Ophrys aranifera (araignée) et le buisson pouilleux

Démarré par Caloux, Mai 09, 2020, 12:20:48

« précédent - suivant »

Caloux

Pour illustrer les différences de taille, une vue en 2013 au Buisson Pouilleux représentative de l'espèce sur ce lieu. Noter le sol très pauvre.

2015/01
Amitiés. Pascal

Caloux

Et la même espèce sur une jachère à qq centaines de mètres

2015/02
Amitiés. Pascal

Caloux

Voici quelques fleurs originales (pour l'espèce) mais les éléments clés d'identification sont toujours présents si bien que si on connaît la région de prise de vue, on n'a pas de difficultés à rattacher le spécimen à O sphegodes (ou aranifera)

2021/05
Amitiés. Pascal

Caloux

On voit que le dessin sur le labelle est extrêmement variable.

2021/06
Amitiés. Pascal

Caloux

Parfois, sépales et pétales restent plus ou moins soudés et emprisonnent le labelle

2021/07
Amitiés. Pascal

Caloux

Amitiés. Pascal

Caloux

Et une dernière pour ce jour avec celles qui ont perdu leur pigmentation.  Trois pieds sur la centaine que j'ai pu observer.

2021/09
Amitiés. Pascal

Caloux

Souvent, les fleurs d'un même pied sont assez proches morphologiquement...

2021/10
Amitiés. Pascal

Caloux

et quelques fois, assez proches physiquement...

2021/11
Amitiés. Pascal

Caloux

Toujours en explorant les éléments de variation, noter les dessins maculaires d'un bleu métallique brillant pour les 2 vues précédentes et pour ce spécimen, un teinte marron

2021/12

NB : ce spécimen est aussi affublé d'une excroissance originale sur la gauche. 
Amitiés. Pascal

Caloux

Le dessin maculaire est parfois assez complexe comme dans la vue 2021/05 et celle-ci

2021/13
Amitiés. Pascal

Roland Ripoll

De belles prises de vues ! On a tout loisir d'admirer les détails. As tu une idée du pourquoi et du comment de ces variations ?
Etre simple pour être vrai

Caloux

Merci Roland !

Si on observe ces variations, c'est tout d'abord parce que les orchidées ont une structure complexe avec ce pétale transformé en labelle hyper visible. D'autres fleurs ont des variations mais moins visible.

Le labelle, c'est aussi le leurre à insectes : à la fois une piste d'atterrissage et un pseudo partenaire sexuel pour certains mâles. Mais les noms dont on a affublé les Ophrys (abeille, mouche, frelon, guêpe) n'ont qu'une vague ressemblance avec des insectes et c'est avant tout les phéromones qui attirent les insectes. Les Ophrys n'offrent pas de pollen ou de nectar en récompense à leurs pollinisateurs mais disposent d'un leurre physique et olfactif.

Pourquoi tant de variations y compris au sein d'une même espèce ? Ce n'est pas tranché,  mais c'est une évolution en marche de toute évidence, les orchidées ont un patrimoine génétique semble t-il assez débridé pour les caractères physiques.
Pour le groupe Ophrys sphegodes (qui comprend les O Passionis que tu as photographié par ailleurs), les pollinisateurs principaux sont des andrènes (de petites abeilles qui vivent dans le sol). Les Ophrys qui se reproduisent sont ceux qui de par leur forme et leur odeurs sont les plus capables d'attirer d'abord des andrènes mais aussi des pollinisateurs occasionnels (accidentels). Visiblement, cette grande variabilité physique ne semble pas avoir d'impact sur leur faculté à se reproduire, ce qui prouve aussi par là que l'aspect physique n'est donc pas le seul critère choisi par les andrènes pour venir se poser sur les fleurs puisqu'ils semblent assez tolérants.
Toutes les variations d'Ophrys sphegodes (y compris celles élevées au rang d'espèces ou de sous espèces : O passionis, O araneola, O provincialis, O incubacea, etc...) ne sont donc que des variations que nous observons à notre échelle de temps mais il a du exister quantités de variations dans les quelques probables millions d'années (on ne sait pas dater précisément) depuis qu'un Ophrys a commencé à  apparaître puis à prendre de multiples apparences. Et il existera sans doute de nouvelles variations par recombinaison du patrimoine génétique tant que des échanges seront possibles entre les différentes populations d'orchidées. N'oublions pas que les graines d'orchidées sont minuscules (quasi microscopiques) et essaiment donc facilement à des dizaines voire des centaines de kilomètres de leur lieu de naissance quand le vent est de la partie.
Pour les O sphegodes, une étude a montré que la plante a une durée de vie courte (de l'ordre de 3 années) et qu'elle est assez constante en floraison pendant ces 3 années (d'autres espèces sont plus impactées par les conditions météorologiques et connaissent des variations de population plus importantes). Tous les ans, une nouvelle fructification apporte donc une nouvelle combinaison génétique. De plus l'espèce est prolifique, les Ophrys et particulièrement O sphegodes produisent un nombre de graines parmi les plus élevées au sein des orchidées européennes. (de 5 000 à 20 000 graines dont une très infime partie produira un nouveau plant au final)
Je compare souvent les orchidées à des chats (qui sont probablement les plus jeunes félins dans l'évolution des Felidés). Un lion est un lion mais dans une portée de chats de gouttière, on a un noir, un tigré, un blanc, un roux très fréquemment. Et je ne parle pas des races (qu'on isole artificiellement) mais qui sont aussi de possibles variations. Mais toute ces variations restent inter-fertiles comme les orchidées que je présente sur ce fil.

Même espèce mais au physique très variable. Une galerie de pâquerettes, on en a vite fait le tour...
Amitiés. Pascal

Roland Ripoll

Merci pour cette réponse très bien argumentée ! C'est un plaisir de te lire.
Etre simple pour être vrai

urka

Bravo et merci Caloux d'avoir repris ce fil! On continue de s'instruire.
Si dans la dernière édition (2005) des Orchidées de Marcel Bournérias et Daniel Prat on parlait de 500 hybrides, on en est à + de 1000 pour la prochaine. Il est certain que les hybridations vont se multiplier et que ce sera un vrai casse-tête pour mettre un nom sur chacun, si ce ne l'est déjà.
Tes photos illustrent bien tes propos et c'est un vrai régal!
André. 

Caloux

Bonjour André,

en effet, pour les hybrides, nul ne saurait dire combien il y en a précisément, les orchidées s'hybrident si facilement (et celles vendues en jardinerie le sont presque toutes mais par action humaine pour celles-ci).
Comme les "facies" sont déjà si variés au sein d'une même espèce, les combinaisons résultantes rendent les identifications quelques peu compliquées mais avec des analyses génétiques, on peut théoriquement dire qui sont les parents respectifs. Mais d'abord, la génétique doit nous apprendre combien d'espèces existent réellement.
A priori, les Ophrys ne s'hybrident pas avec d'autres genres, c'est déjà bien assez compliqué comme çà  ;)

2021/14
Amitiés. Pascal