Films périmés : exposition et développement

Démarré par petur, Juin 01, 2025, 16:53:48

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petur

Bonjour,


J'ai une collection de films périmés, principalement noir et blanc, un peu de négatif couleur et diapo hors congel. Certains au frais cependant. Si j'ai bonne mémoire, lors de l'exposition il y a une correction à apporter. J'ai en mémoire moins un IL pour dix ans.

Qu'en est-il du développement ? Faut-il aussi l'adapter ?

J'ai bien l'intention d'utiliser ces films mais je souhaite le faire de faire ça sans trop perdre en qualité.

D'avance merci.


Pierre

Bru

Si la qualité est important pour toi, n'utilise pas ces films.

Si tu as envie de jouer, la péremption amène une perte de sensibilité (variable), une perte de contraste et une monté du voile.
La perte de sensibilité peut se compenser avec une surexposition à déterminer par test (1).
La perte de contraste se compense par une augmentation du temps de développement (1 aussi).
La montée du voile de base se compense, si on veut par un affaiblisseur type farmer.
Dyslexique ou Disslexyque ?

titisteph

Périmés de combien, les films? C'est important de le savoir. Si c'est moins de 5 ans, pas grand-chose à craindre. Au-delà, faut voir.

Je suis d'accord avec Bru : ne pas utiliser ces films pour des shoots importants, il y a toujours un risque.

Mais mon expérience dans le domaine permet de bien relativiser les choses.

J'ai consommé beaucoup de films périmés autour de 10 à 20 ans, sans précautions de conservation (en appartement, dans un placard). J'en ai retiré les enseignements suivants :

- En néga couleur (100 à 400 ISO) : augmentation du grain (rendu de ce dernier un peu bizzare), voile général (les parties transparentes sortent ternes). Dominante générale aléatoire. Perte de contraste, (et aussi un peu de sensibilité, mais pas tant). Néanmoins, parfaitement expoitable moyennant surexposition d'environ 1 diaph, et développement normal. Le rendu se corrige au scan (contraste et balance). Par contre, certains films perdent en homogénéité, surtout en 120 : les bords peuvent arborer une dominante différente (plus magenta) du centre. Il faut subtilement jouer du Photoshop pour y remédier. Mais je n'ai jamais eu de film inutilisable au final, c'est tout de même plus stable en 100 qu'en 400 ISO.

Ca se passe mieux en 135, car je pense que les soucis rencontrés en 120 viennent d'une pollution du papier protecteur.

- En noir et blanc : Ca diffère fortement selon la sensibilité du film.
En 100 ISO, c'est très stable, j'ai eu des Tmax 100 périmées de 18 ans qui n'avaient subit aucun dommage d'aucune sorte.
En revanche, les films sensibles (1600 ISO) deviennent très vite inutilisables : fort voile chimique, grosse perte de sensibilité, taches, etc.

En diapo : c'est très fragile. En 120, migration des inscriptions imprimées sur le papier vers l'image. On se retrouve avec du texte en surimpression sur les photos, et bonjour pour corriger ça. Grosses dérives colorées. Dans ce cas, je conseille de développer en développement croisé : au moins, on assume des couleurs déjantées, mais généralement très plaisantes. Mention spéciale pour les Ektachrome tungstène (160T, 320T) : magnifique rendu chaud en cross process.
Ca ne résoud cependant pas le souci de migration des textes vers l'image en 120. Mais à essayer sur des sujets peu importants.

Conservé au congélo :
- Aucune perte d'aucune sorte quelle que soit la nature de l'émulsion en 100 ISO (diapo, neg couleur et BW), sur au moins 20 ans.
- A partir de 400 ISO en noir et blanc : j'ai connu des marbrures en plan film qui peuvent se voir dans les plages unies, mais peut-être est-ce aussi parce que la boîte était entamée.
- En revanche, perte catastrophique de qualité en Tmax 3200 et Ilford Delta 3200. Au bout de 20 ans : deux diaphs de perdus, grain énorme, fort voile chimique, grosses taches. Mais je les ais tous passés, car j'aime bien l'effet vintage.

Pour le développement d'un film noir et blanc périmé (et pas conservé au froid) quelques conseils :
- Surexposer à la prise de vue. Un diaph par dizaine d'années. C'est à la louche. Si on dispose d'un lot de films identiques conservés pareil, voir le résultat sur un premier film et ajuster pour les autres.

- Ne pas surdévelopper. Ou seulement un peu. Sinon, le voile chimique va s'amplifier, jusqu'à rendre opaque entièrement le film (cas extrême, mais vécu).


Si vous tombez par hasard sur un vieux film déjà exposé et que vous voulez voir les images : surdéveloppez mais pas au-delà de 10 à 20 %. A cause du voile chimique. En fait, les images latentes se conservent étonnament bien en noir et blanc, parfois mieux qu'une image fraîche sur un film ancien.
J'ai ainsi sauvé deux films en 120, l'un des années 60, l'autre des années 70 sur lesquels restaient des images d'époque. Malgré un voile chimique, les images ont pu être exploitées.

Et j'ai fait des photos sur des films datant de la seconde guerre mondiale. Malgré 80 ans de péremption, j'ai toujours pu sortir des images (avec 8 diaphs de surexposition, mais un développement quasi normal).


titisteph

Quelques exemples.

Film 120 négatif couleur Portra 400, périmée depuis 17 ans, pas conservée au frais. On constate un résidu de bascule cyan par endroits, mais c'est utilisable. J'ai eu des Portra en 160 ISO que j'ai totalement pu récupérer, c'est moins le cas ici.

titisteph

Ici, Ektachrome 320T, traité en développement croisé (périmé depuis des années, mais impossible de savoir combien, le film est arrivé sans son emballage).

A noter que c'est du demi-format 18X24 sorti d'un Olympus Pen FT, donc le grain est plus fort, vu que le format est deux fois plus petit.

Le rendu est tout-à-fait plaisant, et je regrette tant de ne plus en avoir...

titisteph

Fuji Velvia 50 périmée depuis 16 ans, pas conservée au frigo. Développement en traitement croisé.
Les numéros de vues ont migré sur le film, mais c'est visible seulement sur une seule image. Ouf, celle-ci n'a pas été impactée.

J'ai tellement aimé le rendu, que j'ai acheté un film Velvia neuf, pour l'utiliser en traitement croisé, espérant revoir ce même rendu. Pas encore essayé.

titisteph

#6
Pour finir, le pire cas : Tmax 3200 périmée depuis 20 ans, mais conservée au congélo tout ce temps.
Perte de sensibilité de 2 diaphs (si l'on part du principe que c'est un film 1600 ISO - en vérité, un vrai 1000 ISO). Je l'ai donc exposé à 400 ISO, perte de contraste, voile chimique, taches.

Mais attention, le rendu est biaisé par le fait que je l'ai utilisé dans un Minox C, format 8X11 mm. D'habitude, le grain est censé être normal pour le film.

En théorie, le film serait à jeter, mais finalement, j'aime beaucoup le résultat, accentué par le très petit format.

Tant qu'il y a une image sur le film, j'ai tendance à penser que c'est utilisable en connaissance de cause, et en essayant d'exploiter les défauts éventuels.

titisteph

Pour le plaisir des yeux : film Kodak Super XX de 1947 en format 135. Surexposé de 7 diaphs. Développement dans ID-11, 10 mn à 1+1.
Les inscriptions dans les marges (datant de 1947) étaient parfaitement visibles.

fraoul

Merci titisteph pour ces infos très utiles !

titisteph

A noter également une parfaite conservation des packs de polas Fuji FP-100C (packs de 10 photos pour appareils MF), après 7 ans au congélateur. Alors que ce n'était pas prévu par le fabricant.

Je suis justement en train de griller mon avant-dernier dans mon Mamiya RZ. Après, ce sera définitivement FINI!

Rendu parfait en tout point. Chimie bien fraîche, couleurs impeccables, sensibilité native préservée. Mon pack précédent avait été sorti il y a 4 ans, et aucune différence entre les deux.

Je regrette tellement d'en avoir stocké seulement quatre packs quand Fuji a annoncé son arrêt en 2018! Mais je ne suis pas crésus, et figurez-vous que mon congélateur sert aussi pour d'autres trucs que le stockage de films...

Un conseil à ceux qui se plaignent du prix des films: ils auraient dû faire des stocks. Non seulement ça aurait couté moins cher, mais ils auraient profité de films qui n'existent plus. Il est encore temps: aucune raison que l'augmentation s'arrête.

petur

Merci à vous pour vos précisions. J'ai des noir et blanc qui datent de 2005 tout comme certains noir et blanc, couleur négatif et dia. Je parle de ce qui n'est pas au congel...

Effectivement, ces films seront réservés à des photos sans grande importance, j'ai des films plus récents pour ça. C'est juste que je souhaite les utiliser, je ne veux pas les voir rester dans une boîte.

La suggestion de Titistef de faire des stock est judicieuse. Encore eut il fallu savoir que certaines marques allaient cesser leur production et que les prix allaient monter. C'est comme le prix de certains appareils d'occasion. Si j'avais su j'en aurais fait des stocks.

Ceci étant, concernant les stocks, j'ai souvenirs sur FB d'une photo publiée par un photographe de grand format qui a vu son congel lâcher. Tout son stock de plans films mort. Ca faisait mal au coeur. J'ai quelques appareils à tester, je vais appliquer vos conseils pour les utiliser. 2005, 2008, 2013 je crois. Au prix des films aujourd'hui, ils vont servir.

Merci à vous. Je reviendrai ici avec le résultat. 

titisteph

Merci de ton retour.

J'ajoute que rien n'empêche aussi de réfrigérer des films qu'on a découvert périmés et stockés dans un placard, en attendant de les utiliser. Noter la date de mise au congélo, pour savoir où on en est. Cela évitera toujours qu'ils continuent à se détériorer.

Citationj'ai souvenirs sur FB d'une photo publiée par un photographe de grand format qui a vu son congel lâcher. Tout son stock de plans films mort. Ca faisait mal au coeur.

Je ne crois pas un seul instant à cette histoire. Les films ne sont pas des crèmes glacées. Ils ne meurent pas 2h après la panne du congélo. Quand on les sort, le processus de vieillissement reprend, mais à l'allure de tortue : vous avez des mois devant vous pour remplacer le congélo... Si le gars en question a déclaré avoir jeté tout son stock, c'est un imbécile, ou un menteur.

Un dernier point : aucun souci à sortir un film du congélo, puis de décider ensuite de l'y remettre.
Je fais ça sans arrêt avec les plans-films : j'entame une boîte pour 4 plans films. Ensuite je la remets au congélo (en la mettant dans un sac zip). Un an plus tard, je la ressors, j'y prélève à nouveau quelques PF, et hop, ça repart au froid. Ceci, jusqu'à épuisement de la boîte, et sans aucun inconvénient! J'ai une boîte de FP-4 qui date de 15 ans, sortie 6 ou 7 fois et toujours pas finie. Les films sont frais comme au premier jour. Mais ils ont pris une odeur de frigo...

bruno-v

La réponse de titistep est bien plus complète mais +1 par dizaine aussi.
j'ai trouvé pas mal de petit lot de film en brocante, je teste un des film sur un appareil "à tester" et je congèle le reste.
la seule vraie mauvaise surprise s'est produite avec 2 boites de 5xHp-5 où la dorsale a pollué l'émulsion, mais même pollué ces films me servent à tester les MF (étanchéité, espacement, infini) avant de les utiliser avec un film neuf.
a+
Leave no trace, Take pictures.

Fred_G

Encore une publication de titisteph qui fait bien le tour de la question. Merci !

Juste une remarque :
Citation de: titisteph le Juin 04, 2025, 22:54:11Un conseil à ceux qui se plaignent du prix des films: ils auraient dû faire des stocks. Non seulement ça aurait couté moins cher, mais ils auraient profité de films qui n'existent plus. Il est encore temps: aucune raison que l'augmentation s'arrête.
C'est globalement vraiment, mais il y a des exceptions : typiquement la TriX est moins chère aujourd'hui qu'il y a quelques années  8)
The lunatic is on the grass.

petur

Kodak avait annoncé une baisse de la TRIX... elle est encore à plus de 10€ le film. En espérant que ce soit toujours le même film qu'avant. J'aimais beaucoup ce film avec la NEOPAN 400 de Fuji. Je trouve que la Bergger 400 s'en rapproche un peu.