INCROYABLE : une oeuvre jugée "non-originale" tomberait dans le domaine public !

Démarré par Le Troisième Oeil, Juillet 03, 2013, 23:02:36

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Vinch

Citation de: Verso92 le Juillet 06, 2013, 10:21:55
Moi aussi il m'arrive d'écrire des choses d'une banalité affligeante. Par exemple :

"Longtemps, je me suis couché de bonne heure."
C'est la première phrase d'un roman plus ou moins autobiographique que je compte bien terminer avant d'être à la retraite (mais je butte pour l'instant sur la deuxième phrase...).
Tu cours après le temps perdu ?  :D
Une autre phrase d'une banalité affligeante, d'un étranger : "Aujourd'hui, Maman est morte".

pourquoipas

Flickr makalux

Verso92

Citation de: Vinch le Juillet 06, 2013, 17:18:46
Tu cours après le temps perdu ?  :D
Une autre phrase d'une banalité affligeante, d'un étranger : "Aujourd'hui, Maman est morte".

Ou peut-être hier, je ne sais pas.
Le doute s'installe, Albert...

Vinch

1/ Tu pars du principe qu'elle a des droits. Or, le droit de l'auteur sur ce qu'il publie n'existe qu'à condition que son œuvre soit originale. Le juge a réfuté cette originalité. Donc, elle n'a pas de droit. N'ayant pas de droit, elle n'en a pas été volée.
BIEN ENTENDU, ELLE S'EST POURVUE EN APPEL (aujourd'hui, juridiquement, elle a donc le droit de prétendre avoir été volée). ET C'EST PARCE QUE LE JUGE,DANS SES ATTENDUS, S'EST MONTRÉ D'UNE INCOHÉRENCE CRASSE, QU'ELLE A DE BONNES CHANCES DE GAGNER.

Avoir le droit d'agir et être titulaire du droit substantiel au fond sont deux choses différentes.

2/ Tu contestes le jugement puisque tu estimes qu'on lui a volé ses droits : l'as-tu lu ?
OUI, il est en ligne, à partir du lien que j'ai posté.

As-tu lu le bouquin que tu défends ? Non, pas plus que moi, d'ailleurs. Mais au lieu de donner des leçons en te drapant dans une position de principe, pense aux conséquences d'une telle position sur la création littéraire, artistique, intellectuelle : si toute forme d'expression (donc non originale) est susceptible d'appropriation, alors "il fait beau", "bonjour, ça va ?", "Madame Michu a perdu son chat" sont autant d'expressions qui seront privatisées (au sens d'approprié) et que personne d'autre ne pourra utiliser sans heurter le droit de celui qui les a écrites et/ou déposées en premier. Le droit d'auteur, en exigeant cette condition d'originalité, nous sauve de l'immobilisme créatif qui résulterait de cette privatisation.
ICI, TU CONFONDS, D'UNE PART LE DROIT D'AUTEUR (QUI CONCERNE UNE ŒUVRE, EN EFFET "ORIGINALE") ET LES ÉLÉMENTS D'UNE ŒUVRE QUI, EUX, NE PEUVENT ÊTRE PROTÉGÉS (tu peux protéger la photo d'une clairière mais pas la clairière elle-même ; une symphonie... mais pas l'accord de Fa majeur !) ; D'AUTRE PART LA PROTECTION D'UNE ŒUVRE ET... LE DROIT DE CITATION (que Verso s'amuse à utiliser : "Longtemps je me suis couché de bonne heure"...).

Non, je ne confonds pas : j'ai simplifié mon propos à des fins pédagogiques. J'ajoute à ta réponse que ce n'est pas l'idée qui est protégée mais sa formalisation. En outre, si la clairière ne peut être protégée au titre du droit d'auteur, elle peut l'être sur le fondement du droit de propriété (mais on sort du sujet).
Et puisque distinctions il faut opérer, alors n'oublie pas que le droit de citation suppose... de citer sa source ce qui n'est pas le cas manifestement dans l'affaire du livre sur le tarot.

[...]
Un exemple : entre "j'étais en train de boire un verre à la terrasse d'un bistrot quand une superbe femme est passée. J'ai vu qu'elle me voyait et que quelque chose aurait été possible. Le temps de réagir, elle avait disparu. J'ai loupé le grand amour !" (propos d'une banalité affligeante, creux, sans aucune originalité) et
     "La rue assourdissante autour de moi hurlait.
      Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
      Une femme passa, d'une main fastueuse
      Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;
      Agile et noble, avec sa jambe de statue.
      Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
      Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
      La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
      Un éclair... puis la nuit ! – Fugitive beauté
      Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
      Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
      Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
      Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
      Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !"
J'ADORE BAUDELAIRE ET CE POÈME N'EST PAS LE MOINDRE DE CEUX QUE J'APPRÉCIE QUASI... INTIMEMENT (qui résonne d'ailleurs en moi avec "Les Passantes" d'Antoine Pol, merveilleusement mis en musique par Brassens).
MAIS CELA NE RETIRE RIEN À ta phrase "d'une banalité affligeante", car celle-ci peut très bien AUSSI être un élément d'une histoire complexe, œuvre de l'esprit, peut-être mal écrite (c'est subjectif) mais néanmoins ORIGINALE.

+1 à tout cela (Baudelaire et l'élément simple d'un tout complexe, bien sûr)  ;)

Vinch


Vinch

Non, du moment qu'il motive correctement sa décision. Le juge a précisément pour fonction d'interpréter la loi, ce qui lui donne un pouvoir d'appréciation. Lui réfuter ce pouvoir revient à nier la séparation des pouvoirs et c'est beaucoup plus dangereux que de prendre le risque de la mauvaise interprétation. D'autant qu'il est (presque) toujours possible au justiciable d'exercer des voies de recours pour contester la décision qui lui est défavorable.
Je n'ai pas lu le jugement de l'affaire du livre sur le tarot, et je ne lirai pas puisque vous dites qu'il est à ch... ( ;D). S'il est mal motivé, il sera réformé en appel, et l'arrêt d'appel pourra être également déféré devant la Cour de cassation. 

Verso92


Zouave15

Il me semble que vous confondez le piratage et le plagiat.

Au sujet du livre sur le tarot, il est par essence peu original, puisqu'il reprend une tradition établie depuis des millénaires, sans faire œuvre d'originalité ou même de nouveauté sur la forme (sur le même sujet, il y a d'autres livres plus personnels). Cette femme annonce d'ailleurs la couleur, puisque son intention est de mettre le tarot accessible à tout le monde comme l'est la psychologie ; par essence, donc, pas de réflexions personnelles ou profondes).

Cette absence d'originalité donne selon moi uniquement le droit de partir des informations et de refaire autre chose ou plus ou moins la même chose. En appliquant ce raisonnement, cela permet par exemple d'écrire sur l'histoire, les sciences, la philosophie et tout le reste sans se faire poursuivre du moment qu'on prend la peine de réécrire les phrases (sinon, c'est du plagiat).

Mais si l'absence d'originalité donne le droit de pirater un bouquin (ou un blog, à l'identique), alors pourquoi ne pas pomper et mettre en ligne TOUS les bouquins de cours dans toutes les matières ? Et aussi Encyclopédie Universalis en ligne ? Ou de faire des blogs pseudo-cultivés en y publiant les textes des autres ?

On peut ajouter qu'un roman ayant toujours des structures (de phrase, de paragraphe, de l'histoire elle-même) et leur nombre étant fini, il n'y a guère d'originalité à démontrer, seulement une empreinte de l'auteur plus ou moins perceptible. Curieusement, cependant, tous les gens qui savent écrire ne savent pas faire un roman, surtout sans plagier.

Bien entendu, si on est objectif, extrêmement peu de photos sont originales.

Tout cela ne donne pas le droit de pirater, seulement de refaire d'une manière proche. D'ailleurs si l'originalité était réellement le sésame, Wikipédia ne se serait pas donnée la peine d'établir des licences, vu qu'aucun texte n'y est original (par définition).

Bref, comme le souligne JMS, il faut bien évidemment supprimer le besoin d'originalité, qui n'est par ailleurs pas inscrit dans la loi mais dans la doctrine.

Quant aux critiques sur cette dame ou le tarot ils ne démontrent que l'inculture crasse (et les craintes devant l'inconnu) de leurs auteurs (mais ça, on les avait déjà vu à l'œuvre).

Dernier point, la durée de 70 ans n'est pas au départ faite pour enrichir le survivant (ce que je conteste personnellement, tout comme l'héritage qui nous fait une société de nantis) mais pour éviter que les exploitants n'attendent la mort de l'auteur (ce qui se faisait, de même qu'on attend la fin de la propriété intellectuelle, donc 70 ans, pour rééditer à bon compte bien des écrivains).

jm_gw

Citation de: Powerdoc le Juillet 04, 2013, 09:57:16
Heureusement que la cour d'appel est passé par là, car sinon on ne pourra plus photographier de poisson dans une asssiette jaune. Après on ne pourra plus photographier une pomme dans une assiette provencale ....
Bref tout sera copyrighté ...
dois-je y voir un klein d' oeil ?  ;)

muadib

J'ai essayé de lire ce fil, mais bon c'est un peu éprouvant.
Pour en savoir un peu plus sur les fondements du droit d'auteur, un peu d'histoire (en anglais  :() http://epicenter.media.mit.edu/~mako/foss-reading/hess-2002-the_rise.pdf

P!erre

Au bon endroit, au bon moment.

muadib

Citation de: Zouave15 le Juillet 07, 2013, 09:48:18

Au sujet du livre sur le tarot, il est par essence peu original, puisqu'il reprend une tradition établie depuis des millénaires, sans faire œuvre d'originalité ou même de nouveauté sur la forme (sur le même sujet, il y a d'autres livres plus personnels).

Je n'ai pas lu le livre, je ne peux donc me prononcer sur la forme. Mais je pense que tu confonds l'originalité du sujet (peindre une nature morte ou photographier la tour Eiffel par exemple) ce que l'on pourrait également appeler sa nouveauté et le fait de savoir si ce livre porte l'empreinte de la personnalité de son auteur.
L'originalité en matière de droit d'auteur est distinct de « la nouveauté », alors que dans le langage courant, les deux se confondent souvent.

muadib

En photo, ce serait comme si tu disais qu'il ne pouvait y avoir d'originalité, d'empreinte de la personnalité, dans les œuvres de Helmut Newton, Jean Loup Sieff ou David Hamilton parce qu'ils photographiaient tous les 3 des filles à poil.

ThyP

Une grosse part du probleme d'originalité, tient dans le sens même du mot:

"Original" a 2 sens en français:
- qui émane directement de l'auteur. (qui devrait etre le seul sens factuel applicable au CPI puisque relatif aux droits de l'auteur justement)
- qui parait ne deriver de rien d'anterieur, qui est unique (qui est un autre sens de ce mot, subjectif...)

Tant que le sens du mot n'est pas posé comme préalable, c'est le bordel.

Zouave15

Non non non, je ne confonds pas original dans le sens nouveau et dans le sens de l'empreinte (j'ai même écrit plusieurs articles là-dessus).

si tu veux comparer à la photo, il vaudrait mieux prendre comme exemple une école de photo. Si une personne fait un livre avec des photos types pour montrer tel ou tel enseignement, est-ce que c'est original au sens d'empreinte ?

D'évidence, les juges considèrent que non. Et je serais assez d'accord avec eux, c'est pourquoi je pense qu'il faut réformer la loi. En effet, ce n'est pas parce qu'un livre est constitué sur un savoir existant, et qu'il n'apporte rien de neuf qu'une mise bout à bout, qu'il devrait être pillé.

En principe, on n'est plus ici dans le ressort du CPI mais plutôt dans celui du plagiat. Même si un texte n'est pas original (pas d'empreinte), on peut en reprendre les informations avec celles issues d'autres textes pour en faire une synthèse, mais pas le recopier tel que.

Cependant, la notion de plagiait est encore moins comprise, et rarement jugée comme telle, alors...

Je serais favorable à une évolution dans le sens « toute production (et non plus « œuvre ») est protégée du simple fait d'avoir été créée, indépendamment de l'originalité de sa forme et de son contenu »

JMS

Cette formule réglerait le problème de façon assez radicale, en effet, et c'est souhaitable qu'un texte clair et incontestable remette les pendules à l'heure !

JCCU

Citation de: Zouave15 le Juillet 09, 2013, 10:50:06
.....
Je serais favorable à une évolution dans le sens « toute production (et non plus « œuvre ») est protégée du simple fait d'avoir été créée, indépendamment de l'originalité de sa forme et de son contenu »

Donc, je prends une photo célèbre, j'en modifie 3 malheureux pixels ... et je peux la diffuser sous mon nom en disant que "OK, pas très original...mais je viens juste de la créer ..... :D

Zouave15

Eh bien non car le plagiat continue toujours d'exister, et aussi l'article qui spécifie le respect des œuvres des autres (œuvre composite), ainsi que ceux concernant la paternité et l'intégrité. Et de toute façon, une telle modification du droit relève de juristes qui ont le sens de la formule juste (c'est pas mon métier, juste une idée pour la direction dans laquelle aller).

P!erre

Citation de: JCCU le Juillet 09, 2013, 13:57:59
Donc, je prends une photo célèbre, j'en modifie 3 malheureux pixels ... et je peux la diffuser sous mon nom en disant que "OK, pas très original...mais je viens juste de la créer ..... :D

Juridiquement, tu ferais une œuvre dérivée (dans le droit Suisse, le nom est peut-être différent en France)...
Au bon endroit, au bon moment.

P!erre

Citation de: Zouave15 le Juillet 09, 2013, 10:50:06
Je serais favorable à une évolution dans le sens « toute production (et non plus « œuvre ») est protégée du simple fait d'avoir été créée, indépendamment de l'originalité de sa forme et de son contenu »

Le terme "production" peut amener juridiquement l'ambiguïté d'une exploitation commerciale faite par un "producteur" (év. un "producteur exécutif"), ce dernier permettant à la création d'exister physiquement.

Donc, une "production" serait protégeable / protégée par son exploitation, alors que l'œuvre est actuellement reconnue au moment même de sa création, sans démarche particulière.   

:P
Au bon endroit, au bon moment.

JCCU

Citation de: P!erre le Juillet 09, 2013, 15:09:19
Juridiquement, tu ferais une œuvre dérivée (dans le droit Suisse, le nom est peut-être différent en France)...

Pas avec ce que propose Zouave15

Zouave15

Citation de: JCCU le Juillet 09, 2013, 15:34:28
Pas avec ce que propose Zouave15

ajoute « à condition du respect du droit des tiers »

Citation de: P!erre le Juillet 09, 2013, 15:14:41
Le terme "production" peut amener juridiquement l'ambiguïté d'une exploitation commerciale faite par un "producteur" (év. un "producteur exécutif"), ce dernier permettant à la création d'exister physiquement.

Donc, une "production" serait protégeable / protégée par son exploitation, alors que l'œuvre est actuellement reconnue au moment même de sa création, sans démarche particulière.   

:P


« Toute création, est protégée du simple fait d'avoir été créée, indépendamment de l'originalité de sa forme et de son contenu, de sa qualité ou du fait qu'elle est commercialisée ou non ».

Bref, c'est l'idée, ce n'est pas moi qui réécrirait la loi si tant est que ce serait au programme !

P!erre

Citation de: JCCU le Juillet 09, 2013, 15:34:28
Pas avec ce que propose Zouave15

Il y a peu de chance que ça passe, tu ne crois pas?

Parce que, après toi, moi je change 3 pixels de "ton" image, et elle devient mienne...  ;)
Au bon endroit, au bon moment.

muadib

Si le législateur a prévu une législation spécifique pour les œuvres de l'esprit, c'est parce qu'elles sont supposées se distinguer des biens ordinaires en ce qu'elles portent la personnalité de leur auteur.

Si ce sont des "productions" pas de raison de les protéger différemment de n'importe quelle production industrielle.

P!erre

Citation de: SurSon31 le Juillet 09, 2013, 16:35:37
La notion de plagiat existerait toujours dans la vision de Zouave il me semble  ;)

Oui, mais JCCU vient faire le trublion !  ;)
Au bon endroit, au bon moment.