qu'elle dit avoir connues aussi, sont absentes de la liste, ou peut-être
sont-elles logées dans le flou de la parenthèse finale. Ce qui serait assez ironique, au vu du sort tragique
de la première, et de l'ignorance qui enveloppe la seconde, apparemment répertoriée uniquement
pour le portrait qu'elle a fait de Trude Fleischmann – qui, elle, figure bien dans la liste des remerciées.

Quoi qu'il en soit, voici donc de nouveaux noms de photographes. Certains me sont connus et ont déjà été
évoqués dans l'alphabet de verso. Mais il en est quelques autres qu'il me reste à découvrir.
Et à d'autres aussi, peut-être.

madko



Annemarie Schwarzenbach (1908-1942)

« Pionnière du reportage, Annemarie Schwarzenbach a mené une vie (...) extraordinairement émancipée pour son temps,
voyageant seule en Espagne, dans le Sud des Etats-Unis, en Europe du Nord, en Afrique, et en Asie. (...)
Elle effectua son voyage le plus célèbre en 1939 en compagnie de l'écrivaine et voyageuse Ella Maillart.
Au volant d'une Ford, elles se rendirent toutes deux en Perse puis en Inde via les Balkans.
Travaillant pour le journal Zürcher Illustriete (...) et pour la Nationalzeitung (...) Schwarzenbach a photographié
tout ce qui était exotique à ses yeux d'Européenne et de Suissesse, notamment des mosquées.
Il apparaît également clairement qu'elle se mettait volontiers en scène elle-même ainsi que sa voiture. »

« Le métier de reporter, dit Christa Baumberger, qui gère le fonds Schwarzenbach aux Archives littéraires suisses,
est né dans les années 1920 parallèlement au mouvement de la Nouvelle Objectivité. On voit dans son écriture elle-même,
mais aussi dans ses photos, qu'elle se considérait profondément comme une reporter. »

Source : https://www.rts.ch/info/culture/arts-visuels/9097069-plus-de-3000-photos-d-annemarie-schwarzenbach-en-libre-acces.html
Annemarie Schwarzenbach, par Marianne Breslauer

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Margarethe (Margaret) Michaelis (1902-1985)

Margarete Michaelis, née Margarethe Gross dans une famille juive de Dzieditz, près de Bielsko (actuellement en Pologne),
étudie à Vienne au Graphische Lehr-und Versuchsanstalt (Institut des Arts Graphiques Arts et de la Recherche).
Elle travaille au Studio d'Ora, puis dans divers studios de Berlin et de Prague. Détenus un temps par les nazis fin 1933,
elle et son mari, Rudolf Michaelis, un anarcho-syndicaliste, fuient en Espagne, où elle monte sa propre affaire à Barcelone, Foto-elis,
et collabore avec un groupe d'architectes catalans associés à Josep Lluis Sert.
Ses photos documentaires, publiées dans les magazines A.C. and D'Ací i d'Allà, jouent un rôle important dans la représentation
de la modernité barcelonaise. Lorsque la guerre civile éclate, elle publie dans la presse républicaine, dont Nova Iberia.

Rentrée dans sa famille à Bielsko, Margarethe Michaelis obtient un passeport allemand et part pour l'Australie. 
Arrivée à Sidney en septembre 1939, elle anglicise son prénom en Margaret et ouvre 'Photo-studio' dans Castlereagh Street.
Ses portraits sont publiés dans  Australia et Australian Photography. Elle est le seul membre féminin de l'Institute
of Photographic Illustrators.
Bien que le gouvernement australien l'ait placée sous surveillance pendant la guerre, elle est naturalisée en 1945.
Mais des problèmes de vue la contraignent à fermer son studio en 1952.
En 1981, son travail est inclus dans l'exposition itinérante Australian Women Photographers 1840-1960.
Après sa mort, des rétrospectives lui sont consacrée par la National Gallery of Australia, Canberra (1987, 2005)
et l'Institut Valencià d'Art Modern Centre Julio González, Spain (1998).
Ses œuvres se trouvent à la National Gallery of Australia et à l' Arxiu Històric del Col.legi d'Arquitectes de Catalunya, Barcelone.

Source :  article d'Helen Ennis publié dans le Australian Dictionary of Biography, Vol. 18, 2012
http://adb.anu.edu.au/biography/michaelis-margarethe-margaret-14956

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#1418
Lee Miller (1907-1977)

Après des études de théâtre et d'arts plastiques (Beaux Arts à Paris, puis New York), elle devient mannequin pour Vogue.
En 1929, elle revient à Paris, apprend la photographie auprès de Man Ray, et signe de ce nom les images de mode qu'elle a faites à sa place.
Et c'est avec lui, qu'elle redécouvre la technique de la solarisation. Participant au mouvement surréaliste, elle devient l'amie d'Eluard et de Picasso (qui fera son portrait), et tient le rôle de la statue dans le film de Cocteau, Le sang d'un poète.
Revenue à New York, elle ouvre son propre studio et expose chez Julian Levy. Mariée à un riche homme d'affaires égyptien, elle s'installe au Caire,
et photographie le désert et les sites archéologiques (Portrait of Space). Enlevée par l'écrivain Roland Penrose, elle revient ) Londres au début de la guerre, où elle travaille pour Vogue, avant de devenir correspondante de guerre avec l'armée américaine, qu'elle suit depuis le débarquement en France, jusqu'en Roumanie, en passant par l'Allemagne, l'Autriche et la Hongrie.
En équipe avec David Scherman, photographe de Life, ses images de Buchenwald et de Dachau sont les premières à montrer concrètement la réalité des camps. Mais pour que le magazine accepte de les publier, elle doit certifier par écrit leur authenticité à Vogue.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lee_Miller
Une célèbre photo de Scherman montre Lee Miller prenant son bain dans la baignoire d'Hitler.

Lee Miller with David E. Scherman, Lee Miller in Hitler's bathtub, Hitler's apartment, Munich, Germany, 1945


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vivaldo2

#1420
[url][https://www.dussaud-g.fr/portfolio.htmlurl

J'y reviendrai,car des soucis pour vous faire partager les photos de ce photographe,que j'adore!

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Gerda Taro (1910-1937)

Morte à 27 ans, elle fut la première femme photographe de guerre tuée lors d'un conflit.
Juive allemande d'origine polonaise, Gerta Pohorylle était née en 1910 à Stuttgart.  Elle fuit l'Allemagne nazie en 1933,
et s'installe à Paris, où elle fréquente Montparnasse et ses artistes. Elle rencontre André Friedmann, qui devient son amant.
Il se fait connaître sous le nom de Robert Capa, tandis qu'elle prend celui de Gerda Taro.

En compagnie de Capa, elle se rend avec en Espagne pour couvrir la guerre civile, et c'est  près de Madrid, fin juillet 1937,
sur le champ de bataille de Brunete, qu'elle est tuée par un tank républicain qui heurte accidentellement
« le marchepied de la voiture sur laquelle elle était montée pour quitter le village tombé aux mains des insurgés » (Ce Soir).

Paul Nizan, le « petit camarade » de Sartre à l'ens, ramène le corps de son amie en France, et le 1er août 1937,
son enterrement est suivi par des milliers de personnes portant des drapeaux rouges. Neruda et Aragon prononcent son éloge funèbre,
et elle est enterrée au Père-Lachaise, près du mur des Fédérés, dans une tombe dessinée par Giacometti.

Plusieurs livres ont été écrits sur Gerda Taro. Le dernier paru est un roman écrit en italien par Helena Janeczek,
La ragazza con la Leica (Guanda, octobre 2017). La vie de « la fille au Leica » y est retracée de trois points de vue différents,
par trois personnes qui l'ont bien connue au cours de ses années allemandes et parisiennes : « Ruth Cerf, l'amie de Leipzig,
avec laquelle elle a partagé ses années les plus difficiles à Paris, après sa fuite d'Allemagne ; Willy Chardack, qui s'est contenté
du rôle de chevalier servant depuis qu'elle lui a préféré George Kuritzkes, celui qui s'est engagé pour combattre dans les Brigades
internationales. Gerda va rester pour tous une présence plus forte et plus vivante que l'héroïne antifasciste que tout le monde célèbre. »

Le roman d'Helena Janeczek s'ouvre sur un Prologue – « Couples, photographies, coïncidences #1 », où sont présentées et analysées
plusieurs photos de Gerda Taro et de Capa prises au début du mois d'août 36 à Barcelone. Deux d'entre elles sont particulièrement frappantes, puisque le couple de reporters a photographié le même couple de volontaires espagnols assis sur des fauteuils, sans doute sur les Ramblas,
suscitant ainsi quelques jeux de miroir propres à mettre l'histoire en route.

La photo de Gerda Taro :

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Leica ou Reflex-Korelle ?

« Un brun et une blonde qui photographient une blonde et un brun heureux et rieurs. »
C'est ainsi qu'Helena Janeczek résume la scène. « La blonde déclenche la tête inclinée, avec un appareil qui lui dissimule le front.  Le brun travaille avec un appareil si petit qu'il laisse voir ses sourcils, touffus comme ceux du milicien. Puis, à peine fini de photographier, ils se mettent à rire à leur tour, exubérants et complices. (...) Ces deux-là se sont reconnus dans les deux autres, et ils sont tout autant amoureux qu'eux. »

Tout cela est bien beau, mais de quels appareils se sont donc servi Taro et Capa pour prendre ces deux photographies quasiment jumelles ?

La suite du roman d'Helena Janeczek apporte quelques précisions à ce sujet.

« Une menue coïncidence a voulu que les photographes, à peine débarqués à Barcelone, soient tombés sur un couple qui leur ressemblait. Et vraiment, c'était bien le fruit du hasard si Gerda Taro avait réussi à prendre la photo d'un rire à son comble, pendant que Robert Capa perdait peut-être quelques secondes à ajuster son grand-angle. Si elle s'était servie de l'appareil avec lequel il lui avait appris à photographier – le Leica – ses négatifs à elle aussi auraient eu le format rectangulaire qui permet d'attribuer à Capa la seconde photo du couple (...) Et Gerda n'aurait pas obtenu une image carrée parfaitement centrée, si elle ne s'était pas munie d'un reflex économique moyen format, un Reflex-Korelle. »

Et voilà où gît le lièvre - et se pose la question : le roman de Janeczek aurait-il été plus fidèle à la réalité s'il s'était appelé
La ragazza con la Reflex-Korelle ?

Le choix de Leica dans le titre n'est pas anodin. C'est l'appareil de son apprentissage, celui que Capa utilisait à Paris quand elle l'a rencontré. Ils n'avaient pas beaucoup de moyens, mais quand les rentrées ont été suffisantes, il a pu s'offrir un Contax, dit le roman, et passer le Leica à Gerda.

Il n'en reste pas moins que la question de savoir quel appareil Taro utilisait en Espagne a donné lieu à une véritable enquête, dont on peut lire le détail passionnant sur le site elrectanguloenlamano :

[url]http://elrectanguloenlamano.blogspot.com/2014/09/discovery-made-by-irme-schaber-verified.html[url]
On y apprend incidemment que Capa utilisait, non pas un, mais deux Leica en Espagne :

« Gerda Taro used a medium format camera during her first months of stay in Spain getting pictures, in the same war as Capa, though he used two 35 mm format Leica cameras: a Leica II (Model D) with Leitz Elmar 50 mm f/3.5 and a Leica III (Model F) with Leitz Summar 5 cm f/2. »

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Mis-shot

A la fin de Sweet Caress, Amory Clay dresse une liste des 13 catégories
entre lesquelles se répartiraient forcément toutes les photographies
possibles (sans exclure les photos qui  combinent plusieurs catégories).

Aide-mémoire, reportage, œuvre d'art, photographie topographique,
érotisme / pornographie, publicité, image abstraite, « Literature »,
« Text », « Autobiography », composition, illustration, instantané.

On peut discuter ce nombre, et la nature de certaines catégories : qu'est-ce
que la photographie a donc à voir avec la littérature ? et que faut–il comprendre
par "text"  ? Autobiographie = autoportrait ?
Ces questions sont aussi inépuisables que paraît vaine une telle tentative de classification,
- comme le sont toutes les entreprises totalisantes du même style.

Miss Clay y adjoint toutefois une 14ème catégorie, qui rachète par sa trouvaille
la discutable rigueur des 13 autres : c'est ce qu'elle nomme « mis-shot », qu'il est
difficile de rendre en français, sinon par une périphrase. A la chasse, ce serait
un coup manqué, et qu'on a donc tiré pour rien. Mais le « snapshot » raté,
l'instantané déficient n'est pas pour autant perdu. Il survient par la faute du
photographe, qui a surexposé, bougé ou mal cadré. La photo est-elle ratée
pour autant ? Que le hasard s'en mêle, et l'erreur devient féconde. Paradoxalement,
dans le roman de Boyd, Miss Clay doit sa photo la plus fameuse (et qu'un prix
récompensera – le seul de sa carrière) à un « mis-shot » :

« I suppose a mistake might function beneficially in other arts (...)
but only in photography can our errors
so easily become real virtues, again and again and again.
»
Amory Clay, 'The Confrontation', winner of the Matthew B. Brady Award, 1968.