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On a vu les six épisodes de « Photographes », la série documentaire de National Geographic, et comme Jeremy Gray, on regrette le peu de temps et de place accordé aux… photographies. Elles défilent si vite que, pour en profiter, il faut faire des arrêts sur image. Comme son nom l’indique, « Photographes » fait la part belle aux parcours de vie des auteurs/autrices, à leurs tourments intérieurs et aux situations spectaculaires auxquelles ils et elles sont confrontés (cf. l’épisode sur la chasseuse d’orages Krystle Wright). L’approche n’est pas inintéressante, mais tout cela manque d’aspérités. Le fait que les sept photographes soient des collaborateurs réguliers de National Geographic n’est évidemment pas étranger à cette impression.
C’est bien joli de critiquer, nous direz-vous, mais avez-vous mieux à proposer ? Eh bien, oui. Sur LCP, on peut actuellement voir un documentaire de Kamy Pakdel sur Fouad Elkoury, photographe né à Paris en 1952 qui a documenté la vie quotidienne des Libanais pendant les années de guerre (de 1977 à 1984), avant de rejoindre l’agence Rapho et de partir photographier les fragilités humaines en Palestine, en Égypte ou en Syrie. Le documentaire n’a rien du portrait classique (Fouad Elkoury, sa vie, son œuvre), il se présente comme une discussion avec un septuagénaire aujourd’hui retiré dans ses montagnes, qui se dit à la fois résigné (« Au fond, la photo n’a pas le pouvoir que je lui prêtais à l’époque ») et toujours en colère. Le personnage est complexe, et la force du documentaire est de ne pas chercher la simplification. Son autre force tient à ses choix de narration (plusieurs conversations qui se succèdent et dévoilent chacune une nouvelle facette de l’auteur) et de réalisation (pas d’esbroufe technique, mais des trouvailles de mise en scène comme ces séquences où Fouad Elkhoury regarde et commente une interview de lui plus jeune projetée sur un mur). Cerise sur le gâteau, la visite à Francine Deroudille met le spectateur sur la piste d’un autre documentaire, Lettres à Francine, qui, ça tombe bien, est visible sur Vimeo. De l’art d’ouvrir des portes…

À CŒUR ET À CRAN

Le 4 avril 2014, Anja Niedringhaus mourrait à l’âge de 48 ans sous les balles d’un commandant de police alors qu’elle couvrait le premier tour de l’élection présidentielle en Afghanistan. Lauréate du prix Pulitzer en 2005, Anja Niedringhaus avait la reconnaissance de la profession et la confiance des rédactions. Durant sa carrière, commencée en 1989 par un reportage sur la chute du mur de Berlin, elle couvrit de nombreux conflits en ex-Yougoslavie, en Palestine, en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, tout en touchant à d’autres domaines comme les sports (neuf JO à son compteur). Les diaporamas mis en ligne par Associated Press (qu’elle rejoignit en 2002) et NPR à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort donnent une idée de l’étendue de son talent. Un talent célébré tous les ans par l’Anja Niedringhaus Courage in Photojournalism Award, prix créé en son hommage par l’International Women’s Media Foundation et visant à récompenser le courage de femmes photojournalistes. Cette année c’est à la Palestinienne Samar Abu Elouf qu’il a été décerné.

PARCOURS ALTERNATIF

Anciennement connu sous le nom d’Expolaroid, The Analog Festival propose pendant le mois d’avril (et même au-delà) des expositions et rencontres autour des procédés alternatifs, essentiellement à Paris mais aussi à Nantes, Montcuq, Périgueux, Toulouse et Bruxelles. Au sein de la programmation, on trouve le nom de Mélanie-Jane Frey, photographe convertie à l’ambrotype après vingt ans de photojournalisme. Loin des feux de l’actualité, elle a trouvé dans cette technique un moyen d’interroger son rapport au temps. Plus spécifiquement l’immatérialité de la musique («Vagues») et sa matérialité («Vinylotypes»), la relation aux élément naturels («Chimères végétales»), la mémoire et l’oubli («Intersections») ou encore la résilience («Voix de corps, voix de tête»). Mélanie-Jane Frey donnera une conférence en ligne, « La photographie expérimentale : une démarche artistique ? » le lundi 29 avril à 19h. Inscriptions par simple mail à : contact@studio-ambrotype.com pour recevoir le lien.

LE VRAI DU FAUX

Certains fakes sont plus faciles à débusquer que d’autres. Prenez par exemple cette image largement partagée sur les réseaux et censée représenter Yasuke, « le premier samouraï noir ». Il suffit de vérifier les dates du personnage (qui a véritablement existé) pour se rendre compte qu’il a vécu… trois siècles avant l’invention de la photographie. Il faut, en revanche, mener un vrai travail d’enquêteur pour rendre leur identité aux personnages présents sur une photo diffusée dans plusieurs manuels scolaires de première. Car, non, contrairement à ce qu’indique la légende, il ne s’agit pas des frères Pereire.

ENJEUX OLYMPIQUES

Teahupo’o a beau être l’un des sites de surf les plus prisés au monde (Maria Fernada Bastidas ne dira pas le contraire), il n’en reste pas moins un petit village de pêcheurs où les infrastructures sont réduites au minimum et où l’on ne trouve même pas de magasin spécialisé dans les sports de glisse. Il faut garder ça en tête pour comprendre la colère de Polynésiens qui, sous prétexte qu’ils vont accueillir une semaine de compétition olympique, voient leur vie et leur environnement bouleversés (on se souvient des dégâts causés par le chantier d’une tour d’arbitrage sur le récif corallien). Pour avoir le ressenti des Tahitiens, Daniel Cole, photojournaliste à Associated Press, est parti à leur rencontre et a recueilli leurs témoignages. « Nous entendons beaucoup parler des infrastructures que vont nous apporter les Jeux olympiques, mais nous avons déjà un patrimoine ancestral, explique par exemple Cindy Otcenasek. Le Teahupo’o est la terre de Dieu avant d’être la terre des Jeux. » 

En bref et en vrac...

Lauréat du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre en 2014, Visa d’or à Visa pour l’image en 2015, multiprimé au World Press Photo, Bülent Kılıç a été viré de l’AFP après 16 ans à l’agence. Une séquence qui en dit long sur le traitement des journalistes « locaux » de l’AFP.

En reportage au Panama avec son assistant, Isabelle Serro a été kidnappée, séquestrée, puis finalement libérée grâce à l’intervention de Béatrice Turpin, directrice du festival « Les femmes s’exposent ».

Émoi à Aboyne (Écosse) : pour la photo de classe, les parents des élèves de l’école primaire ont eu à choisir entre deux options : une photo comportant tous les élèves et une autre sans les élèves handicapés.

En raison du succès des expositions « Annie Ernaux et la photographie » et « Lisa Fonssagrives-Penn, icône de mode », la MEP ouvrira désormais ses portes le mardi (jour habituel de fermeture) de 11h à 20h, et ce jusqu’au 26 mai.

(Jumpin’ Jack) Flashback au début des années 80, époque où les Rolling Stones étaient encore fringants.

Vu le temps qu’ont passé certains maîtres à peindre leurs tableaux, la moindre des politesses est d’en soigner la prise de vue. L’équipe d’Amateur Photographer vous donne ses conseils en matière d’éclairage et de focale.

Life Magazine pourrait retrouver le chemin des kiosques dans les prochains mois…

Malgré son jeune âge, Jauris Bardoux a déjà cinq ans d’expérience et une vision précise du métier de photographe qu’il compare volontiers au poste de batteur au sein d’un groupe : « Lors d’un shooting, le photographe c’est le pilier. »

À quoi ressemblent les paréidolies d’un fou de cartographie ? À ça.

la petite Musique de fin

Becky Jones, alias Saint Saviour, est de retour avec un nouvel album, Sun seeker, où l’on trouve ce très chouette « A picture is all I have ».

« A picture is all I haveThough I feel your touch on my childish cheekA picture is all you are nowThough I hear you sing down the staircase from me« 

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.