Ophrys aranifera (araignée) et le buisson pouilleux

Démarré par Caloux, Mai 09, 2020, 12:20:48

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Caloux

Bonjour à tous,
les déplacements restants limités cette année, je me suis lancé dans un exercice qui je l'espère ne vous lassera pas trop.
Mon sujet préféré reste les orchidées et leur diversité. Souvent diversité rime avec grands espaces mais je vais tenter d'illustrer que même avec un espace restreint, un peu de patience et le sens de l'observation, la diversité est bien visible chez les orchidées. On peut tenter la même expérience avec les pâquerettes ou les pissenlits mais je ne suis pas certain que ça fonctionne aussi bien  ;) (mais avis aux amateurs, après tout, pourquoi pas ?)

On est dans l'Essonne et l'endroit s'appelle le Buisson pouilleux (pas très engageant mais bon...), une petite friche à côté d'un tout petit bois et au milieu une mini mare qui héberge une petite population de grenouilles. Côté Ouest, un ancien champ de luzerne peu productif qui reste en partie en jachère. Une bande de terrain que j'ai coloré en orange est la partie prospectée. Deux espèces d'orchidées y poussent seulement sur cette bande d'une centaine de mètres de long sur 2 à 4 de large : l'Ophrys aranifera ou sphegodes et l'Orchis anthrophora.
Amitiés. Pascal

Caloux

Sur deux jours (pour conserver un éclairage matinal), j'ai inventorié une centaine de pieds d'Ophrys aranifera, pratiquement tous sont morphologiquement différents. Voici une illustration de ce qu'on peut trouver sur un espace restreint et qui permet de ne pas se lasser (enfin moi non, vous me direz en ce qui vous concerne...  ;))
N° 1   Forme et coloration unique non rencontrée sur un autre pied
Amitiés. Pascal

Caloux

N° 2  La forme du labelle, presque un cœur, se rencontre assez fréquemment ainsi que cette coloration assez délavée, mais la combinaison des deux en a aussi fait un exemplaire unique.
Amitiés. Pascal

Caloux

Les spécimens sont présentées dans l'ordre de prise de vue.

N° 3 La forme plutôt ovale est caractéristique de l'espèce ainsi que le miroir. La coloration reste un peu pâle mais on le voit aussi sur les vues précédentes n'a rien d'exceptionnel.
Amitiés. Pascal

Xavier Corteel

Magnifique introduction qui donne envie de voir la suite.
Curieux de Nature

Jean-Jacques Groult

Quelle observation et belles photos ! J'attends la suite !
Amicalement. JJ

Caloux

Merci à vous !

en attendant la suite (pour respecter le quota de vues), et sans vouloir être trop didactique, voici un schéma d'un Ophrys aranifera et des éléments morphologiques qui caractérisent l'espèce.

Les pétales sont souvent sinueux et à bords un peu plus sombres (beige à brun). Ils peuvent être verts, légèrement beiges ou rosés. Difficile de se fier totalement à leur longueur mais en principe, la fleur est plus longue que large (en mesurant du haut du Sépale dorsal jusqu'à l'appendice et de l'extrémité d'un sépale latéral à l'autre)

Le labelle est visuellement allongé et plutôt ovale mais peut être rond quand les bords ne sont pas rabattus et lui donner cette forme ovale. Lorsque rond, un bord jaune peut être visible.

Les gibbosités sont velues.

Le champ basal est en principe plus clair que le labelle (mais c'est loin d'être une vérité, beaucoup de spécimens ont un labelle concolore voire plus clair par manque de pigmentation.

Le macule est grisâtre ou tirant sur un bleu métal, plus ou moins visible (plus, si le labelle est foncé) et représente une forme de H ou un X plus ou moins bien formé.

Les pseudo-yeux ou ocelles sont assez visibles car cerclés d'une autre couleur.

L'appendice est généralement absent ou non visible.
Amitiés. Pascal

jmr87

Très intéressant... la découverte d'abord, les images ensuite.

Bandiat


Roland Ripoll

Un fil didactique et bellement illustré ! Merci !
Etre simple pour être vrai

urka

Une idée très originale et intéressante pour présenter une station d'Orchidées.
Et l'image No 2 illustre bien ton propos!
André.

phissou

Fil très intéressant avec de belles images et des explications claires. On sent la passion.
Philippe

Hic

Cyril -

Mig74

Super Caloux. Je ne suis pas calé en orchidophilie comme tu sembles l'être, mais j'adore suivre les variations qu'il est possible de trouver sur des populations d'orchidées. J'ai le cas d'une concentration de lusus sur une station d'apifera qui est juste incroyable, et que je n'ai jamais rencontré ailleurs. Du coup chaque année je tente d'immortaliser ces différentes formes.

Je vais suivre ton fil avec beaucoup d'attention, non seulement pour le côté orchidophilie, mais aussi parce-que tes images sont superbes ;-)

Caloux

Mes connaissances restent modestes et comme tout un chacun évolutives. L'intérêt provoque la curiosité et la recherche c'est tout.  :)

Merci à toi ainsi qu'à Hic, Phissou, André, Roland, Bandiat, JMR, Xavier et Jean-Jacques pour vos encouragements à poursuivre.

Je reposte une carte qui situe l'enjeu des prairies à orchidées. En l'espace de 2 ans, j'ai vu disparaître pas très loin de ce lieu 2 superbes stations abritant l'une des Orchis poupres et l'autre des Ophrys abeille. Il s'agissait de jachères donc le risque d'une reprise agricole ne pouvait être écarté et s'est finalement avéré. Les points à retenir de ceci est qu'il ne faut pas hésiter à communiquer avec le réseau associatif ou le conseil régional pour signaler des zones d'intérêt en vue d'une éventuelle protection et l'autre point est qu'un champ cultivé peut de nouveau héberger des orchidées après quelques années de jachère.

Dans le cas du Buisson pouilleux, une partie seulement est classée ZNIEFF et suivie par l'association Natur'Essonne, l'autre partie est au bon vouloir de l'exploitant agricole qui possède les terres. J'ai pu lui communiquer un plan proche de celui-ci afin de la sensibiliser au patrimoine floristique de ces terrains. Les talus ou la prairie Znieff sont en fauche tardive ce qui permet aux orchidées d'effectuer un cycle de reproduction optimal : la fauche évite l'embroussaillement et permet aux orchidées d'émerger et d'être visibles pour les insectes et effectuée en Juillet ou en automne, permet aux graines de se disséminer une fois mures.
Amitiés. Pascal

Caloux

Retour aux Ophrys aranifera

N° 4
Amitiés. Pascal

Caloux

N° 5

Les vues n° 3, 4 et 5 ont un air de famille, les variations de forme (et la couleur) du labelle sont légères mais cette teinte claire n'est pas représentative de l'espèce normalement plus foncée.
Amitiés. Pascal

Caloux

N° 6

Ici, on a la forme ronde et une coloration qui se rapproche plus des standards : champ basal plus clair que le labelle. On a une petite vue de l'appendice et le miroir apparaît nettement. Un spécimen presque parfait pour l'identification et que vous pourrez voir sur les guides ... sauf qu'il était quasiment unique parmi la centaine de pieds que j'ai recensé.
Amitiés. Pascal

Caloux

Petits détails techniques sur les PDV :
- La végétation étant particulièrement rase, même de faible hauteur, les Ophrys ressortent bien. Et comme je l'ai parfois indiqué sur d'autres fils, utiliser un viseur coudé permet d'avoir la meilleure vue possible sans se vautrer par terre et trop abimer la végétation autour du pied photographié.
- Toutes les vues sont en mode portrait, à la fois parce que c'était l'exercice que je m'étais imposé et parce que cette végétation pauvre et rase ne permet pas d'intégrer d'autres éléments de végétations dans le champ cadré. D'autres photographes plus créatifs auraient sans doute réussi cependant  :)
- Les variations d'éclairage sont dues à l'orientation des fleurs, il faut faire avec. La moitié de la zone est à l'ombre du bois les premières heures de la matinée et l'autre assez vite en plein soleil ce qui n'a visiblement pas d'effet sur la densité de l'espèce qui s'accoutume bien de ces variations d'éclairage.
- A noter pour les férus de technique que le GPS intégré à l'appareil est assez peu fiable quant à l'altitude car il indique des variations de +/- 8 mètres alors que le sol est rigoureusement plat.  ???
Amitiés. Pascal

Caloux

N° 7   Une version hypochrome que je rencontre plus ou moins régulièrement pour cette espèce. Sur cette station : 1 seul exemplaire.
Amitiés. Pascal

Clic-Clac 51

Salut Pascal
Étant friand de tes fils...instructifs et joliment  illustrés, c'est avec grand plaisir que je vais suivre ce dernier
Bravo et merci de partager ta passion pour ces Orchidées
Amicalement Denis ;)

urka

La No 4 est superbe dans cette nouvelle série!
Mais ce qui est très intéressant c'est la façon dont tu apportes des précisions concernant les différences de faciès des Orchidées. Et elles paraissent innombrables, sans parler des hybrides venant s'ajouter à la multiplicité de ces faciès.
Peux-tu nous dire si sur ce terrain (plat) les fleurs sont réparties régulièrement sur toute la surface ou privilégient-elles plutôt les bordures?
Je dis cela car sur les 2 terrains situés près de chez moi (à 300m l'un de l'autre) et en pente, on peut remarquer que les Orchidées sont beaucoup plus fréquentes dans le bas tu terrain et pratiquement inexistantes en haut. Ce qui peut paraître normal, le drainage naturel accomplissant son travail.
André.

Mig74

Toujours aussi intéressant et superbe ce Fil, que je vais suivre avec beaucoup d'attention. Il me donne de plus l'idée de passer un peu de temps sur ma station d'O. apifera pour aller chercher les différentes formes plus ou moins atypiques qui y sont présentes.

Merci beaucoup pour ce partage de ta passion.

Caloux

Chaque espèce d'orchidée a en principe un biotope de prédilection (nature du sol, hygrométrie) et doit bénéficier d'un éclairage optimal. La symbiose avec son champignon détermine aussi sa capacité à coloniser un espace : pas de champignon, pas d'orchidée !

Dans ce cas précis, les Orchis anthropophora sont tous dans la petite pente (terrain drainé) qui borde le chemin et les Oprhys aranifera dans une étroite bande d'1 à 3 mètres après cette petite pente (terrain plat). La zone couverte fait donc environ 200/300 mètres carrés avec une répartition assez homogène du Nord au Sud.
Plus on se rapproche de la zone à luzerne, moins l'espèce est présente. C'est lié sans doute à l'utilisation d'engrais ou de pesticides et au passage des tracteurs très probablement. Enfin si on veut encore être plus précis, on trouve les Ophrys à l'Ouest du chemin mais pas à l'Est étrangement. Ici la végétation est trop fournie et à cause des arbres, pas d'ensoleillement avant 11 heures environ, ce doit être un facteur.

Chez moi, j'ai quelques Ophrys abeille (qui se plaisent assez bien dans des pelouses plus ou moins sauvages). Mon lotissement a pris la place d'une ancienne friche et les Ophrys sont réapparus de ci, de la, selon que les propriétaires entretiennent une pelouse plus ou moins verte. J'ai généralement 1 ou 2 Ophrys qui fleurissent tous les 2/3 ans environ. Ils ne sont généralement pas très beaux et pas très hauts ce qui traduit un terrain plutôt inadapté. Mais le plus intéressant est qu'ils poussent le long d'une ligne et pas ailleurs. Cette année sur environ 3 mètres de long, il y a une quinzaine de rosettes et 3 à 4 tiges qui devraient fleurir.
Amitiés. Pascal

Caloux

Reprise des portraits (rassurez-vous  ;), il n'y en aura pas 100 comme le nombre de pieds que j'ai dénombré, beaucoup de fleurs n'étant pas très "fraiches").

N° 8     forme typique bien qu'un peu claire mais qui ne pose pas de problème en terme d'identification.
Amitiés. Pascal