Un si bel enchanteur

Démarré par GROSBEC, Février 26, 2012, 14:11:28

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GROSBEC

Bonjour à vous tous,

Au printemps dernier, j'ai eu la chance insigne de suivre une colonie depuis son arrivée jusqu'à l'envol des jeunes.
Trois mois de bonheur, trois mois d'émerveillements.
Je vous en propose quelques souvenirs.

Amitiés,

Patrick

Majestueux, fascinant, il est de ces oiseaux dont on rêve tout l'hiver. Il est loin, alors, sur ses terres africaines. On l'attend en repassant les souvenirs du printemps et de l'été. Dès l'arrivée du printemps, l'impatience l'emporte, la fièvre monte...
Merops apiaster...
Bien sûr vous savez tous quel magnifique oiseau se dissimule derrière ces deux mots, l'un grec, l'autre latin.
Merops pour le grec, apiaster pour le latin.
Notre oiseau appartient à ceux dont le nom est issu, soit de leur chant, soit de leur nourriture.
Aristote avait retenu apiaster, comme celui qui mange des abeilles ; cette appellation était formée sur le nom latin « apis » qui, comme chacun le sait, a généré abeille, puis apiculteur.
Sage était Aristote.
Mais, au fil des siècles, les italiens le nommèrent « vespiere »  issu de « vespa », non un petit scooter, mais bel et bien une guêpe.
Nos amis britanniques l'ont appelé « bee-eater »...

1 - Ils sont là !


2 - Ils se parlent


3 - Ils prennent des bains de soleil


« Eater » veut dire, en anglais, mangeur, mais « bee » ? Abeille !
Alors ? Mangeur d'abeilles ou bien mangeur de guêpes ?
Ici prend place la longue opposition entre ces deux savants admirables que furent Linné, le suédois, et Buffon, le français.
Buffon commentait toujours abondamment l'origine des mots, et il fut de grande ressource pour l'étymologie.
Linné était un grand, mais un strict scientifique, qui est resté muet sur l'origine des noms qu'il a choisis.
La notoriété les opposait en ce XVIIIème siècle qui voyait la langue française dominer en Europe.
Carl Von Linné, du reste, avait interdit à ses filles d'apprendre le français.
Buffon était un conteur. Linné un classificateur.
Inclinons nous devant ces deux immenses talents.
Mais force restera, pour cette fois, à Buffon, puisque nous sommes en France.
Il disait « Cet oiseau mange non seulement des guêpes qui lui ont donné son nom français, et les abeilles qui lui ont donné son nom latin, anglais etc..., mais il mange aussi les bourdons, les cigales, les cousins, les mouches, et autres insectes qu'il attrape en volant »
En nommant Merops apiaster, notre Guêpier d'Europe Linné a rejoint les thèses d'Aristote qui nous a quitté 322 ans avant l'ère chrétienne.

4 - C'est le temps des offrandes


5 - Attirer l'attention...


6 - Premiers accouplements

Cheps

Nous ne sommes pas encore sortie de la grisaille que tu nous mets de la couleur...jaime bien. En allemand c'est aussi  mangeur d'abeille la ou j'ai eu l'occasion de les phtographier

urka

Déjà marre de l'hiver?
Ces photos sont superbes et l'on a envie de Printemps!
André.

Jacques61

Je retrouve ici avec bonheur tes protégés , un + pour la scène d'accouplement ! ;)
cordialement Jacques

Roland Ripoll

Un peu de nostalgie, mon cher Patrick ? Rassure toi, c'est une nostalgie  des beaux jours et de ce merveilleux oiseau que je partage et que j'éprouve aussi parfois. Mérops me manque, comme peut manquer un être cher auquel on est très attaché.
Les autres ne le savent peut être pas mais ces très belles images ont une autre valeur que photographique: elles témoignent non seulement de la splendeur du guêpier mais aussi, pour qui connaît l'histoire, de sa fragilité et de son besoin de protection...
Etre simple pour être vrai

Cheps

Citation de: Roland RIPOLL le Février 26, 2012, 17:00:36

Les autres ne le savent peut être pas mais ces très belles images ont une autre valeur que photographique: elles témoignent non seulement de la splendeur du guêpier mais aussi, pour qui connaît l'histoire, de sa fragilité et de son besoin de protection...
Si si nous connaissons sa fragilite car rare et  tres localise dans notre region et encore pas cote francais ou la seule nidification connue fut malheureusement mise en echeque par...un photographe. Donc oui participons a proteger ce bijou aile.

amateur85

une série qui commence très fort, vous en avez de la chance de pouvoir contempler de si beaux oiseaux, respect
5 photos par jour sur mon blog

Pat.Jack

Superbe début d'une belle histoire...

On veut la suite !!!  ;)
PatJack

roberiton

Magnifique début de série  :o ::) Superbe oiseau, bravo !

Amicalement

Henri
Passionné avant tout...

Clic-Clac 51

Une belle rencontre
Merci d'avoir partagé avec nous ces superbes images
Amicalement Denis ;)

GROSBEC

Merci, vraiment merci à vous tous.

Cette histoire, me tient vraiment à coeur.
Ce sera une longue histoire, si vous le voulez-bien, car elle traduit 3 mois de bonheur et puis une fin si triste et si banalement tragique que je préfère la différer pour ne penser d'abord qu'à ce qui est admirable.

Amitiés,

Patrick

Des abeilles et des guêpes mais  encore ? Strictement insectivore, le guêpier peut manger jusqu'à 250 abeilles par jour...
Son menu comporte de nombreux hyménoptères comme l'abeille ou la guêpe, les bourdons,
les frelons.
Pour compléter ce plat de résistance, viennent les papillons, et les libellules.
Les coléoptères, bien représentés par les cétoines et les hannetons, viennent varier l'ordinaire. Au moment du dessert, peut-être quelques diptères (la famille des mouches et des taons) ou bien une verte sauterelle. Parfois, dans le sud, une cigale, l'insecte le plus bruyant de la planète.
Merops appartient à la grande famille des Méropidés.
Vingt-quatre espèces connues dans le Monde.
Cette belle famille fait partie de l'ordre des coraciiformes. Celui des Rolliers, celle des Martin-pêcheurs. Celui des beaux plumages, des oiseaux colorés.
Que dire du plumage de Merops ? Il conjugue à merveille les roux châtaigne, les jaunes d'or, le noir, le blanc, les verts...et aussi les bleus, les bleus turquoise.
Comble de l'élégance, son iris rouge carmin vient rehausser encore sa beauté.
Les deux rectrices médianes, les filets, dépassent les autres de 2 cm environ.
Le guêpier ne peut être confondu avec nul autre oiseau. On lit souvent qu'il est de la taille d'un merle. Il est vrai que le merle mesure 24 centimètres, pour 27 chez Merops. Mais c'est insuffisant pour rendre compte de la différence de stature ; le guêpier est beaucoup plus élancé, longiligne serait-on tenté de dire. Il est svelte, avec un poids moyen de 55 grammes (de 48 à 78 g pour le mâle et de 44 à 72 g pour la femelle). A comparer aux 100 grammes de notre merle noir dont on ne saurait dire, pourtant, qu'il est enrobé.


7- Un moment de tendresse...


8 - Tendre ? La preuve !


9 - Chasseur d'Afrique


Le dimorphisme sexuel est discret, infime, même.
Sans doute le plumage de Monsieur est-il un peu plus éclatant, comme souvent, mais il s'agit  là de nuances plutôt subtiles.
On peut reconnaître Madame à ses scapulaires un peu plus verdâtres, moins dorées, et aussi à ses couvertures alaires où le vert est plus abondant ; l'aile semble ainsi moins rousse.
Leurs enfants, par contre, sont très aisément reconnaissables à leurs teintes plus douces, parmi lesquelles dominent, sur la calotte et le manteau, le roux et le vert.
Chez eux, les rectrices médianes ne sont pas encore effilées, et l'iris est noir. Non content de ce festival de couleurs, le guêpier se fait remarquer par son chant, ses appels roulés et liquides, si difficiles à transcrire. Inoubliables aussi, envoutants même.
Très souvent c'est ce chant qui permet de l'identifier, alors même qu'il est encore hors de vue, chassant très haut dans l'azur ou perché au sommet d'un grand arbre ; lorsque le nombre des oiseaux augmente, aux abords d'une colonie, par exemple, le concert devient grandiose. Bien des nuances peuvent être observées : cris de contact, cri d'alerte, appel des enfants ou du conjoint qui couve.


10 - On se parle beaucoup


11 - Sans oublier la chasse


12 - Ni la vigilance

softborn

Ce n'est pas juste ... Alors que la nature est grise partout, nous sortir de telles photos pour nous faire rêver  ;)

Mais toutes ces couleurs font du bien au moral, merci pour cet avant gout du printemps.

Amicalement.

JP;.
Amicalement.

JP.

agromi77

superbe travail et observation bravo
A77SONY

Roland Ripoll

Je connais ces images et pourtant elles m'émerveillent toujours autant ! Puisses-tu Patrick nous en faire d'aussi belles en 2012 !
Etre simple pour être vrai

photographe33

Une magnifique série d'un très bel oiseau rare ! Et privilège rare donc, d'avoir pu le suivre 3 mois (!!!!) avec une telle proximité

amicalement
jean claude
Amicalement, Jean claude

lil95

Superbe série !!! 
Amicalement.
Liliane

objectif-images

Magnifique série haute en couleur! Bravo

Joebart

Bravo!!! quelles images... à couper le soufle

urka

Les photos de cette 2è série sont resplendissantes, merveilleuses!
Bien sûr, on attend la suite ;).
André.

GROSBEC

Bonjour à vous tous,

Je suis très heureux que cette histoire vous plaise. Elle évoque pour moi 3 mois (mai, juin et juillet) passés au paradis.
Très proche des oiseaux qui avaient accepté ma présence (très discrète).
Un grand privilège et de merveilleux souvenirs.
Merci pour vos commentaires si sympathiques.
Voici la suite...

Amitiés,

Patrick

D'origine asiatique, le Guêpier d’Europe a conquis, au cours des âges, la plupart des forêts et savanes tropicales, à l'exception de celles du continent américain. Supportant mal le froid, c'est en Afrique qu'il passe l'hiver. D'où ce surnom qui associe ses quartiers d'hiver à cette habileté qu'il montre à capturer ses proies en vol. D'aucuns se posent la question de savoir s'il s'agit d'un oiseau d'Europe qui va passer l'hiver en Afrique ou plutôt d'une espèce africaine qui vient se reproduire en Europe. La thèse dominante fait de lui un oiseau africain et il faut reconnaître que son histoire va dans ce sens. Qu'importe, finalement ? Merops est un grand migrateur. On dit que ceux qui naissent en France, en Europe occidentale, vont, les noces accomplies, gagner l'Afrique de l'ouest, du Sénégal au Ghana.
Les familles issues du centre ou de l'est de l'Europe, iraient quant à elles, plutôt rejoindre l'Afrique de l'est, et même l'Afrique du sud.
Bientôt ceux-là retrouveraient le Kenya, l'Ouganda, les rives du lac Victoria ; pour certains le Transvaal, aux portes de Pretoria.

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Ce bel oiseau traverse les océans et les déserts, dont le terrible Sahara, et franchit l'Equateur ; c'est un chemin semé d'embûches au cours duquel les étapes sont parfois rares. En France, il trouve des auberges accueillantes, dans la moitié sud du pays, dans le Languedoc, la Provence, le Vaucluse, et la Corse.
Mais aussi dans le Centre, les vallées de la Saône et du Doubs, jusqu'en Touraine.
Etapes plus surprenantes, peut-être, la Région Parisienne, et spécialement la Seine et Marne.
Certaines familles s'installent dans le Finistère Sud, la Dordogne, la Gironde ou la Vendée.
Environ 10 000 couples se reproduisent chez nous pour une population reproductrice estimée, en Europe, dans une fourchette allant de 480 000 à 1 000 000.
Ils affectionnent les paysages variés, présentant une alternance de pâtures, de cultures et de fiches, modérément entrecoupées d'arbres ou de bosquets.

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Mais la présence de l'eau est tout aussi vitale, non seulement pour le bain, mais aussi parce qu'elle favorise l'abondance des insectes.
Elle n'est pas suffisante ! Encore faut-il des endroits propices à la construction des nids.
Les hauts bords sablonneux des rivières, comme l'Ariège, mais aussi des falaises naturelles, des carrières, des excavations de canaux ou de fossés.
Parfois, les terriers sont creusés au niveau du sol.

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Pat.Jack

De très belles maj depuis mon dernier passage.

J'attends la suite avec impatience..
PatJack

Atriplex

Une série très intéressante, avec de bien belles photos! Merci d'avoir partagé les fruits de ta persévérance.
Cordialement,
Martine & Gérard
Gérard

GROSBEC

Merci à vous tous,

Evoquons à présent le petit calendrier de la vie.

Amitiés,

Patrick

Merops est un oiseau grégaire. En couple, ou bien encore célibataire, il vole en groupe le jour et rejoint ses congénères pour passer la nuit dans ses dortoirs qui rassemblent souvent plusieurs dizaines d'oiseaux.
Les guêpiers s'organisent en sociétés complexes. La famille comprend le couple, assisté, parfois d'un aide, le fameux assistant, souvent un jeune mâle qui contribuera à la construction du nid et à l'élevage des petits.
Plusieurs familles constituent un clan dont les membres restent en contact continuel par la voix.
Plusieurs clans forment une colonie. La solidarité y règne et les guêpiers qui lui appartiennent recherchent les contacts et s'alertent mutuellement en cas de danger.
Il arrive qu'un couple niche en solitaire, mais ce n'est pas fréquent.
Merops niche en colonies, de 20 à 30 oiseaux, généralement, en France ; il ne défend pas de territoire, à proprement parler. Le seul territoire de la famille est le perchoir. Pendant la période de reproduction, il sert tout à la fois de poste de guet, de lieu de parades et de toilettage.


19 - Rêves d'amour


20 - Offrande


Ce perchoir est âprement défendu contre tout intrus ; qui n'est pas membre du clan y est accueilli à coups de bec. Même les jeunes ne sont pas épargnés.
Arrivant, déjà appariés, sur les sites fin avril ou dans les premiers jours de mai, les oiseaux prennent une petite semaine pour s'installer et choisir leurs perchoirs.
Aussitôt commence le creusement ou la restauration des terriers qui va les occuper pendant 10 à 20 jours. C'est en effet une lourde tâche. Prenant son élan, le bec pointé vers le sable l'oiseau pique vigoureusement le sable.
Fermement appuyé sur ses rectrices, il creuse avec le bec, aussi longtemps que des racines ou une pierre ne le dissuadent pas. Ainsi s'explique la présence d'ébauches de terriers abandonnées en raison d'obstacles trop importants.
Les deux conjoints se relaient sans relâche, et il n'est pas superflu d'être deux pour creuser cette grande galerie, et l'achever par une belle chambre d'amour ! 10 à 12 kilos de déblais qui sont évacués par des pédalages activant ses courtes pattes. Le terrier se termine par une chambre ovale aux dimensions variables ; lorsqu'elle est assez confortable, elle permet aux parents nourriciers de faire demi-tour et de sortir du nid « en obus ». Les architectes les moins courageux devront passer la marche arrière.
Quelques jours plus tard, les parades commencent. On assiste aux offrandes et aux premiers accouplements, au sol ou sur l'un des perchoirs.


21 - Première récompense


22 - Union sur le perchoir


Vers la fin mai, les œufs (de 3 à 6) blancs sont pondus à 24 ou 48 heures d'intervalle et l'incubation débute dès le premier œuf.
Elle va durer 21 jours au cours desquels les oiseaux seront beaucoup moins visibles.
Monsieur et Madame se relayant à des intervalles qui peuvent descendre jusqu'au quart d'heure, c'est un peu comme si l'effectif était divisé par deux. Fort occupés par cette tâche essentielle, ils ne trainent pas sur les perchoirs !
Un peu avant la mi-juin, les premiers oisillons éclosent. Ils vont faire un séjour de 28 jours au nid.
A ce moment, les parents redoublent d'activité ; le temps du nourrissage est arrivé.
Passées trois semaines, les premières bousculades interviennent entre de jeunes gaillards qui guettent leurs parents à la sortie du terrier. Les parents n'entrent plus, alors, dans la galerie et se posent devant l'ouverture, donnant la becquée aux jeunes qui se pressent à la fenêtre.


23 - Turbulant

Michel Didier

Superbe reportage, qui me fait remonter plein de bons souvenirs du printemps dernier. Bravo Patrick !

Cdt
Michel
Le sot sait, le sage cherche.

JC34