Salut

Si nous sommes tous les deux de ce petit monde là, il nous faut d'abord dire à ceux qui n'y travaillent pas que les organismes et personnes chargées de porter la règlementation ou le développement amènent des contextes locaux très variables selon les départements.
Chez toi, tu sembles bénéficier d'un contexte apaisé et progressiste que la règlementation actuelle permet au personnes et organismes en place. Elle est encore le fruit des anciennes Orientation Régionales Forestières et Schéma Régionaux de Gestion Sylvicoles (SRGS) que ce plan national va redéfinir. Et c'est bien de cette redéfinition locale de la politique nationale qu'il est question.
Si on lit ce programme national, ses dispositions vont obliger le CNPF que tu cites à refondre les SRGS pour une application au niveau régional et le plan de gestion que tu fais pour ta forêt devra y être conforme. Établissement public, il ne peut pas en ignorer les dispositions ou refuser de les transcrire.
Ton exemple concret est intéressant.
Ce que tu décris sous "
zones "pauvres" en taillis non améliorables" correspond dans ce plan à la notion de peuplements pauvres dont le renouvellement est prioritaire dans le plan national.
J'imagine des taillis de bouleau, chêne, forcément peu productifs sur un sous étage de sol sec (fougère, ajonc, callune, bruyère), ou sur sol humide (molinie, jonc, carex...) .
Au sens de ce qui est en train de se préparer, je crains que l'on cherche à te contraindre à transformer le peuplement vers un reboisement résineux.
Si ton peuplement est sur sol humide on te "suggérera" l'épicéa de sitka.
S'il est sur sol sec, ce sera dirigé vers les pins (sylvestre, maritime, le pin laricio souffrant de la "maladie des bandes rouges").
En tout cas, il est fort probable que s'ils sont sous Plan Simple de Gestion, tu ne pourras maintenir ces peuplements en attente plus d'un certain temps.
Donc un conseil : fais le sur 20 ans ton Plan de gestion !!! (tu n'as pas le droit à plus)
Poursuivons ton exemple :
- poussé si ce n'est obligé par l'administration à planter des résineux sur tes landes à éricacées, tu vas te prendre les écolos sur le dos. Tu enrésines un habitat prioritaire de la directive Natura 2000, mais tu n'es pas dans un périmètre Natura 2000 officiel donc tu es soumis à l'objectif de production prioritaire.
- tes pins vont souffrir des frottis du chevreuil, augmentation des plans de chasse, re engueulade des écolos, phase II
- 20 ans plus tard sur ton sol pauvre, tu dois éclaircir tes pins qui vont partir à la papèterie ou à l'usine de panneaux à 200 km : tu les vendras une poignée de cerise mais tu seras obligé puisque tu es rentré dans un circuit de production. Au passage tu ne rentabilises pas ta plantation parce que tu n'es pas le seul à avoir planté des pins et que les panneaux finlandais d'Ikea sont toujours moins chers.
- Tes pins ont soixante ans, coup de bol t'as pas eu de tempête ! C'est mur donc coupe rase dans un contexte de surproduction, tu vends mal car Ikea est toujours moins cher , la société te montre du doigt parce que t'es un salaud qui détruit la forêt.
- Tu reboises parce que c'est obligé sous peine de ce que la loi appelle "régression de l'état boisé", et oui on a pas le droit de retourner au taillis derrière une futaie résineuse (ça c'est déjà le cas légalement).
- Du coup ta production sur 60 piges est à peine rentable, t'es fauché, tu peux pas te permettre de laisser les chevreuils frotter ta nouvelle plantation, par contre le loyer de chasse lui c'est un revenu sur, c'est plus rentable d'agrainer des sangliers...
Au départ, toi tout ce que tu voulais c'est garder les taillis pour y faire une coupe de bois de chauffage de temps en temps, ce qui avait d'ailleurs pour effet de régénérer un peu la lande à éricacées. Les chevreuils, bah tu en prélevais quand il en avait vraiment trop pour empêcher le rejet du taillis.
60 ans plus tard t'es considéré comme un salaud de propriétaire forestier producteur de bois que tu as du mal à vendre. D'ailleurs avec tes copains du syndicat, tu pense à aller cramer quelques remorques de bois sur le rond point en face d'Ikéa un peu comme les agriculteurs, 60 ans avant.
Ça alertera peut-être le ministre, tu sais le mec qu'avait signé le Programme National de la Forêt et du bois...