La photiographie : outil de reproduction du réel ou ...

Démarré par B_M, Juillet 29, 2016, 17:54:24

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B_M

Je reprend ici une discussion amorcée dans la section portrait - studio/charme.

Donc pour moi la photographie est avant tout un outil de reproduction du réel. C'est sont ADN. C'est sa spécificité.

Je voulais vous raconter ceci : J'ai eu l'occasion de rencontrer deux photographes reconnus : Jean Philippe Charbonnier et Robert Doisneau. C'était au temps de l'argentique... J'ai discuté un peu avec eux. Je cherchais à connaitre un peu leur motivation, pourquoi ils prenaient des photos. (C'est une question que je me pose toujours.) Pour tout les deux, la réponse qui ce dégageait de la discussion était la même : Ils ne se posaient pas la question ! Ils prenaient leur appareil et sortait photographier ce qui se présentait à eux. C'était naturel, spontané. Sans autre intention. Des photomatons vivants en quelque sorte. Après, bien sûr,  pour pouvoir en vivre, ils avaient une démarche plus construite. Mais à la base c'est un besoin, un plaisir particulier, très simple, de reproduire le réel qui les motivait.
Et leur medium c'était la photo. C'était leur outil. On n'a pas parlé d'autres moyens d'expression -peinture, littérature, cinéma.

Pour moi c'est ça la photo, fondamentalement. Cela a été analysé, décortiqué par les philosophes, historiens et critiques d'art. Mais ces deux exemples  en action, pour de vrai, valent tous les discours pour moi.
Cela ne m'empêche pas de regarder Jeff Wall et d'apprécier des choses très intellectuelles et très construites. Saul Leiter également.
Mais pour moi la photo n'est pas l'outil pour la fiction, la littérature, la narration.
B_M

B_M

Negens

Et selon moi c'est tout le contraire.

On parle de l'oeil du photographe justement parce que le photographe ne capte pas ce qu'il voit mais ce qu'il veut voir.
Même Charbonnier ou Doisneau. Ils choisissaient un ou des sujets, un contexte, un cadrage. Ce qui déjà une manière d'effectuer un choix de ce que l'on souhaite voir. Tout bon photographe de reportage sait à quel point on peut modifier la signification d'une photo ne serait-ce que par le cadrage.
Nous choisissons nos objectifs, avec un certain angle, une certaine pdc, ce qui modifie considérablement le sens que l'on donne à la photo.

Il y a le moment que l'on choisit. Une fois de plus Charbonnier et Doisneau attendaient le "moment", quand ils ne le provoquaient pas.
Le fait de choisir figer un moment (Disons une expression faciale lors d'une obturation de 1/60s) est un choix qui n'est pas anodin car cette expression faciale peut n'avoir rien à voir avec la réalité d'un moment plus vaste.
Je prends un exemple. J'ai hélas eu à être à des funérailles de quelques proches ou membres de ma famille. Malgré la tristesse de l'évènement, il y a toujours des moments ou pour "conjurer" la fatalité, certaines des personnes convient rient (en se remémorant des moments heureux, en se faisant des blagues). Si je photographie ces rires intenses, en décontextualisant le cadre, je pourrais donner une signification aux photos qui sont à l'opposé totale de la réalité du moment !

En photographie de portrait, nous choisissons un moment, une lumière, un cadre, une pose, nous pouvons saisir une expression, la provoquer en guidant le modèle, le maquiller, le coiffer, le styliser. Tout cela n'a rien à voir avec la réalité.

Le fait d'interposer un appareil à un sujet modifie l'interaction entre le photographe et le photographié. Cela modifie, sans qu'il le sache le comportement du photographié.
Nous voyons des scènes réelles mais nous ne reproduisons ces scènes.

Et lorsque tu dis au sujet de Charbonnier et Doisneau : " Ils ne se posaient pas la question ! ", ça veut simplement dire qu'ils n'ont pas conscientisé leurs questionnements. L'absence de conscientisation n'est pas l'absence du phénomène sous-jacent.

durandal

Qu'est-ce que le réel ? Dans un siècle je relève les copies.

B_M

 [at]  Negens
Doisneau et Charbonnier m'ont semblé profondément authentiques, naïfs comme des jeunes enfants, quand ils s'exprimaient ainsi. Je les envie, car je suis à l'opposé de ça.

[at]  durandal
J'entends par "réel" ici ce qui est opposé à la fiction, à ce qui est entièrement construit. La discussion a été lancé par tetim, qui connait bien la photo de pub, de mode. Pour moi c'est un genre que j'apprécie mais ce n'est pas de la photographie pure, spécifique. C'est autre chose qui utilise l'outil photographique, en détournant cette spécificité.

Bien entendu, le réel et la fiction se mélangent le plus souvent. Je prendrai l'exemple de Saul Leiter. Il a été photographe de mode, travaillant pour les plus grands studio et a créé une œuvre photographique personnelle explorant au plus près le "réel", non sans  une grande sophistication plastique.

B_M
B_M

sebs

B_M: n'idéalisons pas trop non plus... J'adore le travail de Doisneau, même s'il avait fini par dire que des clichés très connus avaient été mis en scène (son talent étant aussi d'arriver à faire sonner cela comme du pris sur le vif).

Pour le reste, j'ai l'impression que tu confonds la photographie et l'appareil photographique (et ses premiers usages historiques).
Pour moi, c'est comme si tu me disais "mais enfin, la patate douce est sucrée, donc fondamentalement, la patate douce est faite pour être utilisée en dessert".

Personnelement, ça ne me dérange pas plus que ça qu'un outil puisse être utilisé de différentes manières, pourvu que cela soit respectueux (rien d'illégal ou amoral), et aussi pourvu que l'on ne fasse passer du fabriqué pour du naturel..

B_M

Citation de: sebs le Juillet 29, 2016, 22:36:38

.. j'ai l'impression que tu confonds la photographie et l'appareil photographique (et ses premiers usages historiques) ...

Tout à fait et j'assume.  :) Je pense que ce média est à une spécificité particulière très forte. Le reportage, la street photographie, me semblent les genres majeurs en photographie. Et ce n'est pas faute que les photographes eux-même aient essayés de sortir de cela - cf le pictorialisme, le style documentaire de Walker Evans (de manière plus complexe) par exemple.
B_M
B_M

geargies


Arnaud17

#7
Un photographe, un bon, un vrai, un authentique pilier de photo-club, qui ne fait que de la diapo, il cadre tellement bien qu'il arrive à exclure tout ce qu'il ne veut pas montrer.

On peut donc se demander si le cadrage sert à inclure ou à exclure.

:D
veni, vidi, vomi

madko

Citation de: B_M le Juillet 29, 2016, 17:54:24
Je reprend ici une discussion amorcée dans la section portrait - studio/charme.

Donc pour moi la photographie est avant tout un outil de reproduction du réel. C'est sont ADN. C'est sa spécificité.

Je voulais vous raconter ceci : J'ai eu l'occasion de rencontrer deux photographes reconnus : Jean Philippe Charbonnier et Robert Doisneau. C'était au temps de l'argentique... J'ai discuté un peu avec eux. Je cherchais à connaitre un peu leur motivation, pourquoi ils prenaient des photos. (C'est une question que je me pose toujours.) Pour tout les deux, la réponse qui ce dégageait de la discussion était la même : Ils ne se posaient pas la question ! Ils prenaient leur appareil et sortait photographier ce qui se présentait à eux. C'était naturel, spontané. Sans autre intention. Des photomatons vivants en quelque sorte. Après, bien sûr,  pour pouvoir en vivre, ils avaient une démarche plus construite. Mais à la base c'est un besoin, un plaisir particulier, très simple, de reproduire le réel qui les motivait.
Et leur medium c'était la photo. C'était leur outil. On n'a pas parlé d'autres moyens d'expression -peinture, littérature, cinéma.

Pour moi c'est ça la photo, fondamentalement. Cela a été analysé, décortiqué par les philosophes, historiens et critiques d'art. Mais ces deux exemples  en action, pour de vrai, valent tous les discours pour moi.
Cela ne m'empêche pas de regarder Jeff Wall et d'apprécier des choses très intellectuelles et très construites. Saul Leiter également.
Mais pour moi la photo n'est pas l'outil pour la fiction, la littérature, la narration.
B_M

Il vaudrait mieux parler de "représentation" que de "reproduction", pour éviter de tomber dans les ambiguïtés
de la référence biologique (ADN ...) où "reproduire" veut dire fabriquer du semblable. Sinon, on revient plus
de 20 siècles en arrière, quand les philosophes débattaient pour savoir si ce qu'on voyait dans un miroir était
un objet réel, une copie ou un simulacre de l'objet reflété ...

sebs

Citation de: madko le Juillet 30, 2016, 09:23:42
Il vaudrait mieux parler de "représentation" que de "reproduction", pour éviter de tomber dans les ambiguïtés
de la référence biologique (ADN ...) où "reproduire" veut dire fabriquer du semblable. Sinon, on revient plus
de 20 siècles en arrière, quand les philosophes débattaient pour savoir si ce qu'on voyait dans un miroir était
un objet réel, une copie ou un simulacre de l'objet reflété ...

+1

Un peintre réaliste pourrait tout autant défendre qu'il "reproduit" la réalité.
S'il se trouve que ce peintre est daltonien, sans en avoir conscience, quid de ses reproductions réalistes?

Verso92

Citation de: B_M le Juillet 29, 2016, 22:05:56
[at]  Negens
Doisneau et Charbonnier m'ont semblé profondément authentiques, naïfs comme des jeunes enfants, quand ils s'exprimaient ainsi. Je les envie, car je suis à l'opposé de ça.

Comme évoqué par sebs, les photos de Doisneau étaient souvent le fruit de mises en scènes... un faux naïf, en quelque sorte.

B_M

Citation de: Verso92 le Juillet 30, 2016, 10:35:00
... les photos de Doisneau étaient souvent le fruit de mises en scènes...
"souvent" me semble bien excessif. Cet aspect me semble très anecdotique par rapport à l'œuvre de Doisneau. Malheureusement, ça revient en boucle. Pour remettre les pendules à l'heure, il suffit d'aller voir la série de tirages exposée au Musée d'art moderne à Beaubourg.
Citation de: madko le Juillet 30, 2016, 09:23:42
... Il vaudrait mieux parler de "représentation" que de "reproduction" ...

C'est possible. Je n'ai pas cherché à affiner . Mais le sens des mots a son importance.
Pour préciser mes idées, la photo serait pour moi un outil d'exploration du "réel" par le moyen de représentations de ce qui nous entoure. (Reproduction implique une idée de duplication, fabrication du semblable en effet. On n'en est pas là !)

Le travail sur le cadrage, les choix des optiques, les choix de traitement (contraste,luminosité etc.) appartiennent pour moi à cette démarche d'exploration. Ils font partie de l'outil photographique. Il ne s'agit pas de transformation, fabrication, voire création, falsification sauf usage volontairement très décalé de leur fonction ordinaire. C'est une question qui revient souvent.
B_M
B_M

madko

Citation de: B_M le Juillet 30, 2016, 11:34:00

Pour préciser mes idées, la photo serait pour moi un outil d'exploration du "réel" par le moyen de représentations de ce qui nous entoure.

Ce qui vaut aussi bien pour la peinture, par exemple ...

(à supposer que ce nous appelons réel - je note tes guillemets - ne soit pas déjà une représentation produite par notre cerveau)

Verso92

Citation de: B_M le Juillet 30, 2016, 11:34:00
"souvent" me semble bien excessif. Cet aspect me semble très anecdotique par rapport à l'œuvre de Doisneau.

Il me semble que c'était loin d'être très anecdotique...

geargies

Tant que tu y es tu peux chipoter aussi sur la différence entre réel et réalité ;) et le rôle de la perception dans tout ça ( Merleau-Ponty , Bachelard ) ..

aldau

Bonjour, pour moi il n'y a pas de "genres majeurs" en photographie, chacun exerçant son "talent" dans son domaine de prédilection avec plus ou moins de bonheur. (photographes de sports, animalier...)
Amicalement
aldau
Asi pasan los dias

B_M

"genre majeur" J'aurais dû préciser mon idée : au sens de genre "spécifique, natif, propre" à la photographie. Si la photographie est une exploration du réel, il me semble que le reportage (photographes animaliers, de sport en font partie), la "street photographie" sont ses domaines d'application spécifiques. L'appareil photo est un outil et sa fonction c'est cela avant tout. Il est le mieux adapté à ça. La photo de studio, photo de mode, de pub - quand on fabrique un peu ce que l'on photographie - me semble des "genres" secondaires sous cet aspect. Ce n'est pas un jugement de valeur.
Je pense que c'est important pour des gens qui débutent en photo. C'est ce genre de photo qui est le plus formateur amha. Il faut s'y frotter même si on fait autre chose ensuite.
B_M
B_M

madko

Citation de: B_M le Août 02, 2016, 22:02:39
"genre majeur" J'aurais dû préciser mon idée : au sens de genre "spécifique, natif, propre" à la photographie. Si la photographie est une exploration du réel, il me semble que le reportage (photographes animaliers, de sport en font partie), la "street photographie" sont ses domaines d'application spécifiques. L'appareil photo est un outil et sa fonction c'est cela avant tout. Il est le mieux adapté à ça. La photo de studio, photo de mode, de pub - quand on fabrique un peu ce que l'on photographie - me semble des "genres" secondaires sous cet aspect. Ce n'est pas un jugement de valeur.
Je pense que c'est important pour des gens qui débutent en photo. C'est ce genre de photo qui est le plus formateur amha. Il faut s'y frotter même si on fait autre chose ensuite.
B_M

A propos de majeur - et d'index, cf HCB ...

http://www.shots.fr/2012/10/15/cartier-bresson-avait-raison-la-photographie-est-devenue-un-truc-de-branleurs/

aldau

Bof, moi je n'ai aucun talent mais ça ne m'empêche pas de photographier ce que je veux comme je le veux avec le matériel que je peux et je ne vis pas de mes photos, alors le reste... ;D
Amicalement
aldau qui ne pique le travail de personne.
Asi pasan los dias

kochka

C'est le moment de ressortir la sagesse populaire:
On fait ça qu'on peut, avec ça qu'on a.
Technophile Père Siffleur

François III

Pour moi j'y vois le doigt de dieu (même s'il est mort). La rencontre entre le regard et la vie dans l'instant. Comme une goutte d'eau peut refléter le monde qui l'entour le temps qu'elle ne s'est pas transformée en vapeur ou n'est pas tombée sur le sol.
Dans le temps qu'elle est prise ce sont les signes venus du monde qu'elle rapporte et énumèrent tout un alphabet et une parole qui ne trompe pas sans être pour autant réelle mais le réel est déjà déformé par mon regard. Les signes le sont par l'esprit qui les envoie, la photo l'est par l'objectif et le capteur. Il ne reste que la rencontre entre des opposés issus du même monde.

B_M

 [at]  François III
Jolie approche. Un peu métaphysique. Très riche. Cela va au delà de l'idée de l'outil trivial. Les photographes seraient ceux qui ont cette grâce "de la rencontre entre le regard et la vie dans l'instant".
B_M
B_M

geargies

Oui je suis d'accord avec ce développement de ce que je ressens comme le moment de grâce ..

B_M

Personnellement je ne ressens pas vraiment ce moment de grâce à la prise de vue. J'ai bien le sentiment d'avoir vu quelque chose, d'essayer de photographier ce que j'ai vu, que cela va peut-être faire une photo.  C'est pourquoi je parle d'exploration. Mais ce n'est qu'au moment du tri des photos que je vois vraiment qu'il c'est passé quelque chose.  J'aime bien le temps du labo - sélection, tri, développement des photos. C'est souvent là que j'ai la "révélation".
B_M
B_M

kochka

Un support de mémoire, une aide pour raviver des souvenirs qui s'effacent trop vite, surtout en voyage ou une image chasse l'autre avant qu'elle n'ait eu le temps de s'incruster dans les petites cellules grises.
J'avais complètement oublié cette troupe joyeuse, rencontrée il y a moins d'un an.
Technophile Père Siffleur

esox_13

Citation de: B_M le Juillet 29, 2016, 17:54:24
Je reprend ici une discussion amorcée dans la section portrait - studio/charme.

Donc pour moi la photographie est avant tout un outil de reproduction du réel. C'est sont ADN. C'est sa spécificité.

Je voulais vous raconter ceci : J'ai eu l'occasion de rencontrer deux photographes reconnus : Jean Philippe Charbonnier et Robert Doisneau. C'était au temps de l'argentique... J'ai discuté un peu avec eux. Je cherchais à connaitre un peu leur motivation, pourquoi ils prenaient des photos. (C'est une question que je me pose toujours.) Pour tout les deux, la réponse qui ce dégageait de la discussion était la même : Ils ne se posaient pas la question ! Ils prenaient leur appareil et sortait photographier ce qui se présentait à eux. C'était naturel, spontané. Sans autre intention. Des photomatons vivants en quelque sorte. Après, bien sûr,  pour pouvoir en vivre, ils avaient une démarche plus construite. Mais à la base c'est un besoin, un plaisir particulier, très simple, de reproduire le réel qui les motivait.
Et leur medium c'était la photo. C'était leur outil. On n'a pas parlé d'autres moyens d'expression -peinture, littérature, cinéma.

Pour moi c'est ça la photo, fondamentalement. Cela a été analysé, décortiqué par les philosophes, historiens et critiques d'art. Mais ces deux exemples  en action, pour de vrai, valent tous les discours pour moi.
Cela ne m'empêche pas de regarder Jeff Wall et d'apprécier des choses très intellectuelles et très construites. Saul Leiter également.
Mais pour moi la photo n'est pas l'outil pour la fiction, la littérature, la narration.
B_M

En quoi le fait de faire poser un modèle et de le shooter constitue-t-il une quelconque représentation du réel ?

Qu'est-ce que la réalité ? La matière n'existe pas en dehors de toute interaction (mécanique quantique, gravité quantique, etc.), le temps n'existe pas comme quantité indépendante de toute chose (relativité générale), alors la réalité...

L'oeil ne voit pas ce qu'il a devant lui (prouvé), ni derrière lui non-plus... L'oeil voit ce qu'il a besoin de voir.

Quid de ce qu'il y a autour du cadrage et qui donne son sens à la scène ?

Non, la photographie est une vaste et géniale escroquerie sur le réel !!! Et heureusement !

Après que la photographie (bien faite) soit une représentation du ressenti, alors là, c'est différent.

B_M

Citation de: esox_13 le Décembre 22, 2016, 09:41:59
...  la photographie est une vaste et géniale escroquerie sur le réel !!! Et heureusement !
Après que la photographie (bien faite) soit une représentation du ressenti, alors là, c'est différent.

Histoire de boucler la boucle  ;)
Le réel n'est-il pas une vaste escroquerie ?...
  Pour moi, la photographie sert à explorer cela.
Le ressenti n'est-il pas le réel ?...
  cf La définition de la couleur, que nous pratiquons tous, qui est une perception.

Bonnes fêtes à tous,
B_M
B_M

Lechauve

Citation de: Negens le Juillet 29, 2016, 20:57:26
Et selon moi c'est tout le contraire.

On parle de l'oeil du photographe justement parce que le photographe ne capte pas ce qu'il voit mais ce qu'il veut voir.
Même Charbonnier ou Doisneau. Ils choisissaient un ou des sujets, un contexte, un cadrage. Ce qui déjà une manière d'effectuer un choix de ce que l'on souhaite voir. Tout bon photographe de reportage sait à quel point on peut modifier la signification d'une photo ne serait-ce que par le cadrage.
Nous choisissons nos objectifs, avec un certain angle, une certaine pdc, ce qui modifie considérablement le sens que l'on donne à la photo.

Il y a le moment que l'on choisit. Une fois de plus Charbonnier et Doisneau attendaient le "moment", quand ils ne le provoquaient pas.
Le fait de choisir figer un moment (Disons une expression faciale lors d'une obturation de 1/60s) est un choix qui n'est pas anodin car cette expression faciale peut n'avoir rien à voir avec la réalité d'un moment plus vaste.
Je prends un exemple. J'ai hélas eu à être à des funérailles de quelques proches ou membres de ma famille. Malgré la tristesse de l'évènement, il y a toujours des moments ou pour "conjurer" la fatalité, certaines des personnes convient rient (en se remémorant des moments heureux, en se faisant des blagues). Si je photographie ces rires intenses, en décontextualisant le cadre, je pourrais donner une signification aux photos qui sont à l'opposé totale de la réalité du moment !

En photographie de portrait, nous choisissons un moment, une lumière, un cadre, une pose, nous pouvons saisir une expression, la provoquer en guidant le modèle, le maquiller, le coiffer, le styliser. Tout cela n'a rien à voir avec la réalité.

Le fait d'interposer un appareil à un sujet modifie l'interaction entre le photographe et le photographié. Cela modifie, sans qu'il le sache le comportement du photographié.
Nous voyons des scènes réelles mais nous ne reproduisons ces scènes.

Et lorsque tu dis au sujet de Charbonnier et Doisneau : " Ils ne se posaient pas la question ! ", ça veut simplement dire qu'ils n'ont pas conscientisé leurs questionnements. L'absence de conscientisation n'est pas l'absence du phénomène sous-jacent.

oui,bien vu,jaime bien cette analyse.
La photo: que de la lumière...

esox_13


Lechauve

La photo: que de la lumière...

esox_13

Je suis sûr que dans l'anti-univers (notre univers version antimatière) tu es un anti-chauve, que tu as des dreadlocks.

esox_13

Doisneau faisait poser ses personnages( il l'a fait une fosi pour sûr alors pourquoi pas plusieurs fois ?), il n'attendait pas grand chose. Beaucoup de ces images qui évoquent ce fameux "instant décisif" (terme qui est issu d'une erreur de traduction d'un article d'un journal américain, je ne sais plus lequel, au sujet de Cartier-Bresson) sont en fait des images relativement mises en scène. J'ai travaillé avec Dennis Stock, j'ai pu voir ses bandes de négatifs, et bien je peux vous dire qu'à côté des instants décisifs il y avait beaucoup d'instants non décisifs ! Certes tout n'est pas bidonné mais je pense qu'il y a beaucoup de légendes urbaines qui tournent autour de ce type de travail et de ces photographes. Regarder aussi le fil qui parle des bidonnages de Steve McCurry. Non pas que ces artistes n'en sont pas, loin de là, quoi qu'il en soit les images sont belles mais de là à dire que ces images sont des instantanés de la "vraie vie", il y a un pas un peu vite franchi. Regardez le temps qu'il a fallu pour qu'on sache que la photo du baiser de Doisneau était bidonnée. C'est une représentation rêvée/fantasmée du réel. Et chacun d'entre nous a son propre réel. La notion de réel est toute relative. Il ne faut jamais oublier que ce que nous voyons de ce qui nous entoure n'est en aucun cas ce qui nous entoure, mais une représentation mentale, images reconstituées par le cerveau. Exactement comme une photo est une image reconstituée par un algorithme à partir des infos du capteur. Et pour aller plus loin, l'impression que nous avons de ce que nous voyons n'a pas grand chose avec ce qui est réellement devant nos yeux. Nous nous représentons le fruit de l'interaction entre les particules élémentaires constituant la matière et les photons. C'est une possibilité parmi plein d'autres. Pas plus absolue qu'une image aux rayons X ou aux infra-rouges, ou au sonar ou je ne sais quoi d'autre.

Exactement comme le tableau de Magritte "Ceci n'est pas une pipe". On pourrait dire à propos de ce que nous voyons : "ceci n'est pas le réel".

Lechauve

Elle est tres intéréssante cette discussion,car,personnellement je considére la photographie comme un moyen/media de montrer une autre réalité,ou vérité,en fait la mienne,et peut m'importe si pour y arriver je dois utiliser,et d'ailleurs,je ne m'en prive pas,tous les moyens que la technique des logiciels de retouche permet.
Ca ne m'intérésse pas vraiment de regarder des images correspondant a ce qu'on vu les gars,ou l'on ressent tout l'effort mis pour être au plus proche de ce qu'ils ont vu,ça ne m'intérésse pas car je pourrais faire la même chose,non,moi ce qui m'interpelle dans une photo c'est ce qu'a à me proposer l'auteur, sa vision à lui de ce qu'il a vu, et sa façon à lui de me la proposer au regard,ça oui je prends.Apres,j'adhére ou non,là n'est pas la question,ce que je regarde c'est l'interprétation d'une certaine réalité et partant de là,peut être c'elle qu'aimerait son auteur.
La photo: que de la lumière...

esox_13

On peut aussi lancer le débat perception vs réalité.