Dimanche 4 juin 2023, Barbès Rochechouart > Gambetta. Manifestation en hommage à Clément Méric, militant antifasciste tué par un néonazi en juin 2013 © Serge d’Ignazio

Quand dans 20 ou 30 ans, des historiens se pencheront sur les vagues de protestations survenues durant les mandats présidentiels d’Emmanuel Macron, ils trouveront dans la page Flickr de Serge d’Ignazio de quoi illustrer leur propos. Des Gilets jaunes à la marche en mémoire de Nahel en passant par les manifs contre la réforme des retraites, le photographe couvre quasiment tous les mouvements populaires se déroulant à Paris. Son credo ? Simplement montrer celles et ceux qui battent le pavé : «?Philippe Martinez ou Jean-Luc Mélenchon, je les laisse à d’autres?! J’aime photographier le petit grand-père ou le jeune au coin d’une rue. Leur regard, leur sourire, leur colère.?» Ceux-ci le lui rendent bien. Ainsi, quand l’appareil photo de Serge d’Ignazio s’est retrouvé hors d’usage suite à son aspersion par un canon à eau, certains manifestants se sont cotisés pour qu’il puisse le remplacer.
Pascal Bonnière, lui, opère à Lille où il travaille pour La Voix du Nord. Jeudi dernier, dans le quartier des Postes, ce photographe qui a couvert la guerre en Ukraine s’est retrouvé dans une situation où il a craint pour sa sécurité et pour celle des jeunes manifestants poussés vers l’autoroute par les forces de l’ordre. Ses images d’officiers du RAID braquant des gamins à terre disent à elles seules la disproportion des moyens mis en œuvre.
À Nanterre, Corentin Fohlen a pour sa part été attaqué par les émeutiers. Dans un post sur Facebook, il raconte cette nuit où il a fait « l’image de trop ». Résultat des comptes : un appareil volé, des contusions, mais une envie intacte de retourner sur le terrain.

SANS TRANSITION…
Aujourd’hui 6 juillet on célèbre la journée internationale du baiser, sujet éminemment photographique comme l’ont prouvé, à travers les époques, Eadweard Muybridge, Alfred Eisenstaedt, Robert Doisneau, Elliott Erwitt, Mary Ellen Mark, Régis Bossu, Joel-Peter Witkin, Nan Goldin, Gérard Julien, Maggie West, Christopher Barraja, Zanele Muholi, Ashkan Sahihi, ou encore Mous Lamrabat qui a raconté à Fisheye dans quelles circonstances il avait réalisé Love at first sight, une photo improvisée mais qui n’a pour autant rien de spontané… comme à peu près toutes celles précitées.

LES MONDES DE MAYA
Employé souvent à tort et à travers, le terme « immersion » est particulièrement approprié pour décrire le travail de Maya Rochat, artiste suisse dont les œuvres ultra-colorées (d’aucuns diront psychédéliques) appellent l’implication du public. Ici, la photographie est un point de départ à toutes sortes d’expérimentations, allant de la juxtaposition d’images à la projection de liquides. Pour vous faire une idée de ce que donnent ses installations, vous pouvez visionner cette vidéo réalisée il y a quelques mois au Grand Théâtre de Genève ou, mieux, vous rendre à la Maison européenne de la Photographie qui présente une rétrospective de la Lausannoise jusqu’au 1er octobre. Et Konbini offre deux pass aux plus perspicaces.

AUDUBON vs DALL-E
Tous les ans, on vous ressort le même jeu de mots : « Y a du bon dans Audubon ! » L’édition 2023 des Audubon Photography Awards mérite encore les éloges, ne serait-ce que pour avoir hissé en haut de son palmarès une photo de pigeons, espèce mal-aimée s’il en est. Suite à la révélation des résultats, les organisateurs du concours ont eu la drôle d’idée de demander aux photographes lauréats de « décrire en quelques phrases leurs images à quelqu’un qui ne pourrait pas les voir. » Cette description écrite a ensuite été confiée aux bons soins de DALL-E, un générateur d’images artificielles. La comparaison n’est pas à l’avantage de ce dernier, mais qu’en sera-t-il dans quelques années ? Allen Murabayashi, le fondateur du concours, se veut optimiste : « Je doute que l’IA mette un terme à notre volonté de documenter les moments de la vie quotidienne. Les photos capturent nos expériences ; l’IA générative capture notre imagination. »

DE LA TERRE À LA TERRE
Parfois les sujets de reportage vous tombent dessus sans prévenir. C’est à la mort de sa grand-mère maternelle que Lucas Dubuis a fait la rencontre de Dominique Theurillat, l’homme en charge d’accompagner son aïeule dans son dernier voyage. Un croque-mort, quoi. Mais un croque-mort pas banal puisque Dominique Theurillat mène en parallèle une activité d’éleveur. En le suivant, le photographe s’est rendu compte que ses deux vies étaient intimement imbriquées et que le paysan jurassien faisait preuve de la même douceur, du même pragmatisme pour accompagner le bétail ou les familles en deuil. Ainsi est née la série « De la terre à la terre ».

SCIENCES PARTICIPATIVES
À Lacanau, Capbreton et Saint-Jean-de-Luz, la côte néo-aquitaine a vu l’installation de trois postes d’observation équipés du dispositif CoastSnap. Cet outil participatif, mis au point en 2017 par des chercheurs australiens, invite tout un chacun à prendre en photo le littoral afin d’en documenter l’érosion. D’ici à 2050, en effet, le littoral sableux de la Gironde et des Landes pourrait perdre en moyenne 50 mètres, et les côtes rocheuses du Pays basque 27 mètres.

CULTURE PUB

• 1971 : « 3M, la nouvelle pellicule qui rend la photo facile. »
• 1972 : « Mais qui a chipé la bonus photo ? »
• 1973 : « Un beau cadeau si votre enfant a passé l’âge des jouets. »
• 1979 : « Sacha, Sacha, une photo !« 
• 1980 : « Tout va très bien, j’ai mon Châtelain ! »
• 1981 : « Son micro-ordinateur règle la vitesse, son micro-ordinateur règle le diaphragme, son micro-ordinateur règle les deux pour vous. »
• 1982 : belle époque où la photo se nichait partout, même dans les endroits les plus difficiles d’accès.
• 1982 : « Kis, une révolution française« 
• 1984 : « Quel rat ! »
• 1985-86 : quand Konica enrôlait Anémone et Serge Gainsbourg.
• 1987 : « Jamais l’instant n’a été aussi beau. »
• 1988 : « Toi aussi, c’est la première fois ? »
• 1991 : « Pour l’impressionner ta nana, c’est aut’ chose que le cinéma. »
• 1993 : « Aux voleurs !… de couleurs« 
• 1994 : « Et si les enfants dessinaient leur appareil photo ? »
• 1994 : rien n’échappait à Agfa… pas même Les Guignols de l’Info.
• 1997 : « Redécouvrez vos photos personnelles. »
• 2006 : quand le ministère des Petites et moyennes entreprises faisait la promotion du numérique
MUSIQUE
À intervalles réguliers, on voit fleurir sur la Toile des articles chantant les louanges de la Game Boy Camera, module photo lancé en 1998 et qui continuerait de stimuler la créativité des artistes. Un récent article sur le sujet nous apprend, entre autres choses, que Neil Young a eu recours à cet outil rudimentaire pour réaliser la pochette de Silver & Gold, album paru en 2000 et sur lequel on trouve ce « Distant camera ».
If life is a photograph fading in the mirror
All I want is a song of love
« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile en dix entrées et quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.