Calendrier des Oiseaux de Camargue

Démarré par Roland Ripoll, Décembre 14, 2019, 12:19:12

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Roland Ripoll

Bonjour à tous,

Pour faire vivre la section, je me décide aujourd'hui, après bien des hésitations, à vous proposer ce calendrier (qui m'a beaucoup servi lorsque je photographiais les oiseaux car s'il est bien d'être au bon endroit, il vaut mieux l'être au bon moment) et qui vous intéressera peut être, je ne sais pas...

Mais il m'a paru utile de pouvoir visualiser, au fil des saisons et mois par mois, cet incessant va et vient des oiseaux: départ des hivernants, arrivée des estivants, durée de séjour des oiseaux de passage, etc... Il m'a semblé utile également de savoir quelles étaient les espèces réellement présentes à tel moment de l'année, même si ce qu'il est convenu d'appeler le réchauffement climatique vient un peu perturber les choses en avançant ou en retardant les départs et les arrivées et en sédentarisant certaines espèces jusqu'alors migratrices.

La Camargue des oiseaux...

Il y a la Camargue "grand public", celle des touristes, des vacanciers et des cartes postales,  celle des plages et du soleil, la Camargue que tout le monde connaît: la Camargue du riz, du sel, des moustiques, des taureaux, des chevaux sauvages et des flamants roses. La Camargue des gardians et des gitans...

Et puis il y a, différente, bien plus discrète et bien plus secrète aussi, la Camargue des oiseaux, celle qu'il faut apprendre à connaître, celle qu'on ne découvre que peu à peu, avec du temps, du respect et de la patience... Une Camargue contrastée où se mêlent subtilement les eaux douces et les eaux salées et qui, bien que zone humide, peut paradoxalement connaître la sécheresse et l'aridité. Une Camargue parfois mystérieuse, un bout du monde étrange, avec des paysages uniques. Comme le disait Luc Hoffman: "La Camargue, c'est un peu comme une enclave africaine. Nulle part ailleurs en Europe occidentale un règne animal si opulent ne s'est maintenu au sein d'une nature si primitive II faut effectivement aller (...) en Afrique pour fouler un sol sauvage qui frappe autant les sens et l'esprit ".



Parce que la Camargue est un delta, une zone humide de première importance, la plus grande de France, parce qu'elle compte 70 km de littoral non urbanisé, parce qu'elle abrite un patrimoine naturel exceptionnel, des espaces encore "sauvages", parce que, située dans l'axe de migration des oiseaux, elle est une étape migratoire essentielle et un site majeur d'hivernage pour de nombreuses espèces dont plusieurs dizaines de milliers de canards, parce que 400 espèces au total y ont été observées et que presque 300 y sont régulières, on parle d'elle, à juste titre, de "paradis des oiseaux".

Un paradis des oiseaux mondialement reconnu, labellisé et officialisé, car, excusez du peu, la Camargue est tout à la fois classée Réserve de biosphère par l'UNESCO, Réserve Nationale, Parc Naturel Régional.  Ce n'est pas tout,  elle est également  un site du réseau NATURA 2000, une ZPS (Zone de Protection Spéciale) , une ZICO (Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux),  une ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Écologique Faunistique et Floristique), un site inscrit à la convention de RAMSAR, une aire protégée de la Convention de Barcelone, une Réserve biogénétique du Conseil de l'Europe. Enfin,  de nombreux hectares ont été acquis par le Conservatoire du Littoral...



Un paradis où les oiseaux vont et viennent toute l'année, au rythme des saisons et des migrations, un paradis où l'on peut rencontrer la cigogne blanche au mois de décembre, où l'on peu observer des espèces rares ou peu communes comme l'ibis falcinelle (Avec plus de 300 couples, elle accueille la plus grande population d'Ibis falcinelle de l'hexagone.)







la nette rousse ou la talève sultane. Un paradis qui accueille sans exception tous les hérons d'Europe: héron cendré, héron garde-bœufs, bihoreau gris, héron pourpré, blongios nain, butor étoilé et crabier chevelu, sans compter l'aigrette garzette, la grande aigrette, la spatule blanche. Un paradis qui est le seul et unique site français de reproduction pour la glaréole à collier et le flamant rose.

Blongios nain


Bihoreau gris


Crabier chevelu


Héron gardeboeufs


Héron cendré


Un paradis des oiseaux certes mais qui est malheureusement loin d'être un sanctuaire. Car malgré toutes ces protections, qu'elles soient nationales ou internationales, la surface des sansouïres, des étangs et des marais diminue,  l'eau de ces marais et de ces étangs reste encore bien polluée par les pesticides agricoles, la pression touristique y est toujours aussi forte et avec 1 million de visiteurs annuels, il est difficile de réguler une sur-fréquentation anarchique et dévastatrice de certains endroits comme, par exemple, les plages de Piémanson ou de Beauduc.  Et surtout, comble des combles,  la chasse n'y a jamais été interdite  ! Pour ne donner que quelques chiffres, et sans compter le braconnage, on   estime que,  dans  ce "paradis",  120 000 à 150 000 canards et 35 000 sarcelles d'hiver environ sont tués  chaque année.

Nette rousse


Un paradis qui n'est pas non plus d'un abord facile. Si de nombreux chemins, pistes et sentiers de terre sillonnent la Camargue, beaucoup sont privés ou d'accès règlementé et donc inaccessibles, quand ce ne sont pas les marais, les canaux, les roubines, les roseaux, les barrières ou les clôtures qui empêchent d'avancer.  Si elle n'est plus "ce pays de fièvres et de misère" que décrivait le Baron de Rivière en 1826, la Camargue peut parfois se montrer hostile. On pourra même la trouver inhospitalière si, par un jour de fort mistral ou de grand soleil et si harcelé par les moustiques, on ne verra, du bord de la route, aucun oiseau parce que les roseaux  et  les tamaris sont toujours trop hauts ou lorsqu'on  buttera inévitablement sur les trop nombreux panneaux "défense d'entrer"... Ses immenses propriétés privées, entourées de barbelés, et ses zones de protection, souvent fermées au public, ont en effet de quoi déconcerter et dérouter les visiteurs. Une Camargue impénétrable où l'observateur pourra parfois être frustré et où le photographe sera souvent déçu...

Mais s'il n'est pas aussi facile que cela d'y observer ou d'y photographier les oiseaux, la Camargue est un site incontournable où la biodiversité  est exceptionnelle. Elle reste, tout au long de l'année, à chaque saison, un  haut lieu de l'ornithologie  en Europe: une centaine d'espèces nichent pendant l'été, des milliers de canards y stationnent l'hiver, plus de 150 000 oiseaux migrateurs y transitent au printemps et à l'automne



Etre simple pour être vrai

Xavier Corteel

Je bois du petit lait à te lire et à admirer tes images sublimes. Continue à nous enchanter, nous ne serons jamais rassasiés.
Curieux de Nature

Roland Ripoll

Merci Xavier !

L'HIVER

L'hiver n'est pas, comme on pourrait le penser, une saison morte en ornithologie. En effet, si le mauvais temps limite les sorties, on peut quand même profiter de belles journées pour observer beaucoup d'espèces et notamment la plupart des hivernants, particulièrement sur le littoral ou les plans d'eau. C'est en effet la saison idéale pour voir canards, fuligules, cygnes, sarcelles, etc.
De plus, si on a de la chance, on aura le plaisir de pouvoir observer les petits passereaux (mésanges, chardonnerets, verdiers, tarins des aulnes, pinsons, etc.) qui se rapprochent un peu, eux si farouches et si discrets le reste de l'année.

Canard colvert


L'absence de feuillage dans les arbres, la végétation rase au sol ainsi que, s'il fait soleil, la pureté de la lumière (sans le voile de chaleur qui gêne tant l'été aussi bien dans les jumelles ou la longue-vue que dans le téléobjectif de l'appareil photo) permettent d'excellentes conditions d'observation ou de prises de vues.

Chardonneret élégant


Mais l'hiver n'est pas fait que de belles journées. Même en Camargue, les hivers sont parfois rigoureux (tout le monde a en mémoire celui de 1985 et plus récemment celui de 2012, tous deux particulièrement meurtriers) et les oiseaux peuvent avoir à affronter le grand froid, la pluie, le vent glacial,  le gel, le givre, voire, certaines années, la neige. "On voudrait avoir ce courage des oiseaux en hiver" disait Françoise LEFEVRE...

Avocette élégante morte de froid (2012)


Car s'il y a la Camargue du soleil et des plages, il y a aussi, beaucoup moins connue, la Camargue du froid et du vent. Ou plutôt des vents qui soufflent en moyenne 300 jours par an: le vent de terre, le mistral,  venu du Nord, venu du froid, qui souffle en rafales glacées  et puis le vent de mer, le marin, un vent de Sud-est qui, plus calme, plus doux, apporte le ciel gris, la pluie, le mauvais temps.

Sur les marais, sur les étangs, tous les canards sont là, la tête dans les épaules et ne dormant que d'un œil: colverts, souchets, siffleurs, chipeaux, pilets, tadornes, sarcelles, nettes rousses, fuligules milouins et morillons, au repos en journée sur les remises, avant de s'envoler le soir (c'est ce que les chasseurs appellent "la passée")  vers les gagnages, autres plans d'eau où ils vont passer une grande partie de la nuit à se nourrir. Les habituels, les fidèles "sédentaires", ceux qui nous sauvent parfois de la "bredouille": hérons cendrés, aigrettes garzettes, mouettes rieuses, goélands leucophées, flamants roses sont là aussi, accompagnés parfois d'avocettes ou de la majestueuse grande aigrette.

Grande aigrette


Canard souchet


Sur le Vaccarès, les foulques, en grandes troupes qu'on appelle des "radeaux", soumises à la houle, montent et descendent,  ballotés comme des bouchons, au gré  des vagues créées par le vent. Les grèbes huppés et les grèbes à cou noir plongent et replongent si longtemps et si souvent qu'on peut les croire incapables de rester en place.

Foulque macroule


Grèbe huppé


Grèbe à cou noir


Sur les piquets, les poteaux, les fils électriques ou le haut des arbres,  les buses variables veillent. Mais, farouches, elles s'envolent au moindre bruit,  à la moindre alerte. En l'air, le busard des roseaux veille aussi... En l'air, au-dessus des chaumes, le faucon crécerelle est en chasse, souvent en vol stationnaire pour mieux repérer ses proies.

Buse variable


Faucon crécerelle


Sur terre ou dans les airs, on peut  également, depuis quelques années, observer une belle nouveauté: la grue cendrée qui s'installe désormais en Camargue pour passer la mauvaise saison. Le spectacle visuel et sonore est assuré pour quelques mois par plusieurs centaines d'individus...
Etre simple pour être vrai

Henrid

Yesss ! j'ai bien fait de passer sur cette rubrique...De belles photos et des textes qui montrent bien ta passion pour la Nature et cette région.
Henri

PhotoFauneFlore83

Je croppe donc je suis.

tontongaston

bonjour a tous....GRAND merci pour le partage de ces tres belles images d'oiseaux de la Camargue
je suis passé  (revenu...) il y a quelques z'années vers les saintes Marie....que j'ai aussitôt fuit après quelques z'heures .....pour me dirigé vers les salins de Giraux (excuses si je fait des fautes sur l' orthographe) ou la.... en longeant le Rhône...et jusque au bout de la route ....et la mer .... j'ai retrouvé quelques  souvenirs d'autrefois 
je n'ai plus retrouvé la merveilleuse Camargue des années 1960.....et encore bien moins pour la ville des Saintes-marie ....j'ai toujours des photos et films 16mm effectués en ces lieux a une époque lointaine ....celle de la Camargue de Monsieur Georges Brassens ....etc....nostalgies et en même temps un VRAIS bonheur pour moi  (qui suis des hauts de France....) a voir ces superbes photos réalisées par Monsieur Roland Ripoll......encore MERCI

Clic-Clac 51

Chacun de tes fils est l'occasion d'en apprendre plus et de régaler les yeux
Bravo Roland...tout ceci est superbe
Amicalement Denis ;)

urka

#7
Bravo pour ce calendrier Camarguais et les images jointes, magnifiques!
Je profite de l'occasion pour signaler que le CoGard (Centre ornithologique du Gard) vient d'éditer "l'Atlas des Oiseaux du Gard" dont la présentation a été faite sur le site du Scamandre. Huit années pour cet inventaire de 323 espèces recensées dont + de 2000 personnes ont participé. Un must!
Veuille bien m'excuser Roland de cet aparté  :'(.
Bien cordialement,
André.

Roland Ripoll

Pas de problème André.  Il est toujours bien de signaler la sortie d'un bon livre.

J'avais moi même participé, dans le cadre du programme STOC, à "l'Atlas des oiseaux nicheurs de Provence Alpes Côte d'Azur" paru en 2009 chez Delachaux & Niestlé.
Etre simple pour être vrai

marray

Roland a un tel talent, tant pour l'écriture que pour la photographie, qu'il crédite largement ses lecteurs du temps qu'ils passent à savourer ses textes et ses magnifiques images. Ses fils, qu'on regrette toujours d'ouvrir trop tard et de quitter trop tôt, sont au sens propre une re-création !  :)

jmr87

Quelle bonne idée! Feuilleter ton calendrier avec ses images sublimes complétées par des récits fort intéressants éclaire ces derniers jours de l'année.

Mig74

Quel fil superbe, et quelle riche idée. Ce calendrier nous invite au voyage, à un retour vers cette terre si dure à découvrir et si riche quand on la connait. Tes images et le texte qui les accompagne me ramènent de nombreuses années en arrière, alors que je sillonnais par tous les temps ces multiples salins et rizières, à la recherche d'oiseaux rares et communs, de passage ou nicheurs, pour y pratiquer à la fois la photo et l'ornitho qui sont mes passions de longues dates.

Merci en core Roland pour ce beau moment de partage, et surtout, ne t'arrêtes pas !!!Merci de me permettre de retourner en Camargue tout en étant assis chez moi en Haute-Savoie.

Roland Ripoll

#12
Merci beaucoup !

Après ce long préambule, voici donc le calendrier mois par mois en commençant, c'est logique, par le mois de décembre. Il n'est peut être pas inutile de  rappeler qu'en ornithologie, les saisons se déroulent ainsi:

-   LE PRINTEMPS en Mars, Avril et Mai
-   L'ETE en Juin, Juillet et Août
-   L'AUTOMNE en Septembre, Octobre et Novembre
-   L'HIVER en Décembre, Janvier et Février

Pour mieux comprendre, voici la légende du code couleurs (noir, rouge, vert, bleu):





Zone humide d'importance exceptionnelle, étape migratoire et site majeur d'hivernage pour de nombreuses espèces, la Camargue accueille chaque année des milliers de canards dont le Canard souchet qu'on pourra observer de septembre à mars.

Canard souchet (mâle)


Canard souchet (femelle)


Présent toute l'année et en grand nombre, le Canard colvert voit, pour les besoins de la chasse, sa population locale mêlée aux 30 000 oiseaux d'élevage lâchés chaque année et qui pourraient, par hybridation (mais ce n'est pas prouvé), arriver peu à peu à modifier la génétique du colvert sauvage...

Canard colvert (femelle)




Canard colvert (mâle)



Etre simple pour être vrai

Clic-Clac 51

Roland...tes images sont vraiment superbes
Merci une fois de plus de partager
Amicalement Denis ;)

Roland Ripoll

Merci Denis !

Suite du mois de décembre:

Le Fuligule milouin est avant tout un hivernant très présent d'octobre jusqu'à février-mars. C'est un canard plongeur qu'on observe en journée dans les "remises" (plans d'eau où il se consacre essentiellement à des activités dites de confort, au repos et à la toilette). La nuit venue, il se rend sur d'autres plans d'eau, les "gagnages", pour s'alimenter. La région PACA accueille 20 000 individus environ chaque hiver dont la majorité en Camargue. C'est une espèce chassée...





Si une toute petite population d'Oie cendrée  existe en Camargue depuis les années 90, c'est surtout durant l'hiver qu'on pourra l'observer avec des effectifs avoisinant les 5 000 individus (4 8000 comptés en 2013). Site majeur d'hivernage, la Camargue accueille à la mauvaise saison de nombreuses oies sauvages nichant en Europe du Nord et dans les pays de l'Est.



Présent toute l'année, nicheur en Camargue, le Cygne tuberculé a vu sa population augmenter considérablement, passant de 500 individus en l'an 2000à plus de 2 000 individus en l'an 2014. Cette prolifération pose question et des études sont en cours pour déterminer l'impact des cygnes sur la déplétion des herbiers aquatiques ou sur son agressivité à l'égard des anatidés en période de reproduction.



Mentionné pour la première fois nicheur en Camargue en 1958, l'Etourneau sansonnet a vu depuis ses effectifs se multiplier considérablement car à la population locale, présente toute l'année, viennent s'ajouter l'hiver de très nombreux individus.





Grande aigrette


Etre simple pour être vrai

labat

Magnifique de magnifique...Chapeau bas et merci de ce partage.

réal

Très beau documentaire avec de magnifiques photos, bravo.
Martin Réal

Henrid

Un régal. Merci pour ce magnifique fil agrémenté de très belles photos.
Henri

Mig74

Du très haut vol Roland, je prends tout, c'est superbe. Tu me donnes envie de prendre la voiture, le matériel photo, et d'y aller (mis c'est loin...). La deuxième de l'Etourneau sansonnet est superbe.

Merci pour ce partage des plus agréables !

Clic-Clac 51

C'est vraiment superbe... ::) ::) ::) un régal pour mes yeux
Bravo Roland
Amicalement Denis ;)

Roland Ripoll

Merci !

Avant de passer au mois de janvier, quelques petits oiseaux qu'on peut observer en décembre, mais si difficiles à photographier à la belle saison lorsqu'ils sont occupés à nicher. S'ils ne sont pas caractéristiques de la Camargue, ils font quand même partie de son avifaune.

Rougegorge




Rougequeue noir



Etre simple pour être vrai

Roland Ripoll

Etre simple pour être vrai

MARTINPECHEUR

Clic+clic = Toftof !

Clic-Clac 51

Superbe...bravo Roland
Bonnes fêtes de fin d'année a toi et tes proches
Amicalement Denis ;)

Roland Ripoll

Merci ! Joyeux Noël à tous !

Pour compléter la série passereaux:

Moineau domestique




Verdier d'Europe




Etre simple pour être vrai