Flash et gélatine: notions de bases

[bignoz]

Bonjour,

Suite à  différentes interventions dans un autre post, j'ouvre un nouveau fil au sujet de l'éclairage au flash en intérieur, et plus exactement de l'intérêt des filtres de correction de température de couleur pour harmoniser le sujet éclairé et l'arrière plan au niveau des teintes. Je vous fait part de ce que je sais et n'est nullement la prétention de détenir le savoir en la matière. Mes propos seront appuyés d'exemples en situation.

Je commence par un peu de théorie que certains jugeront simpliste, mais le résultat photographique est le même au bout du chemin, donc j'évite de compliquer.

Le monde qui nous entoure est baigné de lumière. Vous êtes au soleil, la pelouse est verte, un nuage passe, les tonalités changent. Vous rentrez chez vous le soir et allumer les lumières, les teintes sont chaudes, c'est agréable. Vous aller dans le garaje et allumez un néon, l'ambiance vous parait froide. Sans le savoir, vous avez trouvé le debut de votre problème. Vous savez, celui que vous n'arrivez pas à résoudre lorsque vous prenez une photo au flash d'un sujet en avant plan dont les couleurs sont bonnes alors que le fond est irréaliste, ou l'inverse. Normal, vous faites face à un problème de température de couleur. Attendez, ne partez pas, vous aller voir que c'est très simple.

Evidemment, pour éviter le problème , vous pouvez jeter votre flash à la poubelle et vous convaincre qu'avec une optique à f1.4 pas la peine de flash. Comme vous ne savez pas l'utiliser, autant rester en lumière naturelle et hop, le tour est joué. C'est vrai que beaucoup abordent la lumière naturelle comme une approche artistique, et si cette lumière est de qualité les résultats sont à la hauteur, avec des clichés magnifiques. Mais d'autres se "cachent" derrière cette aproche car ils ne savent pas utiliser leur flash. Vous n'êtes alors plus dans la catégorie de ceux qui maitrisent la lumière et décident dans certaines conditions de se passer du flash, mais de ceux qui ne savent pas dominer cette source de lumière additionelle et décident de s'en passer un peu (beaucoup) malgré eux.

Vous aller me dire: "il se prend pour qui ce petit con?", et vous avez raison. C'est bien parce que moi non plus je ne maitrise pas à fond mon flash que je décide parfois de le mettre de côté. Mais de moins en moins. Car le flash est un outil précieux. Mais revenons à nos moutons et observez ces jolies couleurs

[bignoz]

Ce sont les températures couleur. Je ne vais pas rentrer dans les détails, n'insistez pas. En dessous c'est ce que l'on appelle les degrés Kelvin. N'insistez pas je vous dit. Retenez que plus le chiffre des degrés Kelvin est petit plus on tire vers le rouge-orange, et plus le chiffre est haut alors on tire vers le bleu. Maintenant voici un autre tableau tiré du manuel de Nikon pour le D5 pour régler ce que l'on appelle la balance des blancs. Taisez-vous, retenez juste ces mots "balance des blancs". Il est dans tous les menus des appareils photos.

[bignoz]

suite

[bignoz]

En rapprochant ces deux informations, ils ne faut pas être prix Nobel de physique pour se rendre compte qu'une ampoule à incandescence (une ampoule à filament) tire vers le rouge (enfin, c'est ce que vois votre appareil, pas forcément vos yeux) alors que ciel nuageux tire les photos vers le bleu. Donc que fait votre appareil photo en mode balance automatique? Il compense les dérives pour que le blanc reste blanc et que les tonalités soient juste. "Attendez monsieur Bignoz, vous avez dit qu'il fait une espèce de balance pour que les blancs soient blancs?" "Oui, j'ai dit ça". "Mais alors c'est..." "la balance des blancs, exactement, vous êtes en forme, ça fait plaisir de voir que vous suivez".
Voilà, vous allez pouvoir impressionner votre entourage autour d'une bonne bouteille de Bordeaux en vous exclamant "chérie, alllume la lampe à ampoule incandescente, ça manque un peu de chaleur, genre 3000-3200 degrés Kelvin si tu vois ce que je veux dire". Continuons.

Votre flash emet une lumière à 5000-5500K, ce qui veut dire que la lumière émise est similaire à celle du soleil (5200K). Je vois que vous avez compris, mais il faut que je l'écrive ne vous en déplaise: lorsque vous faites du débouchage, c'est à dire que vous envoyez votre lumière de flash sur un sujet qui est obscurci, à l'ombre, tout en ayant un arrière plan baigné de soleil, le sujet et l'arrière plan sont harmonieux. Je passe outre les problèmes de réglage d'intensité de l'éclair, je ne m'attarde ici que sur la problématique de la température de couleur. Comme c'est la même entre votre flash et la lumière du soleil, que vous utilisiez votre flash ou un réflecteur donnera le même effet colorimétrique. Tout sera en phase.

Passons à l'étape suivante, je vous invite chez moi. Votre femme veut venir, vous êtes coincé. Vous arrivez à deux. J'allume mes lampes, elles possèdent des ampoules qui envoient une lumière à 3000-3200K. Là, vous restez bouche bée face à une charmante créature brune qui vous fixe du regard. Normal, c'est un mannequin. Je veux dire un mannequin de boutique, en plastique. Je sais, vous ête décu, (votre femme rassuré) mais c'est pratique, ça ne se plaint pas, ça supporte tous mes caprices, mes tests de lumières. En plus ma femme (à moi) l'autorise à rester à la maison, elle est cool ma femme. Comme la votre. Cette jolie brune sera donc notre sujet glamour. En arrière plan, ce qu'il  reste de mon salon envahi par des modeleurs et trépied lumière. Je vous l'ai dit, elle est cool ma femme (ou résignée). Passons aux cas concrets.

Pour qu'aucun autre paramètre ne vienne perturber la prise de vue, je mets votre Nikon D5 en manuel (oui, on va dire que c'est le votre, ne compliquez pas encore une fois). L'objectif est un 50mmm f1.4G à 1 mètre du mannequin.

PHOTO 1: Vous prennez un cliché de l'ambiance générale. Pour cela, vous êtes à 1/50, f2.0, iso 1000. La balance des blancs est sur "tungstène" (symbole de la petite ampoule). Voilà, l'appareil est réglé à 3000K (doc Nikon) Les couleurs d'ambiance sont exactes, mais le mannequin sous exposé.

[bignoz]

PHOTO 2: La belle brune n'est pas contente, elle est narcissique et souhaite être vue. Très bien, vous montez votre flash. En plein poire pour les besoins de la démo.
Déjà, la problématique s'installe. Vous avez un flash qui envoie une lumière à 5000K et des lampes qui sont à 3000-3200K.  Résultat previsible, comme vous avez une source plus froide qui va impacter le modèle, le visage va être bleuté.

[bignoz]

PHOTO 3 : La belle brune (dont vous ne connaissez toujours pas le prénom) est folle de rage. Elle a mis trois heures à se maquiller pour des prunes. Vous paniquez et passez en balance des blancs automatique. Le flash monté sur la griffe de votre appareil photo va envoyer à ce dernier l'info suivante: "je suis prêt à emettre un éclair, et il va être à 5000K, prend moi en compte". Et l'appareil va commuter pour être à 5000K. Résultat prévisible: le sujet impacté par le flash va avoir une bonne colorimétrie tandis que le fond va recevoir beaucoup moins de lumière (revoir la théorie de la loi du carré inverse, Google est votre ami) et par conséquent être dominé par la lumière à 3200K des ampoules à filament (par exemple). Je vous rappelle que votre appareil est calé sur 5000K, donc 3000K est bien plus orangé. C'est pour cela que ce fond va avoir une dominante orangée beaucoup plus forte que ce qu'elle devrait être. Voilà ce que cela donne:

[bignoz]

PHOTO 4 : La belle brune est satisfaite, vous avez évité l'affront de vous faire traiter de mauvais photographe. Car elle n'y connait rien, contrairement à votre femme qui arrive dans votre dos et vous chuchotte à l'oreille: "c'est quoi ces rideaux qui tirent vers le rouge? Tu te fous de moi? Un D5 en plus. T'es vraiment mauvais". À partir de là vous avez deux solutions: soit vous appelez votre avocat pour enclencher la procédure de divorce, soit vous vous remettez en cause. Comme vous n'êtes pas sous le régime de la séparation de biens, vous décidez de repasser en mode manuel, 3000K. Mais l'angoisse vous envahi à nouveau. Le beau visage de la brune va être bleuté de nouveau. Alors que faire? C'est là qu'arrive à la rescousse les fameux FILTRES DE CORRECTIONS DE TEMPERATURE DE COULEUR. Nikon libre deux de ces filtres, les plus commun, avec ses flashs. Vous avez notamment un orangé que l'on nomme CTO (Color Temperature Orange). En plaçant un filtre orange sur le flash, vous allez réchauffer la lumière du flash, qui va passer de 5000K à 3000K. Le sujet reçoit une lumière à 3000, et le fond qui est déjà à 3000 K du fait des ampoules à incandescence aura les vrais tonalités. Et toute l'image sera naturelle. CQFD.

[bignoz]

PHOTO 5: Excité par votre découverte, vous repassez en mode balance des blancs auto, car vous comprenez maintenant le dialogue qui s'instaure entre le flash et l'appareil. Le flash va dire à son copain d'en dessous "eh, l'appareil, l'artiste m'a collé un filtre orange, je vais envoyer une lumière plus orange, en fait du 3000 Kelvin, prend cela en compte." L'appareil photo se cale sur 3000K. Le sujet est à 3000K, le fond aussi du fait des lumières incandescentes, tout baigne. Sur ce votre femme revient, jette un coup d'oeil à l'écran arrière et reste bouche bée. Son regard plonge dans le votre, vous y lisez une admiration sans limite et annulez votre funeste plan de séparation.

[bignoz]

PHOTO 6: Le sourire aux lèvres, vous maniez maintenant votre flash comme un Dieu. Vous savez désormais quels actes auront quelles conséquences. Dans votre tête, c'est la fête au village. (https://www.youtube.com/watch?v=LIdmGLn-Gnk)
Alors plein d'enthousiasme et de confiance en vous, vous allez pousser vos expériences un peu plus loin. Parceque jusque là le mannequin ne recevait pratiquement aucune lumière ambiante sur le visage, il n'y avait pas de mélange. C'était facile. On repart avec a mise en situation et les mêmes réglages que la photo 1, mais avec une lampe additionnelle sur la gauche. Ça donne ça:

[bignoz]

PHOTO 7: Comme vous commencez à comprendre, vous savez très bien qu'un flash avec CTO va donner la bonne colorimétrie. Vous passez direct à l'expérience suivante, celle de la photo 2, mode manuel, balance des blancs tungstene. Vous savez que le bleu va être "noyé" dans le flot de lumière ambiante qui tombe sur le visage du modèle à condition que vous poussiez un peu les isos pour que que cette lumière ambiante couvre votre forfaiture. Vous n'y allez pas de main morte et passez à iso 1600. C'est pas idiot, mais c'est du travail de cochon, du camouflage. L'éclair va donner un peu de "peps" et passe relativement inaperçu. Vous évitez le massacre, en quelque sorte. Mais c'est honteux.

[bignoz]

PHOTO 8:  Vous pensez alors à ramener les isos à 1000 et baisser la puissance du flash mais les remords vous envahissent. On vous regarde. Vous vous sentez coupable. Vous sentez que quelque chose ne va pas. Alors vous décidez rageusement de réduire les isos à 100. Oui, vous êtes radical, le fond est vraiment sous exposé, mais vous imaginez que les invités ont un look à faire vomir, donc les éliminer ne fera pas de mal. Par contre, la jeune brune mérite un peu plus d'attention. Vous pressentez le résultat: Moins d'isos, moins de lumière ambiante, à coup sûr le flash reprend la main avec ses 5000K contre un réglage de 3000K sur l'appareil le visage va ressortir comme prévu, version schtroumpf. (ne vérifiez pas, j'ai contrôlé l'orthographe). Même le fond ne parvient pas à dissimuler la lumière résiduelle du flash. Bravo, bien vu, votre cerveau s'est remis en marche.

[bignoz]

PHOTO 9: Vous passez outre la fait qu'en rajoutant un CTO, la photo 8 serait impeccable puisque balancée à 3000K comme le boitier. Vous en avez marre d'avoir toujours raison. Votre boitier et vous ne faites plus qu'un. Vous commutez la balance des blancs en automatique, et une fois de plus vous comprenez la gymnastique, vous avez appris le langage des machines, le langage "flash". En BdB automatique avec flash sur le sabot, le boitier commute en 5000K, donc le fond va tirer sur le rouge (car à 3000K inférieur à 5000K), À 100 isos le visage ne reçoit que peu de lumière ambiante, donc le flash devient la source principale, aucun souci.

[bignoz]

PHOTO 10 :Bon, vous  prenez un café et en avait assez de tourner en rond. Mais vous souhaitez enfoncer le clou. Toujours en balance des blancs automatique vous augmenter les isos à 1000. Les couleurs sont relativement correctes sur le visage qui reçoit plus de lumière flash que d'ambiance. Tout roule... sauf le fond

[bignoz]

PHOTO 11: vous riez aux éclats. D'un geste souple du poignet vous remettez le filtre CTO sur la tête du flash. Vous soupirez devant votre auditoire tellement il vous est facile d'anticiper le résultat. Problème résolu, votre index s'active sur le déclencheur. Magnifique. Désormais, pour vous, tout éclaire (ahahah, quel humour)

[seba]

Bien bien...
Juste une info comme ça, les kelvin ne sont pas des degrés.

[stratojs]

... seulement depuis la fin des années 60, si ma mémoire est bonne.

[MFloyd]

... seulement depuis la fin des années 60, si ma mémoire est bonne.

C'est un détail, mais c'est exact. Depuis la 13ième CGPM en 1967, le kelvin (en minuscules) a perdu son degré  

[bignoz]

ok les gars, merci pour la rectification, en même temps je vous avais prévenu, je ne suis pas un cador du sujet 

[ChatOuille]

Ne sois pas gêné car beaucoup d'"experts" parlent de degrés et écrivent même °K, mais c'est erroné et je ne sais pas pourquoi mais cela me gêne fortement. Je ne sais pas combien d'années devront d'écouler pour que l'on s'y habitue. Pour info et sans entrer en détails la température de couleur est la couleur que présenterait un corps noir chauffé à cette température. 

[MFloyd]

Je deviens un vieux croûton et le "degré kelvin" m'échappe souvent, aussitôt repris par mon fiston .... ☺️

[at] Bignoz, désolé pour cet aparté, continue ton exposé 😉

[bignoz]

Pour info et sans entrer en détails la température de couleur est la couleur que présenterait un corps noir chauffé à cette température.  

Oui, je le savais, mais comme je l'ai dit, et bien que mes connaissances soient limitées (sans fausse modestie) mon but était de vulgariser au maximum. Je pense qu'il y a beaucoup de débutants sur le forum et le rappel sur l'intérêt des gélatines me paraissait pertinent. L'histoire du type qui fait des essais en ne comprenant rien, c'est la mienne, alors ici j'explique le pourquoi du comment, ce qui est simple au demeurant, mais parfois plus compliqué à mettre en oeuvre.

[bignoz]

Je deviens un vieux croûton et le "degré kelvin" m'échappe souvent, aussitôt repris par mon fiston .... ☺️

[at] Bignoz, désolé pour cet aparté, continue ton exposé 😉

Je pensais avoir terminé   c'est sûr que je pourrais continuer avec le flash en indirect, sur un mur, etc... ou en extérieur en jouant sur la balance des blancs pour avoir une ambiance bleutée et un coup de flash pour que le sujet soit à la bonne couleur, mais tout tourne autour des mêmes bases de la compréhension des températures de couleur et du dialogue flash-boitier. Ensuite ce n'est que de l'expérimentation et de l'artistique. Ici j'ai évoqué la base. Et quoi de plus commun que d'utiliser un flash en intérieur en famille par exemple, et de se demander pourquoi il n'y avait pas les bonnes couleurs dans le fond? c'est arrivé à pas mal de gens je pense, dont moi, d'où ma contribution, qui sera hélas noyée dans le flot des autres messages (qui n'en sont pas moins intéressants mais ça fait chier de passer plusieurs heures à pondre un texte qui sera bientôt aux oubliettes  )

[ChatOuille]

Il est très bien ton exposé. Tu peux oublier la parenthèse de Lord Kelvin.

[jaric]

Ne sois pas gêné car beaucoup d'"experts" parlent de degrés et écrivent même °K, mais c'est erroné et je ne sais pas pourquoi mais cela me gêne fortement.

Et il n'est pas question de faire entrer les degrés de force !

[franco_latino]

Merci Bignoz pour cet exposé très clair et qui me servira très certainement.

Au fait je ne connais toujours pas le prénom de la belle brune