Connue et reconnue en France pour ses talents de portraitiste, Gisèle Freund est d’abord considérée comme une photographe politique par le public allemand. C’est sur cette double orientation que repose Gisèle Freund, portrait intime d’une photographe visionnaire, documentaire de Teri Wehn-Damisch, diffusé par Arte le 27 juin dernier et disponible sur le site de la chaîne. Riche en archives inédites (puisées à l’Imec), le film retrace chronologiquement le parcours de l’artiste : son enfance à Berlin (avec pour voisin un certain Albert Einstein), le Leica offert par son père, sa fuite à Paris en 1933, ses voyages en Amérique latine, son entrée à Magnum en 1947, etc. Autant de jalons importants, mais peut-être moins déterminants que sa découverte du film couleur qui contribua à établir sa position de portraitiste dans le microcosme littéraire de l’époque. André Malraux bien sûr, mais aussi Colette, Jean Cocteau, Virginia Woolf et même le rétif James Joyce passeront devant son objectif. Le documentaire s’attache également à raconter la Gisèle Freund photojournaliste, qui observa en sociologue les populations sud-américaines et causa un incident diplomatique en montrant le train de vie fastueux d’Eva Peron. Quand on sait l’aplomb avec lequel la photographe a mené sa carrière, les dernières minutes du film, où on la découvre à la fin de sa vie, sont particulièrement saisissantes.
Médiatiquement plus discret que son prédécesseur, Christoph Wiesner, nouveau directeur des Rencontres d’Arles, a répondu à quelques questions d’Anne-Claire Meffre. Pas de grandes déclarations, mais l’impression (sans doute rassurante pour les festivaliers) d’un changement dans la continuité : « Je crois davantage aux variations qu’aux ruptures brutales pour faire évoluer le regard. » Pour un autre éclairage sur la programmation des 52e Rencontres d’Arles, on vous invite à lire la prose d’Hervé Le Goff dans le n°432 de Chasseur d’Images. Vous trouverez également dans ce numéro un dossier relativement complet sur les festivals de l’été. Il y en a forcément un près de chez vous !
Quel bonheur pour les Canadiens que cette vague de chaleur : ils peuvent prendre des bains de soleil, s’adonner à des activités aquatiques, profiter d’une crème glacée… c’est en tout cas ce qu’on pourrait croire en regardant certains médias en ligne ou les chaînes d’infos continues. Un choix iconographique qui au lieu d’informer sème la confusion, comme l’a décrypté Arrêt sur Images.
De Pierre & Gilles à Richard Dumas, Étienne Daho est passé devant l’objectif de quelques maîtres portraitistes, mais c’est Nick Knight qui lui a laissé le souvenir le plus marquant : « Nick m’avait prévenu que j’aurais un choc en voyant le résultat. J’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’il rentre autant dans ma peau. Quand j’ai reçu les grands tirages alors que j’étais à New York, j’ai mis deux jours à m’habituer à cette image avant de me dire qu’elle était fantastique, totalement en phase avec mon évolution. Une parfaite vitrine de l’album ».
Et s’il existait des négatifs antérieurs à l’invention de la photographie ? Tel est le point de départ, pour le moins iconoclaste, de cette mini-conférence de Bertrand Lavédrine, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle.
LA VIE DES BÊTES
Que diriez-vous d’un petit sujet sur les centres gériatriques ? Attendez avant de passer au paragraphe suivant, le reportage de Josep Echaburu est remarquable de tendresse voire de drôlerie.
Alors en pleine installation de son expo à La Gacilly, Catalina Martin-Chico a répondu fin juin aux questions d’Emmanuel Laurentin (France Culture). Une interview instructive à double titre : on en apprend un peu plus sur la vie des populations équatoriennes mais également sur les difficultés à vivre du photojournalisme en temps de Covid. Pour diversifier son offre, Catalina Martin-Chico a ainsi fait le choix de se former à de nouvelles techniques de prise de vue a priori antagoniques : le drone et le collodion humide !
Fin connaisseur de la scène musicale de Manchester dont il a photographié les représentants les plus charismatiques (Buzzcocks, Joy Division, Happy Mondays, Morrissey, Oasis, etc.), Kevin Cummins a connu les grandes années du NME, hebdomadaire pour lequel il a longtemps collaboré. À l’heure de faire le bilan, il se souvient de l’époque où il shootait en argentique et regrette la convivialité que le film contribuait indirectement à instaurer : « Ce qui a énormément changé avec l’arrivée du numérique, c’est le sens de la camaraderie avec les autres photographes. Après une séance, nous avions tous l’habitude d’aller chez Joe’s Basement ou dans l’un des autres laboratoires de Soho, et de se retrouver au pub d’à côté pendant que le film était développé (…). Maintenant, on fait un shooting et on rentre à la maison… c’est devenu une profession très isolée. »
Photo d’ouverture : capture d’écran du documentaire sur Gisèle Freund.