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Dans le cadre des commémorations entourant le 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, les Franciscaines de Deauville consacrent une exposition à l’un des photographes choisis en juin 1944 par l’armée alliée pour couvrir l’événement. Non pas Robert F. Sargent, l’auteur de la célèbre « Into the jaws of death », mais un certain Robert Capa. Le photographe a, il est vrai, quelques icônes à son actif – c’est d’ailleurs le titre de la rétrospective. Mais Michel Lefebvre, le commissaire d’exposition, fait la part des choses entre ce qui relève de la réalité et ce qui tient de la légende dans le parcours du cofondateur de Magnum. Il a ainsi rappelé à Historia que Capa n’était « pas dans la première vague d’assaut, contrairement à ce qui avait été raconté jusque-là, mais probablement dans la troisième. » L’histoire selon laquelle un laborantin de Life aurait pas mégarde endommagé les films envoyés à Londres par le reporter a aussi du plomb dans l’aile. Si ce « Flashback » du Monde vous laisse dubitatif, la page que consacre Tristan Da Cunha à cette épisode devrait achever de vous convaincre. Ce doux dingue, dont vous avez pu croiser la prose dans Chasseur d’Images, a recréé les conditions dans lesquelles ont été développés les films de Capa pour voir si la théorie de la destruction accidentelle était plausible. L’expérience est probante, mais au moment de conclure, Tristan Da Cunha n’oublie pas l’essentiel : « Je me dois de constater que la légende était fausse. Mais faut-il en être déçu ? Cela enlève-t-il du mérite à Robert Capa ? Évidemment non. Imaginons un moment le courage qu’il lui a fallu pour se rendre volontairement sur cette plage le matin du 6 juin 1944. Qu’il ait fait 100 photos ou seulement 10 n’a finalement pas d’importance. Retenons simplement qu’il était présent en ce jour historique, qu’il a fait son travail de son mieux, et qu’il s’en est sorti. »

LA VIE EN BLEU

Et si vous profitiez du retour du soleil pour vous mettre au cyanotype ? C’est un jeu d’enfant – littéralement. Évidemment, les choses se compliquent un peu quand on passe du végétal au négatif sur feuille transparente, mais le résultat fait toujours son effet. La preuve, c’est grâce à sa série de cyanotypes que la photographe naturaliste Fanny Zambaz a séduit le jury du Prix Objectif Femmes. Pour la sortie d’Esquisses sauvages, elle était l’invitée de l’émission Vertigo. L’occasion de retracer son parcours (qui a commencé dans la mode) et de parler de sa passion pour la chambre photographique. L’outil est inattendu pour une photographe de nature, mais il suffit de voir Fanny Zambaz sur le terrain pour comprendre son approche : « Plutôt que de faire une orgie d’images, puis trier après, là c’est l’inverse : il faut trier dans sa tête ce qu’on voit et choisir une chose, faire une prise de vue, une seule. »

L’AMÉRIQUE D’ALAIN DISTER

France Culture a ressorti de sa malle aux trésors une interview d’Alain Dister datant de 2006 dans laquelle le photographe et écrivain, disparu en 2008, s’épanche sur ses années hippies : « Dans les années 60 il n’y avait pas de culture photographique, il y avait un caractère très spontané à toutes ces images mais j’avais envie de me servir de l’appareil photo comme un moyen de communication, le moyen de reconnaissance aussi, de reconnaissance de terrain et d’un territoire social. » Pour accompagner et illustrer son propos, on vous conseille de parcourir les galeries couleur et N&B de son site. Ou, mieux, de vous rendre à Mérignac où une exposition lui est consacrée.

NOS VIES, LEURS YEUX
On vous a beaucoup parlé, ici ou dans les pages de Chasseur d’Images, de la Grande commande du photojournalisme, projet codirigé par le ministère de la Culture et la BnF proposant une « radioscopie » de la France à travers 200 reportages. Dans le cadre d’un documentaire produit pour LCP, Sophie Varillon a interrogé sept des photographes impliqués (Aglaé Bory, Sophie Loubaton, Valérie Couteron, Lucien Lung, Bertrand Stofleth, Mat Jacob et Stéphan Gladieu) sur les coulisses de leurs sujets respectifs. L’exposition « La France sous leurs yeux » est à voir jusqu’au 23 juin à la BnF.

« L’ARMÉE, ÇA VOUS CHANGE UN HOMME »

Cette formule, la Néerlandaise Claire Felicie et le Britannique Jason Koxvold l’ont prise au pied de la lettre. Dans sa série intitulée « Marked », la première présente des portraits serrés de soldats de la 13e compagnie d’infanterie des Royal Netherlands Marine Corps, réalisés à trois moments de leur engagement : avant, pendant et après leur déploiement en Afghanistan. Les triptyques ainsi créés montrent l’effet de la guerre sur les traits des visages et sur les regards. Les sujets photographiés par Jason Koxvold n’ont, eux, pas connu la guerre. Pas encore. Mais les portraits réalisés au début et à la fin de leurs classes donnent déjà à voir une transformation. L’interview donnée par l’auteur à Vice en 2023 éclaire sur sa démarche, même si le nom de son projet – « Engage and destroy » – donne déjà un indice.

Brèves surréalistes

 En octobre 1924 paraissait Le Manifeste du surréalisme d’André Breton. Bruxelles, berceau du mouvement, célèbre doublement ce centenaire.

 À Lausanne, c’est une triple exposition qui vous attend, avec en point d’orgue un accrochage de clichés de Man Ray à Photo Élysée. Et pendant ce temps, comme le pointe Étienne Dumont dans sa recension, « Paris reste curieusement silencieux ».

 Le Violon d’Ingres se vend toujours aussi bien. Un tirage de 1970 a trouvé preneur à 151200 € chez Christie’s.

Le saviez-vous ? Peu après sa mort, Eugène Atget fut considéré comme un précurseur du mouvement surréaliste, Robert Desnos soulignant notamment « l’inquiétante étrangeté » de son œuvre.

« Je ne vois pas la femme dans la forêt », ou comment le photomaton est apparu aux auteurs surréalistes comme une déclinaison possible de l’écriture automatique.

 

 Du 21 au 29 septembre, Fréjus accueillera la 6e édition du Festival de la photographie surréaliste. Et vous avez jusqu’au 15 juin pour répondre à l’appel à candidature.

« J’écris mes photos autant que je les crée. » Bienvenue dans l’univers hanté et envoûtant de Nathalie Ericson, déesse surréaliste des forêts nordiques.

Avec son oniroscope, Camille Scherrer vous aide à créer les images de vos rêves (littéralement).

 « Le surréalisme dénature-t-il la photographie ? » La question est un brin provocatrice, mais elle permet à Pablo Patarin de tresser des fils entre les pionniers du genre (Hans Bellmer, Dora Maar, etc.) et leurs héritiers modernes (Sylwana Zybura, Martin Stranka, etc.). Surtout elle débouche sur une autre question nettemment plus stimulante : « Le surréalisme est-il dévoyé par sa dépolitisation ? » (vous avez trois heures)

Le réel est au coin de la rue. Le surréel aussi…

 

la petite Musique de fin

S’il n’en a jamais fait état de son vivant, René Magritte s’est beaucoup appuyé sur la photographie pour nourrir ses œuvres picturales, comme nous l’apprend cette conférence de Xavier Canonne (à laquelle il ne manque que les images). Le pape du surréalisme a également été sous le feu des objectifs plus souvent qu’à son tour, notamment sous celui de Lothar Wolleh qui l’a photographié à maintes reprises, seul ou accompagné. C’est ce dernier portrait qui a inspiré à Paul Simon une chanson hommage, « René and Georgette Magritte with their dog after the war. » Dans le clip, Paul Simon joue lui-même le rôle du peintre ; celui de Georgette est tenu par… Carrie Fischer, qui partageait sa vie à l’époque.

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