Petit à petit, les grandes marques vident les Salons de leur sens : en réservant la primeur de leurs informations à Internet, les firmes privent les Salons de leur vocation initiale, la découverte des nouveaux produits. Conséquence, la visite des stands ne sert plus qu’à toucher les objets dont on a déjà pu voir, quelques heures ou quelques jours avant le début de la manifestation, photos, caractéristiques complètes et, souvent, les premiers résultats, sur des sites officiels bien lisses et bien policés.
Consciente de cette situation, la rédaction de Chasseur d’Images s’est interrogée sur l’utilité d’un déplacement à Cologne se résumant à s’asseoir avec 1.000 autres confrères pour subir la lecture de présentations de produits déjà en ligne depuis plusieurs heures. Nous savons lire et nous avons donc fait le choix de découvrir nous-mêmes communiqués de presse et annonces officielles, sans subir les conférences de presse magistrales, telles que les marques les organisent encore, sans se rendre compte du ridicule de ces démonstrations. Après l’heure, c’est plus l’heure et, surtout, n’est pas Apple qui veut!
La Photokina ayant perdu sa fonction d’informer et servant juste de prétexte à des dizaines d’embargos, nous avons pris acte de cet état de fait et reconsidéré notre fonction de journalistes. Une partie de l’équipe traite donc l’info officielle, riche et abondante, tandis que l’autre jouera les électrons libres en se consacrant à la recherche d’infos ou de pistes sur le long terme, dont les communiqués de presse ne parlent pas.

La Photokina, c’est d’abord un gigantesque chantier, mené à l’allemande…
A la différence de Paris, où les alentours du Parc des Expositions présentent un grand déballage de camions en vrac et de déménageurs énervés, la Photokina est une machine bien huilée et il faut passer les portes de ses halls gigantesques, faits de verre, de pierre polie et d’acier brossé pour commencer à entendre les scies sauteuses qui dévorent l’agglo afin de monter les dernières cloisons. Ici, tout semble calme: on bosse avec méthode, mais on bosse! A la veille de l’ouverture, certains stands sont déjà terminés, propres, dûment aspirés et gardés par des vigiles. D’autres sont encore dans un état tel qu’on se demande comment ça pourra être prêt demain… et pourtant, ça le sera.
C’est dans cette ambiance d’atelier de menuiserie que la rédac’ commence à déambuler, à la recherche d’une vitrine pas encore masquée, d’un attaché-case ouvert, d’un briefing d’hôtesses ou, mieux encore, d’un chef japonais répétant son discours de demain. On n’en dira pas plus, mais c’est parfois ainsi que les embargos les plus stricts s’envolent, le PDG trop occupé à vouloir bien faire oubliant lui-même les consignes de silence qu’il a imposées à son équipe, sous peine de hara-kiri immédiat.
Chez Panasonic, par exemple, on met la dernière touche aux démos de vidéo 4K, l’un des points forts de la marque, mais quelques problèmes de connectique subsistent et nous découvrons des ingénieurs à plat ventre sous la banque de démo.
Chez Sigma, le stand est clean, blanc et propre, et les deux nouveaux zooms 150-600 mm trônent en vitrine. Sigma a pris le soin de ne pas les placer côte à côte mais même à 40 cm l’un de l’autre, il est manifeste que l’un est beaucoup plus volumineux que l’autre. On a hâte de les tester.
Petit tour chez Nikon. Ouah… superbe stand, tout est bien rangé, bien aligné et bien ordonné. Le D810 et le D750 sont à l’honneur. Tiens… mais où sont donc passés les Nikon 1 ? Y aurait-il du recentrage dans l’air?
Chez Pentax, les chasseurs de poussière (comprenez "service de nettoyage des stands") venant juste de passer, les nouveaux reflex sont en libre accès sur le comptoir. On en profite pour faire joujou avec… c’est vrai qu’ils sont, comment dire… "very colored". La vidéo qui défile sur les écrans nous rappelle que ces appareils visent les jeunes et il faut reconnaître que leur look est assez réussi.
Bon, manifestement tout n’est pas prêt… la Photokina n’ouvre que demain. Allons faire un tour en ville et voyons un peu la liste des annonces officielles de la journée. La plupart sont en ligne ici même, dans nos infos, d’autres sont attendues dans la nuit. Trois optiques chez Pentax, de petites nouveautés ici où là mais pas de grosse révolution ni d’info majeure que vous ne connaissiez déjà. On entre dans le travail de fond…
MARDI – Ouverture officielle…
Ca y est, c’est le grand jour. Quelques centaines de passionnés attendent sur les marches, mais l’organisation allemande est rigoureuse. On n’ouvrira les portes qu’à 10h00 00 ! La ruée vers les stands commence, mais elle est moins nerveuse qu’à l’habitude et on est loin de la marée humaine. Ceux qui sont là savent pourquoi ils sont venus: une fois de plus, internet a préparé le terrain.
Peu de vraies surprises: tout ou presque a déjà été annoncé. Dans la nuit, Pentax a mis dans la vitrine trois nouveaux objectifs: aucun nom, aucune gravure… c’est à nous de deviner les focales. Bon… l’ingénieur japonais que nous rencontrons trouve que ce n’est pas de jeu: nous sommes trop perspicaces, on a trouvé tout de suite les bonnes caractéristiques. Et quand on lui demande s’ils seront compatibles plein format, il éclate de rire. La réponse est oui… on vous laisse lire entre les lignes et, quant à nous, on prend rendez-vous pour… dans quelques mois. Cette fois, ce n’est plus une rumeur, Pentax travaille bien sur le plein format même si, malicieux, notre interlocuteur nous précise que chez Pentax, on a aussi plus petit… et plus grand!
Panasonic a aussi profité de la nuit pour dévoiler ses derniers nés. Parmi eux, un téléphone photo Android. Look austère, gainage noir, poids supérieur à 800 grammes, mais le même capteur que celui du FZ1000 derrière un grand-angle Leica! Les tirages 30 x 40 que nous montre M. Uematsu sont assez exceptionnels: pas de doute, ce sera un vrai appareil photo. Mais le prix nous fait bondir: 890€ ! C’est cher, très cher et on comprend mieux pourquoi cet appareil ne sera pas en vente partout et que la France a été choisie comme marché test. Tout se jouera sur la qualité.
Tiens, au passage… nos nombreuses rencontres avec M. Uematsu ont porté leurs fruits. Voici désormais des compacts avec un viseur intégré, des bagues pour chaque fonction et, cette fois, ce n’est plus le viseur qui se monte sur la griffe flash, mais… un mini flash. Etonnant, non ?
Chez Tamron, la coqueluche du moment a été découpée en deux pour que l’on puisse en admirer les entrailles. Excusez la qualité de l’image, elle a été réalisée avec un téléphone photo (c’est pas le plus grave) et à travers la vitrine (ça, c’est plus embêtant). On voit quand même très bien les lentilles…
Séquence culturelle chez Leica, avec un stand grandiose mettant en valeur le matériel de la marque, mais complété par un espace d’exposition à couper le souffle. Franchement, les plus belles expos de la Photokina, un éclairage parfait et un editing de très haut vol. Merci Leica pour ce bon moment !
Sur d’autres stands, c’est plus… ludique. Un peu partout, les belles filles attirent les objectifs et quand elles se roulent sur de belles carrosseries, les capteurs s’échauffent. Fuji a choisi de la belle allemande…
mais pour ses conférences, Fuji fait preuve de bon goût avec un invité de marque, Gianluca Colla, photographe italien travaillant notamment pour National Geographic mais aussi grand utilisateur de boîtiers Fuji. Il parle donc en connaisseur de produits qu’il utilise vraiment.
Allez, on saute dans un hall voisin! Pas de doute, la Photokina sait se tenir à jour. Dès l’entrée, c’est la photo d’aventure qui saute aux yeux. Gopro, les nouveaux drones AEE en démonstration dans une cage en filets, les drones DiJ, une étrange caméra 360° en forme de boule qu’on jette en l’air et qui rapporte des images. Les questions fusent, ces caméras intéressent du monde et il est adroit d’avoir réuni en un même endroit drones, 360°, panoramique, aventure… et même Google !
On remonte dans le hall des grandes marques. On traverse un stand gigantesque dont on vous parlera demain, en calculant le prix qu’il a pu coûter. Voyons… sachant qu’au Salon de la Photo de Paris, un stand "pauvre" de 100 mètres carrés nécessite un budget de 100.000€ environ, sachant que celui que nous traversons actuellement doit bien faire 4.000 mètres carrés, qu’on est à Cologne et qu’il est magnifique… non, ce n’est pas possible… quand même pas 4 millions d’euros? Et pourtant, on ne doit pas être loin du compte. On l’a peut-être même dépassé…
Bon, il faut hâter le pas: nous avons rendez-vous avec quatre ingénieurs Nikon pour parler du futur. On a préparé nos questions, cherché celles que l’on peut poser tout en sachant qu’ils ne pourront pas répondre, écarté celles qu’il est inutile de poser (ça ne se fait pas, de demander tout de go quand arrivera le D9300!) et nous entrons dans le vif du sujet.
Pendant que, de l’autre côté de la cloison, les visiteurs ordinaires ont les yeux au plafond pour voir défiler un tapis virtuel d’images, nous recueillons de vraies infos et de vraies réponses: le futur proche et lointain de Nikon est assuré et la réponse à presque tout ce que vous espérez est… "oui".
Chez Sony, nous avons pu rencontrer Nagata San, qui supervise la division optique. Son discours est clair :
il y a deux façons d’aborder les objectifs, celle des compacts (y compris les bridges) où la compacité prime, et celle des objectifs interchangeables où la recherche de la qualité d’image prévaut, même si cela doit parfois conduire à des optiques un peu encombrantes.
La tendance actuelle qui consiste à corriger dans le boîtier certains défauts optiques (distorsion ou vignetage en particulier) est très forte chez les compacts, mais présente aussi sur les optiques interchangeables. Sur ces derniers objectifs, toute la difficulté tient à définir la limite entre ce qui doit être optique et ce qui peut être informatique.
Chez Sony, la ligne choisie consiste à effectuer le maximum de corrections optiques et à ne passer à l’informatique que s’il n’y a pas moyen de faire autrement.
Cela conduit parfois à utiliser des formules particulièrement originales, comme sur le 55 mm f/1,8 FE qui innove particulièrement dans ce domaine.
… à suivre !
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