je me suis promis de devenir plus humble

Démarré par yves68, Septembre 15, 2016, 23:41:42

« précédent - suivant »

yves68

 Bivouac sous les crêtes, l'autre soir, histoire de savoir si le maître de la place s'était déjà désigné.
        Munster frais cherché à la ferme-auberge quelques heures avant, un gorgeon de Gewurtz, autour d'un petit feu alimenté par de sèches branches de hêtres... Extase pyromane et gustative !
       Dans la nuit qui s'approfondit, hululements sauvages d'une hulotte, imprévisibles, rédempteurs et lascifs à la fois.
Mais pas de hauts mugissement, ni de murmures profonds, souterrains, du grand cerf. Je m'endors... Quand je pense que certains se contentent d'un cinq étoiles ! Ici, elles sont des milliards !
   Aux premières lueurs de l'aube et encore dans mon sac de couchage, un froissement à côté de moi interrompt la rêverie. D'abord l'odeur, d'herbe humide mêlée de musc. Ça sent la sauvagerie !
    Un animal vient humer l'air à quelques pas de ma couche, s'efforçant de me comprendre... Elle est restée là 5 secondes, me fixant de ses yeux de biche, déroutants et déroutés.
  J'ai extirpé lentement, d'une main, l'appareil photo de mon rucksack et déclenché à l'aveugle...
Après, je m'en suis voulu, je me suis dit que c'était un réflexe stupide, que je ne valais pas mieux que ces crétins qui se selfisent à tout bout de champ... Je me suis promis de devenir plus humble devant le monde et de marquer davantage d'indifférence à la technique.
Yves

thieum

Tu auras quand même vécu une sacrée expérience avec cette apparition presque surnaturelle... :o
Récemment je parlais de ça avec un collègue.
Il venait de se retrouver à quelques pas d'un chevreuil et étais un peu frustré d'avoir "gaché" cette rencontre en voulant prendre une photo à tout prix.
Le temps de sortir l'appareil d'effectuer les réglages il avait "gaspillé" le peu de temps qu'un rencontre si fugitive nous offre.
Étant aussi un ornithologue amateur (mais amateur très éclairé) il m'avouais parfois moins profiter de ses observation, plus concentré sur la photo elle même que sur la scène qui se déroulait devant lui.

Mais en même temps qui n'a pas envie de figer, d'immortaliser un scène si exceptionnelle, de la partager?
Bref on pourrait certainement en débattre longtemps mais il y a toujours une contrepartie à chaque chose, la photographie n'y échappe pas.

En tout cas je me suis régalé de lire le récit de cette rencontre hors du commun. ;)

Roland Ripoll

Une image "vraie", spontanée, irréfléchie avec tous ses défauts mais surtout pleine de vie et d'émotion qui illustre bien ta nuit au bivouac et cette apparition aussi soudaine qu'inattendue...
Etre simple pour être vrai

RR NIKON

Salut Yves,

En quelques lignes tu viens de fournir de la matière à réflexion à tous ceux qui se tiennent derrière un apn, un fusil ou une canne à pêche, pour justifier leur présence dans la nature...
Il est naturel et normal qu'un être vivant se plaise à vivre dans son milieu d'origine, qui comme chacun ne le sait plus , n'est ni un pavillon de banlieue dortoir, ni un bureau ou un atelier, ni un immeuble de quartier, mais bien la sylve ou la broussaille, et l'herbe dans laquelle on aime à se rouler l'été venu...
Le statut d'homme moderne n'est pas facile à assumer chez ceux qui ont gardé une sensibilité pour la sauvagerie, un peu comme s' il était mal venu d'éprouver de la nostalgie pour notre passé , et il faut donc justifier sa présence dans la nature par une activité quelconque.
Bien entendu cette réflexion ne concerne en rien ceux qui courent simplement après des images, et qui échappent ainsi à toute interrogation sur le sujet.
Notamment ceux qui vont jusqu'à mettre en images des animaux blessés, captifs ou morts, pour satisfaire un besoin de reconnaissance, et qui ne se prennent pas la tête avec de telles considérations. Grand bien leur fasse, ils échappent ainsi aux affres de la contradiction dans laquelle il est toujours délicat d'évoluer.
La notion de dérangement prend tout son sens lorsqu'on éprouve le sentiment que l'on n'aurait pas du profiter d'une situation particulière pour faire une image : en fait l'expérience m'a prouvé que déclencher d'abord, et réfléchir ensuite devant une scène désertée, permet à ceux qui en ont la capacité, ou la volonté, de se forger une motivation pour aborder le monde naturel en simple spectateur.
Cette approche permet de faire des images de qualité, et même beaucoup plus d'images, car elle intègre des techniques de prise de vue privilégiant l'affût, le camouflage et l'insonorisation.
Merci Yves pour ce billet,


Pailler

Le mot "humilité" me gêne ...
Tu t'es parfaitement intégré dans un milieu , au point d'y avoir cette splendide visite , donc positif .
Oui , le coup de flash ....Mais , surtout en cette saison , cela peut avoir appris à cette innocente qu'il faut se méfier de l'humain qui n'a pas toujours les caractéristiques d'un chasseur d'image ... :'(

mslicht

Ta verve est toujours aussi poétique et envoutante, la retraite te permet de bivouaquer au bon bon moment et de ne pas attendre le WE...
Je suis sur que le lever du soleil sur les crêtes a du être magnifique et j'attends quelques petites photos pour me permettre d'attendre toutes les années avant la retraite...

amclt

marc

mslicht

pour des raisons obscures mon message et parti une seconde fois...

robsou

Bonjour Yves,

Tu résumes en quelques lignes les conflits souvent inconscients qui animent les cerveaux humains qui pris dans le feu de l'action sont à la recherche de gratifications immédiates (stimulées par le fameux « circuit de récompense » hérité de nos ancêtres mammaliens) et les difficultés à inhiber et à contrôler ces conduites qui sont source de plaisir. J'apprécie ton approche philosophico-poétique des relations de l'humain à la nature qui contribuent à éveiller les consciences et  à « ajouter » de l'éthique et de la réflexion à la pratique de la photo animalière!

Robert

Kodjock

Citation de: Pailler le Septembre 16, 2016, 09:13:50
Le mot "humilité" me gêne ...
Tu t'es parfaitement intégré dans un milieu , au point d'y avoir cette splendide visite , donc positif .
Oui , le coup de flash ....Mais , surtout en cette saison , cela peut avoir appris à cette innocente qu'il faut se méfier de l'humain qui n'a pas toujours les caractéristiques d'un chasseur d'image ... :'(
C'est la réflexion que je me fais quand j'ai dérangé un animal. Je me dis que ça lui a donné un  avertissement sans frais, et il se méfiera plus à l'avenir du bipède funeste.
Cela dit, j'essaie quand même de déranger le moins possible...

Yves tu nous as dépeint (et illustré) en toute simplicité un bel instant "nature". Rien d'extraordinaire, mais des moments qu'on aime vivre et que tu sais  nous faire partager avec beaucoup de talent et de sincérité.
Amicalement, Jean Paul

Pailler

Citation de: Kodjock le Septembre 16, 2016, 10:43:26
C'est la réflexion que je me fais quand j'ai dérangé un animal. Je me dis que ça lui a donné un  avertissement sans frais, et il se méfiera plus à l'avenir du bipède funeste.
Cela dit, j'essaie quand même de déranger le moins possible...

Yves tu nous as dépeint (et illustré) en toute simplicité un bel instant "nature". Rien d'extraordinaire, mais des moments qu'on aime vivre et que tu sais  nous faire partager avec beaucoup de talent et de sincérité.
Tout à fait d'accord !!!

revos88

Le plus dur est de se retenir de déclencher pour profiter au maximum d'un instant privilégié.!!!!

papytos

Belle histoire que tu nous narres là ! Quant à ta photo, elle est très belle, on dirait du Photoshop ! ;)
Cordialement. Jean-Pierre.

yves68

Salut amis dans le vivant  ;)
Bon, faut que je vous réponde, à vous tous qui avez élevé les débats à d'aussi hautes altitudes...
Alors, en écho de ce que René a écrit :
<La notion de dérangement prend tout son sens lorsqu'on éprouve le sentiment que l'on n'aurait pas dû profiter d'une situation particulière pour faire une image : en fait l'expérience m'a prouvé que déclencher d'abord, et réfléchir ensuite devant une scène désertée, permet à ceux qui en ont la capacité, ou la volonté, de se forger une motivation pour aborder le monde naturel en simple spectateur.>
ou Robert :
<« ajouter » de l'éthique et de la réflexion à la pratique de la photo animalière!>
ou thieum :
<Étant aussi un ornithologue amateur (mais amateur très éclairé) il m'avouait parfois moins profiter de ses observation, plus concentré sur la photo elle même que sur la scène qui se déroulait devant lui.>
     ... et l'expression diverse de tous vos ressentis, Roland, Pailler, Marc, castanea, kodjock, revos, papytos...
j'ai grand plaisir, sachez le, de correspondre avec vous !
  Voir, juste voir, est une activité qui a sa place, et regarder, regarder de nouveau - re-garder - (le photographe ne fait-il que re-garder ?), être plein d'égards, nous inspire une morale du respect de toutes les formes de l'existence. Morale qui trouve de temps en temps sa récompense dans la joie de surprendre, de contempler l'autre, de passer à côté de lui, de simplement passer...

Belle fin de semaine et merci à tous pour vos retours, nourrissants ...

 
Yves

Jo Laudois

Une belle rencontre, de celles qui n'arrivent qu'une fois dans toute une vie, magnifiquement racontée et illustrée. Tu débutes sacrément bien ta retraite !
Amicalement, Jo.

Mex (alias Jmc)

Bien envoyé ce texte comme tu nous y as habitué Yves, cette rencontre ne peut se faire qu'avec un amoureux de nature...
puisque tu as du temps devant toi maintenant, (retraité) je suis sur que tu trouveras matière pour passer tes journées  ;)     
Jean mi

MARTINPECHEUR

Une très belle "émotion" en effet !  :)
Merci Yves pour ce partage.

Amicalement
Michel
Clic+clic = Toftof !