INCROYABLE : une oeuvre jugée "non-originale" tomberait dans le domaine public !

Démarré par Le Troisième Oeil, Juillet 03, 2013, 23:02:36

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Canito

Certes, mais comment qualifie-t-on une oeuvre, si l'on exclue les critères que la loi elle-même exclue expressément ? Le problème ne vient pas de l'interprétation de la loi telle qu'elle est faite par les juges (et encore moins de je ne sais trop quelle doctrine) mais de la loi elle-même, du moins en ce qui concerne la photographie. Que l'on puisse reproduire une scène ou un objet alors même qu'elle ou il a déjà été photographié me paraît logique. En revanche, le fait de pouvoir reproduire et exploiter une photographie réalisée par un tiers, au prétexte qu'elle n'est pas "originale", me paraît aberrant, quelle que soit cette image, son mérite, son originalité, etc. Mais c'est la loi qu'il faut changer.

JMS

C'est bien la loi qu'il faudrait réécrire, en distinguant le vol d'oeuvre (originale ou non) et le plagiait ou la contrefaçon (je photographie une scène comme çà, je comprends parfaitement que je n'ai pas le droit d'empêcher le photographe qui était juste à côté de moi et qui a déclenché une rafale en même temps, et d'ailleurs je l'ai bien entendu) de publier aussi la sienne.

Canito

Exactement. C'est ce que tu exprimes parfaitement en première page.

J'étais ton voisin lors de ce salon. J'ai déclenché deux secondes après toi. J'ai parfaitement le droit d'exploiter l'image ainsi saisie. En revanche, je ne peux pas copier celle que tu as prise et l'exploiter. C'est ainsi que la loi devrait être modifiée.

jipT

Citation de: Canito le Juillet 25, 2013, 07:03:47
Exactement. C'est ce que tu exprimes parfaitement en première page.

J'étais ton voisin lors de ce salon. J'ai déclenché deux secondes après toi. J'ai parfaitement le droit d'exploiter l'image ainsi saisie. En revanche, je ne peux pas copier celle que tu as prise et l'exploiter. C'est ainsi que la loi devrait être modifiée.

tout à fait mon avis.

jip

ThyP

Citation de: muadib le Juillet 24, 2013, 23:02:12
(Le code de la propriété intellectuel)  http://www.celog.fr/cpi/lv1_tt1.htm

Ce n'est pas parce qu'elle est destinée au marché de l'art, que son originalité irait de soi. (Enfin, au moins en théorie.)
Ou alors ce serait considérer que c'est le prix d'une oeuvre qui est la garantie de son originalité.

Ce n'est pas non plus la notoriété de l'auteur qui est la garantie de l'originalité de l'oeuvre. (Enfin, au moins en théorie.)
Ou alors la loi ne protègerait pas les œuvres, mais les auteurs (reconnus).

La loi ne dit pas (que) cela,

Elle ne dit pas non plus (ou elle dit également celà):
Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas destinée au marché de l'art que la protection de la loi n'est pas permise.
Ce n'est pas parce que je suis totalement inconnu que mes creations ne peuvent prétendre à etre protégées par cette loi.

Donc rien n'empeche un tribunal d'en tenir compte (comme ce serait le cas sur les deux exemple cités plus haut) , par contre l'absence de notorité ne peut pas empecher de prétendre à une originalité... même si ce sera plus compliqué à faire valoir comme dans les jurisprudence que nous voyons (dont aucune ne concerne un auteur ou une oeuvre reconnue... cqfd)

ThyP

Citation de: JMS le Juillet 25, 2013, 06:46:17
C'est bien la loi qu'il faudrait réécrire, en distinguant le vol d'oeuvre (originale ou non) et le plagiait ou la contrefaçon (je photographie une scène comme çà, je comprends parfaitement que je n'ai pas le droit d'empêcher le photographe qui était juste à côté de moi et qui a déclenché une rafale en même temps, et d'ailleurs je l'ai bien entendu) de publier aussi la sienne.

La loi protege les oeuvres de l'esprit. A toi de faire valoir la création de ton esprit sur cette photo au dela de l'acte de déclenchement d'un appareil. C'est ainsi qu'est établie la loi.

Et c'est à celui qui se prévaut d'un droit (de protection en l'occurence) d'en établir la preuve.

JMS

C'est facile d'en apporter la preuve: si je cadre dans la pastille et sans diagonales c'est que je suis un esprit anti conformiste et rebelle qui ne veut pas écouter les conseils des classiques, et si c'est au Lomo c'est parce que mon esprit est artistique !  ;D ;D ;D

Allez, puisque tu sembles me prendre pour une truffe en droit, publies donc une photo de tes oeuvres d'esprit sur ce fil avec l'argumentation nécessaire pour la protéger, ensuite je cherche la jurisprudence pour casser tes arguments  ;)

ThyP


Canito

Thierry, je pense que tout le monde a d'ores et déjà compris ce que tu rappelles plus haut. La question qui se pose alors est de savoir s'il est véritablement "normal" qu'une photographie, quel qu'en soit le mérite, puisse être utilisée et exploitée par un tiers au seul prétexte qu'aux yeux des juges du fond elle ne soit pas "originale". C'est sur ce point que tu peux exprimer un point de vue ; dois-je comprendre que tu trouves cela normal ?

ThyP

Citation de: Canito le Juillet 25, 2013, 13:40:59
Thierry, je pense que tout le monde a d'ores et déjà compris ce que tu rappelles plus haut. La question qui se pose alors est de savoir s'il est véritablement "normal" qu'une photographie, quel qu'en soit le mérite, puisse être utilisée et exploitée par un tiers au seul prétexte qu'aux yeux des juges du fond elle ne soit pas "originale". C'est sur ce point que tu peux exprimer un point de vue ; dois-je comprendre que tu trouves cela normal ?

Visiblement non.
Ce qu'il faut bien distinguer c'est la différence entre une photographie et une oeuvre de l'esprit.

Mais je suis tout à fait choqué par certaines jurisprudence, il n'y a pas de malentendu sur ce point.

Neanmoins il faut bien placer le curseur quelque part. Dans l'exemple ci dessus de la voiture sur le stand où deux photographes prennent une photo simultannement et cote à cote.. qu'est ce qui empecherait l'un d'attaquer l'autre pour plagiat si chacun peut pretendre à la protection de sa photo ?
Ca ne me semble pas realiste de pretendre protéger toute photo, mais le curseur actuel n'est surement pas assez objectif.
Citation de: JMS le Juillet 25, 2013, 12:59:21
C'est facile d'en apporter la preuve: si je cadre dans la pastille et sans diagonales c'est que je suis un esprit anti conformiste et rebelle qui ne veut pas écouter les conseils des classiques, et si c'est au Lomo c'est parce que mon esprit est artistique !  ;D ;D ;D
Et je suis certain que ce genre d'approche défendue avec conviction pourrait parfaitement etre recevable en l'état actuel des choses.
De tous les jugements que j'ai lu, la defense de l'auteur était toujours déplorable.. face à une partie adversaire visiblement plus percutante.

Canito

Mais si, JMS, qui n'est pas perdreau de l'année, a très bien compris, et même exprimé l'état du droit en la matière, et ce dès le début de ce fil. Par ailleurs, nul ne conteste, toujours en l'état actuel du droit, qu'il faille placer le curseur quelque part.

En revanche, je pense que tu te méprends sur la nature de la réforme que d'aucuns appellent ici de leurs vœux.

Pour reprendre l'exemple de la voiture photographiée par JMS, il ne s'agit pas de réformer la loi de manière telle qu'il puisse empêcher son voisin, qui aura pris la même photographie quelques secondes plus tard, d'utiliser et d'exploiter sa propre photo, mais seulement celle prise par JMS. En d'autres termes, il s'agirait d'interdire l'utilisation de la photographie elle-même, quel qu'en soit le support.

Si tu photographies de façon basique, sans originalité, un canasson au bord d'un champ de course, je ne vois pas à quel titre (pas d'un point de vue juridique, hein) je pourrais chaparder la photo sur ton site et la mettre sur le mien.

ThyP

Je suis bien d'accord avec toi et cet "ideal".

mais s'oppose alors le probleme de la preuve de la paternité.

Détenir un négatif , ou un raw est une presomption souvent suffisante... mais un jpeg pris avec un smartphone ? comment démontrer qu'untel en est l'auteur et par l'autre qui s'en prévaut ? C'est bien là que l'on tente d'utiliser une forme "d'identité intellectuelle" que seul l'auteur serait capable de justifier... C'est perfectible certes mais l'extreme opposée, aussi bonne soit elle dans l'intention, me parait malheureusement innaplicable.

Et je me repete, dans tous les rendus que j'ai lu, la défense de l'auteur m'a toujours semblé tres limitée

Canito

La qualité de la défense ne me paraît pas en cause dès lors qu'il ressort clairement de la motivation des décisions que la paternité d'une œuvre, même lorsqu'elle est incontestable, ne suffit pas à la protéger, dès lors que celle-ci n'est pas originale.

JMS

Ce qu'il faut bien distinguer c'est la différence entre une photographie et une oeuvre de l'esprit.

Si tu lisais l'article L 112-2 tu verrais que les photographies font partie des oeuvres de l'esprit...le problème c'est que la loi n'exclut de la protection que les titres non originaux des oeuvres de l'esprit, mais jamais ce critère n'est évoqué dans la loi elle-même pour la définition de l'oeuvre de l'esprit. Ce sont donc des considérations extérieures à la loi elle même qui permettent d'en refuser l'application à un auteur qui aurait fait une photo non originale. Et je milite pour que la loi abroge cette jurisprudence en accordant une protection à une oeuvre dès le moment où elle est divulguée.  

Quant au fait que l'originalité puisse être invoquée en cas d'attaque pour plagiat ou contrefaçon, je n'ai jamais mis cela en cause, mais la loi devrait l'expliciter...même si cela donnerait lieu à de belles plaidoiries, mais au moins le cas patent du photographe qui n'a droit à rien parce qu'il photographie une scène de reportage (avec un cadrage conventionnel, une lumière du jour ordinaire, un zoom standard) et que la presse du monde entier vole sa photo parce qu'il a eu le tort d'en être fier et la poster sur le forum serait sans doute plus facile à régler.     

JMS

http://www.upp-auteurs.fr/DATA/documents/Lettre%20ouverte%20-%20François%20Hollande.pdf

Cette lettre fait sans doute aussi partie du débat, même si elle a été citée plus haut je donne le lien.

Enfin un jugement très intéressant au pénal, dont il faut voir s'il fera jurisprudence...en observant juste qu'il ne s'agit pas de contrefaçon au sens de plagiat, mais bel et bien de vol de photo sur le web. Le juge pénal n'a fait aucun cas de l'originalité dont le juge civil fait désormais l'alpha et l'omega de sa doctrine, mais uniquement de la propriété de l'oeuvre. Attendons de voir si appel et cassation, mais si on me piquait des photos je porterais ce litige devant ce tribunal pour l'encourager à persévérer dans cette voie !
http://blog.droit-et-photographie.com/une-contrefacon-de-photo-devant-la-juridiction-penale/

muadib

Citation de: JMS le Juillet 24, 2013, 13:01:17
Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination

Canito, c'est pourtant d'une simplicité enfantine. Ci-dessus est le premier article de la loi. Aucun article n'évoque l'originalité, au contraire il semble que le genre peu original, la forme d'expression non originale, le mérite nul pour être original ou la destination banale sont protgées quand même. Or la jurisprudence de plus en plus constante dit le contraire.

La loi n'a pas besoin de dire que l'oeuvre de l'esprit doit être originale, parce que s'il n'y a pas originalité, ce n'est pas une oeuvre de l'esprit.
D'ailleurs lorsqu'il y a un doute sur l'idée même d'oeuvre, la loi fait référence au caractère d'originalité:
"Art. L. 112-4. Le titre d'une oeuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'oeuvre elle-même.
  Nul ne peut, même si l'oeuvre n'est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une oeuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion."

La référence au genre, à la forme d'expression, au mérite ou à la destination, s'inscrit dans une idéologie à la fois romantique et révolutionnaire.
La musique d'Opéra n'est pas plus noble que la variété, dès lors qu'elles sont toutes deux des œuvres de l'esprit. La peinture à l'huile, ce n'est pas plus beau que la peinture à l'eau ou que ... la photographie. Ce n'est pas parce qu'une photo aura supposé 10 ans de boulot qu'elle devra être protégée différemment d'une photo prise à l'instinct en une fraction de seconde dès lors qu'elles sont toutes deux des œuvres de l'esprit. Ce n'est pas parce qu'une photo aura été commandée pour devenir le portrait officiel du Président de la République qu'elle devra être protégée différemment d'une photo une autre qui aura été commandée pour décorer les restaurants du coeur 

JMS

Mualib, normalement la photo pour le restaurant du coeur ne présentant aucun caractère d'originalité (cadrage frontal, éclairage terne) elle ne devrait pas être protégée, alors qu'oser photographier le président de la République au Rolleiflex grand angle pour lui faire des bras de gorille est créatif.

JMS

Pour Mualib et les autres défenseurs du statu quo actuel, une petite "justice fiction"...

1)

« Attendu que M. Perdreau De Lannée, auteur photographe indépendant, a publié sur son site internet « Le_perdreau_photos.com » une image prise dans la rue à Paris représentant deux personnes qui s'embrassent sur les lèvres avec en fond de l'image la rue de Rivoli et l'Hotel de Ville de la capitale, attendu que simultanément à la publication  il a indiqué être l'auteur de cette image  légendée « French kiss hotel de ville » ;
Attendu qu'il a constaté que cette image a été publiée sans son autorisation ni versement de droits d'auteur par les journaux Paris Catch, Gali, Voilà, Jours d'Europe, Week end dimanche, Stern France (...)
Attendu qu'il allègue que cette photo est une œuvre de l'esprit au sens de l'article L 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'il invoque à l'appui de ses dires que le cadrage, l'éclairage, l'angle de prise de vues, reflètent sa personnalité profonde, de même que le flou et le vignetage d'arrière plan ont un aspect artistique original ;
Attendu que les défendeurs contestent cette revendication au motif que le cadrage présente les personnages de façon centrée, que l'éclairage est celui de la lumière du jour, que l'angle de prise de vue est manifestement celui d'un objectif de focale standard compte tenu des effets de perspective obtenu, que le flou et le vignetage loin d'être un signe distinctif d'une création d'une œuvre de l'esprit sont tout simplement le résultat de l'utilisation d'un appareil russe très répandu dont les sites qui le vendent publient des centaines d'exemples de cadrages et d'effet similaires, qu'en conclusion ne présentant aucun caractère d'originalité cette image ne peut être protégée ;
Attendu que ces arguments sont recevables compte tenu de la jurisprudence constante.
Déboute M. Perdreau De Lannée de ses demandes, la photographie en cause ne pouvant être considérée comme protégée au titre du droit d'auteur.
»

JMS

Justice fiction 2

« Attendu que M. Perdreau De Lannée, auteur photographe indépendant, a publié sur son site internet « Le_perdreau_photos.com » une image prise dans la rue à Paris représentant deux personnes qui s'embrassent sur les lèvres avec en fond de l'image la rue de Rivoli et l'Hotel de Ville de la capitale, attendu que simultanément à la publication  il a indiqué être l'auteur de cette image  légendée « French kiss hotel de ville » ;
Attendu qu'il a constaté que cette image a été publiée par les journaux Paris Catch, Gali, Voilà, Jours d'Europe, Week end dimanche, Stern France (...)
Attendu que Monsieur Sirupeux, ministre de l'économie et des finances de la république royale de Montecalzon, et Madame Kilazulma, péripatéticienne rue Blondel, ont assigné les publications ci-dessus et Monsieur Perdreau De Lannée pour violation de la vie privée ; que Monsieur Sirupeux indique que suite à cette publication il a perdu son emploi et que sa vie de famille a été bouleversée par une demande de divorce ; que Madame Kilazulma fait état d'une baisse de sa clientèle du fait de la présomption que cette liaison aurait fait augmenter ses tarifs :
Attendu que les organes de presse assignés expliquent que cette photo qui n'est pas protégeable par le droit d'auteur en application du jugement du (...) était dés lors librement à la disposition de tous sur le site « Le_perdreau_photos.com » et que c'est à la personne qui en a fait la première publication de s'assurer que les personnages photographiés en gros plan lui avaient délivré une autorisation pour cette publication, qu'il était donc présumé que s'il publiait l'image il s'était assuré préalablement qu'elle ne portait pas atteinte à la vie privée ;
Attendu que Monsieur Perdreau De Lannée n'apporte aucune preuve de l'accord des personnalités figurant sur son image, qu'il est de jurisprudence constante que les personnages publics (dits « peoples ») ont droit inconditionnel à la protection de leur vie privée serait-ce sur le domaine public (jurisprudence Valérie à la plage), que M. Sirupeux appartient sans conteste à cette catégorie de la population et que Madame Kilazulma a acquis cette qualité du fait même de la publication de la photo ;
...
Monsieur Perdreau De Lannée versera au titre des dommages et intérêts 40.000 € à part égale à Monsieur Sirupeux et Madame Kilazulma pour chaque parution de cette image dans un organe de presse.
»

JMS

Ce n'est pas dans notre pays que de tels jugements pourraient être pris, n'est ce pas ?  ;D ;D ;D

Justice fiction, ais-je indiqué !  ;)

muadib

Citation de: JMS le Juillet 25, 2013, 20:16:18
Mualib, normalement la photo pour le restaurant du coeur ne présentant aucun caractère d'originalité (cadrage frontal, éclairage terne) elle ne devrait pas être protégée, alors qu'oser photographier le président de la République au Rolleiflex grand angle pour lui faire des bras de gorille est créatif.

Un cadrage frontale n'est pas plus ou moins originale qu'une contre-plongée. Le seul fait d'énoncer cette proposition montre son absurdité. Et dire d'un éclairage qu'il est terne, c'est l'expression d'un jugement esthétique qui t'est propre, qui renvoi à l'idée de mérite, et qui est contraire à l'esprit et à la lettre du droit d'auteur. 
Tu mélanges dans cette phrase des jugements esthétiques (les bras de gorille, l'éclairage terne), des considérations techniques (cadrage frontal, Rolleiflex, grand angle), et un commentaire qui tient à la destination de l'oeuvre (la photo officielle du Président de la République), toutes choses qui n'ont rien à voir avec le fait qu'une photo puisse être ou non protégée par le droit d'auteur.

Le problème d'un certain nombre de jugements récents, c'est que les juges ont oublié le droit d'auteur et se sont mis à raisonner comme s'ils étaient membre d'un photo-club.

L'idéologie du droit d'auteur oppose le technicien, celui dont l'ouvrage pourra être parfait, l'exécution impeccable, le mérite incontestable et dont le travail n'est pas protégé par le droit d'auteur, au créateur dont la technique peut-être mal maîtrisée aux yeux des spécialistes.
Analyser une oeuvre comme la seule addition de différentes techniques et juger de la qualité de leur exécution et/ou de leur pertinence esthétique pour porter un jugement sur l'oeuvre, c'est tout l'intérêt des fils du "Forum des images". Mais ça n'a rien à voir avec le droit d'auteur.
La Joconde peut-être analysée, définie, comme une somme de techniques maîtrisées à l'époque de sa création. Ce qui la distingue des autres productions de son époque, c'est précisément ce qui est au-delà de ces techniques. En utilisant tous ces procédés, Léonard a créé une oeuvre qui reflète sa personnalité, qui n'appartient qu'à lui, bien qu'il ait utilisé les mêmes techniques qu'un grand nombre de ces contemporains.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la photographie, mode de reproduction mécanique, a eu beaucoup de mal a être reconnue comme on mode d'expression artistique. Radicalement différente des arts qui l'ont précédée parce qu'elle prend son origine dans un mode de reproduction mécanique, elle va devoir passer une bonne partie des 150 ans qui vont suivre son invention à s'interroger et à être interrogée sur sa légitimité en tant qu'art. "La photographie, cette invention du hasard, qui ne sera jamais un art mais un plagiat de la nature par l'optique. " Lamartine (1858)
On contestait à la photographie la possibilité d'être le reflet de la personnalité de son auteur par ce qu'elle passait par un dispositif mécanique.

Et en ce qui concerne l'esthétique, le droit d'auteur s'inscrit dans l'histoire de l'art et en particulier la constatation qu'un grand nombre d'œuvres décriées du vivant de leur auteur par le jugement esthétique de ses contemporains, ont été après sa mort, ou plusieurs années après la première publication de l'oeuvre, reconnues comme des œuvres majeures. Là encore l'idée de "l'empreinte de la personnalité", c'était une façon de ne pas avoir à passer par un concours de beauté pour qu'une image, un texte, une musique  soient protégées.

Les photos de Coluche, ou de Hollande, sont originales. Pas parce que elles ont été cadrées de face ou de travers, que la lumière est frontale ou que leurs auteurs ont réalisé de jolis contre-jours, mais parce ce qu'elles nous proposent des visions de ces deux personnages qui appartiennent à leurs auteurs.

muadib

Citation de: JMS le Juillet 25, 2013, 20:17:27
Pour Mualib et les autres défenseurs du statu quo actuel, une petite "justice fiction"...

Je ne défends pas le statut quo actuel dont je reconnais qu'en laissant la seule appréciation du caractère d'originalité au bon vouloir du juge, on créée une grande insécurité juridique.

Mais je n'ai pas de solution à proposer. Et je pense que celle qui consiste à dire: "On garde le droit d'auteur. La photo reste une oeuvre de l'esprit, mais on supprime pour la photographie la condition du caractère d'originalité", n'a pas de sens. Ce serait comme si les industriels demandaient que l'on puisse breveter toutes les inventions nouvelles, même si elles ne sont pas nouvelles.

Zouave15


muadib

Citation de: Zouave15 le Juillet 26, 2013, 12:08:52
muadib, tu connais la dissonance cognitive?

Merci, je ne connaissais pas l'expression. Je maîtrise nettement mieux le vocabulaire de la socio que celui de la psycho.  ::)
Mais je connais bien le phénomène, je l'avais même étudié il y a fort longtemps.

Tu penses à qui là en parlant de dissonance cognitive?  :D


Canito

Citation de: muadib le Juillet 26, 2013, 09:57:47
Et je pense que celle qui consiste à dire: "On garde le droit d'auteur. La photo reste une oeuvre de l'esprit, mais on supprime pour la photographie la condition du caractère d'originalité", n'a pas de sens. Ce serait comme si les industriels demandaient que l'on puisse breveter toutes les inventions nouvelles, même si elles ne sont pas nouvelles.

Je ne crois pas que ce soit la solution suggérée plus haut. La solution proposée plus haut consiste uniquement à rendre illégale l'utilisation et l'exploitation d'une photographie réalisée par un tiers. Pas une photographie identique, réalisée dans les mêmes conditions, etc. Non, la photographie elle-même, que son support soit matériel ou immatériel.