Thora at my vanity, Brooklyn, New York, 2021. Courtesy of the artist and Marian Goodman Gallery © Nan Goldin

Hier 15 mars est sorti en salles Toute la beauté et le sang versé, plongée documentaire dans la vie de Nan Goldin – ses choix artistiques, ses combats politiques – qui a valu à la réalisatrice Laura Poitras le Lion d’Or à la Mostra de Venise 2022. Invitée de « L’heure bleue » sur France Inter, la documentariste, connue pour ses films sur Edward Snowden ou Julian Assange, a expliqué que ce qui l’avait intéressée chez Nan Goldin, c’est sa capacité à mettre son image et sa notoriété au service de ses actions contre la richissime famille Sackler, responsable de la commercialisation de l’OxyContin. Si vous passez par Berlin, sachez que l’Académie des arts présente actuellement une grande rétrospective de la photographe.
Rayon 7e Art toujours, notez que Kristen Stewart incarnera bientôt Susan Sontag dans un film consacré à la vie de l’intellectuelle américaine (à qui l’on doit notamment l’important Sur la photographie). Autre biopic à venir, celui d’Ara Güler, alias « l’œil d’Istanbul ».

BONNE CAUSE
En réponse au tremblement de terre qui a dévasté le 6 février dernier la Turquie et la Syrie et causé la mort de plus de 50 000 personnes, 200 photographes, unis sous la bannière SIX.TWO Editions, lance une grande vente de tirages (format et prix uniques : 10×12 inches, 150$ pièce). Les fonds récoltés seront reversés à plusieurs ONG œuvrant sur place. L’opération prend fin le 20 mars.
 
BONNES FEUILLES
Paru en début d’année aux éditions La vie des idées, Puissance politique des images se compose d’articles sur le pouvoir des photos et vidéos dans divers contextes (le conflit israélo-palestinien, les grèves en Pologne, le 11-septembre, etc.) et se conclut par un entretien avec la photojournaliste Adrienne Surprenant. Pour appâter les lecteurs, l’éditeur a eu la bonne idée de mettre en ligne l’intégralité de cette interview fouillée qui nous en apprend beaucoup sur la récente lauréate du Prix Françoise Demulder et sur son mode de fonctionnement. S’y entremêlent des considérations concrètes (par exemple, sur l’importance d’avoir un boîtier au déclenchement silencieux), des évocations de ses reportages (son tour du monde de la dengue, notamment) et des métaphores parlantes : « [Il faut] voir le photojournalisme comme la construction d’un mur de briques. Chaque photographe constitue une brique de l’édifice : si l’on essaie de tous placer la brique au même endroit, ça ne sert rien. Il faut donc qu’on s’allie tous pour venir compléter le mur, et chaque travail est important s’il vient se conjuguer aux autres. » Adrienne Surprenant évoque aussi son militantisme raisonné et sa réflexion permanente sur l’esthétisation de l’information : « Cela fait partie du travail de passeur : si je veux forcer à regarder l’horreur, il faut que je la rende un minimum esthétique pour que, pendant quelques instants et contre leur gré, les lecteurs soient happés par cette information. » Bref, vous avez compris, si vous ne devez lire qu’une interview cette semaine, c’est celle-ci.
 
ITEM RECRUTE
Avant de rejoindre l’agence MYOP, Adrienne Surprenant a fait partie du collectif ITEM, groupement de photographes basé à Lyon et œuvrant dans le champ documentaire. Parmi les sujets récents produits par ses membres, on peut citer le « No man’s land » de Paloma Naudet (sur les dispositifs anti-migrants installés entre Calais et Douvres) ou encore le reportage de Jeremy Suyker sur les Berlin Bruisers, première équipe de rugby gay et inclusive d’Allemagne (actuellement exposé à Bron). Si leur approche vous accroche, sachez que le collectif ITEM est à la recherche de renfort. Vous avez jusqu’au 15 avril pour poser votre candidature.
 
LA DEUXIÈME VIE DES COMPACTS
Il y aurait, paraît-il, un regain d’intérêt chez les millenials pour les compacts numériques vintage. Un effet de mode inattendu qu’a saisi au bond Joshua Waller en dressant la liste des modèles sortis au début du siècle et qui valent encore le coup. Si ces appareils sont encore trop modernes pour vous, vous pouvez vous tourner vers le Sony Cyber-shot F505, fameux boîtier au corps en L qui fête cette année ses 24 ans. Après tout, il n’y a rien de mal à remettre en service de vieux appareils, surtout si c’est pour la bonne cause. Sur ce point, Sony montre l’exemple en recyclant son DSC-HX99 pour l’adapter aux malvoyants.
 
IA INDEED
Épinglé par PetaPixel pour avoir posté sur son compte Instagram des images créées par une IA sans préciser leur provenance, le photographe de Vogue Emanuele Boffa se justifie ainsi : « James Cameron ou Christopher Nolan génèrent en permanence des images à l’aide d’infographies ou d’IA. Et je ne pense pas que les gens s’en soucient beaucoup. L’intelligence artificielle, lorsqu’elle est utilisée correctement, génère exactement ce qu’il y a dans l’esprit de l’auteur. »
 

PENDANT CE TEMPS…

• …en Dordogne, l’association Regard rejoue « l’attaque des Rivières basses » pour un projet de roman-photo.
• …en Ukraine, Julia Kochetova fait le récit, mois par mois, d’une année sous les bombes.
• …en Espagne, Sylvie Hugues renoue les fils de son histoire personnelle.
• …à Santiago du Chili, le cirque Timoteo défie les intégrismes religieux avec un spectacle haut en couleur.
• …à Reims, Photo Devert s’apprête à fermer ses portes après 48 ans de bons et loyaux services.
• …à New York et ailleurs, les amateurs d’art pleurent Pierre Apraxine, « l’œil absolu de la photographie ».
• …dans le désert de Californie, des panneaux accueillent les œuvres de Tyre Nichols, photographe amateur battu à mort par la police.
• …à Pont-Aven, une exposition rend justice à la grâce intemporelle des images de Willy Ronis.
• …dans une forêt du Maine, Colin Chase relève ses pièges photo, avec une surprise feulante à la clé.
• …sur l’île de Java, Ibu Mulatsih met la dernière touche à son jamu, un breuvage aux mille vertus.
• …à Ramallah, Jénine, Al-Bireh, Deir El Hattab ou Jérusalem, les preuves des exactions de la police israélienne vis-à-vis des reporters d’images s’accumulent. 

 
MUSIQUE
Le 4 avril, on fêtera le centenaire de la naissance de Georges Coulonges, écrivain à qui l’on doit des romans, des scénarios de films et séries mais aussi des paroles de chansons pour Jean Ferrat (Potemkine), Nana Mouskouri (L’Enfant au tambour) ou encore Marcel Amont, pour lequel il a signé ceci…

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile en dix entrées et quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.