POUR UNE PHOTO EQUITABLE

Démarré par Michel Hilt, Novembre 28, 2008, 19:44:53

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Michel Hilt

Je ne ferais aucun commentaire, mais c est à lire avec beaucoup d attention et a faire suivre au tour de vous.
-Pour une photo équitable

Chaque année le prix des photos baisse, inexorablement. Les raisons sont multiples, parmi
lesquelles l'utilisation généralisée du numérique et l'idée reçue selon laquelle tout le monde serait
capable de produire de belles images, vient ensuite l'ouverture des photothèques en ligne avec
possibilité d'acheter mondialement, pour finir par l'apparition des agences de microstocks,
euphémisme pour parler de micro prix.
La profession est tellement abasourdie par ces changements, que le Libre de Droit, frayeur des
années 2000, passe pour un vaillant défenseur du droit d'auteur.
Le but de cette chronique n'est pas de crier au loup, mais plutôt de nous interroger sur le sens
profond de cette mutation et de ses conséquences.
Chaque produit a un coût qui dépend de sa nature même et en grande partie de la région du
monde où il a été cultivé ou fabriqué. Des citoyens de pays en développement gagnent pour
fabriquer des objets de grande consommation mondiale souvent moins de 100 US $ par mois. On
peut penser que cela est choquant - ou pas - mais ce dont on est sûr, c'est que ces pays
émergents verront sous peu le niveau de vie de leurs habitants augmenter.
Maintenant regardons la situation de la photo, principalement produite dans les pays occidentaux,
où le salaire minimum moyen est d'environ 1000 € par mois, par des photographes professionnels
qui eux ont vu leurs revenus chuter de 30 à 50 % depuis 5 ans. Je parle bien sûr uniquement de
ceux qui sont encore photographes.
La question qui se pose est de savoir si il y a encore une place pour la photo ou tout au moins
pour les photographes. Seraient-ils, comme les derniers Dodos, voués à disparaître alors que la
photo est partout, dans chaque moment de notre vie ?
Le monde serait-il devenu schizophrène ? Sans doute.
Mais nous avons le pouvoir, chacun d'entre nous, photographes, agences, éditeurs, rédacteurs de
magazines, publicitaires, de nous interroger et d'agir. Les deux premiers peuvent décider de ne
pas vendre si le prix proposé est trop bas et sans rapport avec le travail fourni, les autres peuvent
décider d'acheter les photos juste un peu plus cher.
Inimaginable ? Non, il y a d'autres exemples. Des milliers de consommateurs sont prêts à payer
leur café 30 % de plus parce qu'il est est équitable et que ce prix juste permettra à de petits
producteurs et à leur famille d'avoir une vie décente.
Lorsque l'on achète une image 1 euro, permet-on au photographe une vie décente?
Pour arriver au salaire minimum mentionné plus haut, il faut vendre 1000 images, (2000 si les
images sont vendues par une agence). Combien d'images doivent être produites pour en vendre
2000? En tout cas plus que ne le peut un seul photographe par mois!
Si les photographes ne peuvent pas vivre de leur travail, ils vont disparaître. C'est une évidence.
Dans le meilleur (ou le pire) des cas, ils continueront la photo comme un hobby.
Qui fournira alors, les photos de nos magazines, de nos livres? Des grosses agences
photographiques internationales propriétaires de leur fonds qui imposent une vision unique du
monde et des amateurs...
Amateur n'a rien de péjoratif sous les touches de mon clavier. Le photographe amateur fait des
photos parce qu'il a rêvé devant des images de professionnels et il a mis sa patience et sa
passion à tendre vers l'excellence que représentait ces modèles. Cependant l'amateur, par son
statut même, n'a pas les exigences du photographe professionnel. Exigences de rentabilité
financière, puisque son revenu vient d'autres sources et exigence créative, car il a le choix de ne
produire que des images qui lui font plaisir.
Le corolaire de cette situation, c'est la disparition de la plupart des photographes qui faisaient par
leur nombre et leurs multiples créations la richesse des fonds photographiques. Cette perte de
talent, d'originalité et de diversité ne va pas se voir tout de suite. On s'habitue facilement à la
banalisation des images qu'on nous propose. Le processus a déjà commencé.

Réfléchissons ensemble à nos responsabilités dans le processus.

Une chose est sûre : pour que la photo soit durable, elle doit être équitable.

Catherine Deulofeu
Fondatrice de l'agence Biosphoto

Michel Denis-Huot

Je connaissais déjà ce texte de Catherine, mais je ne peux que l'applaudir, car il résume parfaitement et sans trop de polémique la situation du marché de la photo.
MDH qui arrive a s'en sortir plutot pas trop mal, mais combien de photographes sont dans la m.....

Zouave15

Beau texte, que dire de plus hélas. Il s'est passé la même chose avec l'écrit, le graphisme, la mise en pages, l'édition. On nous a expliqué que les bons survivraient. Force est de constater que ce n'est pas le cas : survivent ceux qui savent se vendre.

On nous a aussi expliqué que permettre aux amateurs de prendre la place des pros, c'était favorable à la création. Force est de constater que ce n'est pas vrai : un peu d'ouverture a fait du bien, ceux qui ont percé ont renouvelé le genre, d'accord, mais pour le reste on tourne vite en rond.

cedricchassagne

J'abonde en ce sens aussi, je sais d'ailleurs que l'agence Naturimages s'associe au sens de ce texte.

Le problème vient a mon avis de la rencontre entre personnes peu scrupuleuses désireuses d'avoir l'image la moins cher voir gratuite, et d'apprentis photographes, ou de photographes galériens frustrés, qui sont prêts a tout pour vendre.

Ajoutons a cela de petits producteurs d'images, fiers d'avoir vendu une photo et de voir leur nom en dessous dans un magazine, et qui ne savent pas ce qu'ils font.

Un moyen pour éviter ça ?

Ouvrir le marché photo aux "petits" photographes et partager le gâteau plutot que de le faire disparaître par immobilisme.

Les acteurs du monde de l'image doivent intégrer ces petits producteurs.

Si on les rejette, c'en est fini, tout simplement.

Enfin, non, reste un facteur : la baisse de qualité photographique qu'engendre ce phénomène.

Pour y remedier, il faut, je crois, éduquer les regards, cela passe par des salons, festivals, expositions, bref, encore une fois, par l'ouverture a l'autre, et par une prise de conscience.

A quand un "Manifeste des acteurs de l'image" ? Un serment de Nicephore ?

Ce qui est certain, c'est que tout le monde doit y mettre du sien.

laurent.f

excellent texte de Catherine et nombreux nous sommes à partager son analyse qui est bien au delà des agences mais aussi au sein de l'UPC comme ailleurs.

laurent.f

mais la question reste entière ? comment agir ?

JOZE

C'est vrai qu'il y a un manque de volonté politique, à laisser se multiplier les Fotalia et Pixburger qui sont dans l'illégalité et bafouent les lois Françaises.
Ils faut rejoindre les syndicats, qui luttent contre cet état de fait.
Jose

AlexC

Bonsoir, j'interviens rarement depuis longtemps sur ce forum; mais je confirme les dires de C.Chassagne.

Naturimages suis Bios dans cette logique.

J'ai discuté trés rapidement avec Catherine à montier à ce sujet.

A suivre !


Henri34

Tres bien ce texte et ça résume d'une manière claire le problème.
Une petite chose quand même que j'ai du mal à comprendre

Citation de: michel hilt le Novembre 28, 2008, 19:44:53

La profession est tellement abasourdie par ces changements, que le Libre de Droit, frayeur des
années 2000, passe pour un vaillant défenseur du droit d'auteur.


Si elle veut dire par là que le libre de droits à 300 euros la photo telle qu'il est maintenant pratiqué par quasiment toutes les agences, ça défend le droit d'auteur, je ne suis pas du tout d'accord. C'est au contraire cette pratique qui a permis les microstocks !

Cedric_g

Henri,

Dans les agences traditionnelles, le CA du "libre de droit" représente (cas de BIOS par exemple) une goutte d'eau dans l'océan... Je ne donnerai pas les chiffres exacts car ce n'est pas à moi de le faire, mais c'est de l'ordre de 0.1% !

Maintenant, "libre de droit" en agence trad' ne signifie pas la même chose que "libre de droit" au sens que l'entendent les microstocks. Il demeure une limite dans le temps et l'espace de l'utilisation des photographies, seules les utilisations possibles sont vues de manière (extrêmement) large...

Enfin, cela ne concernent qu'une infîme partie du stock photo disponible, et certainement pas les images récentes et d'actualité  ;)

Zouave15

Reste que ce terme est ambigu et qu'on ne devrait jamais l'utiliser. Il suffit de parler de cession de droits étendus.

On a tout à fait le droit d'étendre la cession, pas d'aller jusqu'au « libre de droit », en cas de procès la différence serait de taille.

Pourquoi ne pas aller jusqu'à un label à décerner aux journaux qui le respectent ?

Henri34

Cedric,
C'est exact que le libre de droits des agences traditionnelles est un peu plus restrictif que celui des fauxtolia et cie, mais il autorise en général les droits mondiaux, non exclusifs, et perpétuels, pour les support de son choix,  en publicité, presse, édition, communication d'entreprise, matériel promotionnel, oeuvres télévisuelles, supports multimédia, etc.
Il est vrai que Bios et d'autres n'autorisent pas "d' utiliser les images dans des produits finaux dont les images sont une composante significative de la valeur de revente du produit (par exemple cartes postales, affiches, calendriers, etc.)."

Mais on est quand même très loin du respect du droit d'auteur français ! Et si le LDD ne représente qu'une petite partie de CA de certaines agences, c'est sans doute que leurs photographes refusent heureusement d'entrer dans ce systeme. Je sais pour en avoir discuté avec le patron de mon agence qui s'est mis aussi récemment à faire du LDD qu'ils ont une grosse pression, surtout de la part des agences de pub. C'est vraiment à nous de refuser ça.

Et je ne comprends toujours pas pourquoi cette dame, que je ne connais pas, et qui dit des choses très sensées considère que le libre de droits est le défenseur du droit d'auteur.

Sinon Didier, bonne idée le label mais alors quel boulot !
On pourrait aussi épingler ceusses qui passent du microstock.


Cedric_g

Pour l'épinglage, je m'y connais :D

(attention toutefois à ne pas s'autogriller... une association de photographes pourrait par contre faire ça sans aucun soucis !!!)

Corazon

Bonsoir

Très belle idée, mais une question me turlupine !  J'aimerai bien savoir combien cela paye, un sujet dans nos magasines photo préférés, car lors de mon premier (et dernier) essai il était question d'honneur (c'est une chance pour vous d'être publié, un tremplin, ...) plutôt que d'euros !  Quelqu'un saurait-il me le dire ?

Amitiés
Martin

pierreL

Rarement lu un raisonnement si gauche .

Henri34

Citation de: Corazon le Novembre 30, 2008, 20:30:46
Bonsoir

Très belle idée, mais une question me turlupine !  J'aimerai bien savoir combien cela paye, un sujet dans nos magasines photo préférés, car lors de mon premier (et dernier) essai il était question d'honneur (c'est une chance pour vous d'être publié, un tremplin, ...) plutôt que d'euros !  Quelqu'un saurait-il me le dire ?

Amitiés
Martin

Je ne sais pas quels sont tes magazines photos préférés mais on va dire entre 60 euros ( en dessous du 1/4 de page dans un petit magazine ) et plus de 1000 euros ( double page dans Match ou Gèo ).
Tes photos sont magnifiques, ce serait plutôt une question d'honneur pour toi d'être correctement rémunéré !


Anne-Laure

Citation de: Henri34 le Décembre 01, 2008, 09:08:20
ce serait plutôt une question d'honneur pour toi d'être correctement rémunéré !

Bien jolie formule !! A noter !  ;)

Corazon


Zouave15

Subitement je m'interroge. Si vous regardez l'heure du post, vous pourrez en déduire que ce n'est pas un coup de tête (je n'écris jamais sur un forum la nuit).

Quelle est l'intention de l'initiateur du fil ? Uniquement mettre à notre disposition une information « nouvelle » sur des sujets déjà amplement débattus ici ?

A-t-il demandé l'autorisation à Catherine ? Sinon, je conseille à cette dernière de suivre ma procédure et de réclamer 250 euros. Pourquoi un texte aurait moins de valeur qu'une photo ?

Si elle est au courant, alors quelle est la démarche, l'intention ?

Au passage, je remercie Henri34 dont au départ l'intervention m'avait parue saugrenue. Outre sa justesse, elle m'a amené à réfléchir au contexte et à certains aspects pas évoqués ici.

Cedric_g

Didier,

L'information a à priori fait le tour du net désormais... J'ai eu Catherine au téléphone 3 fois la semaine passée, je voulais justement lui demander l'autorisation (ce texte a été diffusé largement à Montier) mais nous étions absorbé par une autre "affaire"  ::)

Du coup je l'ai aussi relayée, après quelques autres (je ne pense pas qu'elle s'en offusque par ailleurs, le but étant que justement, ce texte soit diffusé !)

PHP_online

La solution "équitable" pour les photographes c'est de toucher 70% des droits
pour compenser la baisse des tarifs .
Comme çà ne se fera pas (çà va plutôt être le contraire, ils vont profiter de la crise
pour s'aligner sur le "modèle" des gros, genre Getty):

Créons nos propres agences, ou plutôt nos propres réseaux de diffusion!

Après la 1 ière étape : les photographes pour la plupart ont leurs sites persos
chacun dans leur coin du net, passons à la 2ième étape:

Des sites collectifs! Des photothèques de photographes !

Plus d'intermédiaires commerciaux qui s'engraissent sur notre dos avec leurs contrats léonins
et qui nous remercient avec leurs  rubriques libre de droits.
Les photographes comme maillon faible de la chaine graphique, comme vache à lait, çà
a assez duré!
Ne nous laissons plus gruger par les discours des commerciaux, nous ne sommes pas
des produits équitables !

Zouave15

Citation de: PHP_online le Décembre 02, 2008, 10:37:48
La solution "équitable" pour les photographes c'est de toucher 70% des droits
pour compenser la baisse des tarifs .
Comme çà ne se fera pas (çà va plutôt être le contraire, ils vont profiter de la crise
pour s'aligner sur le "modèle" des gros, genre Getty):

Créons nos propres agences, ou plutôt nos propres réseaux de diffusion!

Après la 1 ière étape : les photographes pour la plupart ont leurs sites persos
chacun dans leur coin du net, passons à la 2ième étape:

Des sites collectifs! Des photothèques de photographes !

Plus d'intermédiaires commerciaux qui s'engraissent sur notre dos avec leurs contrats léonins
et qui nous remercient avec leurs  rubriques libre de droits.
Les photographes comme maillon faible de la chaine graphique, comme vache à lait, çà
a assez duré!
Ne nous laissons plus gruger par les discours des commerciaux, nous ne sommes pas
des produits équitables !

Tu résumes assez bien ce que j'évoquais. Ça me gêne un peu que ce soit une directrice d'agence qui lance la notion de photo équitable. Je ne la connais pas, elle est peut être une femme très bien, là n'est pas la question.

Disons que ce genre de discussions a lieu dans l'édition. Dans ce qu'on appelle la chaîne du livre... il n'y a pas les auteurs ! Tout ce petit monde éditeurs-diffuseurs-libraires s'entend à merveille (tout en se descendant réciproquement). Mais depuis que les marges s'effondrent, ils s'intéressent à nouveau aux auteurs. Du moins, à ceux qui restent. On peut se demander pourquoi ?

La réponse est assez simple, et elle est triple :
• leurs marges ayant fondu, ils deviennent tout à coup solidaires de ceux qu'ils ont préalablement exploités
• l'exploitation des auteurs a abouti à leur disparition, donc en fait à leur multiplication. Au lieu d'avoir des auteurs à plein temps capables de sortir chaque année un livre sur un sujet différent, on a autant de livres que d'auteurs. Ça mettait les éditeurs dans une situation confortable. Mais quand les marges s'effondrent, avoir une infinité d'interlocuteurs, ça coûte trop cher.
• les auteurs deviennent de plus indépendants, publient via le net, créent des sites collectifs forts dérangeants pour le petit monde bien-pensant qui ronronnait dans un système patriarcal

Je pense que dans la photo, il y a beaucoup d'éléments similaires. Et comme dit Php-online, beaucoup d'agences sentent le vent du boulet : quel est le photographe qui vend plus par son/ses agence(s) qu'en direct ?

Cedric_g

Pour répondre à ta dernière question, j'en connais personnellement (et qui sont des photimiens qui plus est)

En fait, ce sont ceux qui ne veulent pas s'emm... à gérer la clientèle. Personnellement je vends plus en direct qu'avec les agences, même si ma collaboration avec ces dernières m'est plutôt profitable (entrées dans certains magazines où il était impossible de mettre le bout de l'orteil, notamment - j'y laisse 50% mais je suis quand même gagnant d'autant que les photos ne sont pas vendues quelques euros)

Maintenant, tout le monde n'a pas la fibre "commerciale" ou les facilités techniques pour vendre par le net (par exemple). J'ai en tête un projet depuis quelques mois, projet que je risque de mettre à exécution avec un ami qui a le même profil que moi (si tu vois ce que je veux dire par là  ;D ) et qui pourrait à terme intéresser pas mal de monde ici  ;)

Fay

A mon avis ça semble annoncer la fin des agences et non la fin des photographes.
Ceux qui ont vraiment des choses à vendre le feront en direct.
Cdlt.

Kadobonux

100% d'accord avec les 3 derniers posts et donc difficile de ne pas prendre l'article de départ pour un plaidoyer non pour les photographes mais pour ceux qui en vivent (je n'ai pas dit "exploitent"..)