CC#351

Selon les sources, 8 à 15% des personnes dans le monde seraient gauchères. Un chiffre pas suffisamment élevé pour inciter les fabricants d’appareils photo à concevoir des boîtiers adaptés à cette frange de la population (même si Yashica, en 1987, a fait un effort dans ce sens avec ses Samurai déclinés en deux versions). Pourtant, ce pourcentage gonfle si on y ajoute les personnes qui, pour une raison ou une autre, ont perdu l’usage de leur main droite. Atteinte de paralysie, Sylvia Cacciatore avait adressé en 2015 à Canon une pétition pour que la marque commercialise des appareils utilisables avec sa seule main gauche. Sans succès. Sur un ton plus blagueur que revendicatif, la chaîne YouTube Kamera Express a présenté il y a un an un Alpha 7 V pour gauchers, logiquement baptisé « Alpha 7L V » − les imprimantes 3D font décidément des miracles. La réponse (la vraie) viendra-t-elle d’un étudiant en design ? Pour son projet de fin d’études, Rowan Baxter a en effet présenté un appareil photo modulaire dont la poignée peut se fixer à gauche ou à droite du bloc capteur-optique. Simple et malin ! En attendant l’hypothétique commercialisation du MC-1, les gauchers et gauchères peuvent toujours faire l’acquisition d’une poignée accessoire, par exemple chez Tilta

140 ANS, 140 LIVRES

Cette année, Chasseur d’Images fête ses 48 ans… une broutille comparé à notre cousin britannique Amateur Photographer qui célèbre en 2024 son 140e anniversaire. Pour la circonstance, ses journalistes ont comparé les mérites de trois appareils dont le coût ne dépasse pas 140 £ (soit environ 170 €). Évidemment, cette contrainte les a poussés à aller voir du côté du marché de l’occasion. Les Nikon D300, Canon EOS 350D et Minolta X500 ont-ils satisfait leurs attentes ? Réponse dans cette vidéo.

DU STROMBOLI À LA BRETAGNE

Adepte du procédé argentique mais soucieuse de son impact sur l’environnement, Chiara Indelicato a très tôt limité son utilisation des chimies pour se tourner vers des produits plus naturels, à savoir le café et l’eau de mer. L’Italienne a mis au point sa technique sur l’île de Stromboli, mais l’a exportée à Lorient lors d’une résidence effectuée en 2023 à l’invitation de la galerie Le Lieu. Cette épisode de « Mirette » permet de mieux apprécier la démarche de Chiara Indelicato : « Même dans les endroits les moins extrêmes, les plus anthropisés, les éléments nous rattrapent. » Fruit de sa résidence, l’exposition « Les clapotis invisibles » est visible à Lorient jusqu’au 6 octobre. Une projection-débat en lien avec l’accrochage est proposée ce samedi 5 octobre à 15h30.

QUESTIONS D’ÉTHIQUE

La RTS a envoyé une de ses équipes dans la taïga finlandaise pour filmer l’envers du décor des bungalows loués à vil prix pour y photographier des ours appâtés. Le reportage à charge que l’on pouvait craindre se nuance ensuite en montrant d’autres pratiques, notamment dans le Jura suisse où Neil Villard affûte de façon classique. Plus noble en apparence, cette approche induit une intrusion sur le territoire des animaux sauvages qui pose aussi question, surtout quand on est suivi par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux. Comme le dit le biologiste Raphaël Arlettaz en conclusion : « C’est une question d’éthique. On peut se contenter d’observer discrètement, on n’est pas obligé de chercher à tout prix le cliché trophée. »

Verbatim

Aujourd’hui, tant le photojournalisme que la photographie documentaire sont confrontés à de graves défis, car plus de 1,8 milliard d’images sont créées chaque jour – en majorité par des personnes qui, il y a quelques années, auraient été considérées comme le public. Nous assistons à un changement de paradigme où la nouvelle révolution de l’alphabétisation est visuelle. La ligne entre la réalité et la fiction est de plus en plus floue, et la distinction entre le créateur et le public est plus difficile à définir.

Cristina de Middel

La photographie présente cet avantage de dresser des procès-verbaux irrécusables et des documents que l’on peut sans cesse consulter, même lorsque les restaurations masquent des traces laissées par la ruine. La photographie a conduit naturellement les architectes à être plus scrupuleux encore dans leur respect pour les moindres débris d’une disposition ancienne, à se rendre mieux compte de la structure, et leur fournit un moyen permanent de justifier de leurs opérations.

Eugène Viollet-le-Duc

EN BREF ET EN VRAC

• Le Prix du public du Beaker Street Science Photography a été remis à Toby Schrapel pour une photo de grenouille posée sur un champignon bioluminescent (si l’alliance des spores et de la lumière vous intéresse, ruez-vous sur le dernier numéro de Nat’Images).
• Il y a deux ans, on avait évoqué (cf. CC#254) le vol mystérieux d’un tirage original de Yousuf Karsh dans un hôtel d’Ottawa. Eh bien, il vient d’être retrouvé à… Gênes.
• Si les papillons remportent tous les suffrages, Sam Jaffe nous montre que les chenilles ne sont pas moins fascinantes.
Les résidents du Sydmar Lodge Care Home sont peut-être durs de la feuille, mais ils connaissent leurs classiques.
LCP et l’Assemblée nationale viennent de lancer la 2e édition du Prix de la photographie politique. Le Grand Prix sera remis à celui qui arrivera quatrième au nombre de votes.cool
Fisheye réinvente le courrier des lecteurs.
• Le quatrième livre du Collectif DR, en cours de financement, traitera la question du sport.
• À quoi voit-on qu’un concours grandit ? Au fait qu’une marque accole son nom à son intitulé. Les Comedy Wildlife Photography Awards sont devenus les Nikon Comedy Wildlife Photography Awards, mais pour ce qui est du contenu rien ne change. La preuve avec cette première sélection de la cuvée 2024.
• « Dans cette série, l’artiste opère un dialogue avec son imprimante. » Bien vu Ellis Rosen.
• Stephen Shore a écourté une conférence à Pékin, reprochant à son audience de ne pas être attentive à ses propos… pour se rendre compte après coup que la plupart des personnes présentes l’écoutaient et prenaient des notes sur leur smartphone.
À quelques semaines des élections américaines, Valérian Mazateaux s’est rendu en Caroline du Nord pour y réaliser un reportage sur un sujet qui polarise le débat : le droit à l’avortement.
• Juste pour le plaisir des yeux : la photogénique Audrey Hepburn par les photo-génies de Magnum.

la petite Musique de fin

De Chris Stein à Ringo Starr, on en connaît des musiciens célèbres qui, pour tuer le temps lors des tournées, se sont passionnés pour la photo. La tentation est d’autant plus grande quand on n’appartient pas à un groupe. Dans un entretien donné récemment aux Inrocks, le producteur d’électro Yuksek en convenait : “Je tourne beaucoup seul depuis des années, dans quasiment tous les pays du monde, avec beaucoup de temps morts, et la photo me permet d’apprivoiser les lieux, de plonger dans les villes en évacuant l’angoisse que l’on peut avoir en arrivant dans un pays inconnu. » Familier des clubs de Beyrouth, il y a entamé ces dernières années un projet au long cours qui se concrétise aujourd’hui par une exposition à Aix-en-Provence et l’édition d’un livre dont le titre, Beirut ma bet mout, fait écho au morceau qu’il signait en 2020, au lendemain de l’explosion du port de Beyrouth. 

« Clique Clac », c’est chaque jeudi le résumé d’une semaine sur la Toile
à travers quelques liens sélectionnés par la rédaction de Chasseur d’Images.