Pourquoi faut-il que les photos primées reflétent la misère de ce monde?

Démarré par parkmar, Avril 23, 2011, 00:24:05

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parkmar

C'est devenu une mode que je regrette! Regardez les concours! les gagnants sont souvent ceux qui montrent la misère et si possible! de beaux mannequins nus mais dans un décor glauque (usines désafectées ou garages en ruine!). En architecture, ce sont les ruines! Pour gagner des concours on ne peut magnifier l'image dans un décor sinon heureux mais du moins pas miséreux! Il est entendu que le photographe doit tout montrer; mais à en juger par ceux qui gagnent les concours, le monde est catastrophique (ce qui est vrai en partie) mais est-il nécessaire de le rappeler sans arrêt?
j'aimais bien les photos de Lartigue de ces mondains sur les golfs! dans un autre genre les magnifiques paysages de A. Adams; les scènes féminines de Sieff. Je comprends la faim dans le monde et les affamés d'Afrique ou d'ailleurs! mais il n'y a pas que cela quand même! le talent ne peut-il être que dramatique et triste?
Cordialement.

Alain-P

Non, la photo ne se limite pas à la misère dans les squat ou les bidonvilles.....Mais ça donne bonne conscience à ceux qui vont aux expos dans les galeries de la rive gauche.

Et il est plus facile de se faire accepter par une communauté de roms que de rentrer dans les salons d'un grand hôtel pour prendre des photos des clients qui boivent un verre et discutent entre eux.
Perpétuel insatisfait.....

Goelo

Il est souvent tentant, si l'on a de la difficulté à aborder les gens ou à trouver des sujets personnels,
De se tourner vers la photo misérabiliste en espérant être remarqué pour les photos que l'on montre.
Paradoxalement, le contact est moins difficile avec le sujet, malgré un premier abord rugueux.

Il convient également de situer ces photos dans le contexte général d'images (fixes et animées) recherchant le sensationnel à tout prix, dont nous sommes abreuvés.

Si l'on ajoute que l'auteur peut ensuite se targuer de frissons et de risques a posteriori (parfois à peu de frais ou nettement exagérés)
on obtient un ensemble d'éléments qui situent le cadre chic et toc de l'image facile et aguicheuse,
d'une démarche prétendant dénoncer, donc difficile à critiquer, et derrière laquelle beaucoup s'abritent.

Quel que soit le sujet, c'est la composition et la manière de le traiter qui comptent,
et beaucoup de photographes, de toutes époques, ont sublimé leur sujet...
et même pour certains refusé systématiquement le sanguinolent ou le misérabilisme.
N'est pas Dorothea Lange qui veut...

Ensuite, les concours, c'est peut-être une tendance,
toujours avec un peu de retard sur les professionnels (Visa Pour l'Image a contribué à imposer ce registre depuis de longues années...).

parkmar

Je sais Lartigue n'avait pas besoin de travailler; HCB non plus d'ailleurs; pas plus que YAB! quand à Barnier il traitait bien ses contrats ;) à croire que la photo est le passe temps des rentiers ;) Les Doisneau, Boubat, Depardon, etc.... n'ont pas photographié que des gens désoeuvrés et aisés peu s'en faut; pas mal de scènes de la vie quotidienne de gens "ordinaires et modetes"! cependant leurs images ne reflétaient pas ce coté "misérabilis"!
Les arbres torturés, les brûmes de A.Adams sont quand même assez éloignés de ce qui nous est présenté! On dirait que nos photographes se comportent maintenant comme les TV; prends des informations: 80% de catastrophes! je crois surtout que c'est ce qui fait vendre; "le beau, seulement le beau... n'est qu'un train qui arrive à l'heure"! je dois donc aimer l'exactitude :D
Cordialement.

parkmar

Je disais concours parce que là il y a un jury qui serait "censé" être cultivé et en savoir un peu plus que le photographe lambda! Bien d'accord avec toi pour le "buzz". Je regrette cependant que les sujets (ou décors) photographiques ne soient pas plus esthétisques! C'est sans doute une affaire de goût, mais quand je vois dans RP ou CI certains portfolios, je me pose des questions.
Je suis sans doute d'une autre époque! au même titre que je trouve les décors de studios d'émissions TV catastrophiques (aussi bien dans le choix des couleurs que dans les volumes).
J'ai fait un raccourci volontaire Lartigue/Barnier pour justifier d'extrêmes ;)
Cordialement.

parkmar

Rien n'interdit de bousculer dans le bon goût ;) il est vrai que le bon goût des uns est le mauvais goût des autres :D
Cordialement.

kochka

Il faut croire que les photos de la fille Hilton, dans n'importe quelle situation, ne font plus recette, ou que les photographes dont tu parles manquent de vision, à défaut d'imagination
Technophile Père Siffleur

Alain-P

Mouais.....

Ayons donc une pensée compatissante pour ces pros de la médiatisation du talent qui, pour leur désespoir futur, réaliseront qu'ils ont méconnu les génies que nous sommes...... ;) 8)
Perpétuel insatisfait.....

Didier2

Fil très intéressant !

Les photos misérabilistes contienent -malheureusement- une charge émotionnelle "naturelle" qui impacte plus facilement que n'importe quel autre sujet. Moi aussi je me pose question sur cette tendance.

C'est aussi face à ce constat que je ne rate pas un National Geographic, qui ne rentre pas dans cette tendance.

Amicalement,
Didier

Goelo


vnr

Transcander la misère par l'esthétisme est la meilleure façon de ne pas la voir soi-même et de la cacher (alors qu'on veut la renconter et la montrer), et enfin comme l'on dit plus haut certain, cela permet de se donner une conscience, chose de plus en plus global dans notre monde politiquement correct, tout en s'attaquant à une proie sans défense. Tout cela est très malsain à mon sens.

Je préfère de loin l'antihumanisme de Martin Parr qui s'attaque à l'homme moyen avec un cynisme honnête au moins. L'humanisme des Doisneaux et Ronis est fini, nous sommes loin de la joie de la reconstruction d'après guerre et cette photographie me semble aujourd'hui pavlovienne.

vnr

Citation de: roubitch le Avril 26, 2011, 17:51:05
je vois ce que tu veux dire mais c'est un peu caricatural non? q

Caricatural ou cliché sont les mots que l'on se voit souvent opposer quand on parle de politiquement correct. Qui va oser dire que ces photos ne sont pas "vraies", "touchantes", "réelles" etc. On est dans le mauvais côté du sentiment dans la facilité, la mièvrerie. C'est comme les humanismes en général, sur le papier c'est le camp du bien, c'est parfait, irréfutable, qui peut le nier ? Dans la réalité, ça donne moins bien genre le communisme soviet ou corréen (pour ne parler que de ceux-là). Pourtant, l'égalité de conditions, qui peut critiquer le postultat ?

Ces photos nous dit-on sont un témoignage, afin que les gens sachent. Les gens n'ont pas besoin de ces photos pour savoir et la photo de ces sujets pour exister. De plus, si toutes ces photos avaient changé la face du monde, on le saurait. Elle ne s'adressent qu'au petit monde des média et entretiennent l'ambivalence de nos consciences, voir nous détournent même de sujets plus importants. ça s'appelle le sensationnel (tirées de leur contexte et des intentions de leurs auteurs, elles y tombent toutes). Perso, ces photos ne me touchent pas et j'ai du mal à en trouver de belles, coincées qu'elles sont entre esthétisme et documentaire. Je trouve ce genre peu intéressant et réducteur pour la photographie d'un point de vue de ce qu'elle peut aborder esthétiquement.

vnr

Puisque Waldo en parle, Nachtwey par exemple et tout ce qui va avec je déteste. Ce que j'aime ? Difficile à dire tant le genre me repousse... Si je devais me rapprocher de quelque chose, ce serait éventuellement les visages des fermiers de Walker evans (moins les photos de familles de ces fermiers très misérabilistes justement). Le hic, c'est que ce travail était une commande institutionnelle, avait-il vraiment envie de faire ces photos ? Quand on voit son oeuvre et quand on l'entend dire que ses images n'ont pas besoind d'être peuplées d'humains, on peut en douter. Ces portraits sont forts, mais cette misère dans le regard accusant, est difficilement acceptable à mes yeux. Ses portraits dans le métro, montrent davantage de choses sur la condition humaine de toutes façons. Que dire de plus sur la misère ?

Waldo, je suis d'accord avec toi mais plus j'avance dans le temps, plus je me rends compte que les humanismes sont loins du résultat escompté mais là, on s'éloigne  ;)

Alain-P

Citation de: vnr le Avril 28, 2011, 11:23:10
Puisque Waldo en parle, Nachtwey par exemple et tout ce qui va avec je déteste. Ce que j'aime ? Difficile à dire tant le genre me repousse... Si je devais me rapprocher de quelque chose, ce serait éventuellement les visages des fermiers de Walker evans (moins les photos de familles de ces fermiers très misérabilistes justement). Le hic, c'est que ce travail était une commande institutionnelle, avait-il vraiment envie de faire ces photos ? Quand on voit son oeuvre et quand on l'entend dire que ses images n'ont pas besoind d'être peuplées d'humains, on peut en douter. Ces portraits sont forts, mais cette misère dans le regard accusant, est difficilement acceptable à mes yeux. Ses portraits dans le métro, montrent davantage de choses sur la condition humaine de toutes façons. Que dire de plus sur la misère ?

Waldo, je suis d'accord avec toi mais plus j'avance dans le temps, plus je me rends compte que les humanismes sont loins du résultat escompté mais là, on s'éloigne  ;)

Tout à fait d'accord VNR, mais pour les humanistes on ne s'éloigne pas tant que ça, quand au résultat, n'est-il pas plus le reflet de la réflexion collective d'une époque que d'une démarche militante....
Perpétuel insatisfait.....

vnr

Oui Alain-P, c'est pour cela que ce genre me semble piégé par nature (ou plutôt culture  ;D). La photographie, si c'est un art (encore un autre débat) doit transcander la réalité par la beauté, aux yeux des spectateurs, afin qu'ils soient transportés en dehors de leur condition l'espace d'un instant au moins. Enfin, cette définition est la mienne et est criticable, certain font de la photo un simple témoignage. La question posée par ces photos est, sont-elles belles ? Peut-il y avoir de la beauté dans la représentation de la misère ? Peut-être, mais en tous cas pas dans les règles de ce genre tel qu'il existe aujourd'hui à mes yeux ? Comment représenter la misère d'une belle façon ?

Alain-P

Nous sommes bien sur la même ligne VNR, il me semble seulement que ces 'témoignages' puissent être proposés sous divers niveaux de perception et que le genre 'trash' tant à la mode aujourd'hui soit devenu la règle. Problème d'éducation à l'art du public, et on en revient à la question de l'art en lui-même.

Vaste sujet.....
Perpétuel insatisfait.....

vnr

Un truc que j'ai bien aimé chez evans, c'est une photo d'un intérieur de ces fermes pauvres, mais sans personnages. je la trouve très parlante et en termes de formes, de matières et de lumière, on se rapproche plus du beau à mon sens. Alors que celles où toute la famille pose, crados et à moitié à poil parle trop pour être honnête.

Voici les photos évoquées.

vnr


vnr

Une autre. Et je suis persuadé qu'il n'a pas pris trop de plaisir à prendre la 1ere...

vnr

Citation de: B12 le Avril 28, 2011, 18:03:46
Pour moi c'est justement la seconde photo ( porte et cruche) qui rélève d'une esthétisation de la situation.

Pourtant, je la trouve belle mais pas celle de la famille. Le beau n'est pas déconnectable de la culture où nous vivons (même si certaines formes essentielles et couleurs sont peut-être communes à l'humanité, je dis bien peut-être) et il m'est difficile personnellement de trouver unes esthétique dans la première (au-delà d'une morale) alors que je la trouve dans la seconde. Mais ce que tu dis rejoins ma question, photojournalisme et art ne sont pas la même chose...même s'il y a un art du photojournalisme.

Alain-P

Dur de faire la part des choses sur une photo, trop facile de bidonner, et d'oublier le contexte.....

Regardez celle ci que j'avais prise en juillet 2010 :
                   

On dirait un pauvre ouvrier dans l'une de nos belles provinces; en fait c'est pris en plein cœur du 7 eme arrondissement de Paris et il devait prendre sa retraite deux mois après suite aux plaintes de sa femme qui lui demandait d'arrêter d'accumuler pour profiter enfin de la vie. Il réparait des petit meubles, des fauteuils, tout ce qui avait besoin d'une intervention pour continuer à orner les salons de cet arrondissement si distingué. Il croulait sous les demandes....
Pas la fortune quand-même mais certainement mieux que ce que la photo laisse penser.

Cette photo, on peut lui faire dire n'importe quoi.....
Perpétuel insatisfait.....

rackaam

Misère, misère, il est bon de resituer les prises de vues de Evans, après la grande crise de 1929 et les grands désastres climatiques du début des années 30 ou des dizaines de milliers de petits fermiers perdirent leurs terres, et leur domicile. Du grand photojournalisme et non du photo voyeurisme.

rackaam


rackaam


rackaam