CLIQUE CLAC #330

Si l’on doit trouver un avantage au dérèglement climatique et à ses conséquences, c’est qu’ils incitent les photographes à rivaliser de créativité pour tenter de les illustrer. Pour rendre compte des incendies qui ont dévasté la ville californienne de Paradise, Maxime Riché a recouru à un film infrarouge « pour dire la récurrence de ces feux et permettre au spectateur de s’y projeter ». La même ambiance apocalyptique traverse les images de Tamaki Yoshida. Plutôt habituée aux podiums des défilés de mode, la photographe japonaise a profité d’une pause dans son agenda pour s’intéresser à la faune sauvage de l’île d’Hokkaido. Pour montrer les dommages que l’humain cause à la biodiversité, elle a décidé à son retour de corrompre sciemment ses images en utilisant du dentifrice, des produits de maquillage, de la javel ou de l’huile de cuisson lors du développement du film. Le titre de sa série résume le tout en deux mots : « Negative ecology ». La série de Damien Rietz, quant à elle, se nomme « Les températures anormales » et se présente sous la forme de cartes postales aux couleurs passées. Mais le filtre appliqué aux images n’a rien d’aléatoire, il correspond à l’écart de température entre la date de prise de vue et la normale saisonnière. « C’est ma formation en cartographie, raconte le photographe, qui a fait que j’ai voulu appliquer un gradient de couleur, comme sur les cartes où l’on indique la densité de population de cette façon. Ça a été un gros travail de construire ce filtre pour que les couleurs rendent bien ensemble. » 

LES GOÛTS ET LES COULEUR DE PAOLO

Pour le podcast Le Goût de M, Géraldine Sarratia s’est rendue au 9 rue Paul Fort dans le 14e arrondissement de Paris, siège de l’atelier de Paolo Roversi. Affable, le photographe italien est revenu sur sa jeunesse heureuse à Ravennes, sa passion pour le Bologna FC (il avait 16 ans quand l’équipe a remporté son dernier scudetto), son amour de la poésie (de Pétrarque à la Beat generation), sa découverte de la prise de vue, ses premières publications et son installation à Paris en 1973. Paris qui l’honore aujourd’hui à travers une grande exposition (ne lui parlez pas de rétrospective) présentée jusqu’au 14 juillet au Palais Galliera, écrin somme toute logique pour un portraitiste de mode si influent.

TAPIS ROUGE

Quel est l’accessoire le plus utile quand on photographie les stars ? Le détachant, pourrait répondre Chelsea Lauren. La photographe a récemment raconté à CNN qu’elle avait réussi nouer des liens avec l’acteur Daniel Kaluuya en l’aidant à ravoir une chemise sur laquelle il avait renversé du vin lors d’une soirée de gala : « J’avais du détachant dans mon sac à main, nous avons passé vingt minutes à essayer d’effacer la tache. » En vain, mais Chelsea Lauren a ensuite aidé le comédien à quitter la salle en évitant les photographes. Kaluuya l’a remerciée quelque jours plus tard sur le tapis des Oscar en la gratifiant d’un grand sourire et d’un fraternel « You’re my G ». En quinze années d’activité, l’Américaine a dû jouer des coudes pour se faire une place parmi la meute très masculine des photographes de stars, mais elle peut aujourd’hui s’enorgueillir d’un tableau de chasse à faire pâlir la concurrence.

LE GARS DE LA MARINE

Quand Ewan Lebourdais, grand amoureux de la mer, se met en apnée, ce n’est pas pour photographier ce qui se passe sous la surface, mais pour assurer la netteté des clichés qu’il prend depuis le bateau qui l’emmène au plus près du Sufren, un sous-marin nucléaire de dernière génération. Dans un billet mis en ligne sur son site, le peintre officiel de la marine raconte les circonstances de ce reportage photo réalisé au large de Brest, après cinq années d’attente… « Et forcément, il pleut au lever du jour ! » Pour bien vous rendre compte des conditions houleuses auxquelles il a dû faire face, complétez la lecture par le visionnage de « Dans l’œil d’Ewan Lebourdais », documentaire de France 3 Bretagne dont la scène d’ouverture a été captée durant cette mission.

HISTOIRE D’UN CANULAR

Sans doute connaissez-vous l’histoire des « Fées de Cottingley », ce canular monté par deux cousines du Yorkshire, Elsie Wright et Frances Griffiths, au début du XXe siècle. Ce qu’on s’explique moins, cent ans plus tard, c’est comment la supercherie, qui avait pour seul but au départ de mystifier les proches des deux gamines, s’est propagée en quelques années à l’Angleterre entière. Dans un podcast en deux parties, Juliette Hamon et ses intervenants racontent comment le contexte (l’esprit britannique par nature plus ouvert au fantastique, la vogue du spiritisme post-Grande Guerre, etc.) a contribué à la viralité de l’affaire. Surtout la journaliste pointe l’intervention décisive d’un certain Conan Doyle qui, convaincu de l’authenticité des clichés, écrit un article sur le sujet en 1920 dans The Strand Magazine, puis l’année suivante, un livre : The Coming of the fairies. Le mythe est lancé, et il faudra attendre février 1983 pour qu’Elsie Wright, alors âgée de 83 ans, avoue que les photographies avaient été truquées.

Quelques projets de livres photo qui méritent votre attention (et votre argent ?)

Avec Pure laine d’Écosse, Patrick Blin rend hommage aux lumières des Highlands et plus particulièrement aux moutons qui, tels de grands prédateurs régnant sur leurs territoires, toisent le monde depuis leurs promontoires rocheux.

Superposant les strates photographiques, les supports, les langues et les époques, Katel Delia raconte le parcours migratoire de sa famille sur trois territoires de la Méditerranée : Malte, Tunis, Marseille.

Villa San Remigio clôt une trilogie entamée il y a neuf ans par William Guidarini avec Ceux qui restent. Un projet personnel mêlant moyen-format argentique, Polaroïd couleur et photo numérique, conçu comme un retour aux origines.

Sept années auront été nécessaires à Sarah Bouillaud, membre de l’agence Hans Luca, pour mettre un point final à Odissea, voyage au pays de l’enfance où la tendresse le dispute au merveilleux.

Ils ont également piqué notre curiosité…

Bouquinistes de Paris, les derniers des Mohicans d’Irène Jonas

Before rebirth de Cédric Roux

Talents & passions au féminin de Patrice Olivier

Invendable n°1 – Let’s get lost, un magazine qui, comme son nom l’indique, réunit des reportages refusés ailleurs parce que « non vendeurs ».

la petite Musique de fin

On se quitte sur une bluette pop-folk qui ne changera pas la face du monde (Hollow Coves n’en a de toute façon pas la prétention), mais dans laquelle on entend un hommage aux mères de famille qui, plus souvent que leur mari (si si), photographient les enfants et, ce faisant, nous construisent des souvenirs pour la vie.

« She loved taking photographs
I love the way she never let the moment pass »

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.