Pour les néophytes : une histoire de rideaux...

Démarré par Claude77, Mai 31, 2015, 23:31:33

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Claude77

Si vous voulez voir comment fonctionne l'obturateur de votre appareil photo, et en particulier celui d'un reflex, visionnez cette vidéo !
https://www.youtube.com/watch?v=CmjeCchGRQo

Les prises de vues ont été réalisées à 10 000 images/seconde avec une caméra à très haute vitesse. Les commentaires sont en anglais, mais les quelques séquences intéressantes n'ont pas besoin d'être traduites pour être analysées. A l'aide du curseur inférieur, déplacez-vous sur celles représentant les prises de vue de la chambre du reflex. Examinons au très grand ralenti ce qu'il se passe au moment du déclenchement.

On rappelle que lors de la visée, le miroir en diagonale de la chambre renvoie l'image perçue par l'objectif vers le viseur optique du boîtier. Un second petit miroir (non visible) renvoie cette même image vers les capteurs d'autofocus (pour la mise au point automatique).

Calez la vidéo au temps 1:05.

Au moment du déclenchement, le(s) miroir(s) s'escamote(nt) pour permettre à l'image d'atteindre le capteur... pour l'instant masqué par l'obturateur. En fait, masqué par l'un des deux rideaux qui le composent ; car l'autre, juste derrière, est ouvert car replié tout en haut de l'ouverture. Pour assurer la bonne exposition du capteur, l'obturateur doit rester ouvert "un certain temps", puis se refermer. Pour ce faire, le rideau avant "tombe" en se rempliant vers le bas ; ensuite, après "un certain temps bis", le rideau arrière se déploie vers le bas pour reboucher l'ouverture. La différence de "bis" provient de ce que mécaniquement chaque rideau met "un laps de temps fixe" pour descendre.

Pour les vitesses d'obturation lentes, le temps d'ouverture totale est largement supérieur à ces laps de temps fixes. Mais plus on augmente la vitesse d'obturation, plus le temps d'ouverture totale diminue, jusqu'au moment ou elle n'est plus assurée : le rideau arrière commence à redescendre avant que le rideau avant soit arrivé en bas. C'est donc une fente qui balaie le capteur pour assurer la bonne expo ; une fente d'autant plus étroite que la vitesse d'obturation est élevée.

Sur la vidéo, c'est illustré par exemple aux timings 2:22, 2:35 et suivants.
Et au timing 2:50, vous trouverez 4 séquences en parallèle pour 4 vitesses différentes très élevées.

Claude77

Cette description du fonctionnement de l'obturateur me permet de rebondir sur le terme de vitesse max de synchro flash. En effet, la vitesse moyenne de l'éclair du flash est de l'ordre du 1/1000e de seconde, voire plus. Pour les photos en ambiance sombre, l'appareil adopte évidemment une vitesse d'obturation lente : on est donc dans le cas où la "fenêtre d'ouverture" de l'obturateur est entière et dure "un certain temps", souvent 1/60e de seconde. C'est dans les premiers instants d'ouverture totale de l'obturateur qu'est lancée le très court éclair qui va permettre d'illuminer la scène pour impressionner le capteur. Mais si jamais l'on pousse la vitesse très haut, et que la fenêtre d'obturation devient une fente plus ou moins étroite, l'on voit bien que l'éclair du flash ne vas illuminer qu'une partie de la scène. Il est donc important de conserver une vitesse d'obturation telle que l'éclair puisse être émit lorsque la fenêtre est grande ouverte. C'est cette vitesse max qui est appelé vitesse (max) de synchro flash.

Claude77

De nos jours, l'automatisme et le semi-automatisme des appareils interdisent de la dépasser. Par contre, pour des cas spécifiques, l'expert sera contraint de passer outre, sous réserve d'utiliser un flash comportant la fonction HSS (High Speed Synchro = synchro haute vitesse). Son principe est d'émettre une succession d'éclairs pour illuminer, avec les raccordements "qui vont bien", chaque position de la fente qui se déplace devant le capteur. Cette fonction comporte néanmoins une limitation naturelle de puissance, puisque le flash doit conserver de l'énergie pour tous les éclairs de la séquence. En clair, la portée du flash en est fortement réduite.

Claude77

Si l'on doit pour photographier un sujet en mouvement est dans une ambiance moyennement sombre (par exemple, un coureur cycliste dans un vélodrome indoor), avec la vitesse par exemple de 1/60e (donc "longue" ouverture de l'obturateur), comme durant l'exposition le sujet se déplace, il sera non seulement sombre (il aurait fallu une vitesse encore plus lente) mais également flou. Avec le flash, qui va figer le sujet au 1/1000e émis au début de l'ouverture de l'obturateur, il y aura combinaison de l'impression avec flash, et de celle sombre et flou sans flash avant que l'obturateur se soit refermé. Le sujet (le cycliste...) s'étant déplacé après le coup de flash, l'image floue sombre va former une traînée devant le cycliste bien net et éclairé. Résultat : on a l'impression qu'il recule à grande vitesse !

Dans un tel cas, on souhaite que le flou sombre forme une traînée derrière le sujet net, ce qui donne l'impression qu'il va très vite. Pour ce faire, il faut donc émettre l'éclair du flash à la fin de l'obturation, juste avant que le rideau arrière se referme. D'où le nom de cette fonction : flash sur rideau arrière. Elle se commute dans un des menus des reflex.

Claude77

Sur la vidéo du premier post, vous avez pu voir combien le miroir est brutalement sollicité lors d'une obturation. Il doit se relever brutalement pour laisser passer l'image vers le capteur, puis se rabattre aussi brutalement pour rendre la visée à l'opérateur, qui sinon serait "aveugle" et perdrait le sujet de vue si jamais il devait re-déclencher dans la foulée. Imaginez le boulot lors d'une rafale ! De même durant l'illumination du capteur d'image, les capteurs d'autofocus sont eux aussi aveugles. Le suivi de la netteté sur un sujet à distance rapidement variable en est compromise.

Aussi, Sony a contourné ce problème et éliminé les soucis d'usure prématurés du miroir mobile et rendant celui-ci fixe, mais semi transparent afin qu'une partie de l'image dirigée vers le capteur d'image soit prélevée pour "alimenter" en permanence les capteurs d'autofocus. L'absence de mécanique complexe du miroir mobile a permis au passage d'augmenter à faible coût les cadences des rafales.

Dans ce principe, le viseur est devenu électronique, et présente une recopie de ce que voit le capteur d'image qui est alimenté en permanence au travers du miroir fixe semi-transparent et avec le rideau avant ouvert lui aussi en permanence. Il ne devenait fonctionnel que pour le déclenchement, avant que "l'obturation avant" devienne électronique ; d'où une meilleure fiabilité puisque seul le rideau arrière est fonctionnel. Nota : le rideau avant a quand même été conservé pour être utilisé avec les anciens objectifs de fort diamètre).

detrez

Oups ! cela fait du bien ! merci Claude77. Au fait 77 c'est la région où tu es ?

hdgvonbingo

Merci Claude77

je n'ai pas encore eu le temps de m'y pencher mais un grand merci déjà !

Claude77


buzoqueur

RAW - Traité ;)

detrez


scoulp

très interessant !
Je vous avoue que cela dépasse largement mes compétences et ma compréhension.
La question que je me pose depuis le début est : on se met sur on ou off sur le A7 pour les rideaux ?  ;D

Claude77


gnogno

Citation de: Claude77 le Mai 31, 2015, 23:35:59
De nos jours, l'automatisme et le semi-automatisme des appareils interdisent de la dépasser. Par contre, pour des cas spécifiques, l'expert sera contraint de passer outre, sous réserve d'utiliser un flash comportant la fonction HSS (High Speed Synchro = synchro haute vitesse). Son principe est d'émettre une succession d'éclairs pour illuminer, avec les raccordements "qui vont bien", chaque position de la fente qui se déplace devant le capteur. Cette fonction comporte néanmoins une limitation naturelle de puissance, puisque le flash doit conserver de l'énergie pour tous les éclairs de la séquence. En clair, la portée du flash en est fortement réduite.

Et que par conséquent cette synchro "haute vitesse" se traduit par éclair très très long ... contrairement à ce qu'on pourrait croire.
Cet éclair ne figera donc rien du tout ;-)

Claude77

Ce n'est pas un éclair très long sur un obturateur pleinement ouvert, mais une multitudes d'éclairs brefs à puissance réduite, synchronisés sur le déplacement de la fente !
En plus, l'on est en "haute vitesse" (par exemple supérieur au 1/250e pour le A77), donc l'obturation rapide participe elle aussi au figeage du sujet.

Bien entendu, la synchro arrière n'aurait pas de sens si elle pouvait être opérationnelle en HSS.

gnogno

1/250ème c'est pas de la haute vitesse par rapport au 1/10000ème d'un flash en synchro "normale" ;-)
C'est pas le même usage, on va dire ;-) Mais ce détail est important justement pour les néophytes ...