Aveugle d’un œil à la naissance, Flo Fox s’essaie à de nombreuses formes d’art (poésie, peinture, sculpture) avant de se lancer, à l’âge de 26 ans, dans la photographie de rue et de reportage. À peine a-t-elle le temps de savourer ses premières publications que la vision de son œil valide commence à faiblir. On est à la fin des années 1970 et la photographe accueille avec un certain soulagement l’arrivée de l’autofocus. Elle en tire profit et poursuit sa route malgré une maladie (la sclérose en plaques) de plus en plus handicapante. Mieux, elle met son expérience et ses connaissances au service d’autres déficients visuels. Elle anime même une émission (le FotoFlo Show) dans laquelle elle accueille ses pairs (Ruth Orkin, Steve Steigman, Arlene Gottfried ou Ralph Gibson, par exemple). Et quand, des années plus tard, la maladie l’oblige à se déplacer en fauteuil, elle continue à faire des images, déléguant la prise de vue à son assistante. Riche de 180000 photos, la vie hors-norme de Flo Fox s’est achevée le 2 mars dernier. Elle avait 69 ans… et un humour caustique, comme le montre cette citation de 2019 : « J’ai toujours pensé qu’être née aveugle d’un œil était un grand avantage : je n’avais pas à fermé cet œil pour prendre une photo. Je n’avais pas non plus à convertir une vue tridimensionnelle en une vue plane, puisque c’est ainsi que je voyais automatiquement. »

SUR LE VIF DANS LES MANIFS

Quand une historienne des mouvements sociaux rencontre un photographe spécialisé dans les manifestations contemporaines, la discussion est forcément intéressante. Pour la revue en ligne Images du travail, travail des images, Mathilde Larrère s’est entretenue avec Serge d’Ignazio sur ses influences (Rodtchenko, Tina Modotti, Vivian Maier), ses outils (un Fujifilm X-Pro3 rafistolé et un 16 mm), son goût pour le noir et blanc, son intérêt pour les slogans et son militantisme assumé : « Pour moi, la neutralité et l’objectivité sont une vaste plaisanterie. Je fais de la photo politique, je le revendique, je prends parti pour les mouvements sociaux, de travailleurs, de femmes, de migrants, etc. Je m’identifie à celles et ceux qui sont en lutte. Ma boussole, c’est la lutte de classe, je ne raisonne pas en termes de corporations, de nationalités, etc. mais en termes de classes sociales. » Pour voir les reportages de Serge d’Ignazio, rendez-vous sur sa page Flickr.

GÉNÉAPHOTOLOGIE

Pour renouer le contact avec leurs ancêtres disparus, certains s’adonnent à la généalogie et d’autres font tourner les guéridons. Christian Fuchs, pour sa part, recrée les portraits peints qui circulent dans sa famille de génération en génération. Ce qui pourrait n’être qu’un jeu relève ici de la performance car le Péruvo-Chilien est du genre à s’impliquer totalement. Il prête ses traits à cette série d’images et peut passer des heures en maquillage et ajout de prothèses diverses. Sans compter les mois passés en amont à recréer, au motif près, les vêtements de ses aïeux. Son souci de l’imitation va jusqu’au choix du papier, du beau-arts ultra-smooth censé rehausser le rendu pictural de « Becoming ancestors ».

PHO•pho•phoTUS !

Sur le principe de feu Motus, saurez-vous trouver ce mot de cinq lettres en lien avec la photographie ?

EN BREF ET EN VRAC

Soutien à Sandra Reinflet qui a vu trois photos de son exposition « Nouvelles Reines » ciblées par un groupe d’extrême-droite et fait face à une campagne d’intimidation sur les réseaux.

Le très prestigieux Prix Hasselblad 2025 a été remis à la Française Sophie Ristelhueber.

Une photo toutes les quatre secondes, c’est la cadence qu’a dû maintenir Saidu Abdulrahaman pour battre le record du monde du nombre de portraits en une heure.

Chouette (mais trop courte) vidéo dans laquelle on suit Étienne Garnier, photographe à L’Équipe, lors des derniers mondiaux de biathlon.

Brian James, le fondateur et guitariste de The Damned, est mort. Et instantanément revient en mémoire la pochette hilare et crémeuse du premier album du groupe. Une photo de Peter Kodick qui a sa petite histoire.

Quatre ans après les faits, les agresseurs de Christian Lantenois, photographe pour le quotidien L’Union, ont été condamnés.

Le Journal des arts a mis à jour son guide des écoles d’art. Utile en cette période d’orientation scolaire.

Fondatrice de L’Inaperçu, Christine Ye est passée sur BFM Paris pour parler de cet établissement qui, à deux pas du Centre Pompidou, associe restaurant et librairie photo.

Les outils du paparazzi et les canaux de diffusion des images ont changé, mais pas les modes opératoires, comme le montre ce sujet de Clément Lanot sur Amar Taoualit, figure montante du genre.

La dimension positive de mes images était inconsciente au début. Je pense que ça s’explique par la vision que j’ai du territoire. Qu’il s’agisse du 93 ou d’un autre lieu, j’essaie de les représenter avec une certaine nuance, entre réalité, authenticité et dénonciation. Le 93 est un territoire dur, abîmé, qui a été abandonné pendant des années. Ces marques-là sont inévitables dans le visuel, mais j’y ajoute ma vision, grâce à la couleur et au grain de l’argentique.

MARVIN BONHEUR

Outre les questions de droits d’auteur et de droits à l’image, le vrai danger [de l’IA] c’est le contrôle que prend la machine sur ce que fait chacun individuellement. (…) Les gens ne s’en rendent pas compte parce que, en tout cas en ce qui concerne les photographes, ils voient essentiellement le côté créatif et que l’IA leur permet de faire des choses extraordinaires mais en attendant, ça reste un outil. C’est comme un couteau de cuisine, tu peux préparer la dinde pour ta famille mais tu peux aussi tuer quelqu’un avec.

JOELLE VERBRUGGE

la petite Musique de fin

Concluons ce « Clique Clac » avec le chant altier de Sophie Jamieson, compositrice britannique dont le dernier album, paru en début d’année, s’ouvre sur ce majestueux « Camera ».

I broke it into half there in my hand, the camera / Couldn’t get the focus to land / It had to go / We can’t all wait here, you know