Les « plus beaux yeux du monde » (dixit Orson Welles) se sont fermés le 15 juillet dernier. Mannequin dans une première vie, Marie-Laure de Decker est passée de l’autre côté de l’objectif en 1967. Alors âgée d’une vingtaine d’années, elle tire le portrait de Topor, Prévert, Man Ray ou Marcel Duchamp avant de partir sur les théâtres de guerre, au Vietnam d’abord. Sous la bannière de Gamma, elle couvre ensuite l’actualité française (les conseils des ministres, les allées du pouvoir) et internationale (le couronnement du roi du Népal en 1975, l’affaire Claustre au Tchad, les bouleversements survenus en Afrique du Sud entre 1985 et 1994) avec un leitmotiv : « Jamais de femmes nues, jamais de gens souffrants, jamais de sang ». Parallèlement, elle collabore avec le magazine Studio, pour lequel elle photographie les tournages de Sous le soleil de Satan de Pialat, Adieu, plancher des vaches ! d’Otar Iosseliani ou Indochine de Régis Wargnier. Une vie pleine et complexe donc, qu’éclaire cet entretien en cinq parties donné en 2021 à l’émission « À voix nue ». En complément, on vous conseille cet article relatant le conflit qui opposa Marie-Laure de Decker à Gamma ou, mieux, cet hommage de Michel Puech, ponctué de propos recueillis auprès de ceux qui l’ont côtoyée.
 

AUTRES DISPARITIONS
L’été a aussi vu le décès, à l’âge de 86 ans, de Laurence Deonna, photojournaliste genevoise qui s’est affranchie du milieu bourgeois où elle avait grandi pour partir documenter les conflits au Moyen-Orient et les injustices qu’y subissent les femmes : « J’ai dû en franchir des barrières, des murs, des frontières, des pays, des préjugés et les aspects plus ou moins avoués du machisme ». Avis à nos lectrices et lecteurs suisses, le documentaire Laurence Deonna libre ! est visible sur le site de la RTS jusqu’au 2 septembre.
Dans un autre registre, on notera aussi les décès du photographe de rue Simpson Kalisher, de Jim Lee, référence de l’industrie de la mode, de la galeriste Angela Flowers et du photographe de l’extrême Rémi « Enigma » Lucidi.

LES FOOTBALLEUSES PRENNENT LA POSE
La FIFA a soigné la communication de la Coupe du monde de foot féminine, en faisant notamment appel à Getty Images pour la campagne d’affichage. Peu avant que la compétition débute, l’agence a déployé 24 de ses photographes en Nouvelle-Zélande et en Australie (où se déroule le tournoi) afin de faire le portrait des 736 joueuses (ici, Sam Kerr) – avec le souci notable d’éviter les « mug shots » et en utilisant un fond coloré différent pour chaque nation. Responsable du département Sports de Getty Images et par ailleurs photographe, Maddie Meyer a rappelé à Fansided l’efficacité et la souplesse qu’exige une telle commande.
Et pour un florilège des meilleures images de la Coupe du monde (en attendant la finale), rendez-vous ici.

ZOOM SUR UN TUTU
Centrée sur Marseille, la deuxième saison des « Histoires de quartier d’Oxmo Puccino » se devait de donner la parole à Yohanne Lamoulère, photographe aux origines gardoises (audoises en fait, mais c’est pour la légende) qui vit et travaille dans le quartier de l’Estaque depuis une quinzaine d’années. La discussion tourne autour d’une photo précise, le portrait d’un jeune à scooter portant un tutu. Comme l’indique Oxmo Puccino en début de podcast, on vous conseille d’écouter le récit de la photographe avant de prendre connaissance de l’image en question.

LE SAVIEZ-VOUS ?
Le portrait de Sinéad O’Connor qui illustre son album le plus connu (I do not want what I haven’t got, 1990) est en fait un photogramme issu du clip de Nothing compares 2 U, lequel fut dirigé par Dominique Le Rigoleur. Interrogée par Section26, la Française est revenue sur cette drôle d’expérience et sur l’influence qu’a eue indirectement Dominique Issermann sur ce travail. Le tout est complété par quelques photos de Seamas McSwiney réalisés sur le tournage d’un autre clip de la chanteuse irlandaise.

EN VRAC…

• Déçue par les possibilités de surimpression des Nikon Z (comparativement aux reflex de la marque), Sandra Bartocha a lancé une pétition pour que le problème soit résolu.
• Avis aux photographes de presse : l’Assemblée nationale et LCP lancent un Prix de la photographie politique (date limite de réception des candidatures : 15 septembre 2023).
• Les étés passent, les mauvaises pratiques perdurent chez les musiciens.
• El Hadji Samba Diédhiou rêvait de jouer pour l’équipe de foot du Sénégal, c’est en tant que photographe qu’il a finalement porté les couleurs de son pays lors des Jeux de la Francophonie.
• L’été est propice aux expos photo en extérieur, reste ensuite à trouver le support le mieux adapté au lieu
• Après les buvettes des stades, Guillaume Blot s’est intéressé à un autre bastion de l’esprit populaire : le rade, « cet ancêtre de Twitter », comme il l’a expliqué au micro de France Inter.
« Avec 1300 balles, il aurait pu partir en voyage, s’acheter une sono pour les soirées chez lui ou même un chat de race, genre un Maine coon… Mais il a préféré cet appareil vintage pourri. »
 

MUSIQUE
Selon certaines sources concordantes, le hip hop célèbre ce mois-ci ses 50 ans. Le Guardian en profite pour rendre hommage aux grandes figures du mouvement à travers un diaporama. ABC, pour sa part, consacre un sujet à Chi Modu, célèbre portraitiste disparu en 2021 à 54 ans seulement. Dazed & Confused se replonge dans ses archives et Sheena Lester, ex-rédactrice en chef de XXL, se souvient de la grande photo de famille qu’elle avait commandée en septembre 1998 à Gordon Parks : « Il savait ce qu’il représentait pour la communauté noire, et pour les arts et la culture en général. Alors, une fois qu’il a été convaincu que nous ne faisions rien de gadget, il a dit « oui ». Et une fois que nous étions là, il a été applaudi. [Les rappeurs] sont venus vers lui en tant que fans. » La photo, hommage direct à A great day in Harlem d’Art Kane, est visible sur le site de la Fondation Gordon Parks.
Nul doute que Gucci Mane et Enchanting auraient aimé figurer sur ce cliché emblématique, mais en septembre 1998 le premier en était encore à tester son flow et la deuxième n’était même pas née. En tout cas, ils se tiennent prêts pour la prochaine séance, comme le suggère le duo qu’ils ont enregistré fin 2022.

 

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile en dix entrées et quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.