En mettant Alain Laboile en tête d’affiche de sa nouvelle édition (après Bénédicte Kurzen, Alain Keler ou Peter Turnley), l’équipe organisatrice de BarrObjectif a surpris son monde. Rassurons les fidèles du rendez-vous charentais, cette note de légèreté, soulignée par la presse locale, n’affecte pas l’ADN du festival. On retrouve au programme 2025 de nombreux reportages engagés : « Are you recording ? » de François Sylvestre de Sacy (sur l’oppression subie par la communauté LGBT chinoise), « Sakartvelo » de Marylise Vigneau (sur la résistance du peuple géorgien face à un pouvoir autoritariste), « Vous qui entrez ici » de Victor d’Allant (sur les maladies mentales en Inde), « Ici, la terre ne blesse plus » de Cassandre Nativel (sur les opérations de déminage en Angola) ou encore le travail de Gaël Turine sur les ravages de la tranq aux États-Unis. Le photoreporter belge était récemment l’invité des « Petits papiers », une émission de la RTBF. L’occasion pour lui d’affirmer sa fierté d’exercer le métier de journaliste (« important, plus que jamais ») et de raconter les circonstances dans lesquelles il a suivi les personnes tombées dans la tranq : « J’ai travaillé à Philadelphie, qui est vraiment le hub d’importation, de diffusion et de consommation de cette drogue chimique. (…) En pratique, j’essaye de rentrer en contact avec une personne. Si elle accepte que je l’accompagne un temps, je m’accroche à cet accord et je reste avec elle en essayant d’être à la fois hyper vigilant à tout ce qui m’entoure parce qu’on est dans un des quartiers les plus dangereux des États-Unis. » Le genre de reportage dont on ne ressort pas indemne : « Le soir, quand je rentrais dans ce tout petit appartement que j’avais loué dans le quartier pour vraiment m’assurer l’immersion la plus complète possible, je n’en menais pas large. Parce que quand on dépose l’appareil, on se prend la vague ». Le festival BarrObjectif se tient à Barro (Charente) du 13 au 21 septembre.

REGARDS CRITIQUES

Un mois avant la clôture des expositions, Corinne Rondeau et Sally Bonn ont dressé le bilan des Rencontres d’Arles pour les Midis de Culture. Disons-le tout de go, les deux critiques ont un avis mitigé sur la ligne empruntée par cette édition (le lapsus « imbéciles »/ »indociles » qui ouvre la séquence est révélateur), ce qui ne les empêche pas d’apprécier les accrochages réservés aux photos de Letizia Battaglia et d’Agnès Geoffrey. Il vous reste une vingtaine de jours pour vous faire un avis, et si le coeur vous en dit, vous pouvez même revivre les événements qui ont émaillé la semaine d’ouverture : conférences, Nuit de l’Année, soirées du Théâtre antique et rencontres avec les photographes. 

LE COIN FICTION

Si vous aimez les films nordiques, austères et contemplatifs, on vous conseille Godland, long-métrage d’Hlynur Pálmason qui raconte le voyage d’un jeune pasteur danois en Islande à la fin du XIXe siècle. Voyage porté par la double mission d’y construire une église et de photographier la population locale. Le texte de présentation qui ouvre le film (autour d’un coffret en bois découvert en Islande, contenant sept négatifs sur plaque de verre pris par un pasteur danois) laisse à penser qu’il s’inspire d’une histoire vraie. Ce n’est pas le cas : le cinéaste a fait de son missionnaire un photographe pour ajouter une dimension supplémentaire à l’histoire, comme il l’indiquait au Sydney Morning Herald en 2023. Le travail de reconstitution n’en est pas moins pertinent et dit la foi qu’avaient les pionniers de la photographie dans la capacité du collodion humide à révéler les âmes. 

pose ludique

En mai dernier, on vous parlait de TimeGuessr, un jeu invitant à deviner le lieu et l’année d’une photographie. Ouest France en propose une version plus localisée (et plus cheap) sur son site : chaque jour, une nouvelle image à situer dans un département du Grand Ouest et dans un créneau temporel. Avec, à la clé, un article relatif à l’événement photographié.

EN BREF ET EN VRAC

Entré en photographie en 1975 avec une mémorable série sur les Teddy Boys, Chris Steele Perkins a ensuite parcouru le monde, notamment sous la bannière Magnum dont il fut président à la fin des années 1990. L’agence a annoncé sa mort, survenue le 8 septembre dernier. Il avait 78 ans.
Artiste conceptuel, Kwon Han Kyul a créé une œuvre sonore à partir des fragments d’ambiance enregistrés par son iPhone en mode Live Photo. Tiendrez-vous jusqu’au bout ?
Marcher comme un seul homme : illustration.
Pour rendre hommage à ses arrière-grands-parents disparus à Hiroshima, Will Matsuda a réalisé une série de photogrammes à partir des objets ayant survécu au bombardement.
Étienne Dumont tente de comprendre pourquoi Simon Baker quitte la MEP.
Visa pour l’Image 2025 : quand Louis Aliot, maire RN de Perpignan, fait sa contre-programmation… 
Dans Trucks and Tuks, son dernier livre, Christopher Herwig s’intéresse aux véhicules bariolés à trois et quatre roues qui sillonnent les routes du Pakistan et du Sri Lanka. 
Flashback se souvient de la collaboration fructueuse entre deux maîtres de la photographie et de la mode : Irving Penn et Issey Miyake.
Jolie archive que cette vidéo dégottée par Beaux-Arts Magazine, où affleurent l’espièglerie et le goût du jeu d’Agnès Varda et Brassaï.
La défense de la biodiversité passe (aussi) par l’image, et c’est pourquoi Vincent Verzat (de la chaîne YT « Partager c’est sympa ») appelle les photographes et vidéastes animaliers à venir exercer leurs talents sur les terrains de lutte.
Un an après leur installation sur le littoral manchois, les dispositifs de sciences participatives CoastSnap ont été adoptés par les photographes de passage.
180000 personnes sont allées voir l’exposition « Robert Doisneau – Instant donnés » au musée Maillol. Forte de ce succès, l’exposition est prolongée jusqu’au 19 octobre, avant de rejoindre Liège.
Carrie Brownstein se souvient du portrait de Chan Marshall (Cat Power) réalisé par Richard Avedon pour le New Yorker.

verbatim

On savait que les talibans allaient finir par revenir, mais on s’était presque habitués à cette menace, et d’un coup, ils étaient là et on n’était pas préparés. […] Les talibans qu’on essayait de photographier depuis dix ans, mais sans succès parce qu’ils se cachaient, étaient là. On était ahuris, abasourdis.

Sandra CALLIGARO

Si un journaliste entrave leurs opérations, les pompiers peuvent décider de l’expulser. J’essaie donc d’être invisible, respectueux. Malheureusement, depuis quelque temps on voit aussi apparaître des pseudo-journalistes, souvent des influenceurs ou des YouTubers, qui se mettent en danger et ternissent la réputation des professionnels.
Josh EDELSON

Je me dis que je suis là pour mon travail. Ce que je vois me touche énormément, mais j’essaie de me concentrer. C’est surtout le retour, qui est difficile. Il faut du temps pour se réadapter et digérer ce qu’on a vécu. Les psychologues sont importants dans ces cas-là, même si ça reste encore tabou dans la profession.
Paloma LAUDET

Ce que j’ai voulu montrer, c’est que des villages complètement dévastés, rasés, ce ne sont pas des exceptions, c’est 30% du pays. Montrer ça et montrer aussi la résilience et le courage des Ukrainiens qui n’ont pas le choix que d’essayer de survivre dans ces conditions terribles.
Gaëlle GIRBES

Le progrès des mentalités s’est arrêté avec l’administration Trump, qui veut revenir en arrière. En disant qu’il veut rendre sa grandeur à l’Amérique, Trump fait mine de vouloir revenir à la situation des années 1950. Je pense que son ambition est de gommer ces progrès. Le fait que l’administration ait banni des documents et discours officiels une liste de 500 mots, dont « femmes », « diversité », « queer » ou « transgenre », est une première étape.
Eugene RICHARDS

La rotation des hélices [de l’hélicoptère de Richard Nixon] était si forte que le tapis rouge s’est envolé et enroulé autour des trois gardes. Cette photo saugrenue, où l’on voit aussi la main de Nixon à travers le hublot, a fait le tour de la presse.
Jean-Pierre LAFFONT

la petite musique de fin

Artiste expérimental basé en Grande-Bretagne, Edd Carr avait fait parler de lui en 2021 pour un vidéo-clip réalisé à partir de 5000 cyanotypes (un record). « Seulement » 2100 ont été utilisés pour sa nouvelle réalisation, mais vu le pedigree du groupe avec lequel il a collaboré cette fois-ci, il y a des chances que le clip circule davantage.
Si vous voulez en savoir plus sur Edd Carr et sur ce projet en particulier, lisez l’article que lui a consacré DPreview.

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile
à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.