Les habits d'arlequin

Démarré par Xavier Corteel, Mai 02, 2017, 13:36:06

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Xavier Corteel

Sur l'échelle de l'élégance que l'on prête aux oiseaux, je place très haut le Chevalier arlequin. Au grand défilé des limicoles, il pourrait voler la vedette à bien d'autres prétendants. Sur l'eau, au sol ou en vol, ce champion de la séduction cumule les atouts : un bec profilé comme une aiguille, un port de tête d'une grâce inégalable, une palette de couleurs contrastées  au fil des ans et des saisons. Jusqu'à son cri qui enchante le marais de sa joie de vivre.
A sa panoplie de grand charmeur s'ajoutent d'indiscutables dispositions pour le spectacle. Lui ne se nourrit pas dans la vase mais dans l'eau. Bon nageur, il enchaîne bascules, pirouettes et cabrioles dans une scénographie qui tient du ballet aquatique.
Au printemps, l'espèce peut exposer toutes les variantes de sa garde-robe.

1/5 Plumage type du juvénile ou d'oiseau 2A pour adopter le code du CRBPO qui compte l'âge en années civiles
Curieux de Nature

Xavier Corteel

2/5 Idem
Curieux de Nature

Xavier Corteel

3/5 Adulte en plumage internuptial (ventre blanc non rayé)
Pour marray : pas très "erythropus" à ce stade.
Curieux de Nature

Xavier Corteel

4/5 Adulte en plumage nuptial dont les pattes ont déjà pris leur couleur noire de saison, comme celles du précédent (on peut le voir sur d'autres photos que je ne montre pas).
Curieux de Nature

Xavier Corteel

5/5 Idem
Curieux de Nature

Roland Ripoll

Merci pour ses images qui déclinent si bien le plumage de l'arlequin !
Etre simple pour être vrai

jmr87

Superbes images! Quelle chance de pouvoir observer et photographier cet oiseau!!

twiny

superbe ce chevalier, bravo

photo92

Profitant de tes belles images, je cherche une explication à ces différents plumages

Perdent ils leurs plumes pour passer en mode nuptial ou s'agit il d'une modification de la pigmentation ?

Merci pour votre éclairage

Xavier Corteel

Si j'ai bien compris ta question, tu veux savoir si ce sont les mêmes plumes qui changent de couleurs au fil du temps.
Non, tous les oiseaux muent en général deux fois par an, avant et après la période de reproduction. D'où la notion de plumage internuptial et nuptial. Ils perdent alors toutes leurs plumes, pas en même temps, bien sûr, - sur une durée moyenne de cinq semaines chez les passereaux, par exemple. Les anciennes plumes sont remplacées par des nouvelles de couleurs différentes sous l'influence d'un programme génétique et de sécrétions hormonales. Les pigments qui colorent les plumes sont d'origine endogène (la mélanine qui protège de l'usure et du soleil) ou alimentaire (les caroténoïdes qui ont une action anti-bactérienne). Les couleurs peuvent aussi être influencées par des interférences physiques.
Les plumes subissent aussi l'action du vieillissement ou de l'usure mais sans véritables variations de couleurs.
Les couleurs vives du plumage nuptial chez les mâles ont bien évidemment une fonction dans la reproduction : meilleure visibilité, attirance plus grande.
J'espère avoir répondu à ta question et si d'autres que moi veulent apporter des précisions sur le sujet, ils seront les bienvenus.
Curieux de Nature

photo92

Citation de: Xavier Corteel le Mai 11, 2017, 11:55:52
Si j'ai bien compris ta question, tu veux savoir si ce sont les mêmes plumes qui changent de couleurs au fil du temps.
Non, tous les oiseaux muent en général deux fois par an, avant et après la période de reproduction. D'où la notion de plumage internuptial et nuptial. Ils perdent alors toutes leurs plumes, pas en même temps, bien sûr, - sur une durée moyenne de cinq semaines chez les passereaux, par exemple. Les anciennes plumes sont remplacées par des nouvelles de couleurs différentes sous l'influence d'un programme génétique et de sécrétions hormonales. Les pigments qui colorent les plumes sont d'origine endogène (la mélanine qui protège de l'usure et du soleil) ou alimentaire (les caroténoïdes qui ont une action anti-bactérienne). Les couleurs peuvent aussi être influencées par des interférences physiques.
Les plumes subissent aussi l'action du vieillissement ou de l'usure mais sans véritables variations de couleurs.
Les couleurs vives du plumage nuptial chez les mâles ont bien évidemment une fonction dans la reproduction : meilleure visibilité, attirance plus grande.
J'espère avoir répondu à ta question et si d'autres que moi veulent apporter des précisions sur le sujet, ils seront les bienvenus.

Tu as très bien compris mon interrogation et te remercie pour cette réponse très explicite

Cordialement

marray

Citation de: Xavier Corteel le Mai 11, 2017, 11:55:52
Si j'ai bien compris ta question, tu veux savoir si ce sont les mêmes plumes qui changent de couleurs au fil du temps.
Bravo pour ce beau développement Xavier. On croirait lire du Gide : "Nathanaël je te parlerai des attentes ...". Il n'a pas écrit "j'ai vu le Chevalier attendre que ses plumes repoussent" mais il aurait dû. Voilà en tous cas qui enrichit encore ce fil :)

Roland Ripoll

#12
Merci Xavier pour tes images et tes explications. Puisque tu nous invites à apporter des précisions, voici ce que je peux dire au sujet de la mue (en espérant que ce ne soit pas trop long):

La mue a généralement lieu deux fois par an, à des périodes bien définies, et se décline ainsi :

- D'abord une première mue, dite partielle, entre la fin de l'hiver et le début du printemps, où l'oiseau ne renouvelle que les plumes du corps (les tectrices). Les oiseaux acquièrent alors leur plumage nuptial.  

- Ensuite une autre mue, dite complète, entre la fin de l'été et le début de l'automne, où toutes les plumes cette fois sont renouvelées et notamment celles des ailes (les rémiges) et celles de la queue (les rectrices). Les oiseaux sont dans un plumage d'hiver qu'on appelle plumage internuptial.

Les plumes ne se renouvellent jamais au hasard ni dans le désordre. La mue, bien au contraire, se produit toujours dans un ordre bien précis et par étapes, de façon à garder au plumage un minimum de performances. Pour les ailes et c'est logique, la mue s'effectue symétriquement afin que l'oiseau conserve malgré tout un certain équilibre et garde intactes ses capacités de voler.

Exception faite des canards qui perdent d'un seul coup toutes leurs plumes de vol. "Cloués"  au sol pendant  quelques semaines, ils  sont obligés de se cacher et de trouver refuge  au cœur de la végétation aquatique afin d'échapper aux prédateurs. Cela explique la nécessaire discrétion du plumage d'éclipse.

Durant cette dernière période de mue complète  les oiseaux,  sont fragilisés, vulnérables et se font donc très discrets, Les déplacements et les chants sont limités. C'est le cas on l'a vu des canards qui semblent disparaître tout à coup des plans d'eau. La mue, qui dure environ deux mois chez les petits passereaux  et jusqu'à un an chez les grands rapaces, nécessite un important apport en protéines pour produire de la kératine en grande quantité.

L'oiseau doit en effet  non seulement produire de nouvelles plumes, mais aussi assurer le maintien de la température du corps (et ce avec un plumage au coefficient d'isolation diminué)   et voler avec des ailes moins performantes.

Plus une plume est grande plus elle met de temps à croître. Pour les petits passereaux, la mue des primaires nécessite entre 60 et 85 jours, elle demande 95 jours chez la Pie bavarde, 120 jours chez le Geai des chênes.

L'oiseau mue donc quand la nourriture est encore abondante, lorsqu'il ses jeunes sont émancipés et lorsque la migration n'a pas encore commencé.
Mais chaque espèce adopte en la matière une stratégie différente. Les espèces migratrices choisissent soit de muer avant le départ  pour bénéficier d'un plumage neuf  et plus performant compte tenu des longues distances à parcourir ; soit de muer une fois arrivées sur place dans leurs zones d 'hivernage ; soit encore de commencer la mue, de l'interrompre pendant le voyage et de la terminer  quand elles sont arrivées à destination.

Les grands rapaces et les cigognes ne peuvent pas se permettre de perdre, comme les canards ou les oies, toutes leurs plumes de vol. Ils  ne renouvellent en fait que deux ou trois rémiges à la fois. "Etant donné qu'une plume nouvelle croit au plus  de 5 à 10 mm par jour, il lui faut 2 mois pour se renouveler (...) Comme il y a 10 ou 11 rémiges primaires et 15 à 22 rémiges secondaires sur une aile chez ces grandes espèces, le renouvellement total de ces plumes prend 3 à 4 ans pour que la capacité de vol ne soit pas affectée."  

Etre simple pour être vrai

photo92

Satisfait de lire toutes vos explications à une question dont je ne suis surement pas le seul à m'interroger
Pour les canards je crois qu'en période de mue les mâles ressemblent à s'y méprendre aux femelles, d'où cette impression que l'étang ne respecte plus la parité (F/M)

Merci

Xavier Corteel

Merci à Roland d'être allé encore plus loin dans l'explication et la description du phénomène de la mue. Quand les images servent de prétexte à une meilleure connaissance grâce à une complémentarité des colistiers, les fils prennent une indiscutable plus-value qui contribue à la richesse de ce forum.
J'ose ajouter de nouvelles précisions :
- une rémige de fauvette (57 mm) pousse en 17 jours
- une rémige de corneille (285 mm) pousse en 32 jours
L'examen attentif d'une plume permet de distinguer des barres de croissance qui marquent les différentes étapes de son développement.
Curieux de Nature

Berzou

Merci pour toutes explications passionnantes,  et pour ce bel oiseau dont tu parles si bien...