droit à l'image (encore et toujours...)

Démarré par imagineur, Janvier 25, 2016, 16:35:26

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imagineur

Je viens de réaliser une série de 60 photos intitulée "Couples du dimanche".
Faite au grand angle en train de marcher, sans viser, l'appareil au bout de la main. A un endroit où beaucoup de monde se promenait par ce beau temps.
J'aime cette série et j'ai envie de la publier sur mon site.
Évidemment je n'ai pas l'autorisation des personnes.
Donc qu'est ce que je risque à part la mésaventure d'un couple illégitime...?
Je vous en montre une, à titre d'exemple, car elles se ressemblent toutes.
Il n'y aura aucune indication de lieu ni de date. Je considère cette approche comme une sorte de sociologie du couple en image.
Qu'en pensez-vous ?
Certes il y a droit à l'image, mais il y a aussi droit à l'expression... Non ?

vernhet

je pense que vous n'avez absolument PAS le droit de publier ces photos
Et,en ce qui meconcerne, j'estime que c'est heureux!

Zouave15

Le couple est le sujet de la photo. Pour que la liberté de création joue, il faudrait au minimum quelqu'un de connu, dans le cadre d'un projet cohérent et bien décrit, et cela ne le mettrait à mon avis pas à l'abri des poursuites. Le juge s'étonnerait alors de l'absence d'autorisation, car il les estimerait facile à obtenir après coup.

Hormis le couple illégitime, il y a tous ceux (dont je fais partie) qui n'ont mis aucune photo d'eux sur la toile, qui n'y tiennent pas, et qui feront la chasse à toute photo qu'ils trouveront, et hésiteront d'autant moins à intenter un procès qu'ils seront énervés, et auront de bonnes chances de gagner.

STB

Dans les conditions que tu décris (hors journalisme)
Et au delà des textes, il y a le simple respect des avis et des vies.
La politesse de demander...
StB

imagineur

Il est évident que si un couple se reconnait et demande d'enlever la photo, je m'exécute sans discuter.
Je ne me vois pas non plus demander à tous ces couples une autorisation dans la mesure où il s'agit d'instantanés et non de photos posées. Leur demander après la photo prise à leur insu, je doute qu'un seul accepte...
Ces photos ne sont pas en vente, elles sont réalisées dans une démarche artistique, désintéressée... Le lieu est public... Il faudrait que le couple s'explique sur le préjudice que j'aurai occasionné...
Cela dit, comme je n'ai pas non plus envie d'avoir des ennuis, il y a forte chance que ces photos restent au fond de mon ordi...

B_M

Qualis artifex pereo !

Mais, vue l'ambiance actuelle... Le web et les réseaux sociaux n'ont rien arrangés sur ce plan et sont très discrédités en ce moment. Les gens sont hypersensibilisés, à tort ou à raison.
BM
B_M

vivaldi33

Je ne comprends pas que l'on puisse avoir ce genre de démarche et se poser des questions a posteriori et presque s'offusquer de ne pas pouvoir les publier.

STB

Citation de: imagineur le Janvier 25, 2016, 23:13:14
Il est évident que si un couple se reconnait et demande d'enlever la photo, je m'exécute sans discuter.

Citation de: imagineur le Janvier 25, 2016, 23:13:14
Leur demander après la photo prise à leur insu, je doute qu'un seul accepte...

Ba tu as déjà la réponse !

Citation de: imagineur le Janvier 25, 2016, 23:13:14
Ces photos ne sont pas en vente, elles sont réalisées dans une démarche artistique, désintéressée... Le lieu est public... Il faudrait que le couple s'explique sur le préjudice que j'aurai occasionné...

Tu confonds droit à l'information et création artistique. Vendue ou pas
StB

imagineur


imagineur

Encore, une fois, ces images ne sont pas à vendre. Elles sont faites par un amateur passionné, pour l'amour de l'art.

Imaginons que je confie ces images à un peintre qui les reproduit à la perfection dans les moindres détails. Les couples seraient tout à fait reconnaissables. Il publie sur son site la reproduction des toiles.

On dira oui mais là c'est de l'art. La version photo n'est pas de l'art ?

On dira oui mais la photo est une preuve. ah bon, on ne peut pas truquer une photo numérique...?

Zouave15

Citation de: imagineur le Janvier 25, 2016, 23:13:14
Il faudrait que le couple s'explique sur le préjudice que j'aurai occasionné...

Aucunement : il est le sujet de la photo, il a le droit de refuser sa publication sans la moindre justification.

Citation de: imagineur le Janvier 26, 2016, 09:40:58
Imaginons que je confie ces images à un peintre

Il n'y aurait aucune différence.

Il faut que tu réétudies la question du « sujet qui est le sujet ».

imagineur

J'ai déjà précisé : si un couple se reconnait et demande de retirer la photo, je le fais de suite...

jm_gw

Citation de: vernhet le Janvier 25, 2016, 16:56:50
je pense que vous n'avez absolument PAS le droit de publier ces photos
Et,en ce qui meconcerne, j'estime que c'est heureux!
déjà rien que le fait d' avoir posté cette image dans une sphère publique pourrait lui en coûter ....

je serais lui .. je ferais fissa pour demander de la supprimer du fil

Salut au futur jeune retraité  :D

dioptre

Ce n'est pas si simple !!

Extrait d'un article du Monde du 18 06 2004 :

CitationEn 1999, Luc Delahaye, un photographe réputé membre de l'agence Magnum, avait publié un livre intitulé L'Autre (éd. Phaidon) accompagné d'un texte de Jean Baudrillard, comprenant quatre-vingts portraits en noir et blanc et statiques d'usagers du métro parisien. Aucun nom, et pour cause : ces images avaient été volées comme le ferait un paparazzi. Les visages envahissent le cadre, sont parfaitement identifiables. Pour arriver à ses fins, le photographe avait fabriqué un appareil discret. "Je le cachais dans un sac, je m'asseyais sur une banquette libre, et je photographiais de la même façon chaque personne assise face à moi."

Une des personnes photographiées demandait au tribunal la condamnation solidaire à 100 000 francs de dommages et intérêts du photographe, de son agence et de son éditeur. Il attaquait également Michael Haneke et son producteur MK2 au motif que son portrait apparaît durant deux secondes, dans le film Code inconnu, du cinéaste autrichien. Cette personne dénonçait un "préjudice caractérisé", invoquant "l'exploitation mercantile de ses traits", "l'expression de tristesse qui se dégage du portrait et le ridiculise" et les "répercussions négatives sur son équilibre familial qu'ont eues ces publications".

Le tribunal de Paris rappelle que le livre L'Autre, "salué par la critique", est "incontestablement une œuvre artistique par l'originalité de la démarche de l'auteur". Le tribunal reprend les citations de Luc Delahaye dans Le Monde du 5 novembre 1999, expliquant pourquoi il avait volé ces portraits : "C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour parler de la solitude, du silence, de l'obscurité des choses. Le métro est un lieu où les gens sont des portraits d'eux-mêmes. Quand ils remontent à la surface, ils prennent un masque, font semblant de croire que tout va bien, adoptent des codes relationnels factices - sinon la vie serait intenable. Dans le métro, il n'y a pas de relation du tout, je peux donc y trouver plus de vérité. J'ai volé ces photos, c'est vrai, mais c'est au nom d'une vérité photographique que je n'aurais pu atteindre autrement."

Le juge affirme que le préjudice est inexistant, que le portrait ne montre pas le demandeur "dans une situation dégradante" ni "ne le tourne en ridicule". Luc Delahaye et Michael Haneke n'ont donc pas fait un "usage fautif de la liberté d'expression".
"UN TROUBLE ANORMAL"
Et le tribunal d'énoncer un principe fondamental : le droit d'une personne sur son image "n'est pas absolu et cède, notamment, devant le droit à l'information, droit fondamental protégé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement, sous réserve du respect de la dignité de la personne humaine". Le droit à l'image ne peut "faire arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de communiquer des idées qui s'exprime spécialement dans le travail d'un artiste".

En matière d'image, on avait perdu l'habitude de voir un tribunal faire primer le droit à l'information, garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, sur le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 9 du code civil. On avait rarement vu, aussi, un tribunal aussi sensible à l'expression artistique. Reste à savoir si ce jugement sera confirmé par d'autres tribunaux.

Il intervient dans un contexte de plus en plus favorable aux photographes. Ainsi, la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, a pris, le 7 mai, une décision qui limite fortement le droit des propriétaires qui attaquent en justice les photos reproduisant leur bien (maison, immeuble, montagne, bateau) dans un journal, sur une publicité ou une carte postale (Le Monde du 12 mai).

Les deux critères définis par la Cour de cassation se retrouvent dans le jugement concernant les photos de Delahaye : "Le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci", disait-elle, ajoutant qu'il ne peut s'opposer à l'utilisation de l'image de son bien que lorsque l'image lui cause "un trouble anormal".

On voit ainsi se dessiner un recentrage spectaculaire dans les affaires de droit à l'image. Découvrir son visage dans un journal, une exposition, un livre, que l'on soit un passant anonyme ou une star du spectacle, risque de ne plus être suffisant pour recevoir des dommages et intérêts. Il faudra apparemment préciser où est le préjudice, notion désormais essentielle, ce qui va fortement limiter les condamnations.

Michel Guerrin

imagineur

Alors là, MERCI mille fois pour cet article !

il faut lire attentivement cet article, je le trouve très pertinent.

La photo est un art ou pas ? C'est à l'artiste-photographe de le prouver par sa production.

Le tribunal cité dans l'article a compris la démarche de l'artiste et qu'il n'y a aucunement volonté du photographe de dégrader l'image des personnes. Au contraire, il recherche d'une vérité.

La personne représentée qui a emmené l'affaire devant le tribunal voulait tout simplement se faire du fric !!!

Zouave15

Citation de: imagineur le Janvier 26, 2016, 10:28:12
il faut lire attentivement cet article, je le trouve très pertinent.

et justement, tu le lis mal car l'important, qui donne le contexte, lequel est essentiel en droit est « Luc Delahaye, un photographe réputé membre de l'agence Magnum, avait publié un livre ». C'est pourquoi j'écrivais dans le premier message :

Citation de: Zouave15 le Janvier 25, 2016, 19:58:49
Pour que la liberté de création joue, il faudrait au minimum quelqu'un de connu, dans le cadre d'un projet cohérent et bien décrit

D'autre part tu penses que l'article est pertinent, ce qu'il n'est pas, car il généralise au quidam le cas d'un photographe connu, d'une part, et qu'il mélange le droit sur les choses et celui sur les personnes, qui n'ont rien à voir.

De plus, si la personne qui a attaqué le photographe avait demandé un dédommagement modeste, par exemple cinq mille euros, la position du juge aurait pu être différente.

Quand bien même tu estimerais que le droit est avec toi, tu risquerais un procès et, d'évidence, tu n'en as pas vécu pour prendre les choses avec autant de légèreté et un ton revendicatif (qui, face à un juge, devient à charge).

vivaldi33

Au-delà de la loi on peut aussi faire preuve de bon sens: Publier des photos de personnes sans leur consentement est irrespectueux . C'est une chose qui ne me viendrait même pas à l'idée mais chacun à son échelle de valeurs.

Lechauve

Citation de: vivaldi33 le Janvier 26, 2016, 11:17:40
Au-delà de la loi on peut aussi faire preuve de bon sens: Publier des photos de personnes sans leur consentement est irrespectueux . C'est une chose qui ne me viendrait même pas à l'idée mais chacun à son échelle de valeurs.
il est vrai que tout cela est beaucoup plus simple avec des petites fleurs, des marguerites, des pipaillons ou des zoizos.... :D
Heureusement que certains juges,ou certains tribunaux sont plus "ouverts" que certains ici...
La photo: que de la lumière...

megaboub

Quand Doisneau et autres prenaient des photos de quidam, cela permettait aux gens de découvrir "loin de leur quartier"  via la photo. De nos jours, il n'y a plus grand chose à faire découvrir, j'aimerai un jour que quelqu'un m'explique ou est l' intérêt de photographier des inconnus .... à leur insu ....

Chacun est propriétaire de son image.... je ne vois pas ou se niche l'art dans ce genre de photo (éventuellement dans un autre cadre ou pourrai dire :"les gens ne sont pas le sujet principal, alors ...", mais là  ::) )

JCCU

Citation de: Zouave15 le Janvier 26, 2016, 11:07:49
....
De plus, si la personne qui a attaqué le photographe avait demandé un dédommagement modeste, par exemple cinq mille euros, la position du juge aurait pu être différente.
....

Tu peux aussi imaginer que la personne, au lieu d'aller demander de l'argent en justice, rentre dans l'exposition, détruise toutes les photos et mette une bonne gifle au photographe ;D

Ce n'est pas loin d'être le cas de "Banier versus le SDF" : le SDF a été débouté de sa demande de dommages intérêts ...mais Banier a du retirer sa plainte pour la gifle qu'il avait reçu

Bref, si la personne photographiée le prend vraiment mal, ne cherche pas à se faire de l'argent "parce qu'elle est sur la photo", mais donne une bonne leçon de savoir vivre au photographe, pas sur qu'elle risque grand chose :D 

vivaldi33

Il suffit de demander l'autorisation aux personnes pour éviter ce genre de situation . J'appelle cela de la courtoisie et dans bien des cas le couple sera heureux d'avoir une photo. Sauf les illégitimes bien sur  ;)

imagineur

Tous les gens n'ont pas la culture photographique suffisante. Si je leur demande, ils ne comprendront pas pourquoi j'ai pris des instantanés d'eux (et pourraient se mettre en colère) et au mieux (!) voudront poser pour avoir une "jolie" photo d'eux, avec sourires etc.
Les gens sont devenus complétement parano avec le net.
Et si je rajoute un rectangle noir sur leurs yeux...? Je protège l'anonymat..? Au moins, je pose en image la question que je pose ici sur le forum et met le doigt où ça fait mal!!!

megaboub

#22
Citation de: imagineur le Janvier 26, 2016, 12:30:03

Si je leur demande, ils ne comprendront pas pourquoi j'ai pris des instantanés d'eux

Ah, eux non plus ?  ;D   Non blague à part, il n'y a ni travail sur la lumière, ni composition, ni cadrage "aux petits oignons" (et pour cause), sur des gens pas au courant .... ça va être dur quand même de prêcher "l'oeuvre artistique" ni un reportage d' actualité  pour justifier une diffusion large sans accord préalable...

Par exemple un photographe de mariage dans un parc (donc pas dans le lieu privé de la mariée) prend la mariée et sa dame d'honneur, et bien légalement, même si la demoiselle sait qu'elle est prise en photo et est consentante, le photographe ne peut pas la mettre sur son site web si il a juste l'accord écrit de la mariée ... ils n'ont généralement pas l'accord des autres personnes ... mais cela n'en gêne pas certains ...Il y a juste à demander à me Joelle Verbruge son avis là dessus  ;D

megaboub

Autre cas d'école : une personnalité vient dans ta ville, tu la shoot, tu la mets sans accord sur ton site, tu as le droit car c'est un fait d'actualité d'une personne "publique" (large tolérance). Si tu shoot et range la photo au chaud, puis 6 mois après, tu veux la mettre sur ton site ...tu ne peux plus la mettre sans accord, car il n'y a plus le caractère d'actualité.

Et puis, il n'y a plus guère que notre image qui nous appartient sans être taxée ..... si même ça, n'importe qui peut en disposer à sa guise sans notre accord ...  ::)

STB

vous faites de sacrés raccourcis  :D

Je me marre quand même pas mal en lisant tout cela ;D
StB