Quel est le prix et la nature d'une photo ?

Démarré par Zouave15, Juillet 01, 2008, 15:50:55

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Zouave15

En marge des nombreuses discussions actuelles, j'ai voulu écrire un article au sujet de ce qui me semble être le problème de fond : quelle est la valeur d'une photo, et avant, quelle est la nature d'une photo : création ou produit ? Il n'y a pas bien entendu de réponse unique, et vos avis sont les bienvenus.

Pour faciliter la lecture, j'ai découpé en deux articles de taille normale. On peut les lire indépendamment mais il est préférable, en tout cas pour en discuter, de le les lire à la suite :
La photo est-elle une création ou un produit ?
La photo a-t-elle un prix, et lequel ?

Comme vous le verrez, il me paraît important, pour des raisons pédagogiques, de faire connaître un prix de base pour une photo. Peu importe ensuite si on vend au-dessus ou au-dessous de ce prix, c'est une référence. Que pensez-vous de tout ça (merci de lire les articles avant de lancer une polémique stérile) ?


eiger1004

Il me semble que pour la "photo pour magazine" il y a un tarif en fonction du tirage du mag et de la taille de la photo sur la page.
Pourtant, pour moi, quand je "livre" une photo, qu'elle soit sur une double page ou sur seulement un huitième, le "travail" a été le même.... que le mag soit tiré à 30000 ou 250000 exemplaires.
Eric Michel

Zouave15

Apparemment, tu n'as pas lu les articles...

eiger1004

#3
Bah pourtant si, j'ai pris le temps de les lire.
Par exemple, tu parles de 50 ou 70 € dans le deuxième, il me semble que le tarif d'une petite photo dans un petit mag sera moins élevé que ça.

Je parle, évidemment des photos que je fais, que je considère n'être que des produits et pas des créations.

Au sujet du prix de reviens d'une photo.
Tu pars un we pour un évènement. Tu sais déjà qu'après une semaine tu ne vendras plus, ou peu de chance, de continuer à vendre quand l'évènement ne sera plus d'actualité. Si tu dois ajouter, tes frais, hotel, repas plus ta journée, il te faudra gagner minimum 500 € pour "rentabiliser" ton we. Et je suis pas "cher".
Tes photos risquent de n'intéresser qu'un journal spécialisé, le we risque d'être dur à rentabiliser, c'est pour ça que beaucoup d'évènement ne voient pas un pro... Au prix de revient, ta photo est invendable.
Eric Michel

Zouave15

Je n'ai jamais prétendu résoudre tous les cas de figure mais je pense utile d'avoir cette discussion, et de rester simple dans le nombre de cas de figure. j'ai constaté, par exemple sur le forum, que personne, parmi les amateurs et auteurs, n'avait une vue globale du prix d'une photo. Peut-être même pas mal de pros, car chacun a son circuit. Je pense que ça fait le lit des microstocks.

Évidemment, le prix d'une photo dépend de pas mal de choses c'est pourquoi je n'ai pas raisonné comme toi pour un événement donné, mais sur une moyenne annuelle.

La question n'est pas la qualité des photos, mais justement du genre de photos que tu fais... et moi du genre de photos que je vends, la plupart du temps les plus bateau. L'abstrait, c'est pour les expos... ou les graphistes, et alors les prix varient du simple au décuple.

Voilà, je propose un raisonnement global. Je sais que ça ne va pas plaire, mais il me paraît nécessaire d'avancer dans un contexte de baisse des prix et de concurrence croissante.

eiger1004

Au vu de ce que je connais de tes photos, tu fais plutôt des "oeuvres", tu vas donc calculer un tarif en fonction de cette vision de la photo.
Tous les photographes que j'appellerai "photographes-journalistes" ne peuvent pas se permettent de vendre au même tarif que toi. J'espère pour eux qu'ils vendent plus de 700 photos par an, ce qui ne fait que 15 par semaine.
Il me semble que tes photos sont intemporelles. Tu peux vendre tes photos prises aujourd'hui dans 1 mois, 1 ans ou 10 ans. C'est pas le cas pour le photographe-journaliste.

Pour les photographes voulant vivre de leur vente sur les micros, ils ont, je crois, intéret à connaitre la demande. Personnellement je mettrai sur une microstock plutôt une photo d'une assiette de spaguettis bologuèse ou d'un steak-frite, plutot qu'une photo de Tony Estanguet.
Eric Michel

GLaG

 Zouave a aussi une production paysage, plus illustratives sans être "journalistique" (elle peuvent l'être dans le cadre d'un article textes+photos, mais je ne pense pas que ce soit son débouché principal).
Cette série d'article a je pense un vrai mérite, de donner une valeur, ou au moins un ordre de grandeur, du coût de revient d'une photo. Certaines mag (pas forcément petits) ont des tarifs inférieurs, et chacun reste libre de les accepter ou non, mais en vendant à un tarif très inférieur la question du coût de revient est à poser : en additionnant le temps passé en prise de vue, l'achat du matériel photo, l'achat du matériel informatique, le temps passé à scanner-développer/traiter/cataloguer, le temps aussi de répondre à une demande, on peut finir par trouver un tarif de 10 ou 20 euros ridicule.
Cela dépend du type de sujet, et aussi de la relation avec l'acheteur : les coûts et les "conditions acceptables" ne seront pas les mêmes pour un organisme qui achète régulièrement des images et qui connaît la production du photographe, ou pour un autre organisme qui demande à passer du temps à négocier les conditions, du temps à faire des recherches dans sa phototèque, et cela pour une seule fois. Dans le premier cas je vends parfois à 20 ou 30 euros une image (et parfois plus, selon l'usage) dans le second je ne me fatiguerai pas forcément beaucoup pour 20 euros si je dois y passer 3.

Mais un photographe n'a pas forcément conscience de ces coûts et de ces usages..
Nouveau livre sorti "Dévoluy"

Zouave15

GLag, tu as raison bien sûr, même si la notion d rentabilité semble parfois étrangement absente de la sphère photographique.

En écrivant tout ça, je pensais plutôt me mettre à dos les pros  : « il est fou, c'est pas assez cher »

Mais mon idée est de s'entendre sur une référence, à négocier ensuite en plus ou en moins. Et, pour Eiger, qui semble l'avoir oublié : je parle UNIQUEMENT des photos de stock. Je serais curieux de savoir combien de photographes vendent plus de 700 photos de stock par an à plus de 50 euros...

Petite précision : je ne me base pas uniquement sur mes propres ventes mais sur une petite enquête perso (informelle, certes).

eiger1004

Tu parles que de photos en stock... j'avais mal compris.
Eric Michel

Cedric_g

Excellents articles, que je vais m'empresser de relayer sur mon blog  ;)

Pour ma part je n'ai jamais pris le temps de calculer le prix de revient réel d'une photo, dans la mesure où je ne calcule pas (actuellement en tout cas) le temps que j'y passe... D'un point de vue purement technique, en comptant le coût du matériel informatique, des logiciels, du matériel photo, on doit vite arriver à quelques dizaines d'euros (je parle uniquement pour mes photos dites "de photothèque", c.à.d diffusées en agence ou vendables directement)
PS : pour le reportage événementiel, ça dépend ça dépasse. Quand je suis allé au Portugal (Foire traditionnelle de Golegã, 3600km par la route, 7 jours sur place) le voyage m'est revenu très exactement à 740€, hors temps passé évidemment (je n'y suis pas allé tout seul et les frais ont donc été coupés en 3, c'est vrai). De là j'ai ramené quelques centaines de photos et en ai conservé 150 pour le reportage que j'ai réalisé. Le reportage textes et photos de 10 pages que j'ai par la suite réalisé est en cours de négociation avec un grand magazine... S'il se vend, il me rapportera sensiblement plus que 740€  ;)

C'est du travail de fond (ça fait un an et demi) et de ces projets que l'on ne fait qu'une fois dans sa vie, mais au final c'est finalement rentable. Seule la durée du retour sur investissement semble un peu longuette...

Zouave15

Citation de: eiger1004 le Juillet 01, 2008, 22:26:48
Tu parles que de photos en stock... j'avais mal compris.

En fait c'est de ma faute : j'ai scindé l'article en deux sans répéter cette information capitale. C'est fait désormais. Désolé.

Zouave15

Citation de: Cedric_g le Juillet 02, 2008, 09:17:00
Excellents articles, que je vais m'empresser de relayer sur mon blog  ;)

Merci Cédric  :)

Citation de: Cedric_g le Juillet 02, 2008, 09:17:00
Pour ma part je n'ai jamais pris le temps de calculer le prix de revient réel d'une photo, dans la mesure où je ne calcule pas (actuellement en tout cas) le temps que j'y passe...

A mon avis, on ne peut déterminer un prix que d'une manière globale ou statistique. Une photo de paysage limite éditable peut revenir très cher si ce jour-là la météo a basculé, et que c'est la seule photo qu'on ramène de 500 km (ça m'est arrivé : Les quatre vaches). À l'inverse mes photos abstraites sont très rentables car pas forcément beaucoup de kilomètres, beaucoup au même endroit et taux de réussite inavouable.

C'est pour ça que je propose un calcul du style [CA annuel/production].

Citation de: Cedric_g le Juillet 02, 2008, 09:17:00
C'est du travail de fond (ça fait un an et demi) et de ces projets que l'on ne fait qu'une fois dans sa vie, mais au final c'est finalement rentable. Seule la durée du retour sur investissement semble un peu longuette...

Ça sera surtout rentable si tu vends plusieurs fois ton reportage et ensuite les photos séparées. Ce que tu décris est typiquement le cas de l'auteur/reporter (quel que soit le domaine)  dont nous avons ici un représentant notoire : MDH ! Ou encore un Grünenwald qui va en Islande, encore que là son voyage était sponsorisé je crois.

La rentabilité est très variable et difficile à calculer car certaines actions contribuent par exemple à ta notoriété (livres, etc.). C'est pourquoi je propose de chercher un chiffre sur lequel s'entendre fondé sur une moyenne, ensuite à chacun de voir s'il est rentable ou non (et de s'adapter, ou d'adapter ses prix).

Je voudrais qu'on n'aille pas trop du côté de l'auteur au sens strict, c'est-à-dire de la création, car la rentabilité (éventuelle) suit d'autres logiques, mais qu'on reste du côté de la photo vue comme produit.

vernhet

calculer le prix de revient d'une photo  ! Quelle drôle de mission impossible . Faut-il intégrer à chaque image qu'on produit  les coûts relatifs à  toutes celles qu'on a faites AVANT pour acquérir la compétence qui a rendu possible cette image dont on essaie d'établir le coût de réalisation ? C'est typiquement une discussion comme sur le sexe des anges.

Zouave15

La compétence est ce qui différencie les photographes, pas les photos. À l'écrit, il y a bien un prix à la ligne, qui bien sûr varie dans une fourchette. Il ne viendrait pas à l'esprit d'un pigiste, d'un nègre ou d'un rewriter d'intégrer à son prix de revient les compétences acquises.

L'écrit est tout autant si ce n'est plus un travail de création que la photo, pourtant on ne compte habituellement que le temps passé.

eiger1004

Citation de: vernhet le Juillet 02, 2008, 13:58:05
calculer le prix de revient d'une photo  ! Quelle drôle de mission impossible . Faut-il intégrer à chaque image qu'on produit  les coûts relatifs à  toutes celles qu'on a faites AVANT pour acquérir la compétence qui a rendu possible cette image dont on essaie d'établir le coût de réalisation ? C'est typiquement une discussion comme sur le sexe des anges.

C'est un peu ce que je pense aussi. Tu peux vendre plusieurs photos à 30€, avoir donc perdu de l'argent, mais grâce à celà en vendre une autre à 1000.
Si ton total de facture à la fin de l'année est de 30000 € et que tu as vendu 300 photos, il est, à mon avis, faux de dire qu'une de tes photos vaut environ 100€. Suivant le sujet, la rareté, la technique, etc... et l'acheteur, le prix n'aura rien  avoir.
Peut-on dire que le prix d'une voiture est d'environ 20000€? Pourtant en ajoutant tous les prix des voitures vendues, toutes marques confondues, qu'on divisera par le nombre de celles-ci, on aura un prix moyen. Est-ce le prix d'une voiture pour autant?
Il me semble que certaines photos ne valent que 30 €, par exemple, s'il est facile de la vendre plusieurs fois. Une autre plus rare devra être vendu dix fois plus. Cependant son prix élevé fera qu'elle ne se vendra peut-être pas.... elle ne vaudra donc peut-être pas grand chose.
Je pense qu'on peut, peut-être, différencier deux tarifs. Quand c'est le client qui est demandeur et quand c'est le vendeur qui propose.
Eric Michel

polym

dans la pratique, ça doit pas être évident de calculer son prix de revient (en se basant sur le rapport CA/production de l'année d'avant, cela suppose que l'activité soit stable), mais ça reste très intéressant comme raisonnement !

photodrone33.com

#16
Il n'y a aucun rapport prix de revient/ prix de vente
tout dépend du support, de la diffusion, du client.

On peut très bien vendre une photo en dessous de son prix de revient pour plusieurs raisons : le mode de diffusion, la quantité, la possibilité de vendre n fois la photo en question.

Même quand il s'agit de photo dite de stock, le prix de vente peut grimper aussi tres haut.
Celà dépend toujours du support et bien d'autres choses.

Ceci dit, il ne faudrait effectivement JAMAS vendre une phot en dessous de 70 € mais certaines d'entre elles peuvent se vendre 1 € sur un micro-stock (photos invendables pour des supports rentables). Il existe des photographes réalisant des revenus substentiel sur ces microstock de l'ordre de 1000 €/mensuel ! certes leur stock est ENNOOORRRMMMEEE et les photos sont réalisées dans ce but comme des photos d'objets détourés. Ton exemple d'un boulon démontre que ces photos sont faites pour çà.

Zouave15

Citation de: Gipé le Juillet 03, 2008, 15:51:59
Il n'y a aucun rapport prix de revient/ prix de vente
tout dépend du support, de la diffusion, du client.

Décidément, tu es très fort pour les leçons. J'espère que tu n'imagines tout de même pas que je ne sais pas ça : c'est l'habitude, c'est la loi, c'est l'UPC, et c'est dit toutes les semaines sur le forum.

Il est vrai que dans ces articles, j'ai un peu tourné autour du fond de ma pensée car je ne voulais pas choquer, et je pensais qu'il était facile de le déduire du contenu.

Donc je vais être clair : pour le stock, je pense que ce modèle est du passé. Il n'est pas encore mort, mais ça va venir. Pourquoi ? Parce que la photo qui se vend n'est plus une création mais un produit, désolé d'être brutal.

Si on veut survivre et maintenir une qualité, même chez les amateurs, il me paraît essentiel d'avoir une base pour ce produit qu'est la photo.

Mais évidemment, il est plus confortable de tenter de vendre ses photos dans son coin, de ne parler aux autres que des belles ventes, et d'attendre gentiment la mort. Ce n'est pas mon point de vue.

Zouave15

Citation de: polym le Juillet 02, 2008, 14:27:22
dans la pratique, ça doit pas être évident de calculer son prix de revient (en se basant sur le rapport CA/production de l'année d'avant, cela suppose que l'activité soit stable), mais ça reste très intéressant comme raisonnement !

En fait, il y a plusieurs façon de procéder, bien entendu. Tu peux prendre une année moyenne, une année correcte, ou la moyenne de plusieurs années.

Mon approche est un peu différente. Je me dis : combien de photos éditables un photographe moyen peut faire en une année (en plus des commandes), et quel revenu pour un tel photographe. J'ai parlé de 1 500 euros par mois (soit 3 000 euros de CA) en vertu du fait que la photo est un travail accessible à tout le monde sans diplôme et avec relativement peu de compétences (je ne parle évidemment pas du talent). On arrive donc à un prix de production générique.

Bien sûr, 1 500 euros c'est peu (ce n'est même pas mon loyer...) donc on peut vouloir plus. Mais la base que je donne permet d'entrevoir ce qu'il faut faire (vendre plus ou plus cher, améliorer son taux de réussite). L'intérêt est surtout de donner un point de référence à ceux qui ne savent pas, ou comme dit GLag un ordre de grandeur.

Si mon calcul est juste (mais on peut me prouver qu'il ne tient pas la route) et si c'est 50 euros, chacun a ainsi directement une idée : en fonction de tel ou tel prix, il peut se situer, savoir s'il brade ou non. Il y a quelques années, j'avais calculé pour moi 70 euros : au fur et à mesure des ventes au-dessus ou au-dessous de ce prix, j'avais une idée de ce que ça donnerait en fin d'année comme bilan (à la louche, bien sûr).

Le photographe aujourd'hui est un camelot dans un souk : s'il ne sait pas où il va, il se plantera. Bien sûr, il y a tout un tas de tarifs officiels, souvent élevés, mais ce qu'on ne vous dit pas c'est que plus personne ne vend régulièrement à ce prix. À tel point qu'on finit par ne plus savoir.

Et si je veux vendre une photo 150 euros, c'est plus facile vis-à-vis de mon acheteur s'il sait que 50 euros est un minimum, que s'il a en tête les prix des microstocks comme référence. Si on me propose 30 euros pour une autre, j'accepte ou non en fonction de mon bilan estimé.