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Basketteur américain évoluant au sein des Lakers dans les années 60, Jerry West est mort le 12 juin à Los Angeles à l’âge de 86 ans. Pourquoi parler de lui ici ? Parce que c’est une figure iconique de son sport – iconique au premier sens du terme. C’est en effet sa silhouette que l’on voit au centre du célèbre logo de la NBA. Si le logo date de 1969, Alan Siegel, son designer, attendit 2010 pour confirmer que le joueur détouré était bien Jerry West, expliquant, tout en restant flou, qu’il s’était inspiré à l’époque d’une photo vue dans Sport Magazine. De l’auteur présumé de la photo, on sait peu de choses, si ce n’est qu’il s’appelait Wen Roberts, qu’il travaillait pour les Lakers et qu’il est mort en 2007, soit trois ans avant la révélation d’Alan Siegel. Le flou sur l’origine du logo a-t-il été volontairement entretenu ? On ne peut pas l’affirmer, mais cette histoire nous rappelle une autre affaire, liée elle aussi au milieu du basket. Depuis près d’une décennie, Jacobus “Co” Rentmeester se bat contre Nike pour que l’équipementier admette qu’il a utilisé une de ses photos, jadis publiée dans Life, pour créer le célèbre logo « Jumpman », représentant Michael Jordan en train de dunker. De procès en appels, le combat du photographe néerlandais a pris une telle ampleur qu’un documentaire, projeté lors du dernier Festival de Tribeca, a même été consacré au sujet. Mais Rentmeester, aujourd’hui âgé de 88 ans, ne se fait guère d’illusions sur l’issue de cette histoire : « Nike ne s’excusera pas, ça n’arrivera pas. Mais les gens peuvent voir le film et se faire leur propre opinion. » 

ENTRE DEUX RIVES

Si vous ne devez lire qu’un texte cette semaine, on vous conseille « Hải veut dire Mer », essai d’Éléonore Hải Vân Tran publié dans le n°2 d’Outsider, revue en ligne accueillant des contributions d’auteurs et d’autrices sur les liens qu’entretiennent littérature et arts visuels. Doctorante en histoire de l’art contemporain à l’université Paris 8, Éléonore Hải Vân Tran a consacré son mémoire de master à la collecte et l’utilisation de photographies vernaculaires dans la pratique artistique du Vietnam et de sa diaspora (elle en parle très bien ici). L’essai qu’elle a rédigé pour Outsider se nourrit de ses recherches, mais s’enroule autour d’un fil autobiographique. Partant de l’origine de son prénom, elle retrace le parcours des siens – ou du moins elle tente, confrontée qu’elle est au laconisme de son père : « Nous habitions au Vietnam, il y a eu la guerre, Bà nội nous a mis sur un bateau et nous sommes arrivés en France. » Dans les récits diasporiques, il y a une part d’intransmissible, un vide que peuvent combler les photos familiales. Que doivent combler les photos familiales, ne serait-ce que pour apporter de la nuance à la « mémoire officielle » colportée, en l’occurrence, par le cinéma américain mais aussi par certaines photos-choc qui, par leur monstruosité même, empêchent tout raisonnement. « Contre les photographies de combat, écrit Éléonore Hải Vân Tran, les images de famille expriment peut-être bien plus ce qu’était la guerre que les clichés pris par les journalistes sur les lieux de confrontation. » Ajoutant plus loin : « Comprendre l’histoire des Vietnamiens, c’est regarder leurs images à eux, en tant qu’individus, à la fois sujets et opérateurs. »

UNE AUTRE PHOTO ANIMALIÈRE EST POSSIBLE

Tout amateur faisant des photos au zoo aura tendance, même inconsciemment, à évacuer du cadre ce qui pourrait sonner artificiel : abreuvoirs, barrières, perchoirs, blocs de béton, etc. Tout le contraire d’Éric Pillot qui, dans sa série « In situ », donne autant d’importance aux espèces photographiées qu’à leur cadre de vie. Ses tableaux, qui isolent ours polaires, otaries ou toucans devant des fresques peintes, ont quelque chose d’irréel. Ils rappellent surtout la triste condition de ce bestiaire captif. Le décor a autant d’importance dans les images de Kristin Schnell, mais l’idée véhiculée est beaucoup plus positive. Pour sa série « Not good enough », la photographe allemande utilise des fonds colorés devant lesquels elle fait poser des animaux qui ont subi des maltraitances. Ce n’est qu’un exemple de son travail, comme le montre cet épisode de « Bestialement photogénique », série documentaire d’Arte au sommaire de laquelle on trouve aussi Éric Pillot et quelques autres figures de « l’alterphoto animalière », comme le Suisse Claudio Gotsch ou le Lituanien Andrius Burba.

BON SANG NE SAURAIT MENTIR

Saviez-vous que David Castello-Lopes, journaliste/humoriste connu pour ses « Small talks » et ses vidéos sur la Suisse, est passionné de photo et qu’il a même rédigé un mémoire de DEA sur la photographie amateur en France depuis 1965 ? C’est ce que l’on apprend en lisant l’interview qu’il a donnée dans le dernier numéro de Réponses Photo. Ses chroniques pour Europe 1 sur les origines de l’appareil photo numérique, du polaroid, du flash, d’Instagram ou de la perche à selfie auraient dû nous mettre la puce à l’oreille. Tout comme Henri Cartier-Bresson, qu’il citait en 2019 parmi ses remèdes à la mélancolie dans l’émission du même nom. Bon sang ne saurait mentir. David Castello-Lopes est en effet le fils de Gérard Castello-Lopes, figure de la photographie lusitanienne à laquelle la Fondation Calouste Gulbenkian avait consacré une rétrospective (la seule et unique à ce jour en France) en 2012, soit un an après sa disparition.

quand j.O. riment avec expos

PANORAMA DES EXPOSITIONS SUR LE THÈME DU SPORT À VOIR EN CE MOMENT (CLASSÉES PAR NUMÉROS DE DÉPARTEMENT)

 « Emporté par la foule – Le sport est culture » : au Théâtre de Privas (07), jusqu’au 14 novembre.
• « Gruissan Sport Photo » : au Bois de l’étang, Gruissan (11), jusqu’au 31 octobre.
 « Au-delà du terrain » : au Pavillon blanc Henri-Molina de Colomiers (31), jusqu’au 31 août.
 « Raymond Depardon – Les Jeux olympiques 1964-1980″ : au Frac Bretagne, à Rennes (35), jusqu’au 5 janvier 2025.
• « Vivre le sport » : au Musée de Bretagne, Rennes (35), jusqu’au 23 février 2025.
 « Festival 1000ème de secondes » : à Saint-Mathurin-sur-Loire (49), jusqu’au 15 septembre
 « Histoire de sports » : au Cellier de Reims (51), jusqu’au 25 août.
 « Olympictures » : à la Galerie Nadar de Tourcoing (59), jusqu’au 14 septembre.
 « La mine, c’est du sport ! » : au Centre historique minier de Lewarde (59), jusqu’au 4 mai 2025.
 « Instants sportifs » : à la Médiathèque et dans d’autres sites de Wormhout (59), jusqu’au 3 octobre.
« Empreintes 1924/2024, cent ans d’héritage olympique » : au Jardin des Tuileries, Paris 1er, jusqu’au 22 septembre.
 « 1, 2… 4 Podium ! » : au Musée de la Chasse et de la Nature, Paris 3e, jusqu’au 22 septembre.
• « André Steiner. Le corps entre désir et dépassement » : au Musée d’art et d’histoire du judaïsme, Paris 3e, jusqu’au 22 septembre.
 « Jacques Henri Lartigue – Divinement sport » : à la galerie Polka, Paris 3e, jusqu’au 13 juillet.
• « Championnes ! », une histoire du sport féminin dans l’entre-deux guerres » : à la galerie Roger-Viollet, Paris 6e, jusqu’au 14 septembre.
 « Édouard Salmon – Le sport vu du ciel » passages de Bercy Village, Paris 12e, jusqu’au 15 septembre.
 « Olympisme, une histoire du monde 1896-2024 » : au Palais de la porte dorée, Paris 12e, jusqu’au 8 septembre.
 « Il était une fois les stades » : à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Paris 16e, jusqu’au 16 septembre.
• « Raymond Depardon – Instants des Jeux » : dans quinze rues de Paris, jusqu’au 24 septembre.
 « De l’usine au stade » : à la Fabrique des Savoirs, à Elbeuf (76), jusqu’au 29 septembre.
 « Soldats sportifs » : au Musée de la Grande Guerre, à Meaux (77), jusqu’au 19 août.
 « L’esprit des Jeux gagne Vélizy » : à l’Espace Jean-Lucien Vazeille, de Vélizy-Villacoublay (78), jusqu’au 15 août.
 « Saint-Cloud, le sport à la Une (1880-1950) » : au Musée des Avelines, à Saint-Cloud (92), jusqu’au 22 septembre.
 « Sports en Seine. Histoires de champions d’hier et de demain » : au Domaine départemental de Sceaux et au parc départemental des Chanteraines (92), jusqu’au 20 décembre.
 « Les photographes entrent en Jeux » : à la Maison de la photographie Robert Doisneau de Gentilly (94), jusqu’au 18 août.

la petite Musique de fin

Parmi ses cinq livres photo préférés, Philippe Dufour cite Sui generis de Renaud Monfourny. Il y a effectivement une parenté entre son travail et celui du photographe historique des Inrockuptibles : un même goût pour le noir et blanc et la sobriété. Dans une interview accordée à Section26, il commente ainsi une de ses photos d’Helen Ferguson, compositrice et chanteuse de Queen of the Meadow : « Elle ne faisait pas du tout attention à moi. J’aime bien me faire oublier pendant les répétitions et je crois que les artistes apprécient : je les ai déjà entendu dire que j’étais discret et, visiblement, c’est plutôt un compliment. » Tout l’art du portrait…

Et si vous cherchez quelque chose d’un peu plus énervé, il y a le FMI.

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile
à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.