L’adolescence est la période de la vie aux contours les plus flous (quand commence-t-elle ? où finit-elle ?), d’où la difficulté de la documenter photographiquement. D’où aussi la nécessité de recourir à un brin de scénarisation pour illustrer cet âge des possibles. Dans « Girl pictures », projet mené entre 1997 et 2002, Justine Kirland a demandé à des adolescentes d’imaginer qu’elles avaient fui leur domicile familial pour former une nouvelle communauté. En résultent des images à la tonalité cinématographique (on les croirait tirées d’un long-métrage inédit de Sofia Coppola). De son côté, Guen Fiore a opté pour une démarche frontale et à fleur de peau. Recrutant ses modèles sur Instagram, la photographe italienne (basée à Paris) a réduit sa direction au minimum « afin de préserver leur personnalité ». Au final, ses portraits ont eu un double effet cathartique : « La photographie m’a aidée à voir la beauté de ces filles et, par ricochet, à voir ma propre beauté. » 

LIBUSE JARCOVJAKOVA À DÉCOUVERT

« Originalité ! Originalité ! Cela pousse les gens à la recherche des extrêmes et au dépassement de leur propre ombre. Évidemment, la photographie est un message, mais je veux photographier l’ordinaire autour de moi, pas chercher quelque chose qui me rende célèbre. » Cette tirade lumineuse est extraite du journal intime de Libuse Jarcovjáková, journal qui sert de fil conducteur au documentaire qu’a consacré Klára Tasovská à la photographe tchèque. Disponible pour quelques jours encore sur le site d’Arte, Devenir celle que je voudrais être raconte, sous la forme d’un diaporama de 3000 photos, la vie cabossée (les amours, les emmerdes, les voyages, les aspirations contrariées…) d’une femme née pour la photographie mais dont la valeur n’aura été reconnue qu’en 2019 (Libuse Jarcovjáková a alors 67 ans), à l’occasion d’une rétrospective aux Rencontres d’Arles.

LE 93 DE WILLIAM KEO

Le photographe indépendant William Keo était l’un des invités de l’émission hebdomadaire d’Arrêt sur images. L’occasion pour ce collaborateur du Monde, du New York Times ou de Libé de parler du traitement médiatique des jeunes de quartier depuis vingt ans. Sujet que cet habitant d’Aulnay-sous-Bois connaît bien et qu’il nourrit régulièrement depuis 2021. Son travail sur la jeunesse s’inscrit dans un projet plus vaste sur les « fonctionnements et dysfonctionnements » de la Seine-Saint-Denis, pour lequel William Keo a suivi de l’intérieur les missions de la BAC ou encore couvert la Coupe d’Afrique des Nations des banlieues. Ce volet, dont quelques images sont montrées à la fin de l’émission d’ASI, fait l’objet d’un recueil aux éditions Four Eyes.

pose ludique

Les décrypteurs de Radio Canada ont concocté un quiz autour de vraies et de fausses photos
(étayé de quelques conseils bienvenus pour vous aider à repérer les « fakes » dans votre quotidien).
Et
cette image alors : vraie ou fausse ?

DES GUERRES ET DES IMAGES

À l’occasion des 80 ans du bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, le New York Times a produit un long format réunissant les témoignages et portraits des ultimes survivants. Les photos sont signées par Kentaro Takahashi, trentenaire basé à Tokyo dont vous pouvez retrouver le travail ici. 
Pour sa part, Magnum Photos a ressorti de ses archives un reportage de Wayne Miller réalisé à Hiroshima un mois après le passage d’Enola Gay.
Depuis avril 2023, la guerre civile déchire le Soudan. Au départ simple amateur de photographie, Mosab Abushama utilise aujourd’hui le médium pour documenter le conflit et ses conséquences, notamment en enchevêtrant les images avant/après. 
Habitué des théâtres de guerre (du Vietnam au Chili), Chas Gerretsen fut enrôlé en 1979 comme photographe de plateau sur le tournage d’Apocalypse now. À cette occasion, il ne manqua pas de distiller ses conseils, proposant par exemple à Francis Ford Coppola de mettre autour du cou du personnage joué par Dennis Hopper non pas un mais plusieurs appareils photo.
Quand les mouvements populaires virent à la bataille rangée, difficile de résister à l’appel du « riot porn ». Dans un article très intéressant, La revue des médias (INA) a demandé à plusieurs photojournalistes français comment ils faisaient pour photographier la violence sans l’esthétiser.
Martin Barzilai dresse les portraits (en textes et en images) des « refuzniks », ces jeunes Israéliens et Israéliennes qui refusent de faire leur service militaire. Des voix d’autant plus importantes qu’elles sont souvent réduites au silence dans leur pays.
La guerre qui sévit au Yémen depuis 2014 est très mal documentée. Et la situation ne va pas s’améliorer vu les dispositions prises par les autorités locales : il faut désormais une autorisation de Sanaa pour conduire une interview ou prendre des photos. Rappelons que le Yémen est placé 154e (sur 180 pays) au classement RSF de la liberté de la presse.
Pour l’émission « À l’affiche » (France 24), Raymond Depardon revient sur ses clichés pris en 1979 dans le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
Dans un court documentaire produit pour la BBC, Howard Timberlake nous raconte l’histoire, aussi émouvante qu’improbable, de Jimmy (né Lo Manh Hung), photographe vietnamien qui, à l’âge de 12 ans (!), couvrit la guerre du Vietnam. En cela, il suivait l’exemple de son père photojournaliste et dût même subvenir seul aux besoins de sa famille quand celui-ci fut blessé dans un accident de la route.
Habitué des manifs parisiennes, Serge D’Ignazio va sortir un livre en soutien à la cause palestinienne.
Pour leur part, les éditions Textuel publieront le 24 septembre Les yeux de Gaza, un livre-hommage au travail de Fatma Hassona, photojournaliste palestinienne tuée par l’armée israélienne le 16 avril dernier. (on vous en parlait ici)
Un documentaire consacré au travail de la photographe de guerre Lynsey Addario sera présenté en avant-première début septembre lors du Festival de Toronto. Bande-annonce ici. À noter qu’elle était invitée le 10 août sur MSNBC pour parler d’une des crises les plus graves et les moins médiatisées du moment : la guerre civile au Soudan.

verbatim

Aujourd’hui, il y a un réel retour au tirage analogique, même si certain·es y voient un effet de mode. Je pense au contraire que le besoin d’objets tangibles est réel et durable. Cette matérialité redonne du sens et de la valeur à la photographie.

Agnès COSTA, tireuse

Au départ, je prenais les coquillages dans leur élément naturel, c’est-à-dire l’exotisme. Quand je partais dans les îles, c’était naturel. Après, j’ai eu envie de les mettre dans des endroits incongrus. Et c’est là où j’ai commencé à mettre des coquillages dans la neige, puis en automne, j’ai fait les quatre saisons.
Pascal LÉGITIMUS, acteur

la petite musique de fin

Né Jérémy Larroux en 1993, le rappeur Laylow a dû patienter avant de connaître le succès public. L’indépendance a un prix que le jeune homme explique en se comparant à un… fichier Raw. « Je suis un fichier lourd qui n’est pas compressé », disait-il à Hypebeast il y a quelques années. La métaphore est tout sauf téléphonée, comme le fait remarquer Noé Généraption. Tel un photographe, le rappeur compte sur la post-production pour magnifier des émotions brutes. Quitte parfois à se perdre dans le digital et à s’identifier à un logiciel… triste, qui plus est.

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à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.