Refugiés syriens

Démarré par jmporcher, Septembre 14, 2013, 13:52:43

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Saïda, au Liban, est l'ancienne Sidon, capitale de la Phénicie. A une quarantaine de kilomètres de Beyrouth, en bord de mer, elle contient la plus haute montagne d'ordures du pays. Sur un chemin de terre et de sable, pas très loin du stade ultra moderne de la ville, il y a cet immeuble en construction, assemblage de poutrelles de béton et de murs en parpaings.

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Le long des murs, aux ouvertures, du linge sèche au vent du soir.

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A l'arrière de l'immeuble, des enfants jouent avec de vieux pneus. Un marchand de glace stationne en jouant sur un haut parleur métallique le refrain de "la panthère rose", en boucle. La musique est mêlée de refrains du Coran que diffuse, à l'étage, un téléphone portable.

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Dans la lumière du soir, la cour est peuplée d'enfants joueurs,

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que surveille un groupe de femmes, tapies dans la fraicheur ombreuse d'un escalier de béton brut

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Ces gens, c'est la totalité d'un village près de Hama, en Syrie. Quatre d'entre eux, maçons, étaient venus il y a deux ans pour construire cet immeuble, censé devenir une université religieuse. Quand le village syrien c'est trouvé petit à petit au centre des combats, une, puis deux, puis de très nombreuses familles sont venues s'installer ici, dans le chantier.

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Au début, il y a presque un an, il n'y avait que les poutres en béton et les dalles des étages. Les familles se sont terrées pour l'hiver dans des abris faits de bâches tendues entre les poutres. Depuis, de véritables murs sont montés de parpaings, fermant des pièces.

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La construction, petit à petit, avance, faite par les réfugiés eux-mêmes. Le propriétaire de l'immeuble tolère leur présence. Il continue même de salarier les quatre ouvriers du début de chantier.

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Quatre salaires. Il y a ici 800 personnes, environ. Aucun autre ne peut travailler. Au début l'état libanais distribuait des bons d'alimentation, tandis  que le HCR distribuait un peu de farine, d'huile, de produits de nettoyage.

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Depuis un mois, il n'y plus de bons alimentaires. Le nombre de réfugiés croit sans cesse. L'ONU en compte aujourd'hui 725.000. A quoi il faut ajouter ceux qui ne sont pas enregistrés, peut atteint-on le million, pour un Liban de 4 millions d'habitants. L'hiver approche. Les syriens qui continuent d'affluer arrivent avec le peu d'argent qu'il ont pu garder, un fois payé les passeurs, acheté la corruption des douaniers syriens, acquitté les rançons aux bandes armées rebelles. Ce tout petit pécule est redistribué à l'intérieur des familles, ce qui permet à tous de tenir encore un peu.

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mais pour combien de temps? Ces gens sont tous des civils, agriculteurs, artisans, quelques maitres d'école. Quand on demande aux hommes si certains vont repasser la frontière pour aller se battre, ils nous regardent comme des martiens : on n'a pas fait tout ce chemin pour retourner dans cet enfer. Déjà un an que les enfants rieurs ne sont plus scolarisés. Le peu de cours qu'organisent les réfugiés eux-même semble les passionner, malgré l'atmosphère de longues vacances qui transparait ici. Le soir tombe. L'odeur de la mer est portée par le vent, se mêlant à celle des produits d'entretien avec lesquels ces femmes s'épuisent à récurer leurs pauvres abris.

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Amitiés à tous
jm

Rtom

Merci JM pour ce témoignage et toujours beaucoup de respect pour ce que tu fais...

;)

amonre

illustration du monde musulman : un monde à la dérive empêtré dans ses contradictions hélàs...

Rtom

Citation de: amonre le Septembre 14, 2013, 16:07:41
illustration du monde musulman : un monde à la dérive empêtré dans ses contradictions hélàs...

Les mêmes que le monde occidental.

J'ai été trés choqué de voir à midi, l'accord pris par les Américains et les Russes à propos de la Syrie et dont "ils se félicitaient".

Ils ont fait leur Yalta à la face du monde, dans le dos de toute la planète et même pas en présence des interessés....

Les intéressés, ils se foutent toujours des bombes sur la gueule et les armes chimiques ont le temps d'être planquées dans des endroits où on les trouvera par hasard sur des explosions accidentelles dans 40 ans...... et le peuple va encore vivre l'enfer!

On est finalement toujours en 1945, on vieillit pas!

Attendez vous à la construction d'un partage de Damas avec un grand mur et un nouveau Sheck Point Charly.

Le monde n'évolue pas, on en est toujours à se filer des coups de gourdins sur un mauvais mot ou un mauvais regard comme au temps des cavernes....

Pitoyable!
>:( :(

michel77

Une nouvelle fois, une belle chronique photographique.

Un grand merci à toi Jean-Marie.

kochka

Bravo JMP.
C'est tout le malheur de pauvres gens pris dans la tourmente et la guerre déclenché par des extrémistes qui prétendent faire leur bonheur.
Technophile Père Siffleur

jonaber

Bravo pour ce courageux reportage.
Photo loisir photo plaisir

raoul34


Pailler

Bravo pour ce reportage sur le quotidien de ces pauvres gens .... 

Screeny

Un grand merci pour cette petite séquence photographique hors du commun avec ses si précieux et pertinents commentaires. Ce qui se passe actuellement en Syrie dépasse l'entendement mais tu montres bien quels sont ceux qui sont les plus à plaindre et toujours victimes de causes qui les dépassent : à savoir ces pauvres gens du peuple, ces réfugiés... Sans oublier que cet afflux massif de réfugiés va certainement causer des problèmes pour les pays généreux mais fragiles qui les accueillent, comme le Liban et la Jordanie.

hyago

Magnifique boulot Jean-Marie,

Hélas oui, on assiste avec incrédulité et résignation à ce partage du monde que font les deux grandes puissances, qui agissent sans se soucier le moins du monde de ces émigrants forcés qui ont du quitter leur pays à cause de la folie des autres.

Comme toujours tu es là pour nous montrer la vie quotidienne de ces malheureux.  :'( Ce sont toujours les mêmes qui payent l'addition.  :'(

Merci de ce partage. ;)
Un médiocre amateur.

jmporcher

Merci à tous, vraiment, notamment à Hyago qui en fait  dix fois plus que moi.
C'est très loin de Beyrouth, à trois heures de voiture, à l'extrême nord du pays.

jmporcher

Dans ce petit village frontalier, l'inquiétude est de tous les instants. Et pourtant, dès qu'on quitte la voiture, en bord de route, on nous sert du thé, des arachides, on nous propose la  shisha. La Syrie est là, juste en dessous, au fond de ce vallon.

jmporcher

Là, ce sont les forces gouvernementales qui sont présentes. Elles semblent croire que des rebelles se cachent ici. Je n'en n'ai pas vu. Omar est un restaurateur. Du toit de la maison, il nous raconte qu'il ne dort plus ici, à cause des enfants. On va chez des cousins, à 10 mn en voiture. "Toutes les nuits on reçoit des bombes, du mortier au début, et maintenant des obus anti-aériens de 23mm". Mais pourquoi? demande-t-on. "Parce qu'on est sunnites"...
En fait, ce village est mêlé de chrétiens, de turkmènes, de musulmans sunnites. Un vrai modèle de Liban. Les débordements de cette guerre, ajoutés à l'afflux de réfugiés, risque de déstabiliser tout le pays.
Après s'être longuement exposé sur son toit, Omar nous conseille de rester en arrière, parfois ils tirent même en plein jour.