Le droit à l'information malmené...

Démarré par laurent.f, Juillet 26, 2013, 18:42:57

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laurent.f

http://www.photographie.com/news/yan-morvan-nous-allons-etre-condamnes-parce-que-nous-avons-informe

dans quelques jours, l'ouvrage devra être retiré. Tout autant que le droit d'auteur, le droit à l'information doit s'engager de plus en plus fermement.

Arnaud17

Ne faut il pas une autorisation parentale pour publier la photo d'un mineur dans un livre ?
Le droit à l'information s'applique aussi aux livres ?
Ce ne sont que des question, n'est pas ?
veni, vidi, vomi

Zouave15

Il est quand même de mauvaise foi, car le type avait déjà manifesté sa volonté que la photo ne soit pas utilisée. Il invoque le devoir de mémoire, mais il y a aussi le droit à l'oubli. S'il ne peut pas trouver une autre photo pour illustrer son propos, c'est assez grave car cela sous-entend que le problème dénoncé n'existe pas. En conséquence, on est plutôt à l'inverse du droit d'informer.

laurent.f

Le droit à l'oubli ? Faudrait-il tout taire au nom de ce droit inexistant ? Oublier les propos négationnistes de certains politiques, oublier les condamnations, taire les errements racistes... Tout ne peut disparaître d'un coup de gomme.

snorg

Citation de: Zouave15 le Juillet 26, 2013, 19:29:09
Il est quand même de mauvaise foi, car le type avait déjà manifesté sa volonté que la photo ne soit pas utilisée. Il invoque le devoir de mémoire, mais il y a aussi le droit à l'oubli. S'il ne peut pas trouver une autre photo pour illustrer son propos, c'est assez grave car cela sous-entend que le problème dénoncé n'existe pas. En conséquence, on est plutôt à l'inverse du droit d'informer.
et le devoir de responsabilité il n'existe pas ? à 17 ans on est responsable de ses actes, 20 ans plus tard on doit continuer à les assumer, il veut surtout les dommages et intérêts l'ex petit nazi...

Zouave15

Vous rêvez d'une société totalitaire, là. Les actes illicites doivent être jugés, point. Ensuite, il n'y a pas lieu d'en reparler nominativement si la personne n'est pas un personnage public.

Vous confondez personne privée, qui ne devient pas publique parce qu'elle a accepté un jour une photo et a le droit de ne plus vouloir, et personnage public, dont les prises de position publiques n'ont en effet pas à être oubliées.

muadib

Citation de: Zouave15 le Juillet 26, 2013, 19:29:09
Il est quand même de mauvaise foi, car le type avait déjà manifesté sa volonté que la photo ne soit pas utilisée. Il invoque le devoir de mémoire, mais il y a aussi le droit à l'oubli. S'il ne peut pas trouver une autre photo pour illustrer son propos, c'est assez grave car cela sous-entend que le problème dénoncé n'existe pas. En conséquence, on est plutôt à l'inverse du droit d'informer.

Le droit à l'oubli n'exista pas encore à ma connaissance. C'est une demande qui est née des réseaux sociaux et qui ne concerne pour l'instant que les réseaux sociaux.

Je pense que la photographie est une oeuvre de l'esprit Zouave.  ;) Les photos ne sont pas interchangeables comme des pommes ou des carottes. La photo est un mode d'expression.Yan Morvan est un photo journaliste.

Dire que refuser de s'autocensurer, c'est prouver que la problème dénoncé n'existe pas, me semble assez ébouriffant.  :D

muadib

En photographie, les conflits autour du droit à l'information sont, comme ici, presque toujours des conflits entre l'intérêt individuel des personnes photographiées et l'intérêt collectif, (le droit à l'information).

On en a beaucoup débattu au moment de la promulgation de la loi Guigou qui a prévu "L'interdiction de reproduire les circonstances d'un crime ou d'un délit lorsque cette reproduction porte atteinte à la dignité de la victime." Tout le mal que j'en avais pensé à l'époque http://194.116.202.199/visa/99/fr/appel1.html

Aurélie Philippetti semble d'ailleurs vouloir revenir dessus "La ministre y voit un frein au libre exercice des métiers de photographe et de photojournaliste. "
http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/aurelie-filippetti-veut-revoir-la-loi-guigou-sur-le-droit-a-l-image_1152594.html#6JB9cDrEFD3sobVF.99

dioptre

Et si au lieu d'une photo cela avait été un texte écrit on peut se demander si la réaction de l'individu et du juge auraient été les mêmes  ?

Arnaud17

J'ignore pendant combien de temps on peut faire payer les erreurs de jeunesse à une personne qui, depuis, est peut-être devenu curé de village, pharmacien, homme d'affaires, artisan réputé ou avocat.

Si la photo date de 1987 et livre a édité en 2012, il fallait peut-être vérifier les autorisations et voir si l'inclusion dans un livre était prévu, si l'autorisation était perpétuelle, prévoir un éventuel changement d'opinion de l'intéressé lui-même une fois devenu majeur.

Cette histoire montre qu'on n'est jamais assez prudent, ce qui est valable pour le photographe et la personne photographiée.

veni, vidi, vomi

JMS

Laisser au pouvoir judiciaire le soin de décider quels sont les crimes suffisamment exemplaires pour justifier d'une photographie malgré l'atteinte portée à la personnalité de la victime, va scléroser la Société dans la pensée dominante.

Cette citation de Muadib extraite de sa très intéressante tribune m'inciterait à un vil plagiat utile à une autre discussion...qu'il suit attentivement
Laisser au pouvoir judiciaire le soin de décider quels sont les images suffisamment originales pour justifier qu'elles sont une oeuvre de l'esprit protégées par le droit d'auteur va scléroser la Société dans la pensée dominante de ce qui est "artistique".

(et toc !)

dioptre

Citation de: Arnaud17 le Juillet 28, 2013, 11:01:35
J'ignore pendant combien de temps on peut faire payer les erreurs de jeunesse à une personne qui, depuis, est peut-être devenu curé de village, pharmacien, homme d'affaires, artisan réputé ou avocat.

Si la photo date de 1987 et livre a édité en 2012, il fallait peut-être vérifier les autorisations et voir si l'inclusion dans un livre était prévu, si l'autorisation était perpétuelle, prévoir un éventuel changement d'opinion de l'intéressé lui-même une fois devenu majeur.

Cette histoire montre qu'on n'est jamais assez prudent, ce qui est valable pour le photographe et la personne photographiée.

erreur de jeunesse excuserait tout ?
Notre passé comme notre présent fait partie de nous-même.

Dernièrement on a rappelé le passé de certains hommes politiques concernant leur jeunesse et leur adhésion à des valeurs disons ... extrêmes.

Il est vrai que c'était par des mots.
L'image ce n'est donc pas pareil ?

Mon avis perso, c'est que sa jeunesse, on l'assume. Changer d'idées en murissant c'est normal.
Et cela s'explique par le contexte de l'époque, le milieu de vie, les influences des amis ou familiales, etc.
Pourquoi le renier.


muadib

Citation de: JMS le Juillet 28, 2013, 11:18:45

Laisser au pouvoir judiciaire le soin de décider quels sont les images suffisamment originales pour justifier qu'elles sont une oeuvre de l'esprit protégées par le droit d'auteur va scléroser la Société dans la pensée dominante de ce qui est "artistique".

(et toc !)

Tout à fait.  8)
Et c'est toute la dimension du problème.

Mais si ce n'est pas le juge, qui aura la légitimité pour le faire?
Le juge est là pour représenter la société. On ne peut lui reprocher d'être l'expression de la société dominante. Sauf que dans la conception occidentale de l'art, l'artiste est perçu, même au sein de la société dominante, comme celui qui s'oppose à ces valeurs. Le conflit en deviendrait presque la preuve de la qualité de sa démarche esthétique. D'où les provocations, qui peuvent parfois sembler enfantines, de certains artistes.

On pourrait d'ailleurs essayer d'analyser l'évolution des jurisprudences depuis l'origine de la photographie au travers de ce filtre.
La société change, la jurisprudence aussi. Ca marche très bien en matière de mœurs (la censure des livres, la législation sur le divorce et la fidélité conjugale par exemple), je ne suis pas certain que ce serait aussi évident en matière de définition de l'oeuvre de l'esprit ou on observe à toutes les époques des jurisprudences contradictoires.
(Pour le fun un extrait de la plaidoirie de l'accusation, devenu célèbre, lors du procès pour obscénité à l'encontre du livre "L'amant de Lady Chatterlay" en 1960 à Londres: " Is it a book that you would even wish your wife or your servants to read?'") http://www.telegraph.co.uk/culture/books/8096567/The-tumultuous-trial-of-Lady-Chatterleys-Lover.html

L'explication c'est sans doute que l'art est un discriminant social. Le goût en matière d'oeuvre d'art, c'est une façon de s'identifier à ceux qui partagent nos valeurs esthétiques et de se différencier des autres selon la logique de l'éthos de classe. Les juges ne constituent pas (plus?) une classe sociale homogène qui partagerait les mêmes valeurs esthétiques.

Zouave15

Citation de: muadib le Juillet 28, 2013, 09:46:47
Le droit à l'oubli n'exista pas encore à ma connaissance. C'est une demande qui est née des réseaux sociaux et qui ne concerne pour l'instant que les réseaux sociaux.

Je pense que la photographie est une oeuvre de l'esprit Zouave.  ;) Les photos ne sont pas interchangeables comme des pommes ou des carottes. La photo est un mode d'expression.Yan Morvan est un photo journaliste.

Dire que refuser de s'autocensurer, c'est prouver que la problème dénoncé n'existe pas, me semble assez ébouriffant.  :D

Je parlais certes de droit à l'oubli en termes non juridiques, comme j'aurais pu évoquer le droit à une seconde chance.

Tu confonds l'œuvre et la démarche et pourtant, dans un autre fil, tu montres toi-même un diaporama et non pas une œuvre isolée. Si une œuvre peut être irremplaçable en elle-même, il est fort peu probable qu'elle le soit pour traiter un sujet, or c'est le thème du fil. Par conséquent, je ne vois rien qui s'oppose à ce que l'auteur choisisse une autre de ses œuvres par respect pour une personne qui a déjà fait savoir par voie de procès son opposition. À moins, bien sûr qu'il manque de matière pour traiter son sujet, mais alors n'est-ce pas une faute professionnelle que de vouloir traiter un sujet pour lequel on manque de documents ?

Tout cela participe de la définition d'un auteur. Un auteur n'est pas simplement quelqu'un qui crée une œuvre, ou quelques œuvres, mais quelqu'un qui peut traiter un sujet de divers manières, tout en y imprimant malgré ses diverses manières sa propre marque. Là est la différence d'ailleurs entre l'amateurisme et le professionnalisme (indépendamment du statut amateur ou pro, bien des pro souffrant d'amateurisme).

Ça t'ébouriffe peut-être, mais il n'en est pas moins vrai que dénoncer un problème en le personnalisant revient à le nier car cela consiste à le déplacer.

Zouave15

Citation de: dioptre le Juillet 28, 2013, 11:49:29
Dernièrement on a rappelé le passé de certains hommes politiques concernant leur jeunesse et leur adhésion à des valeurs disons ... extrêmes.

Tu confonds personne privée et personnage public.

Citation de: dioptre le Juillet 28, 2013, 11:49:29
erreur de jeunesse excuserait tout ?
Notre passé comme notre présent fait partie de nous-même.

C'est tout à fait discutable si on creuse un tant soit peu mais ça nous entraînerait trop loin. Si c'était le cas, on ne pourrait pas pardonner, et personne ne se remettrait de son enfance.

Par ailleurs le passé apparent, connu par des faits ou mémorisé ne raconte qu'une infime partie du passé réel, et il n'y a aucune raison de le mettre particulièrement en avant, au risque de fausser totalement les choses.

dioptre

CitationTu confonds personne privée et personnage public.

C'est quoi la limite ?

Zouave15

Eh bien chez le personnage public, toute l'action y compris du passé ayant un sens dans le cadre de l'action publique doit pouvoir être librement commentée. Savoir où s'arrêter est affaire de déontologie.

Chez une personne, dont certains actes peuvent éventuellement être momentanément publics, toute divulgation d'information, ou comme dans le cas présent, redivulgation, est soumise à son accord. On ne peut pas invoquer le droit à l'information ou l'analyse historique pour citer nommément quelqu'un car, par définition, dans une telle analyse, ce n'est pas la personne elle-même qui est importante, mais ce qu'elle représente, qui peut être incarné par quelqu'un d'autre.

Cela étant, dans le cas présent, je n'ai pas creusé pour savoir si la photo concerne une personne ou une personnalité. À mon sens, là est la question à se poser pour toute publication.

dioptre

Rien n'est évident !
Cette photo n'aurait jamais du être publiée ! Elle n'est que mensonge !

http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/25/mere-colere-contre-mere-courage_3453751_3246.html

Faut-il censurer toutes les publications où elle paraît ?

muadib

Toutes les photos iconiques du photo-journalisme seraient susceptibles d'être censurées si cette notion du  "droit à l'oubli" envisagé actuellement pour les réseaux sociaux était appliquée au photo journalisme. Elles représentent des bourreaux et/ou des victimes qui toutes pourraient invoquer un droit à l'oubli vis à vis d'images qui leurs rappellent de mauvais souvenirs.

Mais comment encadrerait-on ce droit?

Dans le cas des réseaux sociaux, la question se pose d'autant moins que le plus souvent se sont ceux-là même qui ont posté les images qui veulent pouvoir en demander le retrait. Et que pour l'instant personne ne considère que les centaines de millions d'images qui circulent sur les réseaux sociaux sont nécessaires à notre information ou ont une importance patrimoniale.
La seule limite, c'est d'un coté le coût pour le diffuseur et de l'autre la possibilité pour celui qui invoquerait ce droit de retrouver ces images qui ont pu être reproduites sur de nombreux sites.

Mais dans le cas du photo-journalisme, il y aurait un conflit de droit comparable à ce que l'on observe aujourd'hui entre le droit à l'image et la liberté de l'information.
Il faudrait trouver un équilibre, fixer des limites, sans cela avant même que la photo ait été publiée, la personne photographiée invoquera le droit à l'oubli.
Est-ce que l'on déterminerait une durée, un moment à partir duquel on aurait un droit à l'oubli? Après tout, on peut regretter son action dans la minute qui suit la photo.
Est-ce qu'il faudrait à chaque fois que le tribunal s'interroge sur l'existence d'un préjudice pour approuver la demande?
Est-ce qu'il faudrait  justifier du bien fondé de sa demande, prouver que l'on mérite ce droit à l'oubli, faire amende honorable en public, à l'américaine, en tenant la main de sa femme  :) ?
Et qu'est-ce que ce concept de "ce n'est pas la personne elle-même qui est importante, mais ce qu'elle représente, qui peut être incarné par quelqu'un d'autre." ??? Est-ce que deux personnes sont interchangeables, incarnent la même chose. (Je ne suis pas un numéro!  ;)) Et pourquoi ce "quelqu'un d'autre" n'aurait pas le droit à l'oubli?
Est-ce qu'à force d'oublier on ne va pas réécrire une histoire toute belle, toute lisse, un livre d'images pieuses ?

L'extension du "droit à l'oubli" à des domaines autres que les réseaux sociaux, ce serait créer une nouvelle usine à gaz. D'autant moins légitime, qu'il existe le droit à l'image.

Et que c'est bien la question qui est posé à chaque fois dans ce cas au juge. Est-ce que la liberté de l'information dans ce cas précis justifie que l'on publie ou republie une photo qui déplaît à la personne photographiée qu'elle qu'en soit la raison?

Zouave15

Dioptre et muadib, je suis plutôt d'accord avec vous. La réponse n'est pas simple. D'où ma réaction face à un fil où le photographe est d'emblée considéré comme une victime. Quand on est photographe, il est évidemment impossible de prévoir que telle image deviendra une icône mais on a, à mon sens, la responsabilité de veiller à ce que tel ne soit pas le cas, même si une telle attention va à l'encontre de ses intérêts financiers.

L'iconisation est du populisme, la certitude que le problème n'est pas vu et compris, mais seulement perçu au coin de l'esprit. La lutte de Jésus contre les icônes est à mon sens valable pour l'information (PS : je ne suis pas catho).

Le problème se pose également à l'écrit mais avec moins d'acuité et il est en général facile de voir que transformer quelqu'un en icône ou écrire dessus est du parasitisme, comme récemment Marcella Iacub avec DSK. Mais, bien évidemment, là également rien n'est simple, et vous pourrez me citer bien des cas contraires.

Arnaud17

Peut on se prévaloir, 20 ans plus tard, de la nécessité impérieuse d'informer ?
veni, vidi, vomi

muadib

Citation de: Arnaud17 le Juillet 28, 2013, 17:44:48
Peut on se prévaloir, 20 ans plus tard, de la nécessité impérieuse d'informer ?

Les tribunaux considèrent généralement que non. Ils assimilent l'information au temps du journal télévisé de 20h.
Personnellement je pense que oui. C'est ce qui s'est passé il y a 20 ans qui nous permet de décrypter l'information du 20 heures.

muadib

Et puis il y a une dimension patrimoniale qui n'est pas présent dans le droit, mais qui me semble essentielle dans la photographie. La photographie iconique étant un des aspects de cette dimension patrimoniale. par ce qu'elle représente, comme n'importe quelle photographie, mais aussi au travers de l'image de la société qui va avoir transformé cette image en icône qu'elle nous renvoi.

muadib

Citation de: Zouave15 le Juillet 28, 2013, 17:40:10
La lutte de Jésus contre les icônes est à mon sens valable pour l'information (PS : je ne suis pas catho).

Jésus c'est battu contre les marchands du temple, mais les icônes? Je ne vois pas à quel incident ou parabole tu te réfères.

dioptre

#24
Citation de: muadib le Juillet 28, 2013, 18:14:13
Jésus c'est battu contre les marchands du temple, mais les icônes? Je ne vois pas à quel incident ou parabole tu te réfères.
On peut penser à Moïse et le veau d'or
Et cela revient souvent dans la Bible :
par exemple :
Existe-t-il un autre Dieu que moi ? Il n'y a pas d'autre Rocher ! Je n'en connais aucun ! Ceux qui fabriquent des idoles ne sont tous que néant, et leurs plus belles œuvres ne sont d'aucun profit. Leurs témoins ne voient rien et ils ne savent rien ; ils rougiront de honte. A quoi bon faire un dieu, couler une statue, qui n'est d'aucun profit ?...