Walker Evans, photographe rebelle et avant-gardiste.

Démarré par houlala, Juin 29, 2017, 10:49:25

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WALKER EVANS, exposition Centre Pompidou, jusqu'au 14 août 2017:


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Les conditions du reportage :

5D3 + Tamron 45 1.8.
Beaucoup de monde, un objectif à la stabilisation et à l'AF capricieux.
Donc, ce jour-là, réglages : supérieur à 1/60 s  + f: 2.8. Iso 1000 et plus.

Bien sûr quelques reflets par-ci par-là interféreront avec ces photographies de photographie.
 
Les photos faites au Musée du Jeu de Paume de Ed Van der Alsken seront prises à des vitesses seulement supérieures à 1/30, ceci sans déchet. C'est sans doute ma propre stabilisation qui a été capricieuse.

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Quelques dates issues de

Tom Ang, Photographie L'histoire visuelle du huitième art, Prisma, 2015,

Walker Evans, Etats-Unis, 1903-1975

« Photographe documentaire de rue, Evans est connu pour ses clichés de l'Amérique pauvre et rurale pendant la grande dépression. »

1936 Clichés de métayers en Alabama avec sa chambre 25x 20 cm , parfois recadrées. P 174

1938 Exposition au MoMA


1941 Publication de Let Us Now Praise Famous Men.

1938-1941 photographies volées dans le métro avec un Zeiss Contax peint en noir, préréglé et caché sous son manteau, relié à un déclencheur souple. P 175. .


1959, photographie de rue de façon impersonnelle, Rolleiflex avec viseur de poitrine.

Années soixante, photographies de détritus et de poubelles (pounk si tu me lis....)

1965 professeur de photographie à la Yale University Scool of Art

1971 rétrospective au MoMA.

1971 Photographies au Polaroïd.

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Petite présentation :
 
Walker Evans, dans l'interview qui est diffusé dans l'expo à lui consacrée à Beaubourg, dit en substance qu'il n'est pas question qu'il obéisse au parti communiste, à un vendeur de savonnette, à l'administration ou au gouvernement.

Il décrit les deux mois, dont moins d'un mois pour les prises de vues, consacrés en 1936 à la commande de la FSA, comme ayant été particulièrement pénibles.

Lui et l'écrivain J Agee ont été harcelés par la police. Il suppose qu'ils ont été vus comme des agitateurs syndicaux.
C'est la raison de la durée écourtée de ce reportage.

Walker Evans est bien un individualiste qui ne se laisse pas faire.

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Ses relations avec Fortune :

 
Fortune, qui ensuite évidemment s'est prévalue de cette collaboration, a refusé ces photos et le texte de James Agee. (Notons que les grands reportages/documentaires ont été réalisés par un grand écrivain accompagné d'un grand photographe. Kertész/Mac Orlan, Eli Lotar/Prévert).
 
"Fortune refuse de publier ce reportage qui finira par paraître sous forme de livre en 1941".

Sous le titre de Let Us Now Praise Famous Men
 
Evans ne titre ni ne légende ses photos, laissant le lecteur établir le lien par lui-même avec le texte de James Agee. P 34 du catalogue.
 
   

Evans a bien été le seul photographe salarié de Fortune mais le catalogue insiste sur la tension qui existait entre eux.

"C'est en 1945 que la percée a enfin lieu lorsqu'Evans devient le seul photographe salarié de Fortune. Très vite, il met à l'épreuve les limites de ce qui est acceptable pour le magazine." P 34

Il participe par exemple à Homes of Americans, Fortune 1946. Sujet qui n'a donc rien de bien sensationnel.

Pour mieux comprendre sa démarche assez impersonnelle, il est comparé, p 36, à R Smithson :
 

"Peut-on créer une oeuvre dans le style du photojournalisme de magazine ? [] Robert Smithson parodie le photojournalisme avec des oeuvres comme The Monuments of Passaic" Artforum 1961.

Pour en finir avec les relation Evans/Fortune , on lit dans les mêmes pages du catalogue :
   
"Evans quitte Fortune le 1 mai 1965. Si sa postérité semble se dessiner, c'est grâce à l'institution muséale et au marché de la photographie [] et non à la presse illustrée".
Celle-ci est détrônée par la télévision et ne prend donc plus de risques.

Ce qui n'empêche pas WE d'être satisfait du combat qu'il a mené dans les magazines ["c'est mortel et effrayant. Mais c'est aussi un lieu immense"]  pour faire reconnaître sa vision.


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Retour sur son parcours

Evans débute en 1928. Ses photos à la fin des années 1920 sont nettement influencées par les photographes issus de la peinture abstraite, comme Moholy-Nagy, et  notamment du constructivisme comme Rodchenko,

Moholy-Nagy

https://www.wikiart.org/fr/laszlo-moholy-nagy

Constructivisme/Rodchenko

https://www.google.fr/search?q=constructivisme+russe&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwj20eqklODUAhUJAsAKHSjGAAQQ_AUIBigB&biw=1366&bih=631#tbm=isch&q=constructivisme+russe+photographie


Plongées et contre plongées existaient déjà, même dans la peinture,

http://www.acorfi.asso.fr/passe/2008-09/090203/sanroccoplafond.jpg

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/7d/The_Crowning_with_Thorns-Caravaggio_%281602%29.jpg/784px-The_Crowning_with_Thorns-Caravaggio_%281602%29.jpg


mais au début du XX siècle, elles sont mises au service de compositions presque abstraites.


Ses premières photographies :



Sans titre, vers 1929

Cette photographie rappelle les œuvres suprématistes de Malevitch.

https://art-zoo.com/wp-content/blogs.dir/17/files/2013/12/suprematisme-8-rectangles.jpg




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Cobblestone street  from above, Brooklyne, 1928 1929

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Métro aérien sur la 6eme avenue, 1929

Fichtre, enfer et damnation ! il y aurait donc eu déjà des photographies de métro sans métro ! purement formelles !

En prime, ça se comprend, mon reflet.

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Walker Evans est surtout connu pour son reportage sur les métayers de l'Alabama, déjà évoqué.

L'exposition du Centre Pompidou n'est pas centrée sur ce qui l'a rendu célèbre auprès du grand public mais sur le vernaculaire.
 
Soit l'anodin, objets et personnes.

Et ceci de façon impersonnelle et sérielle.

Voir les explications exposées dans l'exposition et sur les dépliants gratuits.


Walker Evans ne serait-il pas le précurseur des fils interminables de la section reportage comme bouchons de radiateurs, portes, ponts et autres femmes anonymes,

Déjà trois séries de photos de magazines

De Walker Evans

"The Pitch Direct. The sidewalk is the last stand of  unsophisticated display. "Fortune n° 4 LVIII octobre 1958

Puis "Befor They Disappear" Fortune LV, n°3 1957

Puis " Beauties of the Common Tool" Fotune LII n° 1 juillet 1955


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 " Beauties of the Common Tool" Fotune LII n° 1 juillet 1955


Walker Evans a manifestement répondu en 1955, comme dans un incroyable voyage dans le temps, à la pertinente demande d'un chassimien réclamant un fil de tous les tournevis à manche en bois.

Enfin les perturbations spatio-temporelles de son voyage dans le temps lui ont fait perdre les photos de tournevis à manche en bois ne laissant que d'autres outils tout aussi passionnants. Mais l'idée de notre chassimien d'élite a été conservée : beauté des outils ordinaires, et ceci de façon sérielle soit potentiellement interminable !


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Walker Evans n'était pas un crétin, il était même cultivé.

Il compare les matières et couleurs des murs aux œuvres de peintres contemporains.

Ici P Klee et J Pollock.

Color accidents, 1958


Pour mémoire

Citation de: houlala le Octobre 19, 2014, 07:33:25
Le métro, au choix de la Nouvelle vision comme certains membres du Bauhaus ou du Minimalisme, genre Sol Lewitt

Citation de: houlala le Octobre 19, 2014, 19:04:33
Le métro des matières

Citation de: houlala le Octobre 19, 2014, 19:10:09
Le métro constructiviste

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patrice

Je vois que tu as tenu parole!

Très bon reportage, parole de quelqu'un qui a vu l'expo et lu le catalogue

(Je n'aurais pas utilisé le mot rebelle,un peu trop galvaudé, c'est un conformisme moderne que d'être rebelle)

houlala

Citation de: patrice le Juin 29, 2017, 11:25:54
Je vois que tu as tenu parole!

Très bon reportage, parole de quelqu'un qui a vu l'expo et lu le catalogue

(Je n'aurais pas utilisé le mot rebelle,un peu trop galvaudé, c'est un conformisme moderne que d'être rebelle)
Merci Patrice.

Je tente de tenir parole. Il faut juste le temps, car la vie ne se résume pas à CI.

Et cette fois-ci, j'ai tenté d'être clair.


Je posterai encore quelques facettes de son travail dans quelques jours, les photographies de poubelles et les fameuses photos volées, évoquées dans l'article à son expo consacré dans le dernier chasseur d'image.

J'espère que cela donnera envie d'aller voir l'expo et de réfléchir à sa démarche qui est loin d'être facile à comprendre.
Nous étions à une époque où on se posait beaucoup de question sur la fonction de l'art, ses devoirs, son inscription dans l'histoire de l'art.

houlala

Sobriété de cette photo, reportage de 1936. Tombe d'enfant, Alabama.

houlala

La démarche de Walker Evans impersonnelle où les modèles viennent s'inscrire de façon aléatoire dans un cadre préétabli surprendra. Il n'y a pas d'instant décisif, ni d'intention affective. L'intention se situe dans le processus puis dans le recadrage serré.

notice du musée

houlala

1938-1941 photographies volées dans le métro avec un Zeiss Contax peint en noir, préréglé et caché sous son manteau, relié à un déclencheur souple.

Les photos sont recadrées sur le visage.


« Rapid Transit " , Cambridge Review, n° 5, 1956

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#18
Beauté des déchets, street débris, 1968

+ reflet de la salle

Lors du photoquai de 2011, j'ai été séduit par les photos de Sengsong, before and after us, 2009, qui ressemblaient assez à celle-ci.

La différence étant que les photos de Sengsong avaient besoin de ses justifier par un discours écologiste.

http://l.oeil.curieux.blog.free.fr/public/Photoquai_2011/.Before_and_after_us_m.jpg




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notice sur les travailleurs anonymes

houlala

#20
Travailleurs anonymes, Fortune 1946,
 
Photographies de rue, ou plutôt street portrait,  prises de façon impersonnelle,

Les photos ne sont pas légendées.

On est loin de la photographie de rue jouant sur le moment décisif, les interactions entre personnages et environnement, sur des ambiances et les effets « artistiques ».

On est dans le pur constat littéral d'un moment anodin qui permet au photographe de s'effacer grâce au dispositif et de mettre en évidence les modèles pris en dehors de toute pose, dans leur intime posture. Postures de travailleurs américains.

Les hommes sont photographiés comme ses outils ou ses églises. Il leur donne toute leur chance d'exister par eux-mêmes en tentant d'interférer au minimum.

Cela aboutit au constat de leurs différences et de leurs fortes individualités d'hommes appartenant à une nation puissante et victorieuse.

Aucune autorisation n'est demandée aux « modèles.

Walker Evans a commencé par des études de littérature. Flaubert était l'un de ses écrivains préférés.
"Flaubert m'a fourni une méthode, Baudelaire un esprit. Ils m'ont influencé sur tout".

Faut-il voir dans son choix impersonnel une fidélité  à « l'ironie flaubertienne » ?

Décrire son objet de façon minutieuse, chirurgicale, impersonnelle pour dénoncer ironiquement les idées et comportements reçus ?

houlala

#21
Avec la même prise de vue impersonnelle.

« Gallery : primitives churches []. » Architectural forum, 1961,