Allez ! Bougeons ! Encore un quiz !

Démarré par Ajyx, Mars 04, 2020, 18:03:00

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vulpes

On dit aussi que le chant de la Courtilière peut être confondu avec celui de la Locustelle luscinioïde.

Merci André pour tous ces développements
Impossible photographe....

RF13

... J'arrive tardivement sur ce fil très instructif. Merci André de l'avoir proposé. J'ai rencontré une seule fois cet animal, en Camargue, mais je n'ai pas déterminé l'espèce.
Amicalement, Richard

andreP

Citation de: Ajyx le Mars 05, 2020, 18:20:25
...J'avais lu un article à ce sujet il y a pas mal de temps car on retrouve cette particularité chez d'autres animaux (Oiseaux, Grillons, Sauterelles...). Je ne pourrais t'expliquer le mécanisme exact mais seulement te dire qu'il est engendré par la nature physique du chant. Je vais essayer de retrouver l'article (ou le bouquin) qui en parle et je développerai plus amplement.

...A moins qu'un autre intervenant sache te donner plus d'explications que moi  :)

Merci André pour tous tes efforts afin d'améliorer nos connaissances, bien maigres pour le novice que je suis dans de nombreux domaines naturalistes.
Je croise les doigts pour que tu retrouves ces informations  :)
André

etsocal

Citation de: Ajyx le Mars 05, 2020, 13:31:11
...A l'attention de Michel (Etsocal), il y a 4 espèces de Courtilières en France métropolitaine :

- La Courtilière commune (Gryllotalpa gryllotalpa) présente sur pratiquement l'ensemble de la France continentale,
- La Courtillière des vignes (G. vinae) dans la moitié sud de la France continentale,
- La Courtillière littorale (G. septemdecimchromosomica) sur le littoral méditerranéen continental,
- La Courtilière corse (G. octodecim) qui n'est présente qu'en Corse.

Merci beaucoup André

En fait pour arriver à Gryllotalpa septemdecimchromosomica j'ai appuyé ma recherche sur plusieurs points, recherche des différentes espèces du genre Gryllotalpa présentes en France métropolitaine , différences morphologiques entre ces espèces 'françaises" , considérations statistiques (répartition et rareté).

Ayant trouvé quelques données signalant sans certitude formelle la présence en France de Gryllotalpa africana j'ai commencé par là, espèce que j'ai rapidement éliminée pour des raisons avant tout morphologiques mais aussi probabilistes. Ensuite je me suis intéressé à la courtilière à 18 chromosomes, Gryllotalpa octodecim, qu'il était bien difficile de différencier de celle à 17 chromosomes, Gryllotalpa septemdecimchromosomica. Je l'ai donc elle aussi écartée pour un motif strictement probabiliste lié à sa seule présence en Corse.

Restaient donc G. gryllotalpa, G. vinae et G. septemdecimchromosomica, à ce niveau là j'ai comparé minutieusement une grande quantité de photos de ces différentes espèces à celles que tu avais fournies. J'ai pour ce faire utilisé des critères je le crains fort empiriques. Comme tes 2 photos ne montraient que, pour l'une tibia et tarse et pour l'autre pronotum et une partie de l'extrémité céphalique j'ai choisi comme éléments de comparaison tarse et pronotum.

Après de multiples comparaisons j'ai commencé par écarter G. gryllotalpa. Ultérieurement ce qui m'a fait, entre les deux espèces restantes, pencher pour G. septemdecimchromosomica est d'une part la forme du pronotum, sa structure superficielle et secondairement sa couleur, mais aussi, à mes yeux le critère le plus discriminatif, une différence morphologique au niveau du tarse, des "griffes".

J'écris tout cela car je me pose une question de néophyte, serais-je arrivé à une détermination, semblerait-il assez correcte par le plus pur des hasards ou bien se pourrait-il que les "critères discriminants" que j'ai empiriquement choisis aient pu contribuer à ce résultat?
Michel

etsocal

#29
Citation de: Ajyx le Mars 05, 2020, 18:20:25
...J'avais lu un article à ce sujet il y a pas mal de temps car on retrouve cette particularité chez d'autres animaux (Oiseaux, Grillons, Sauterelles...). Je ne pourrais t'expliquer le mécanisme exact mais seulement te dire qu'il est engendré par la nature physique du chant. Je vais essayer de retrouver l'article (ou le bouquin) qui en parle et je développerai plus amplement.

...A moins qu'un autre intervenant sache te donner plus d'explications que moi :)

Comme j'adore chercher, je suis un peu curieux de tout :angel:, j'ai donc cherché... et je pense avoir trouvé.

#Cette difficulté à le localiser provient effectivement de la nature physique du chant, des spécificités du son des stridulations, pour une première partie.

1) Son aigu, 3,4 kHz pour Gryllotalpa vineae, 2.1 kHz pour Gryllotalpa septemdecimchromosomica, Gryllotalpa gryllotalpa de son côté émet des sons relativement bas 1.6 kHz. (Certaines courtilières sud-américaines peuvent atteindre et même dépasser 5.0 kHz.

2) Son de nature complexe, très riche en harmoniques.

3) Son qui peut parfois être très fort, championne de France sur ce critère aussi Gryllotalpa vineae qui peut dépasser 90 décibels à un mètre.

#La seconde partie concerne la physiologie et plus particulièrement l'audition binaurale qui nous permet de localiser un son.
Elle fonctionne grâce à deux processus différents.

a) La localisation dite par atténuation. Facile à comprendre, l'oreille situé côté du son le perçoit comme étant plus fort que l'autre oreille (je simplifie mais je donne plus bas le lien de l'article). Il est à noter que plus un son sera puissant plus on aura de mal à percevoir une différence d'intensité sonore entre les deux oreilles, par phénomène de saturation....donc plus on aura de mal à le localiser...comme par exemple pour Gryllotalpa vineae

b) La localisation par interférence un peu plus difficile à expliquer car elle fait entrer en jeux la mécanique ondulatoire. C'est celle qui utilise les petits mouvement de la tête pour affiner son analyse de la localisation des sons, elle est, et de bien, loin la plus précise. Son principe est relativement simple malgré tout, il consiste pour le cerveau à intégrer et analyser les différences de variation de phase qui existent entre un même son perçu par l'oreille droite et l'oreille gauche (ou l'inverse) lors de rotations ou mouvements de la tête.
Ceci donne de très bons résultats pour des sons relativement peu aigus ou graves (de 200 Hz à 1500/2000 Hz) malheureusement à partir de 3 Khz les choses se gâtent gravement et la localisation par cette méthode devient pratiquement inopérante, et ce d'autant plus que les sons seront complexes, riches en harmoniques, comme par exemple le chant des courtilières.

Si on reprend le cas de Gryllotalpa vineae on constate qu'elle cumule les difficultés pour localiser son chant. Non seulement ce dernier est puissant (donc plus on se rapprochera de son lieu d'émission et plus il sera difficile de le localiser par le principe d'atténuation) mais en plus il est très aigu et met à mal le principe de localisation par interférence. Pas étonnant qu'il soit bien difficile à localiser. :laugh:

Ceci est bien entendu valable pour le chant d'autres insectes, d'oiseaux, mais aussi pour tous les sons de nature identique.

https://philippe-boeuf.pagesperso-orange.fr/robert/physique/localisation-sons.htm

https://docplayer.fr/77719651-Etude-du-comportement-acoustique-de-la-courtiliere-scapteriscus-didactylus-presente-sur-la-plage-d-awa-la-ya-lima-po-en-guyane-francaise.html

https://www.lesonbinaural.fr/EDIT/DOCS/theatreobscurite.PDF
Michel

RF13

... Beau travail Etsocal ! Ces documents sont vraiment très instructifs !
Amicalement, Richard

Atriplex

Oui, tu as bien travaillé, Etsocal.
Deux micro-remarques à propos du mécanisme de localisation des sons:

-- Dans le premier lien que tu as donné, dans le paragraphe "2) par interférence", l'onde sonore est représentée comme une onde transversale (cf les rides à la surface de l'eau) alors que c'est une onde longitudinale (onde de compression-dépression). Dommage, mais cela ne change rien à l'explication, correcte, donnée par le texte.

-- Dans les mécanismes de localisation, en plus des deux dont tu as parlé (l'atténuation et le déphasage), il y a la différence de temps interaural (différence entre le moment où le son arrive à une oreille et le moment ce même son arrive à l'autre oreille).

Gérard
Gérard

Ajyx

...Et bien, merci à toutes et tous pour l'intérêt que vous portez à ce quiz et aux échanges qui en découlent  :)

...Et merci à Michel pour ses recherches et ses explications et développements concernant la détermination de cette Courtilière et le phénomène de difficulté de localisation de son chant.

...Pour lui répondre sur sa méthode comparative l'ayant amené à la Courtilière littorale (Gryllotalpa septemdecimchromosomica) après avoir écarté la Courtilière corse (G. octodecim) un petit peu au hasard (rien n'indiquait la localisation de la bestiole), je ne saurais dire s'il existe des différences morphologiques au niveau des tarses avec le 3 autres espèces. Il en va de même pour la couleur : il semble que seule la Courtilière des vignes (G. vinae) soit d'un brun roux plus clair. De plus, on a affaire ici à un juvénile qui peut présenter des différences notables avec les adultes.

...Bien qu'aucune clef ne me permette d'affirmer qu'il s'agit de la Courtilière littorale, ce juvénile a néanmoins été photographié en bord de mer dans les Anciens Salins d'Hyères (Var) où je n'ai toujours trouvé et entendu que cette espèce.

...Pour ce qui concerne la difficulté de localisation du chant des Courtilières, l'explication donnée par Michel est très intéressante quant aux mécanismes de perception auditive chez l'Homme (il y manquait néanmoins le décalage temporel expliqué par Gérard). Je rajouterais néanmoins que l'étude de ces mécanismes par la psychoacoustique permet d'intégrer, en plus de la structure des sons et de la physiologie de l'audition, la place du cerveau sous l'aspect cognitif et psychologique car il joue un rôle déterminant dans l'analyse des sons et leur interprétation : https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychoacoustique

...Sinon, je n'arrive pas à mettre la main sur cet article parlant des mécanismes employés pour troubler la localisation du chanteur. De mémoire, ces mécanismes jouaient sur la structure physique des sons naturels qui sont tous des sons complexes composés de plusieurs fréquences et dont la hauteur perçue (donnée en hertz) est la fréquence de plus forte intensité.

...Il me semble me souvenir que l'animal étudié, un Grillon italien (Oecanthus pelluscens) modulait en permanence son chant dans certaines fréquences secondaires en jouant notamment sur l'axe des tegmina qui ont un rôle important dans la direction du son. Ce mécanisme, amplifié par la réflexion des sons dans l'environnement, sans changer la tonalité perçue du chant, perturbait l'analyse de la direction et de la distance du chanteur faite par le cerveau.
André

Roland Ripoll

Très intéressant tout cela ! Merci à tous ceux qui prennent le temps de faire des recherches et de nous en faire un résumé clair et compréhensible.
Etre simple pour être vrai

Xavier Corteel

Eh oui, merci à vous, généreux savants, de nous dispenser toutes ces informations qui contribuent à nous éclairer sur les extraordinaires performances du vivant.
Curieux de Nature

andreP

Merci André et Michel pour vos recherches, bien sûr, mais aussi pour vos réponses résumant cela très clairement  :) 
Merci aussi pour les liens, mais avant d'en attaquer la lecture je vais d'abord vérifier mon stock d'aspirine  ;D
André

coval95

Merci Michel, Gérard et André, on se couchera moins ignorant ce soir.  :)

Ajyx

...Je suis bien content de l'engouement pour ce fil et ses discussions !

...Pour vous remercier, je vais vous narrer une anecdote naturaliste qui m'a vraiment interpellée et qui, bien qu'elle soit un peu hors sujet, vous intéressera peut-être :

...Je vous ai indiqué plus haut la force que la Courtilière est capable de déployer avec ces pattes avant fouisseuses...

...Or, dans la cadre d'une étude batrachologique et odonatologique dont j'ai été chargé dans le nord-est du Var, au sein du camp militaire de Canjuers, j'ai été amené à travailler plus particulièrement sur une grenouille exogène invasive présente dans un riche bas-marais alcalin depuis le début des années 1990 : la Rieuse des Balkans (Pelophylax kurtmuelleri). Je décidais notamment, entre autres, d'établir son spectre alimentaire pour vérifier le niveau de prédation de l'espèce sur les autres Amphibiens du secteur.

...Pour ce faire, je capturais de nuit des individus adultes sur lesquels je pratiquais un lavage d'estomac, après anesthésie, de manière à récupérer le bol alimentaire que j'analysais ensuite sous la bino pour déterminer les proies qu'il contenait.

...Et quelle ne fut pas ma surprise de trouver dans l'estomac d'un mâle d'une dizaine de cm une Courtilière commune adulte, entière et fraîchement capturée. Elle avait donc été avalée vivante par cette grenouille qui n'a pas la possibilité de tuer une telle proie avant de l'ingurgiter.

...Quand on sait la force et le pouvoir perforateur de ses pattes avant, on se demande comment la grenouille a pu supporter un tel supplice avant que ses sucs gastriques ne finissent par occire l'Orthoptère gros comme un pouce (jusqu'à 50 mm de longueur)  ???
André

Ajyx

#38
Citation de: Ajyx le Mars 06, 2020, 21:55:43
...Pour vous remercier, je vais vous narrer une anecdote naturaliste qui m'a vraiment interpellée...

...Et allez ! Encore une ! Je vais finir par être champion du monde en la matière  :-[

...Il fallait, bien sûr, écrire "interpellé>:(

Citation de: Ajyx le Mars 06, 2020, 21:55:43
...Je vous ai indiqué plus haut la force que la Courtilière est capable de déployer avec ces pattes avant fouisseuses...

...Et encore une autre !

..."avec ses pattes avant fouisseuses"...  :police:

...J'ai honte  :'(
André

coval95

Citation de: Ajyx le Mars 06, 2020, 21:55:43
...Pour ce faire, je capturais de nuit des individus adultes sur lesquels je pratiquais un lavage d'estomac, après anesthésie, de manière à récupérer le bol alimentaire que j'analysais ensuite sous la bino pour déterminer les proies qu'il contenait.

...Et quelle ne fut pas ma surprise de trouver dans l'estomac d'un mâle d'une dizaine de cm une Courtilière commune adulte, entière et fraîchement capturée. Elle avait donc été avalée vivante par cette grenouille qui n'a pas la possibilité de tuer une telle proie avant de l'ingurgiter.

...Quand on sait la force et le pouvoir perforateur de ses pattes avant, on se demande comment la grenouille a pu supporter un tel supplice avant que ses sucs gastriques ne finissent par occire l'Orthoptère gros comme un pouce (jusqu'à 50 mm de longueur)  ???
Intéressant, en effet.
Mais est-Il impossible qu'il l'ait avalée morte ?

Il aurait été intéressant de voir l'état de son estomac. Tu aurais dû lui faire une fibroscopie.  :D

Ajyx

Citation de: coval95 le Mars 07, 2020, 14:43:01
Intéressant, en effet.
Mais est-Il impossible qu'il l'ait avalée morte ?

Il aurait été intéressant de voir l'état de son estomac. Tu aurais dû lui faire une fibroscopie.  :D

...Il n'est pas possible que la Courtilière ait été avalée morte car le comportement de prédation des grenouilles est déclenché par le mouvement de la proie. Si tu "offres" une proie morte et donc immobile à une grenouille en condition expérimentale (ce que j'ai étudié également), elle l'ignore totalement. Tant qu'une proie vivante reste immobile, la grenouille s'en désintéresse complètement mais aussitôt le moindre mouvement, elle bondit dessus.

...Je n'ai bien sûr pas pu pratiquer de fibroscopie sur ce mâle mais, quand je l'ai capturé, il était en pleine forme et ne présentait aucun traumatisme ou trouble du comportement.

...Ce n'est d'ailleurs pas le seul cas qui m'a interpellé car j'ai trouvé également des guêpes entières dans les bols alimentaires. Et là aussi, quand on sait la douleur engendrée par une piqûre de cet Hyménoptère, on se demande bien comment la grenouille peut résister, sachant qu'avant que les sucs gastriques ne tuent la guêpe, celle-ci a eu le temps de piquer à de nombreuses reprises l'intérieur de la bouche et de l'estomac du Batracien  ???
André