L'Orchis pourpre. Petite monographie

Démarré par Caloux, Octobre 27, 2018, 17:43:57

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Caloux

Bonjour à tous,
je vous propose une monographie sur l'Orchis pourpre. Le fil n'est pas ouvert à ce jour afin le laisser le déroulement prévu s'opérer.

L'orchis pourpre ( Orchis purpurea )est une orchidée commune sur l'ensemble des départements français Corse comprise, sauf Bretagne, Limousin. On la trouve aussi dans beaucoup de pays européens.
Sa période de floraison varie du sud au nord et en fonction de l'altitude (jusqu'à 1500/1800 m) de fin Avril à fin Juin.
Généralement assez haute, jusqu'à 1 mètre, on la repère facilement dès qu'elle est en fleur. Et elle est rarement solitaire de plus.
La hampe florale porte normalement entre 50 et 200 fleurs très colorées. Les feuilles sont assez grandes et peuvent faire penser à des feuilles de tulipes.
Le genre Orchis a été sérieusement remanié par les taxonomistes et bien que les noms vernaculaires avec Orchis sont nombreux, beaucoup d'espèces sont maintenant classées dans d'autres genres (Dactylorhiza, Anacamptis...). Dans le genre Orchis, on trouvera donc essentiellement ce qu'on appelle les Orchidées à casques (la photo suivante est assez parlante).

01
Amitiés. Pascal

Roland Ripoll

Un fil que je vais suivre avec plaisir et intérêt !
Etre simple pour être vrai

Caloux

Bonjour Roland !  espérons que tu ne seras pas seul  ;)
Amitiés. Pascal

Caloux

La fleur est typique avec un labelle de fond blanc et une pilosité éparse. Les bords du labelle peuvent être teintés de pourpre. Le casque qui est une réunion/fusion des pétales reste normalement pourpre assez prononcé.
Les anglais la nomment Lady orchid et c'est vrai que son labelle fait penser à une poupée ou une dame en habit folklorique. (non, ce n'est pas la servante écarlate...)

02
Amitiés. Pascal

Caloux

La forme du labelle peut donner une silhouette plus ou moins fine à la "dame", des "bras" plus ou moins long et écartés. Chez les orchidées, les variations sont si nombreuses que je pourrais présenter des dizaines de vues sur le sujet.

Une troisième vue pour voir ce qui se cache sous le capuchon ou casque. Noter déjà la coloration plus caramel que pourpre de ces fleurs.

03
Amitiés. Pascal

Caloux

Une forme de labelle moins harmonieuse que les précédente. Ce qui m'amène au point problématique de l'identification des orchidées. Les manuels les plus basiques présentent 1 à 2 vues, ce qui sera souvent insuffisant compte tenu de l'extrême variabilité des fleurs. J'ai de nombreux guides et je m'arrache les cheveux le plus souvent lorsqu'il s'agit d'identifier des espèces nouvelles. (nouvellement décrites et nommées) Les auteurs peinent à s'accorder parfois et les vues présentées vont jusqu'à contredire les descriptions...
Les orchidées, qui sont encore en cours d'évolution, passionnent tellement les taxonomistes qu'ils ont créé de nombreuses espèces à partir de variables très faibles. Ces variables interviennent dès lors qu'une population d'orchidées d'une espèce se trouve isolée et développe une "mutation" stable. Ce peut être du à une hybridation qui reste fertile, à un biotope différent qui "structure" l'orchidée : elle peut évoluer par rapport à la taille standard, changer de couleur, développer un labelle de forme et couleur nouvelles etc...
Heureusement, on peut rester au niveau du genre et de l'espèce et oublier les variétés promues au rang d'espèces.
Voici une classification pour notre orchidée : je serais bien incapable de la restituer par coeur :)
Famille (Orchidaceae)
  Sous famille (Orchidoideae)
    Tribu (Orchideae)
      Sous tribu (Orchidinae)
        Genre (Orchis)
          Espèce (purpurea)
            Variété (ex moravica, lokiana etc...)

04
Amitiés. Pascal

Roland Ripoll

Une belle proximité qui nous permet d'observer beaucoup de détails.
Etre simple pour être vrai

Caloux

Et pour conclure cette introduction, une vue de dessus.

On distingue nettement l'ovaire (qui va contenir les graines) et qui est torsadé. Morphologie typique chez certaines orchidées. La torsion permet au labelle d'être toujours en bas de la fleur, ce qui est a priori plus pratique pour les insectes qui se posent sur ce labelle avant d'aller visiter la fleur et d'assurer la pollinisation.
Puisqu'on parle graines, il faut savoir que les graines d'orchidées sont quasi microscopiques, se comptent parfois en millions. Inutile de vouloir les récolter, généralement l'ovaire (ou capsule) s'ouvre sur les côtés et libère les graines le moment venu. Ces graines s'envolent le plus souvent et la capsule se vide instantanément. Ces graines minuscules auront besoin de champignons particuliers pour donner naissance à une nouvelle plante et donc récolter une capsule non ouverte pour en semer les graines chez soi est voué à l'échec.

05
Amitiés. Pascal

Seb65

Un fil très instructif et bien qu'ayant croisé cette espèce des dizaines de fois, je ne m'étais jamais attardé pour surprendre la "lady" bien à l'abri sous son casque...tellement flagrant sur le cliché 3 ! Bravo et merci Caloux !  :)

M13

Bonsoir Caloux,
Je vais suivre ce fil avec beaucoup d'intérêt car cette plante est magnifique, elle a envahi mes jachères et je ne m'en plains pas!

Caloux

#10
Merci Seb, Roland et M13 pour vos commentaires.

Citation de: M13 le Octobre 27, 2018, 22:16:49
Bonsoir Caloux,
Je vais suivre ce fil avec beaucoup d'intérêt car cette plante est magnifique, elle a envahi mes jachères et je ne m'en plains pas!
Tu me donnes une bonne introduction pour le biotope !

Voici un exemple typique de pré qui a permis à une colonie d'orchis pourpres de s'établir : fauche tardive, prairie naturelle sans engrais et bien entendu sol calcaire de préférence. La plante est en plein soleil mais elle pousse à une époque où le sol est humide et la chaleur supportable : ni les fleurs, ni les feuilles ne sont brûlées. De fait, les fleurs sont généralement saines et donc très agréable à photographier.

06
Amitiés. Pascal

Caloux

Certains prés sont plus secs et l'herbe moins abondante mais l'espèce est tolérante.

07
Amitiés. Pascal

Caloux

Moins fréquemment, on la trouve en forêt.
Ici, les fleurs de cette station ont perdu une grande partie de leur coloration et sont très claires mais les orchis qui poussent à l'ombre ont parfois aussi de belles couleurs.

08
Amitiés. Pascal

Berzou

Magnifique et intéressant, tu nous fais presque observer l'évolution en marche en quelque sorte


Caloux

Merci Berzou !
Même si l'évolution se compte en millions d'années y compris pour les orchidées, on peut parler néanmoins parler d'espèces jeunes et surtout encore très évolutives. Grande variabilité de taille, de forme, de coloration ! La capacité à l'hybridation inter espèces naturelle (ou forcée) est très forte.
Il suffit d'observer les colorations d'une région à l'autre pour s'en convaincre. En Essonne où j'habite, les couleurs de l'Orchis pourpre sont peu saturées.

09
Amitiés. Pascal

Caloux

L'orchis pourpre observée en Aveyron est généralement plus saturée dans ses teintes, la pilosité plus abondante. Voici un exemple assez fidèle de toutes les orchis pourpres que j'ai pu rencontrer dans les environs de Millau. Je n'en fais pas une généralité, il y a aussi des spécimens plus clairs et d'autres qui confinent à l'hyperchromie parfois.

10
Amitiés. Pascal

Clic-Clac 51

Un grand bravo
Bien imagé et très instructif
Merci pour le partage de ton savoir dans le domaine
Je ne manquerai pas d'y revenir
Denis ;)

Roland Ripoll

Passionnant et richement illustré ! Bravo !
Etre simple pour être vrai

M13

L'image nr 07 correspond bien à mes jachères!
Pour info, je suis situé dans le Tarn-et-garonne et ces orchidées sont apparues au bout d'une dizaine d'année de jachère.
Auparavant, il y en avait une ou deux dans des friches ou le sol est très calcaire.
Ces jachères d'environ 4 hectares au total sont envahies de sérapias lingua? puis il y a des bouffons, et beaucoup d'ophrys araignée difficiles à identifier puis des apifera, des scolopax et un militaire!
Cordialement

Caloux

Quel chance !  ça doit s'étaler sur environ 2 mois avec toutes ces espèces. L'anacamptis morio (bouffon) est en principe la plus précoce. Impossible de tondre de mi Avril à fin Juin...
J'adore les orchidées sauvages mais ma pelouse héberge seulement (et pas tous les ans) quelques Ophrys abeille (apifera). Le lotissement étant construit sur une ancienne friche, elles sont réapparues au fil des ans dans certains jardins exempts d'engrais et chez les propriétaires adeptes de tontes de pelouse pas trop rases.

Pour les Ophrys araignée, il y a énormément de variations, leur identification est donc sujette à caution sur les 3 espèces proches Ophrys aranifera, araneola et sphegodes. La période de floraison peut donner une indication, l'Ophrys sphegodes étant la plus tardive mais pour valider ce fait, encore faut-il disposer de plusieurs spécimens à floraisons décalées.
C'est plus facile pour l'Ophrys scolopax (bécasse) que j'ai découverte cette année en Aveyron.
Les Serapias, comme les Orchis bouffon ou les Orchis pourpre donnent aussi parfois de belles colonies.  Profites en bien !
Amitiés. Pascal

Aubertin

Intéressant et de belles images à la clé. Notamment cette dernière.

urka

Citation de: Aubertin le Octobre 29, 2018, 18:25:05
Intéressant et de belles images à la clé. Notamment cette dernière.
Un fil enrichissant que je vais suivre avec avidité!
André.

Denis68

Bonjour Caloux,
Un fil très instructif avec deux superbes images que sont ces dernières, Bravo  ;)
Cordialement Denis

M13

Bonjour Caloux,
Toujours pour info, ces 4 hectares de jachères font partie d'une ancienne ferme où je suis né et que j'habite, il reste en tout 12 hectares et il y a environ 4 hectares de bois et 4 de prairie d'herbe à vache.....
Je pense avoir plus de 3 variétés d'aranéola, araniféra et sphégodes car certaines tardives ont une couleur jaunatre, certaines sont toutes petites et d'autres très grandes et la floraison débute de fin février à juin!
A présent j'identifie bien les apiféra et scolopax.
Dans les friches j'ai les insectiféra, dans les sous-bois les céphalanthères à longue feuille et les rouges très tardif (juin) et les plantanthères!
Les limodores sont plus capricieux, il peut y en avoir beaucoup ou très peu!
Dans les prés de fauche, en plus des apiféra et scolopax, un endroit est très fourni en dactylorhiza fushchii le (rouge et le blanc) et bcp d'anacamptis pyramidalis.
J'ai eu 2 orchis moucheron en 2017 et pas vus cette année.
Je n'ai qu'un magnifique orchis militaire qui se trouve parmi les bouffons et les orchis mâles!
Envahissement d'orchis bouc...
En tout je dois avoir une vingtaine d'espèces...

Merci de continuer ce fil passionnant!

Caloux

Bonjour à tous et merci à ceux qui ont laissé des commentaires : Aubertin, André, Denis.

[at]  M13 : je vois que tu connais toutes les espèces que tu héberges ! Les limodores sont réputées capricieuses en terme de pousse (la météo aurait une influence plus forte pour cette espèce). C'est une espèce méconnue et pourtant d'une forme totalement originale et très "exotique".
L'anacamptis pyramidalis peut être très prolifique mais pas en Essonne où elle est discrète. J'en ai vu de plus belles populations en Aveyron mais, et on ne peut pas me taxer d'être marseillais, un petit champ de plusieurs milliers de pieds en Côte d'Or pas très loin d'un bois qui abrite des Sabots de Venus. Je n'avais jamais vu une telle densité d'orchidées jusqu'alors !
Pour les Ophrys dite "araignée", il existe des espèces reconnues, des sous-espèces et des hybridations donc potentiellement par rapport à la période de floraison que tu indiques, ce peut être plus de 3 espèces en effet. La bordure jaune est typique de l'Ophrys araneola mais certaines fleurs ne l'ont pas et l'Ophrys Sphegodes qui normalement n'a pas cette bordure peut parfois en être affublée !  La taille des fleurs est aussi une indication mais la variabilité est grande au sein d'une même espèce.
Si l'on reprend pour exemple l'Orchis pourpre, la taille des pieds que j'ai pu observer allait de 15 cm à 50 cm, le nombre de fleurs de moins d'une dizaine à 150 environ, la coloration du pourpre extrêmement foncé à la blancheur immaculée. Des fleurs ont une pilosité, d'autres sont glabres et quant à la forme du labelle, c'est digne de l'imagination la plus débridée. Et pourtant, c'est bien la même espèce. Elle n'est pas encore figée, c'est tout.

Si tu arrives à préserver tous ces "mini" biotopes et cette diversité d'espèces, un grand bravo ! 
Amitiés. Pascal