Les photographes par l'alphabet...

Démarré par Verso92, Mai 20, 2013, 20:56:35

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#1450


Florence Henri (1893-1982)

Lisette Model avait été amenée à la photo par son amie Rogi André (cf ci-dessus) et par sa sœur Olga Seybert, également photographe,
mais à propos de laquelle je n'ai rien trouvé de précis (sinon sa photo par Lisette Model).
En revanche, le parcours artistique de celle qui contribuera à former Model (ainsi que Gisèle Freund), Florence Henri,
est beaucoup mieux documenté.

Née à New York en1893, Florence Henri quitte définitivement les Etats-Unis à la suite de la mort de sa mère, et passe son enfance
en voyages entre sa famille de Silésie (qui fait alors partie de l'Allemagne), l'école d'un couvent parisien, Londres et l'île de Wight.
Formée au piano, elle étudie la musique avec Ferruccio Busoni à Rome, et s'y lie avec d'importantes figures du Futurisme.
Revenue à Berlin pendant la première guerre mondiale, elle accompagne au piano quelques films muets, avant d'abandonner
sa carrière musicale pour la peinture.

En 1924, l'entrée en France lui est refusée, et déclarée apatride, elle acquiert la citoyenneté helvétique par le biais d'un mariage
expéditif avec un domestique suisse. Elle peut alors commencer à Paris l'étude de la peinture avec André Lhote (et non « Lothe »,
comme on l'écrit sur le site du Jeu de Paume) et Fernand Léger, et à travailler le langage visuel du cubisme tardif.
En 1927, c'est la photographie qu'elle étudie au Bauhaus, avec László Moholy-Nagy.  Son amie Lucia Moholy encourage
ses expériences avec des miroirs, des prismes et autres surfaces réfléchissantes, qui lui permettent d'isoler, de dédoubler,
et d'opérer toute sorte d'interactions avec ses sujets. C'est là un des traits les plus remarquables – et des plus aventureux –
de son travail : déconcerter l'aptitude du spectateur à faire le départ entre la réalité et son reflet.

Elle expérimente aussi le photomontage, les expositions multiples, les photogrammes, l'impression en négatif,
construisant avec cohérence des images qui « déconstruisent » (comme aurait dit Derrida) la capacité de l'appareil
à fabriquer du réalisme, et produisant ainsi des espaces imaginaires aux multiples facettes. La complexité ambiguë
des compositions de Florence Henri et la désorientation spatiale et psychologique qui en résulte, constituent des exemples
virtuoses des expérimentations techniques du Bauhaus, mais explique aussi que son travail reste présent dans les débats
sur le surréalisme.

Jusqu'à la fin des années 30, elle produit ses œuvres les plus connues, ouvre un studio à Paris, et applique ses techniques
photographiques à la publicité. Elle renonce à la photo au début des années 60, et vit en France jusqu'à sa mort en 1982.

Source : Anna Linehan,  International Center of Photography
[url] https://www.icp.org/browse/archive/constituents/florence-henri?all/all/all/all/0[url]
Et aussi, pour un aperçu de ses techniques photographiques:
[url] http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=2207[url]

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Tina Modotti (1896–1942)

« Les photos de Tina Modotti conjuguent la rigueur formelle et la conscience sociale.
Née en Italie, elle émigre aux Etats-Unis à 16 ans. Elle joue dans des pièces de théâtre
et dans des films muets, et travaille comme modèle d'artistes au cours de ses premières années dans le pays.
En 1920, elle rencontre Edward Weston, qui sera son mentor et son amant, et d'une grande influence
sur son travail ultérieur. Ils s'installent en 1923 à Mexico, cette ville cosmopolite où des expatriés culturels et politiques,
tels Eisenstein ou Trotsky, croisent la bohême artistique et intellectuelle du Mexique, comme Frida Kahlo et Diego Rivera.

Parallèlement au studio de portrait qu'elle a ouvert avec Weston, les photos que Modotti prend des gens, des paysages
ou de l'art populaire vont servir de points de départ à ses images plus abstraites de l'architecture et de l'urbanisme :
« Telephone Wires, Mexico », « Staircase », « Stadium, Mexico City ».

Ses préoccupations sociales émergent dans des photos comme « Worker's Hands », tranquille célébration de la dignité ouvrière,
et « Mella's Typewriter », où peuvent se déchiffrer ses penchants politiques. Modotti a rencontré Julio Antonio Mella,
un révolutionnaire cubain qui fait figure de héros parmi les progressistes d'Amérique Latine, lors d'une manifestation à Mexico,
en 1928, contre l'exécution des anarchistes Sacco et Vanzetti. L'année suivante, Mella est assassiné alors qu'il rentrait chez lui
en compagnie de Tina Modotti. La photo de sa machine à écrire forme un portrait symbolique de la vie de Mella
autant qu'un emblème des sympathies communistes de Tina Modotti, qui la conduisent à quitter le Mexique pour Moscou, en 1930.

Elle y rejoint le PC soviétique, et abandonne complètement la photographie en 1931, pour se consacrer au travail social.
A sa mort, en 1942, elle laisse une œuvre brève mais influente, qui reflète intensément sa vision de la classe ouvrière mexicaine,
passée au filtre d'une forme précise, dans le langage exigeant de sa pratique photographique. »

Source : Kelly Sidley, Curatorial Assistant, Department of Photography, MoMA 2016
[url]https://www.moma.org/artists/4039[url]

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#1452
Gisèle Freund (1908-2000)

« Gisèle Freund naît, en 1908, à Schöneberg près de Berlin. Adolescente, son père lui offre un appareil photographique Leica
qui ne la quittera plus [selon Roland Quilici, sur le site photophiles.com, c'est d'abord un Voigtländer 6x9, et le Leica vient ensuite,
une fois son bac obtenu]. Elle étudie la sociologie à l'Université de Francfort [où elle a pour professeur Theodor Adorno, Karl Mannheim
et Norbert Elias. C'est à l'université qu'elle fait connaissance de Walter Benjamin, célèbre philosophe avec qui elle entretient des rapports d'amitié.]
 
Mais devant la montée du nazisme, elle fuit l'Allemagne et termine ses études à Paris, où elle prend la nationalité française,
[apprend l'art du portrait avec Florence Henri], et soutient une thèse sur La Photographie en France au XIXe siècle, qu'elle éditera, grâce à Adrienne Monnier en 1936.  C'est par celle-ci qu'elle rencontre et côtoie de nombreux écrivains, alors peu connus, dont elle fait des portraits qui la rendront célèbre, à commencer par celui de Malraux.

« Je voulais écrire moi-même et je ne pouvais pas le faire : j'étais à cheval sur plusieurs langues. Mais j'adore la littérature et je n'ai photographié que ceux qui m'intéressaient, dont je connaissais les livres. » (GF, 1992)

Dès 1938, elle est la première femme à réaliser des portraits en couleurs, en utilisant des pellicules Agfacolor. Elle immortalisera ainsi Michaux, Yourcenar, Cocteau, Beckett, Gide, Woolf et bien d'autres personnalités dont Mitterrand.

« Je crois que la meilleure que j'ai faite, c'est celle de la table de Virginia Woolf, à un moment où elle ne s'est pas rendu compte que je la photographiais. Tous ses problèmes sortaient vraiment de cette table. » (GF, 1992)

Fuyant la France pendant la guerre, elle part réaliser des reportages en Amérique Latine, puis devient la première femme photographe
chez Magnum en 1948, [en 1947, selon le site photophiles.com, et à l'invitation de Robert Capa – mais c'est Capa qui la mettra
lui-même à la porte de l'agence, lorsqu'elle sera soupçonnée de communisme en pleine période de chasse aux sorcières... ].

« Il y a beaucoup de choses que je ne voulais pas photographier. On m'a reproché que je ne suis pas allée photographier une guerre,
parce que j'ai dit non. J'ai toujours cru, et c'est pour ça que j'étais intéressée dans la photo, que grâce à la connaissance du monde
à travers la photo, les gens ne se tueraient plus. Si je connais quelqu'un très bien, pourquoi je vais le tuer ? Mais je me suis trompée.
J'ai compris, un jour, que ce n'est pas vrai, que les gens se tuent quand même. » (GF, 1992)


Elle est invitée à exposer ses oeuvres par le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, en 1968, et en 1991, une grande rétrospective
lui est consacrée par le Centre Pompidou. Reconnue comme une des plus grandes photographes-portraitistes du XXe siècle dans le monde
entier, elle décède à Paris en 2000, après avoir reçu de nombreuses récompenses et donné à l'Etat plus de 300 photographies. »

Emmanuel Zbinden (sauf les passages entre [ ... ], et les citations de GF, en italiques)

Source de l'article et des citations :
[url]http://fresques.ina.fr/europe-des-cultures-fr/fiche-media/Europe00190/gisele-freund.html[url]

Les passages entre [ ... ], proviennent de ce site, plus précis sur bien des points.
[url] http://www.photophiles.com/index.php/biographies/1156-gis-freund[url]

Une série de portraits par Gisèle Freund, à la Galerie Clairefontaine :
[url] http://www.gisele-freund.com/[url]

La table de travail de Virginia Woolf (Sussex, 1967)

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La balise mexicaine

Csiki Weisz, Kati Horna, Tina Modotti, Gisèle Freund sont tous passés par le Mexique à un moment ou à un autre
de leurs itinéraires photographiques, et, si l'on peut se permettre un jeu de mots par référence à la légendaire valise
qui sauvegarda les négatifs de Capa, Taro & Chim, Mexico City a joué pour eux tous, surtout quand ils cherchaient
refuge hors de l'Europe en guerre, le rôle que jouent phares et balises pour les gens de mer...

Mais si l'on avait demandé à Kati Horna : « Connaissiez-vous Gisèle Freund ? », la réponse risquait d'être un peu décevante.
Pour en apprécier les  circonstances, il est recommandé de lire l'article que leur consacre Mina Carson (référence ci-dessous),
et dont voici, à grands traits, le passage final :

« Horna et Freund avaient été conduites à la photographie par des chemins similaires mais lorsque Gisèle Freund s'enfuit
d'Europe, en 1942, elle s'établit d'abord en Argentine, et ne vint au Mexique que dans les années 50. Là, elle entra en contact
avec les mêmes personnes que Kati Horna. Chacune suivait son propre style photographique, mais toutes deux se firent
les documentaristes de leurs communautés respectives. Juives, de gauche et rescapées de l'Europe nazie, elles avaient
un passé comparable, et c'étaient toutes deux des pionnières dans leur domaine.

Mais ce rendez-vous que favorisait l'Histoire fut pourtant manqué, et cela pour plusieurs raisons. G. Freund n'avait pas
fréquenté à Paris le même genre d'artistes militants que K. Horna à Berlin. Freund ne resta que brièvement à Mexico,
quand Horna y demeura jusqu'à sa mort. Horna était l'amie d'enfance de Capa, et c'est Capa qui avait engagé Freund à Magnum,
mais c'est le même Capa qui l'en chassa, lorsque Freund connut des ennuis avec la Commission des activités anti-américaines.
Et G.Freund était déjà devenue persona non grata en Argentine, quand LIFE magazine publia ses photos d'Eva Peron
couverte de bijoux au beau milieu d'une campagne d'austérité menée par le gouvernement de Buenos Aires –
ce qui lui avait fait gagner Mexico...

Les deux femmes moururent la même année, en 2000. Horna à Mexico, Freund à Paris. Celle-ci était bien sûr
la plus connue des deux, et la plus célébrée, les honneurs l'ayant comblée dans son pays d'adoption bien avant sa mort.
De son côté, Horna a fait l'objet de nombreuses rétrospectives, mais il est honnête de convenir que, si son œuvre
est dans l'ensemble exquise, ses travaux surréalistes sont moins accessibles au spectateur ordinaire. »
Source : [url] https://historianslens.wordpress.com/2014/09/11/kati-horna-did-you-know-gisele-freund/[url]

Frida Kahlo, par Gisèle Freund

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Maria Eisner (1909-1991)

Quand on lit l'histoire de Magnum Photos telle qu'elle est présentée sur son site (cf lien ci-dessous), on apprend
que deux ans après l' « apocalypse » mondiale, l'agence a été fondée par quatre photographes – Robert Capa,
Henri Cartier-Bresson, George Rodger et David « Chim » Seymour – tous profondément marqués par le conflit,
et mais également motivés par la curiosité pour ce qui en avait survécu. « Ils créérent Magnum en 1947
comme un reflet de leurs natures indépendantes de personnes et de photographes, et ce mixte idiosyncrasique
du reporter et de l'artiste continue à définir Magnum, qui met l'accent autant sur ce qu'on voit que sur la façon dont on le voit. »

Quelques paragraphes plus bas, consacrés aux motivations propres à chacun de ces quatre mousquetaires,
il est indiqué que Magnum était une coopérative où le personnel, dont les cofondatrices Maria Eisner et Rita Vandivert,
apporterait aux photographes un soutien plus qu'une direction. Rita était l'épouse de William Vandivert, qui avait aidé à
fonder Magnum avant de s'en aller, en 1948 ; c'est elle qui présida la coopérative (jusqu'en juillet 1948),
et dirigea le bureau de NY, à son ouverture. Une recherche sur Google n'apprend pas beaucoup à son sujet,
sinon qu'elle a signé, avec son mari (pour les photos), des livres sur les animaux de compagnie,
comme Favorite Pets – How to Choose and Care for Them.

Maria Eisner dirigea le bureau de Magnum à Paris jusqu'en 1951. D'après sa nécrologie du NY Times,
elle était née à Milan, et après des études en Allemagne, elle avait lancé Alliance Photos à Paris, dans les années 30,
pour rejoindre les Etats-Unis au début de la guerre. Et, dit le NY Times, c'est à elle que l'on doit d'avoir rassemblé
les cinq photo-journalistes (cette fois William Vandivert est compté au nombre des pères fondateurs)
« who formed the creative core of Magnum ».

Sources :

[url] https://www.magnumphotos.com/about-magnum/history/ [url]

[url] https://www.nytimes.com/1991/03/10/obituaries/maria-eisner-lehfeldt-photo-editor-82.html[url]

Maria Eisner, par HCB

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William Vandivert (1912-1997)

Moins célèbre que Capa, Chim ou HCB, le quatrième (ou faut-il dire le cinquième ?) co-fondateur de Magnum,
après des études de chimie, fréquente l'Art Institute de Chicago, et devient photographe, avant de couvrir pour LIFE
les différents théâtres de la guerre. En avril 1945, il est le premier reporter occidental à photographier les ruines de Berlin
et le bunker de Hitler. Il quitte Magnum un an après ses débuts, et publie de nombreux reportages dans Fortune,
avant de se consacrer, avec sa femme Rita, à la photographie documentaire et aux livres sur les animaux.

Source : [url] https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Vandivert[url]   

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Georg Rodger (1908-1995)

Né dans le Cheshire, il sert dans la marine marchande britannique, et après un court séjour en Amérique,
il travaille comme photographe pour The Listener magazine de la BBC, puis en 1938, pour la Black Star Agency.

Ses images du blitz attirent l'attention de LIFE magazine, et, devenu correspondant de guerre, il couvre l'action des Forces Françaises Libres
en Afrique occidentale ; il poursuit ses reportages du front en Erythrée, en Abyssinie et au Sahara, et se rend aussi en Iran, en Birmanie,
en Sicile et à Salerne, où se lie d'amitié avec Robert Capa.

Ayant couvert la libération de la France, de la Belgique et des Pays-Bas, Rodger entre parmi les premiers à Bergen-Belsen, en avril 1945.
En mai, il photographie la reddition allemande à Lüneburg pour Time et LIFE.

Mais pour Georg Rodger, rechercher de belles compositions ('nice compositions') devant tous ces morts ne va pas sans conséquence, et, traumatisé par l'expérience, il embarque pour un voyage de 28, 000 miles à travers l'Afrique et le Moyen-Orient, focalisé sur la faune, les rites
et les mœurs en étroite relation avec la nature.

En 1947, il est invité à rejoindre les autres fondateurs de Magnum. Son voyage suivant traverse l'Afrique du Cap au Caire. Il en rapporte d'extraordinaires images des peuples Noubas du Kordofan, qui paraissent dans le National Geographic en 1951.
L'Afrique restera plus de trente ans au cœur de ses préoccupations.

« You must feel an affinity for what you are photographing. You must be part of it,
and yet remain sufficiently detached to see it objectively.
Like watching from the audience a play you already know by heart.
» (Georg Rodger)

« Il faut ressentir une affinité pour ce que l'on photographie. Il faut en faire partie, et cependant,
rester suffisamment détaché pour le voir objectivement.
C'est comme regarder, du point de vue des spectateurs, une pièce de théâtre que l'on connaît déjà par cœur. » (Georg Rodger)
Source :
[url]http://pro.magnumphotos.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=MAGO31_9_VForm&ERID=24KL53ZWR0 [url]

Georg Rodger – Bergen-Belsen, 1945

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#1458
David Seymour (1911-1956)

Né en 1911 à Varsovie, dans une famille d'éditeurs qui produisait des œuvres en yiddish et en hébreu,
David Szymin étudie l'imprimerie à Leipzig, puis la physique et la chimie à la Sorbonne dans les années 30.
Un ami de sa famille, David Rappaport, qui avait ouvert Rap, une agence photo innovatrice, lui prête un appareil,
et le voilà lancé dans ses premiers reportages, comme celui sur les travailleurs nocturnes,
réalisé sous l'influence du Paris de nuit  de Brassaï (1932).

Le nom polonais de Szymin n'est pas facile à prononcer pour un Parisien – et peut-être aussi pour un Hongrois:
dans le roman d'H. Janeczek,  lorsque Csiki Weisz lui demande pourquoi il a choisi ce pseudonyme,
et si ça ne lui déplaisait pas de ne plus se faire appeler par son véritable nom,
Chim lui répond que non, et puis, « Chim », c'est sympathique, non ? pour quelqu'un qui a comme lui n'a pas l'air très malin.

En fait, il a seulement adapté à une oreille internationale la première syllabe de son imprononçable nom. « Et du reste, à Varsovie aussi,
on l'appelait toujours par un diminutif, de la même façon que Capa était « Bandi » à Budapest, et le resterait pour quelques uns toute sa vie. »
Mais dans le fond, tout ça n'avait qu'une importance relative, et Chim de conclure qu'un  nom n'est qu'un nom,
et c'est aux autres qu'il appartient (p.123-125)

Chim fait ses débuts en freelance, et dès 1934, ses reportages paraissent régulièrement dans Paris-Soir et Regards.
Grâce à Maria Eisner  et la nouvelle agence Alliance qu'elle dirige, Chim rencontre Cartier-Bresson et Capa.
De 36 à 38, il photographie la guerre civile en Espagne, puis gagne le Mexique, où il est affecté avec un groupe de Républicains espagnols émigrés.

Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, il part pour New York, où il adopte le nom  de David Seymour. Ses parents ont été tous deux tués
par les nazis ; il sert de 42 à 45 dans l'armée américaine, et se voit décerner une médaille pour son travail dans le renseignement.

En 1947, fondation de Magnum. L'année suivante, il reçoit une commande de l'UNICEF pour photographier les enfants déshérités en Europe.
Il effectue aussi des reportages sur les stars d'Hollywood qui viennent y passer leurs vacances, et sur l'émergence d'Israël. A la mort de Capa,
il prend la direction de Magnum, et dirige l'agence jusqu'au 10 novembre 1956 : ce jour-là, en déplacement près du canal de Suez pour couvrir
un échange de prisonniers, il tombe sous le feu d'une mitrailleuse égyptienne.

Judith Fried rapporte qu'en entendant un fameux photographe disserter sur la psychologie qui sous-tendait l'une de ses images,
Seymour avait remarqué :  "Tout ce qu'il vous faut, c'est un petit peu de chance et assez de force pour déclencher
(enough muscle to click the shutter)."
Il aurait pu ajouter, ajoute J. Fried : "un bon œil, du cœur, et un nez de connaisseur pour les nouvelles - tout ce dont son travail
est la preuve évidente.

La photo ci-dessous (Oxia, Greece, 1947) est extraite de Children of Europe, et montre Elefteria, une petite fille
qui n'a pas été évacuée de son lointain village, lors des ravages de la guerre civile en Grèce.
Elle vient de recevoir de l'UNICEF une paire de chaussures, et voici la légende que Chim a donné à cette photo :
"For a long time four-year old Elefteria just stared at the new shoes. Finally, her grandmother was allowed to put them on her feet.
Then the ice was broken. Elefteria ran through the village, laughing with delight. Her happiness was absolutely perfect.
"
Source :
[url] https://www.magnumphotos.com/photographer/david-seymour/ [url]

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Chim (suite)

Sur le site de Magnum, une intéressante rétrospective de ses photos, sous le titre :

David Seymour: A Life Worth Living

S'y trouvent, en particulier, quelques portraits de stars du cinéma, comme celui-ci, de Sofia Loren, en 1955.

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Csiki Weisz  (suite)

A l'approche des Allemands, Csiki Weisz (1912-2007) quitte Paris à vélo, emportant dans trois boîtes, qu'il a confectionnées
sur le modèle des maîtres chocolatiers, une sélection des négatifs de Capa, Chim et Taro. Ces 4 500 négatifs seront redécouverts
bien des années plus tard dans la fameuse Mexican Suitcase, pour reprendre le titre du documentaire de Trisha Ziff,
où l'on peut voir la veuve du "porteur de valise", la peintre Leonora Carrington (1916-2011).

Les trois photographes de la valise étaient amis, ils s'étaient tous trois fait un nom de leurs pseudonymes, et tous les trois
sont morts en reportage : Gerda Taro, en juillet 37, est écrasée par un char pendant la bataille de Brunete, en Espagne ;
Robert Capa, en mai 54, au Viet Nam, saute sur une mine anti-personnel ; et Chim, en novembre 56, est tué lors de la crise de Suez. 

Taro et Capa à la terrasse du Dôme, 1936, par Fred Stein.

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Josef Breitenbach (1896-1984)
Pablo Neruda était consul du Chili en Espagne, et entretenait des liens très étroits avec la République ;
après sa révocation, il organise en 1939 le transport de réfugiés communistes espagnols vers le Chili,
sur un bateau qu'il a affrété, le Winnipeg. Le même bateau va servir à évacuer d'Europe d'autres réfugiés,
à partir de Marseille, et « dans le groupe embarqué (outre Fred Stein), il y a d'autres photographes,
comme le fameux Josef Breitenbach, très éprouvé par sa détention, et les amies Ilse Bing et Ylla »
(La ragazza con la Leica, p.306).

Voici ce qu'on peut lire à propos de J. Breitenbach, sur le site indiqué ci-dessous (l'ordre des § a été inversé
dans la traduction, afin de commencer la notice par les éléments biographiques).

[url] https://gittermangallery.com/artist/Josef_Breitenbach/biography/ [url]

« Né à Munich dans une famille de marchands de vin, il étudie la philosophie et l'histoire de l'art à l'université, et très tôt,
s'engage dans le progressisme de gauche. Photographiquement parlant, c'est un autodidacte, et il réalise ses premières images
en 1927 en voyageant pour le commerce des vins. Il ouvre son premier studio en 1930 à Munich, et ses portraits d'acteurs,
d'artistes de cabaret, d'écrivains et de figures politiques connaissent le succès.

Quand Hitler devient chancelier en 1933, il fuit à Paris, où il entre en contact avec le mouvement surréaliste.
Bien qu'il ne s'identifie pas comme tel, sa production est incluse dans d'importantes expositions de photographie surréaliste,
aux côtés des œuvres de Man Ray, Brassaï, Henri Cartier-Bresson, Eli Lotar et Roger Parry.


Interné en 1930, il s'échappe par Marseille en 1941, et arrive à New York en 1942.
Il attire l'attention de Walker Evans, qui publie son travail dans Fortune. A l'été 44, sur l'invitation de Josef Albers,
Breitenbach enseigne la photographie au Black Mountain College. Devenu citoyen américain en 1946, il va continuer
à produire une œuvre singulière et innovante, qui inclut une série particulièrement frappante de photos sans appareil
(camera-less photographs). Ces travaux planent sur la ligne de crête entre le Surréalisme et l'Expressionisme abstrait.

Josef Breitenbach a créé un vocabulaire visuel unique en incorporant, au long de sa carrière, des procédés
aussi bien traditionnels qu'expérimentaux à toute une variété de genres. Eduqué dans un profond respect de
l'histoire de l'art et de la culture, il a œuvré avec une compréhension constante des différents styles d'expression artistique,
qu'il s'agisse du Modernisme, du Surréalisme, voire du Pictorialisme. Il a exploré ses sujets, autant sous l'angle de l'abstraction
formelle que dans leur dimension psychologique et sensuelle. Ses photographies existent comme objets esthétiques,
mais également artefacts d'une période hautement innovante de notre histoire.

Ce qui intéressait Breitenbach au plus haut point, c'était d'employer la photographie et la couleur
pour leur potentiel de transformation et d'expression. Il ne se sentait pas lié par les notions traditionnelles
qui définissent ce que devrait être la photographie, et il a donc eu recours à des techniques variées, qu'il combinait parfois :
photo sans appareil, montage, toning, bleaching, et coloriage à la main. »



A consulter aussi :

[url] https://alaloupe.wordpress.com/tag/josef-breitenbach/ [url]

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Ylla (1911-1955)
Ylla est le nom d'artiste de Camilla Koffler, née à Vienne d'une mère Serbe et d'un père Roumain, tous deux de nationalité hongroise.
Durant la première guerre mondiale, elle traverse à pied les Balkans avec sa mère, en emportant argent et bijoux de famille cousus
dans leurs vêtements ou cachés dans leurs chaussures. Elle étudie à Budapest, puis rejoint sa mère à Belgrade en 1926 pour étudier
la sculpture avec Petar Palavičini, à l'Académie des Beaux-Arts.

En 1931, elle part pour à Paris, poursuivre ses étude à l'Académie Colarossi, et les paie en travaillant avec le photographe Ergy Landau
comme assistante et retoucheuse, une expérience qui va la conduire à abandonner la sculpture. Pour ses photos d'animaux Landau
organise une exposition à la Galerie de la Pléiade, et l'accueil favorable qu'elle reçoit va lui permettre d'ouvrir un studio spécialisé
dans les portraits d'animaux. Elle fait son entrée dans le milieu artistique de Montparnasse grâce à Charles Rado de l'agence Rapho,
qui fait sa promotion dans la presse internationale. Elle publie en 1937 deux petits recueils de photos de chats et de chiens,
puis, en 1938, son premier ouvrage majeur, Petits et Grands ( Big and Little en Angleterre et aux Etats-Unis).
La même année, elle collabore avec le biologiste Julian Huxley pour son livre, Animal Language.

Sa carrière européenne est interrompue par la guerre, mais grâce au MoMA, elle obtient un visa pour émigrer aux Etats-Unis.
Elle ouvre un studio à New York, et plonge illico dans la faune des zoos, des amis des animaux, des publicitaires et des éditeurs.
Ses travaux paraissent dans les grands magazines, et elle produit une dizaine d'ouvrages entre 44 et 54, dont le classique port-folio,
Animals, assorti d'un texte de Huxley, tandis que l'édition française, Des Bêtes..., est accompagnée d'un poème de Prévert.
Deux livres plus spécialement destinés aux enfants seront des classiques publiés en de nombreuses langues ( The Sleepy Little Lion
et Two Little Bears ), et sa renommée s'étend à des BD qui racontent l'histoire de sa vie.

D'un voyage au Kenya et en Ouganda (1952), elle tire Animals in Africa, avec un texte de l'archéologue Leakey.
Puisque la voilà sortie du studio (ou du zoo) pour photographier la vie sauvage, elle se rend en Inde sur le conseil de Jean Renoir,
et fréquente les fêtes des maharajahs. Mais le 30 mars 1955, alors qu'elle photographie une course de chars à bœufs aux festivités
de Bharatpur, elle est mortellement blessée en tombant d'une jeep. Pour répondre à l'intérêt que continuent à susciter ses photos,
Charles Rado publiera encore sept de ses livres, dont Animals in India et The Little Elephant.
.
Source : [url]http://www.pryordodge.com/ylla.html[url]

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Ilse Bing (1899-1998)
Née à Francfort, Ilse Bing étudie les mathématiques, et histoire de l'art. Elle débute la photographie en 1923
et trouve rapidement sa place dans le photojournalisme (Frankfurter Illustrierte, 1929). En 1930 (selon Gisèle Freund)
les images de Florence Henri l'incitent à venir travailler à Paris. Reconnue par les milieux d'avant-garde, elle y expose
et publie  dans les nombreux magazines illustrés qui connaissent alors leur « âge d'or » (Vu, Arts et métiers graphiques,
L'Art vivant, Harper's Bazaar
).

Elle ne se sert que d'un appareil remarquablement petit et discret, ce qui lui vaudra bientôt, de la part du critique
et photographe Emmanuel Sougez, le surnom de « Reine du Leica ». « Petit » selon les normes de l'époque bien sûr,
mais à tel point que Fred Stein, également leicaïste depuis son mariage, avait dû, pour impressionner la clientèle
de son studio, user d'un plus encombrant matériel...

Autodidacte, Bing est, selon les termes de Daisy Woodward, une véritable « éponge créative » (a creative sponge),
dont l'admiration pour nombre de mouvements contemporains se traduisait par force emprunts à ceux-ci :
de la 'New Photography' à la 'Neue Sachlichkeit'; du travail d'Alfred Stieglitz, et du réalisme social américain
jusqu'au au Surréalisme et au Bauhaus. Tout au long de sa carrière, toutefois, elle conserve un style unique et distinctif.
Son travail revendique un dynamisme spécifique dû à son emploi fréquent d'angles inhabituels, à des compositions recadrées,
et à des vues aériennes. On dit d'elle qu'elle inversait le haut et le bas sur ses photos, et aussi latéralement, les torturant
pour en reconstruire la composition.

Les motifs que Bing travaille sont donc « modernistes » par leur géométrie : paysages industriels, rails, gares.
« Certaines de ses images, écrit Anne Reverseau dans le Dictionnaire universel des créatrices) en particulier
celles de la tour Eiffel (1931), évoquent Germaine Krull et la Nouvelle Vision avec leurs motifs métalliques
et leurs angles de vue saisissants. Paris, Windows With Flags, Bastille Day (1933) joue aussi sur la répétition géométrique
des fenêtres et des drapeaux tricolores. » Cette période parisienne se caractérise aussi par une certaine forme de poésie onirique :
elle saisit le tourbillon des French can-can Dancers, au Moulin Rouge, et porte une attention aux petits détails
surprenants de la vie parisienne : chaises des squares, flaques d'eau, enseignes (Boucherie chevaline, 1933),
développant ainsi « une vision (qui participe) au réenchantement de la ville par ses particularités, comme le pratiquent a
u même moment les surréalistes » (AR, op.cit.).
Parallèlement, Ilse Bing fait des essais de « photographie expérimentale » (solarisation) et de photographie de danse.

En 1940, elle est internée (comme Allemande) dans le camp de Gurs (Pyrénées). Un visa pour les Etats-Unis lui permet
de quitter l'Europe sur le Winnipeg. Mais il lui est plus difficile de reprendre sa carrière à New York, et elle doit travailler
dans un salon de toilettage pour chiens, emploi sans doute obtenu par son amie Ylla, la fameuse animalière.
Dans les années 60, elle passe à la poésie et au dessin, et publie deux livres, Words as Vision (1974) et Numbers in Images (1976).

Au bout d'une longue parenthèse obscure, son travail va bénéficier de la reconnaissance générale de la photographie
comme art à part entière, et le MoMa expose certains de ses travaux (1976). En 1982, elle publie un livre de photographies,
Femmes de l'enfance à la vieillesse, avec une préface de Gisèle Freund.
« Occupant une position cruciale dans l'histoire de la photographie, elle incarne le tournant moderniste et la révolution du Leica,
en même temps qu'elle symbolise l'apparition d'une nouvelle figure essentielle de l'entre-deux-guerres, celle de la femme photographe » (AR, op.cit.).

La photographie la plus connue d'Ilse Bing, Autoportrait au Leica (1931), résume ce quelle représente en tant que figure artistique :
le sujet – qui est la photographe elle-même - désigne la place centrale de la photographie dans ce moment de l'histoire de l'art
que sont les années 30 ; mais le sujet en est tout aussi bien le Leica, dont la légèreté et la facilité d'emploi sont en train
de révolutionner la pratique photographique, tout en signant sa modernité.
Pour plus de détail dans l'analyse de cette photo, cf Daisy Woodward et le lien ci-dessous.

Sources : 
Anne Reverseau, citée par [url] https://awarewomenartists.com/artiste/ilse-bing/[url]
Daisy Woodward [url] http://www.anothermag.com/art-photography/9266/uncovering-the-critical-influence-of-photographer-ilse-bing[url]

NB : à la fin de Sweet Caress, parmi les photographes remerciées par l'auteur, figure une certaine « Inge Bing », sans doute imaginaire, et produite par hybridation d'Ilse Bing et d'Inge Morath (1923-2002).

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Un demi-siècle plus tard ...

Abe Frajndlich, Portrait de Ilse Bing, 1986

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Inge Morath (1923-2002)
Née à Graz, en Autriche, elle étudie à Berlin pour devenir traductrice, puis journaliste et rédactrice pour Heute,
un service d'information basé à Munich. Elle restera toute sa vie une diariste et une épistolière prolifiques,
et posséder un tel don pour les mots aussi bien que pour les images lui vaut parmi ses collègues  une place à part .

Amie du photographe Ernst Haas, elle rédige des articles pour accompagner ses photos. Capa les invite tous les deux à rejoindre
à Paris l'agence Magnum qui vient d'être fondée, pour y travailler en tant que rédacteur et enquêteur. Elle commence à photographier
à Londres en 1953. Tout en se consacrant ses propres missions, elle est l'assistante de Cartier-Bresson en 53-54,
avant de devenir membre à part entière de Magnum en 1955.

Les années suivantes, Inge Morath parcourt l'Europe, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. L'intérêt qu'elle porte particulièrement
aux arts s'exprime dans les essais photographiques qu'elle publie dans nombre de magazines de premier plan. Après son mariage
avec le dramaturge Arthur Miller en 1962, elle s'établit à New York et dans le Connecticut. Elle visite l'URSS pour la première fois
en 1962. En 1972, elle étudie le mandarin, et obtient un visa qui lui permet d'effectuer en 1978 le premier de ses nombreux voyages en Chine.

Inge Morath était partout comme chez elle, avec les célébrités aussi bien qu'avec les passants dont elle faisait le portrait. Elle aimait
aussi photographier les lieux : ses images de la maison de Pasternak et de Tchekhov, de la bibliothèque de Pouchkhine, de la chambre
à coucher de Mao, mais aussi celles de studios d'artistes ou de monuments commémoratifs dans les cimetières
restent imprégnées de la présence des gens que l'on ne voit pas.

Et de la sienne, bien sûr, ainsi qu'en témoigne la citation placée en exergue du site ingemorath.org :

"La photographie est quelque chose d'étrange. On fait confiance à son œil, mais on ne peut s'empêcher de mettre à nu son âme.
Et la vision de chacun trouve nécessairement la forme qui sied à son expression
."

Source :

[url]http://pro.magnumphotos.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=MAGO31_9_VForm&ERID=24KL53Z47M[url]

Une visite recommandée :  [url] http://ingemorath.org/[url]

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Ernst Haas (1921-1986)

Né à Vienne, il y étudie la photographie à la Graphische Lehr und Versuchsanstalt, et acquiert son premier appareil en 1946.
Après diverses activités liées à la photo, il se voit offrir un emploi à Life, et son premier article de fond, "Returning Prisoners of War,"
est publié à la fois dans Heute et Life in 1949. Du coup, Robert Capa à l'invite à rejoindre Magnum.
En 1949, Haas achète un Leica et se met à la photo couleur, laquelle restera son domaine de prédilection.
Ses "Magic Images of New York," 24 double-pages en couleur parues dans LIFE en 51 constituent une grande première
– pour le magazine et pour lui-même. Tout au long des années 50 et 60, il contribue, toujours en couleur, mais en noir et blanc aussi,
à LIFE, Look, Vogue,Holiday. Il travaille également comme photographe de plateau pour le cinéma
(The Pharaohs, The Misfits, Little Big Man...). Il préside Magnum en 1959-60, et participe à la réalisation de The Bible
comme second de John Huston en 1966.

Ernst Haas est un pionnier de la couleur , à une époque où ce type de photographie passait pour inférieur
au noir et blanc aux yeux des créateurs sérieux. Il innove en recourant à des vitesses lentes, qui confèrent à ses images
l'apparence du mouvement. Il inclut ses photos dans des présentations audiovisuelles, qui ouvrent des voies à l'art multimédia.
Bien qu'il soit renommé pour ses photos couleur, ses images en noir et blanc comptent parmi les plus évocatrices
et incisives de l'après-guerre, en Europe et en Amérique.

D'après Lisa Hostetler (Handy et al. Reflections in a Glass Eye: Works from the International Center of Photography Collection,
New York: Bulfinch Press in association with the International Center of Photography, 1999, pp. 217-18.)

Source : [url] https://www.icp.org/browse/archive/constituents/ernst-haas?all/all/all/all/0[url]

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Emmanuel Sougez (1889-1972)

Né à Bordeaux, il étudie à Lausanne, avant de mettre en pratique en France l'esthétique réaliste de la Neue Sachlichkeit
(Nouvelle Objectivité). Il travaille pour la publicité, mais aussi dans l'archéologie, et fonde le service photographique de L'Illustration
en 1926. Il publie dans la revue Arts et Métiers Graphiques de Charles Peignot, aux côtés de Kertesz, Man-Ray, Germaine Krull
et Moholy-Nagy. Maître en photographie pour Dora Maar, il couronne Ilse Bing « reine du Leica ».  Il ne conçoit de pratiquer la photographie
qu'en « ennemi du hasard », et son art de la composition se caractérise par souci constant de rigueur géométrique et d'objectivité.

Ce qui est bien mis en valeur par les photos du site ci-dessous :
[url] http://artetglam.blogspot.com/2015/05/le-photographe-emmanuel-sougez-lart-de.html[url]

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Germaine Krull (1897-1985)

« Années 20 : Man Ray déclare à la photographe Germaine Krull, "Germaine, vous et moi sommes les plus grands photographes
de notre époque ; moi, l'ancien, vous, la moderne."
Toutefois, en dépit de cette précoce reconnaissance de son travail, Krull ne bénéficie pas de la même attention critique
que ses collègues Man Ray et Laszlo Moholy-Nagy.
Née en 1897, à la frontière de l'Allemagne et de l'empire russe, elle passe son enfance en voyages à travers l'Europe avec sa famille,
et doit son éducation vagabonde à son ingénieur de père.

Cette vie nomadisante et peu conventionnelle se poursuit dans les voyages de l'âge adulte (Paris, Amsterdam, Brésil, Thaïlande, Inde).
A 18 ans, elle suit brièvement un cours de photographie à Münich. En 1921, arrêtée et emprisonnée pour son activité politique en Russie,
elle subit même un simulacre d'exécution. Elle travaille pour le studio de Sonia Delaunay, à Paris en 1926, et reçoit une Peugeot 201
en paiement d'une campagne pour la voiture,  nourrissant sa passion grandissante pour les automobiles.

Krull est aussi pionnière dans l'édition de livres de photographie, première artiste de sa génération à publier en solo
des recueils de ses œuvres (Metal, 1928 ; 100 x Paris, 1929 ; Etudes de Nu, 1930 – un livre qui s'ouvre d'ailleurs
paradoxalement par ce propos rapporté sur le site du Jeu de Paume  : « le vrai photographe, c'est le témoin de tous les jours, c'est le reporter »).
Elle occupe également une place essentielle dans le magazine de photographie VU (fondé en 1928), ce qui lui permet de développer
son style singulier de journalisme photographique.

Les photos de G. Krull couvrent un remarquable éventail : nus, paysages urbains abstraits, portraits, photos de mode à visée commerciale.
L'emploi d'un petit format Icarette lui permet une approche plus intime et engagée de ses sujets, comme en témoigne ce frappant portrait
de Cocteau (1929), où l'envahissement du cadre par le corps du modèle produit un effet claustrophobique. Cette image, aussi bien
que son portrait de l'illustrateur Pol Rab (1930) souligne la fascination qu'exercent les mains sur elle, et qu'elle qualifie de
"partie la plus extraordinaire de l'être humain." (...)

Son livre de 1928, Metal, elle le dépeint sous l'angle essentiellement masculin du paysage industriel : Tour Eiffel, 
grues du port d'Amsterdam, pont de Marseille. Le résultat est merveilleusement abstrait : pas de légendes, pas de repères,
et des images souvent difficiles à identifier, conséquence de l'emploi expérimental des expositions multiples, des angles extrêmes,
des compositions embrouillées à dessein. C'est ce type d'approche qui fait de G. Krull une pionnière de la Nouvelle Vision,
ce nouveau style de photographie d'avant-garde. (...) »

Source : [url] http://www.anothermag.com/art-photography/7599/germaine-krull-the-modernist-photographer-that-time-forgot[url]

A voir aussi : [url]http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=2208[url]
Cocteau, l'homme aux mille mains (1/3)

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Cocteau, l'homme aux mille mains (2/3)

par André Papillon (1939)


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Cocteau, l'homme aux mille mains (3/3)

par Philippe Halsman (1949)

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Magnum célèbre les 50 ans de 68.

Source :

[url]https://www.lemonde.fr/photo/article/2018/06/04/liberte-l-agence-magnum-met-en-vente-une-selection-de-tirages_5309381_4789037.html[url]

Photo de Leonard Freed

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Leonard Freed (1929-2006)

Né à Brooklyn d'une famille de la classe ouvrière juive originaire d'Europe centrale, Freed se détourne de la peinture vers la photographie lors d'un séjour aux Pays-Bas, en y découvrant que c'est là que réside sa véritable passion. En 1954, après des voyages à travers l'Europe et l'Afrique du Nord,
il rentre aux Etats-Unis pour étudier au 'design laboratory' d'Alexei Brodovitch. En 1958, il part pour Amsterdam photographier la communauté juive, une entreprise qu'il va poursuivre à travers nombre de livres et de films, à travers l'examen de la société allemande et de ses propres racines (Jews in Germany, 1961 ; Made in Germany, 1965). A partir de 61, il travaille en freelance, et photographie à travers le monde : les Afro-Américains (1964-65), Israël (1967-68), la guerre du Kippour (1973), le New York City police department (1972-79).  Il réalise aussi quatre films pour les télévisions japonaise, hollandaise et belge.

Un peu plus tôt dans sa carrière,  Edward Steichen, directeur de la photographie au MoMA, lui avait acheté 3 de ses photos pour le musée. Steichen déclara alors à Freed qu'il était un des trois meilleurs jeunes photographes qu'il ait vus, et lui conseilla de demeurer un amateur, parce que les deux autres faisaient maintenant de la photo commerciale et leur travail avait cessé d'être intéressant : « Mieux vaudrait conduire un camion »
('Preferably,' he advised, 'be a truck driver.')

Freed rejoint Magnum en 1972. C'est sa couverture du mouvement des droits civiques qui lui vaut la reconnaissance, mais il produit aussi aussi
des essais majeurs sur la Pologne, l'immigration asiatique en Angleterre, la recherche pétrolière en Mer du Nord, et l'Espagne après Franco. La photographie était devenue pour Freed un moyen d'explorer la violence sociale et la discrimination raciale.

« Au bout du compte, le sujet de la photographie, c'est ce que vous êtes. C'est la recherche de la vérité dans sa relation avec vous-même.
Et la recherche de la vérité devient une habitude. » (Leonard Freed)

"Ultimately photography is about who you are. It's the seeking of truth in relation to yourself.
And seeking truth becomes a habit. "
(Leonard Freed)

Source :

[url]http://pro.magnumphotos.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=MAGO31_9_VForm&ERID=24KL535UHJ[url]
Visite conseillée :

[url]https://prisonphotography.org/tag/leonard-freed/[url]

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Edward Steichen (1879-1973)
« Edward Steichen est une figure-clé de la photographie du 20ème siècle, tant par la direction que ce photographe éminent  imprime
à son développement, que par son influence comme conservateur de musée. Né à Bivange au Luxembourg, Édouard Jean Steichen
arrive aux Etats-Unis dès 1881. Naturalisé en 1900, il va pratiquer la peinture et la lithographie, avant de se lancer dans la photo en 1896,
et montrer ses premières images au Salon de Philadelphie en 1899. Après le Salon de Chicago, il reçoit les encouragements de Clarence White,
qui attire sur lui l'attention d'Alfred Stieglitz.

Steichen pratique le peinture au cours de séjours à Paris entre 1900 et 1922; c'est là qu'il rencontre Rodin, et entre en contact
avec les mouvements de l'art moderne, ce qui lui permet de conseiller Stieglitz dans le choix des œuvres à exposer. Elu membre
de la Brotherhood of the Linked Ring de Londres (1901), il fait partie en 1902 des cofondateurs de Photo-Secession et conçoit
la première couverture de Camera Work, où son travail sera souvent publié. A New York, Steichen aide Stieglitz à mettre
en place les "Little Galleries", de la Photo-Secession, connues sous le nom "291", et en 1910, il participe à l'International Exhibition
of Pictorial Photography de Buffalo.

Au cours de la première guerre mondiale, il dirige la photographie aérienne pour l'armée américaine envoyée en Europe. Ayant
renoncé à la peinture en même temps qu'aux vestiges photographiques du Pictorialisme, il adopte un style moderniste. Chef
photographe pour Condé Nast de 1923 à 1938, il travaille aussi pour la publicité. Breveté officier in 1942, Steichen devient l
e directeur de l'U.S. Naval Photographic Institute en 1945, où il supervise la photo de combat et organise les expositions
Road to Victory et Power in the Pacific. Directeur de la photographie au MoMA de 1947 à 1962, il est responsable
de plus de 50 expositions, dont The Family of Man en 1955, la plus populaire de toute l'histoire de la photographie (...). »

Lisa Soccio

(Handy et al. Reflections in a Glass Eye: Works from the International Center of Photography Collection, New York:
Bulfinch Press in association with the International Center of Photography, 1999, p. 228.)

Source : [url]https://www.icp.org/browse/archive/constituents/edward-steichen?all/all/all/all/0[url]

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André Papillon (1910-1986)

« L'engagement des photographes dans les structures politiques et culturelles de la gauche révolutionnaire des années 1930, lit-on dans l'annonce de la journée d'études sur la photographie « comme arme » organisée par l'INHA en 2016 (cf lien ci-dessous)  est aujourd'hui encore une zone d'ombre de l'histoire de la photographie et de la presse illustrée. » C'est que l'on préfère inscrire la photographie sociale et documentaire de l'entre-deux guerres dans la perspective optimiste d'un regard humaniste, plutôt que de la considérer comme le « médium révolutionnaire par excellence ». Nombre de photographes correspondant à la figure du « photographe engagé » sont recensés sur cette page du site 19-20 :  Claude Cahun, Eli Lotar, Pierre Jamet, Loré Krüger, Germaine Krull, Tracol, René Zuber, Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis – et André Papillon.

Source : [url]https://1920.hypotheses.org/1089#more-1089[url]

Né en 1910 à Bordeaux, André Papillon apprend le métier de photographe auprès de son beau-frère, François Kollar. En 36, il couvre le Front populaire et la guerre d'Espagne, et, comme « photographe engagé », il participe en 1935 à l'Exposition "Documents de la vie sociale" organisée par l'Association des artistes et écrivains révolutionnaires. Après la seconde guerre mondiale, une fois démobilisé, il reprend ses reportages pour la presse, et travaille également dans la photographie industrielle. Il fréquente des artistes et des écrivains (Cocteau, Colette, Matisse, Rouault...), et en 1948, participe à l'exposition de la Photo League à New-York avec Boubat, Brassaï, Doisneau, Kollar, René-Jacques, Ronis
et quelques autres « photographes humanistes ».

Source : [url]http://parisperdu.blogg.org/photographes-humanistes-13-13-andre-papillon-a135735930[url]