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Dans la bande-annonce de The Bikeriders, sorti la semaine dernière en salles, on peut lire que le film est inspiré de faits réels. Plus exactement, il prend sa source dans un livre photo publié en 1968 et signé par Danny Lyon. Le photojournaliste, alors âgé d’une vingtaine d’années, y documentait le quotidien d’une bande de motards de Chicago, l’Outlaws Motorcycle Club, qu’il avait suivie deux années durant, jusqu’à en devenir membre. Dans la longue carrière de Lyon, ce reportage fait figure de récréation (chronologiquement, il s’intercale entre plusieurs sujets sur le mouvement des droits civiques et un travail au long cours sur les prisons du Texas). L’octogénaire n’a donc pas boudé son plaisir lorsque que Jeff Nichols, le réalisateur du film, l’a invité sur le tournage. Pour l’occasion, il a même enfourché une moto vintage ressemblant trait pour trait à la Triumph 650cc qu’il avait dans sa jeunesse : « J’ai tourné la clé, et je n’ai eu qu’une envie : partir faire un tour dans le quartier comme quand j’avais 25 ans. » 25 ans, c’est plus ou moins l’âge qu’avait Jeff Nichols lorsqu’il a découvert le livre photo The Bikeriders. L’ouvrage traînait dans l’appartement de son frère aîné, Ben, chanteur-guitariste au sein de Lucero, groupe de rock sudiste dans la discographie duquel on trouve ce titre pétaradant. Chez les Nichols, chacun paie son dû à sa façon.

POÉSIE DOCUMENTAIRE

Sans se répéter, Céline Clanet mène depuis une vingtaine d’années un travail mi-documentaire mi-expérimental sur les lieux reculés et leurs habitants, qu’il soient humains, animaux ou végétaux. Pour « Máze », elle a ainsi vécu plusieurs mois chez les Samis ; « Ground noise » l’a vue passer la microfaune des sous-bois au microscope électronique à balayage et pour « Les îlots farouches » elle s’est immergée dans des forêts métropolitaines laissées en « libre évolution ». Et ce ne sont que trois sujets parmi bien d’autres (à 47 ans, elle a déjà huit livres à son actif). Interrogée par le podcast Vision(s), elle a retracé son parcours et livré quelques clés de compréhension de son travail. Où l’on découvre une artiste lucide et passionnée : « Je photographie pour agrandir mon monde ».

LA PHOTO SOUS L’ANGLE ÉCO

Créée en 2020 et portée par les éditions de la Sorbonne, Photographica est une revue semestrielle bilingue (français/anglais) consacrée à l’histoire de la photographie, et aux cultures visuelles et matérielles qui lui sont liées. Chaque numéro, librement consultable et téléchargeable, est conçu autour d’un dossier thématique qui s’appuie sur les travaux de chercheuses et chercheurs. Lancé début juin, le n°8 de Photographica aborde la pratique photo sous l’angle, inattendu, de l’économie. Au sommaire, on trouve, entre autres, un article sur les dommages causés à l’environnement par la production de pâte à papier destinée à Eastman Kodak, un autre sur la construction de l’idée de valeur en photographie (à travers l’exemple du portrait de Sir John Herschel par Julia Margaret Cameron), ou encore un entretien avec Antoine Romand, historien de la photographie qui a travaillé pour le compte de plusieurs maisons de ventes ces dernières années en France. Bref, de quoi bronzer intelligent cet été ! 

LE SENS DU PORTRAIT

Né en 1954 de parents originaires des Indes orientales néerlandaises, Jan Banning a étudié l’histoire économique et sociale à Nimègue avant d’embrasser, au début des années 80, la carrière de photographe. Depuis, sa formation initiale nourrit le choix de ses sujets et oriente ses protocoles de prise de vue. Dans « Bureaucratics », par exemple, il s’attache à montrer les ressemblances et les dissonances dans l’administration publique en se focalisant sur les fonctionnaires de neuf pays assis derrière leur bureau. Pour « Comfort women », Banning est allé à la rencontre de femmes indonésiennes forcées de se prostituer pour l’armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Le photographe n’a pas peur de s’attaquer aux sujets tabous, comme le confirme sa dernière série de portraits en date, pour laquelle il a fait poser ensemble bourreaux et victimes du génocide des Tutsis. S’il suscite le malaise, le geste n’a rien de provocateur, il s’inscrit dans un processus de rapprochement opéré depuis une dizaine d’années par le programme Community Based Sociotherapy. Pour voir Jan Banning à l’œuvre, on vous conseille ce documentaire de 2015 (en bas de page), où on le suit sur le terrain, puis lors des phases d’éditing et de tirage. Dans une scène dont il dénonce lui-même l’absurdité, on le voit vérifier à distance que ses photos sont bien détruites à l’issue d’une exposition en Argentine (pour éviter qu’elles se retrouvent sur le marché).  

EN BREF ET EN VRAC...

Ce samedi 29 juin, le cinéma KLUB de Metz accueille une nouvelle édition de Musicophotographie (entrée gratuite, inscriptions ici).
Dixit Geoffrey Dorne, l’un de ses créateurs, le projet collaboratif 24×36.art doit son nom aux deux dates du Front populaire mais aussi à l’emblématique format photographique.
Le premier Prix Photographie & Philosophie a été remis à Éric Nehr pour sa série « Il corpo nella lotta ».
Durant sa carrière, Anouk Aimée a croisé nombre de cinéastes et presque autant de photographes illustres. Adélie de Ipanema se souvient…
Un appel à résidence dans le bassin creillois (Oise) est lancé par l’association Diaphane pour la prochaine édition d’Usimages. Vous avez jusqu’au 15 juillet pour déposer votre candidature.
Lointain dérivé de l’Oulipo, l’Ouexpo est un podcast dans lequel Mathilde Castel raconte des expositions imaginaires, comme celle-ci.
Si vous avez une heure devant vous, revivez ici la cérémonie de remise des Earth Photo Awards. Si vous n’avez qu’une minute, découvrez ici les photos primées.
 La chatière c’est pas pour les chiens ! Hector l’a appris à ses dépens, mais sa maîtresse a su tirer profit de la situation.
Les organisateurs des 1839 Awards ont déclassé une photo élue par le public, parce qu’elle avait été réalisée sans recours à une IA. Étonnant, non ?
De l’exposition « Sports en Seine ! » à la présentation par Luce Lebart du nouvel accrochage du Musée Albert Kahn, la photo est à l’honneur dans le nouveau Guide Vallée-Culture des Hauts-de-Seine.
À Lusse, au cœur de la forêt vosgienne, une école porte désormais le nom de Vincent Munier.
9Lives a fait se rencontrer (virtuellement) Marina Lefort et Aliocha Boi pour un entretien croisé autour de leurs podcasts respectifs : « Les Voix de la Photo » et « Vision(s) ».
La beauté n’est qu’illusion. Vous ne le croyez pas ? Les diptyques de Gracie Hagen devraient vous convaincre du contraire.
BeauxArts a listé les 10 festivals photo à ne pas manquer cet été. On valide, mais si vous en voulez plus, procurez-vous le dernier numéro de C.I. : 275 rendez-vous photo y sont recensés, dont une cinquantaine de festivals.

la petite Musique de fin

Les tribunes signées par les artistes en ces temps délétères ont-elles une influence sur le vote des gens ? Bien malin qui peut le dire. En tout cas, c’est en parcourant l’une d’elles qu’on a découvert l’existence de Photøgraph, groupe franco-britannique d’electro-pop (tendance Metronomy). On n’a pas réussi à sourcer l’origine du nom ni à percer le mystère du o barré, mais cela n’empêche pas d’apprécier ce « Sonic Polaroids », titre de leurs débuts à la légèreté toute balnéaire.

Et si vous cherchez quelque chose d’un peu plus énervé, il y a le FMI.

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à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.