Grand photographe et matos simple

Démarré par pourquoipas, Décembre 06, 2012, 20:55:03

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Zouave15

(Canito : bien d'accord avec toi)

Au sujet de la démarche et des commentaires, il peut être intéressant, si on n'aime pas quelque chose, de savoir pourquoi d'autres l'aiment, et si on l'aime, de découvrir qu'ils n'aiment pas forcément pour les mêmes motifs que nous.

En outre, je suis persuadé (peut-être à tort) qu'il y a toujours une démarche, même si elle n'est pas conscientisée. Ce fut d'ailleurs mon cas pendant longtemps, au point d'avoir été bloqué dans mes  recherches de galeries où, sans même avoir daigné regarder mes photos, on me demandait mes maîtres et, éventuellement, ma démarche. Je restais sec ;D

Or, dans mon esprit, une photo se suffisait à elle-même. Et je n'ai jamais vu l'intérêt de les commenter, sur les forums ou ailleurs. Mais d'évidence, en exposition, les gens sont au moins autant intéressés par ce qu'on peut leur dire que par le fait de regarder les photos. Bien entendu, ils font en trois temps : ils regardent, ils posent des questions et écoutent, puis regardent à nouveau.

Bref, j'ai finalement voulu décrire ma démarche, et ça m'a pris quelques années pour un résultat que beaucoup jugeront certainement piètre, mais ça m'a amené également à présenter mes photos autrement, à en éliminer 9 sur 10, à revoir leur classement en thèmes, etc. Je me suis également aperçu, pour avoir essayé de le faire, que je n'ai pas de quoi faire un livre d'auteur, alors que j'ai pléthore de photos à mon sens plus que présentables, qui semblent avoir une certaine unité ; malgré tout cela, donc, je ne trouve pas une cohérence d'ensemble suffisante pour faire un livre d'auteur de 300 pages. Un assemblage même bon (en admettant que mes photos le soient) de photos ne fait pas un livre, et donc on retrouve par ce biais la nécessité d'un propos.

Benaparis

Citation de: Canito le Décembre 10, 2012, 13:01:32
Eh bien oui, c'est évident. C'est grâce à des efforts intellectuels soutenus que l'on accède à des sources d'épanouissement plus grandes et plus fortes. Pour dire les choses simplement, si dans notre enfance (ou plus tard - rien n'est jamais perdu) on ne faisait pas l'effort de lire des choses de plus en plus exigentes, on en resterait à Marcel Pagnol qui, certes, était un grand écrivain dont l'oeuvre a pu susciter en nous de belles émotions, mais avouons que c'est un peu dommage d'en rester là dans ce que la littérature peut nous apporter. Il serait erroné et dommage de croire qu'il en va différamment s'agissant de la photographie.

Et je le répète une nème fois : cela ne veut pas dire que l'on doit tout aimer et tout comprendre. On peut tout à fait légitimement et en connaissance de cause détester Soren Kierkegaard et Juergen Teller.  ;D


Bon tu vas trop vite pour répondre  ;D Sinon je ne peux que partager évidemment.
Instagram : benjaminddb

Zouave15

Citation de: Silbad le Décembre 10, 2012, 11:56:49
Bon désolé, je ne suis pas trop du genre à parler de ce que je fais, mais c'est vrai que nombre de sujets qui sont posés dans ce fils font partie de mes questionnements.

Je trouve cela dommage car ce que tu écris est intéressant et prend d'autant plus de sens que tu parles de ce que tu fais. Le hiatus entre les commentaires et notre désir de photographe est en effet frappant, et préciser sa démarche est à mon sens un moyen, également, d'amener les gens à nous (comme tu dis, les regards changent).

Verso92

Citation de: Zouave15 le Décembre 10, 2012, 13:09:11
En outre, je suis persuadé (peut-être à tort) qu'il y a toujours une démarche, même si elle n'est pas conscientisée.

Proposition de sujet pour le bac de philo 2013 : "l'absence de démarche peut-elle être considérée comme une démarche ?"...  ;-)

Benaparis

#154
Citation de: Zouave15 le Décembre 10, 2012, 12:53:05

Dans certains propos ici une chose m'interpelle, c'est le sorte de consensus qui se dégage sur l'émotion, et sur son primat. J'ai déjà pas mal écrit sur le sujet et je ne vais pas remettre un lien vers des articles pour ne pas casser le fil de l'échange. Pour résumer, outre le fait que la prééminence de l'émotion concerne une seule forme d'art (l'autre n'étant pas forcément inaccessible, le « Ceci n'est pas une pipe » a interpellé tout le monde, et ne joue en aucun cas sur l'émotionnel), outre le fait qu'une émotion peut être intellectuelle (sans quoi, qu'est-ce qui nous motiverait à lire, écrire, réfléchir ?), toute émotion est un phénomène cérébral (ça, c'est pour l'aspect physiologique) et, de fait, quand on a travaillé sur le sujet, il est évident qu'une émotion, c'est du mental (ou contrôlé par lui si vouspréférez) et donc par conséquent pas violemment différent de nature que l'intellect.


Attention, évoquer le primat du rapport émotionnel n'écarte pas l'aspect intellectuel car bien entendu l'émotion est lié à des références individuelles plus ou moins conscientes. Y compris dans les formes les moins figuratives. Ta référence à Duchamp, selon la façon dont je la comprends, ne remet pas en cause le primat de l'émotion, bien au contraire, ce qu'il invite à faire c'est justement à se libérer de postulats (voire même de postures) pour appréhender de manière beaucoup plus libre ce que l'on nous propose en tant qu'art. Comme bien souvent tout est question de point de vue/perspective :)

Voilo.  :)
Instagram : benjaminddb

Zouave15

Citation de: Jc. le Décembre 10, 2012, 10:46:19
Le fait qu'un photographe reconnu explique travailler avec un matériel simple (c'est le titre du fil) me rassure.

Bien sûr. En même temps, je ressens (peut-être à tort) une certaine hypocrisie dans les discours car finalement, le matériel est quand même mis en avant. Et souvent, dans les extrêmes : sténopé ou chambre, compact ou lourd plein format. C'est-à-dire que, en fait, il y a un refus de la banalité. Quand je dis (mais il ne s'agit que de mon cas) que je fais des photos avec un appareil standard (un F90 hier, un D90 aujourd'hui) et des objectifs basiques (pas donnés, pour autant), c'est tout juste si on me croit. Et combien de fois un artiste ou un connaisseur ne m'a pas dit « avec les photos que tu fais, pourquoi tu ne travailles pas à la chambre ? ». Eh bien si tu réponds que tu n'en as rien à battre, que ce n'est pas le sujet, que tu n'en as pas besoin, que c'est trop lourd ou pas pratique, on te regarde d'un air méprisant et on passe son chemin.

Canito

Je ne crois pas, Zouave. La plupart des photographes-auteurs que je connais travaillent soit avec un 5D (ou équivalent), soit avec un M, soit avec un MF genre Rollei ou Blad. En gros : du classique de chez classique. Ils ont trouvé leur outil, et le reste ils s'en tamponent. Tout comme Moriyama s'en tampone. C'est souvent le fait de ceux qui tournent autour d'eux et non d'eux-mêmes que vient toute cette littérature sur le matériel.

Pour en revenir à la problématique de la démarche, ou dit plus justement du propos, il me paraît essentiel, sans que pour autant il soit évident à décrire. Depuis Robert Franck (donc pas depuis hier), c'est devenu une évidence, et honnêtement, nous pouvons nous en féliciter. Sauf à être le nouveau Kertesz, il n'est pas évident de proposer quelque chose d'intéressant en ne donnant à voir qu'une collection de photographies certes belles mais dépourvues de propos, de cohérence entre elles. Il y a bien entendu de nombreuses exceptions, mais force est de reconnaître que l'une des choses les plus intéressantes que nous offre la photographie, c'est de voir un regard original, intime et profond porté sur le monde.

Verso92

#157
Citation de: Benaparis le Décembre 10, 2012, 13:24:32
Attention, évoquer le primat du rapport émotionnel n'écarte pas l'aspect intellectuel car bien entendu l'émotion est lié à des références individuelles plus ou moins conscientes.

Sans compter que les deux sont liés et découlent souvent l'un de l'autre (la poule et l'œuf ?).
En règle générale (du moins, il me semble que je fonctionne comme ça), le premier contact est le plus souvent lié à l'émotionnel. Vient ensuite la curiosité d'en savoir plus (et l'intérêt de découvrir des choses voisines, susceptibles d'apporter un plaisir proche -en principe- d'un point de vue émotionnel).

Ensuite, bien sûr, la meilleure connaissance -l'intellect- permet d'apprécier avec une finesse accrue... la boucle est bouclée, en quelque sorte.
Voilà-voilou, c'est dit avec moins de talent que vous autres, mébon...  ;-)

kochka

Silbad , Benaparis et Zouave expriment bien leur activité, avec la modestie et le recul de ceux qui connaissent la difficulté de la création.
Un travail peut, ou peut ne pas amener de résonance chez celui qui regarde, mais cela n'implique aucun jugement de valeur, car nous ne somme pas des robots clonés en série.
On peut être sensible à un flou, une découpe de sujet, une abstraction, ou pas, sans que cela n'implique un jugement absolu, ni chercher à l'imposer.

A partir de ce point de départ, il existe quelques individus qui ont un mal fou a admettre :
- qu'il ne peut s'agir de jugement de valeur universel, ni le leur, ni celui du voisin, ni celui qui ressent exactement le contraire.
- que la reconnaissance d'un microcosme n'apporte pas plus de certitude de valeur absolue que la valeur marchande, elle même bien manipulée par les marchands du temple et les spéculateurs.
Que l'on dise j'aime, je n'aime pas, ou cela me laisse indifférent, reste la base de la liberté individuelle face aux dictats des moyens de pub et à la pression de la société.

Dans ces conditions, ceux qui persistent à vouloir imposer leur jugement dans l'absolu et à traiter d'incultes ceux qui ne partagent pas leur avis, continueront à s'attirer immanquablement des railleries placées sur le même niveau.
Technophile Père Siffleur

kochka

Citation de: Verso92 le Décembre 10, 2012, 13:37:10
Sans compter que les deux sont liés et découlent souvent l'un de l'autre (la poule et l'œuf ?).
En règle générale (du moins, il me semble que je fonctionne comme ça), le premier contact est le plus souvent lié à l'émotionnel. Vient ensuite la curiosité d'en savoir plus (et la curiosité de découvrir des choses voisines, susceptibles d'apporter un plaisir proche -en principe- d'un point de vue émotionnel).

Ensuite, bien sûr, la meilleure connaissance -l'intellect- permet d'apprécier avec une finesse accrue... la boucle est bouclée, en quelque sorte.
Voilà-voilou, c'est dit avec moins de talent que vous autres, mébon...  ;-)
+1
Technophile Père Siffleur

Canito

Et c'est reparti pour un tour... On pouvait espérer être passé à autre chose, mais non, ça continue.

Citation de: kochka le Décembre 10, 2012, 13:41:43
A partir de ce point de départ, il existe quelques individus qui ont un mal fou a admettre :
- qu'il ne peut s'agir de jugement de valeur universel, ni le leur, ni celui du voisin, ni celui qui ressent exactement le contraire.
- que la reconnaissance d'un microcosme n'apporte pas plus de certitude de valeur absolue que la valeur marchande, elle même bien manipulée par les marchands du temple et les spéculateurs.

[...]

Dans ces conditions, ceux qui persistent à vouloir imposer leur jugement dans l'absolu et à traiter d'incultes ceux qui ne partagent pas leur avis, continueront à s'attirer immanquablement des railleries placées sur le même niveau.


Qui ? Où ? Quand on se permet de porter des accusations, la moindre des choses, c'est d'être précis et de les étayer.

Bon, sinon, une chose qui m'a beaucoup étonné en découvrant ce forum. On y trouve des milliers et des milliers de fils et de questions traitant d'aspects matériels (choix de boîtier, d'objectifs, de logiciels de post-traitement, de cartes-mémoire, etc.) et techniques (comment gérer la balance des blancs, remonter les ombres, régler l'auto-focus, contenir le bruit numérique, etc) - et c'est bien normal et surtout fort utile vu que j'ai l'impression que l'on trouve des réponses à toutes ces questions par des personnes qui ne sont pas avares de leur temps et de leurs conseils - mais très très très rarement des questions sur la façon de construire un projet, de battir une série, d'aborder un thème, etc. C'est étonnant parce que c'est cette dernière catégorie de questions qui sont, de très loin, les plus difficiles. Or il n'y a quasiment pas d'échanges à ce sujet.

Verso92

Citation de: Canito le Décembre 10, 2012, 13:49:25
Bon, sinon, une chose qui m'a beaucoup étonné en découvrant ce forum. On y trouve des milliers et des milliers de fils et de questions traitant d'aspects matériels (choix de boîtier, d'objectifs, de logiciels de post-traitement, de cartes-mémoire, etc.) et techniques (comment gérer la balance des blancs, remonter les ombres, régler l'auto-focus, contenir le bruit numérique, etc) - et c'est bien normal et surtout fort utile vu que j'ai l'impression que l'on trouve des réponses à toutes ces questions par des personnes qui ne sont pas avares de leur temps et de leurs conseils - mais très très très rarement des questions sur la façon de construire un projet, de battir une série, d'aborder un thème, etc. C'est étonnant parce que c'est cette dernière catégorie de questions qui sont, de très loin, les plus difficiles. Or il n'y a quasiment pas d'échanges à ce sujet.

Je ne comprends pas ce qui t'étonne : Chassimages est l'annexe virtuelle du magazine Chasseurs d'Images, dont tu connais le cœur de cible (l'amateur et le matériel, comment faire de meilleures photos, etc).

Jc.

Vous rebondissez sur le matériel (ce qui peut sembler logique sur un forum dédié au matériel) et on s'achemine vers un point important très justement abordé par Canito.

Le matériel j'en parle et j'y pense lorsque je le cherche ou lorsqu'il ne me satisfait pas complétement. Dés lors que j'ai ce qu'il me faut je ne m'en préoccupe plus. Qu'en dit Mr Moriyama dans la vidéo ? Qu'il aime bien le compact car les gens ne sont pas dérangés. Ça me suffit comme "démarche".

Or comme beaucoup ici j'ai trouvé et accumulé le matériel qu'il me faut dans mes diverses pratiques photographiques. Aucun de mes boitiers n'est parfait mais tous sont adaptés à des occasions différentes. Encore une fois ça me suffit.

Mais la démarche technique mise en exergue par Canito est loin d'être achevée. Si on a tous de quoi écrire ici, la syntaxe ou la grammaire étant abordées dans d'autres sections sur la prise de vue, la mise en forme et la réflexion sur le discours restent les parents pauvres de cet espace de discussion.
En effet les discussions sur les thèmes cités par Canito seraient un plus dans ce forum.

Silbad

IL me semble que lorsqu'on propose aux regards une vision qui nous est singulière, il faut en accepter le prix qui consiste à ce que les jugements que l'on va porter sur elle nous échappe. Et si on peut parler de démarche, combien certains jugements peuvent nous affecter, ils ne doivent pas commander notre volonté de l'affirmer, simplement, en toute modestie, sans autres intentions que cette nécessité, en nous, de nous exprimer avec les moyens qui nous semblent les plus appropriés. Mais une fois que l'on évoque une démarche, les choses ne sont pas aussi facilement lisible qu'on pourrait l'imaginer car se mêlent à la fois de l'improbable, de l'intuition, des doutes et du raisonnement qui s'élabore souvent à postériori, comme une manière de vouloir saisir de l'insaisissable.

Je lisais récemment un article qui parlait de l'errance photographique comme d'une méthode de la non méthode. je trouve qu'il y a quelque chose de juste dans cette expression. Autant je peux comprendre que dans un cadre professionnel, il est essentiel d'avoir une parfaite maitrise de son objet, autant d'un point de vue artistique on doit se laisser pénétrer par l'inattendu, par ce qui se révèle en dehors de toute attente. Comme dans toute démarche, y compris scientifique, l'erreur est essentiel car elle nous oblige à reconsidérer les choses.

Pour moi parler d'une démarche, c'est essayer de rendre le plus lisible possible un ensemble complexe d'éléments qui interagissent, mais qui au final, indépendamment des jugements que l'on peut porter, trouve sa cohérence dans ce qui se donne à regarder.

Canito

Citation de: Verso92 le Décembre 10, 2012, 14:40:19
Je ne comprends pas ce qui t'étonne : Chassimages est l'annexe virtuelle du magazine Chasseurs d'Images, dont tu connais le cœur de cible (l'amateur et le matériel, comment faire de meilleures photos, etc).

Il n'en demeure pas moins que ces sujets pourraient fort bien être abordés, comme le démontrent toutes les discussions annexes très diverses que l'on trouve sur ce forum (aspects juridiques, humour, conseils de voyage, etc.)

Citation de: Silbad le Décembre 10, 2012, 14:47:35
IL me semble que lorsqu'on propose aux regards une vision qui nous est singulière, il faut en accepter le prix qui consiste à ce que les jugements que l'on va porter sur elle nous échappe. Et si on peut parler de démarche, combien certains jugements peuvent nous affecter, ils ne doivent pas commander notre volonté de l'affirmer, simplement, en toute modestie, sans autres intentions que cette nécessité, en nous, de nous exprimer avec les moyens qui nous semblent les plus appropriés. Mais une fois que l'on évoque une démarche, les choses ne sont pas aussi facilement lisible qu'on pourrait l'imaginer car se mêlent à la fois de l'improbable, de l'intuition, des doutes et du raisonnement qui s'élabore souvent à postériori, comme une manière de vouloir saisir de l'insaisissable.

Je lisais récemment un article qui parlait de l'errance photographique comme d'une méthode de la non méthode. je trouve qu'il y a quelque chose de juste dans cette expression. Autant je peux comprendre que dans un cadre professionnel, il est essentiel d'avoir une parfaite maitrise de son objet, autant d'un point de vue artistique on doit se laisser pénétrer par l'inattendu, par ce qui se révèle en dehors de toute attente. Comme dans toute démarche, y compris scientifique, l'erreur est essentiel car elle nous oblige à reconsidérer les choses.

Pour moi parler d'une démarche, c'est essayer de rendre le plus lisible possible un ensemble complexe d'éléments qui interagissent, mais qui au final, indépendamment des jugements que l'on peut porter, trouve sa cohérence dans ce qui se donne à regarder.

Tout à fait d'accord. Cela me fait penser à Anders Petersen, selon qui une photographie doit soulever plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. J'aime cette idée. J'aime aussi l'idée qu'une série photographique ait sa propre vie, qu'elle évolue hors de son auteur, de ce qu'il a voulu faire ou dire et de la genèse de son oeuvre. Mais cela est très ambitieux : rien de plus difficile que de produire une image harmonieuse et lisible, tout en étant suffisamment complexe pour susciter un questionnement, ne pas sombrer dans l'évidence plate.

Je crois que l'on mélange tous ici deux significations du terme "démarche" appliqué à la photographie. Les deux sont intéressants.

Zouave15

Citation de: Canito le Décembre 10, 2012, 14:58:46
Je crois que l'on mélange tous ici deux significations du terme "démarche" appliqué à la photographie. Les deux sont intéressants.

De plus, il y a pour moi (je ne prétends pas donner autre chose que mon opinion du moment) deux choses fort différentes : la démarche, qui est un mouvement personnel par essence multiforme et qui ne peut pas passer entièrement par les mots, et le propos, qui, lui, est un choix avec une ligne éditoriale sur des points dont on estime qu'ils ont une cohérence.

La démarche est liée à son désir, sa volonté, son modèle du monde. Au moins une part ne peut être mise en mots, et c'est bien pour cela qu'on l'exprime autrement, que cela soit parce que les mots n'existent pas ou que leur usage ne convient pas (la poésie, qui les réinvente), ou parce qu'on ne les connaît pas ; d'ailleurs, le fait de se cultiver et de voyager permet de débanaliser sa démarche en la concentrant sur quelque chose de plus personnel.

Le propos est en général plutôt lié à un événement, série, livre, expo. Il raconte ou expose, voire explicite, mais dans sa version négative, il explique (donc justifie), il peut virer au discours ou au storytelling, à la fabrication de produit comme dit Benaparis.

Par exemple, si on quitte la photo pour l'écrit, dans un roman on met en scène ce qu'on ne peut ou veut expliquer, bien qu'il s'agisse de mots, et il arrive qu'on écrive parallèlement la version essai, donc explicitée, des mêmes idées ou envies.

C'est pourquoi je pense que l'expression directement par l'œuvre et son exposé par l'écrit (ou autre) sont complémentaires, et nourrissent l'une l'autre.

pourquoipas

Au fait, samedi prochain à la gallerie polka, il y a moyen d'avoir un cours d'une heure avec Daido M (2 personne + M Moriyama et un traducteur) pour 120 euro !
Flickr makalux

ninon

Citation de: kochka le Décembre 09, 2012, 19:23:22
Merci de ta réponse courtoise.
Je partage ta vision sur le fait que les gouts de chacun ne se placent pas sur une échelle de valeur universelle.
Ce n'est pas tellement l'adoration, ou le ton emphatique de certains qui se reconnaitront facilement, qui m'a fait réagir, mais leur certitude de bon goût universel et de mépris pour ceux qui pensent différemment qui m'a fait parodier leur ton en répondant de même. L'amusement de les titiller en adoptant leurs méthodes sans qu'ils ne s'en rendent compte et continuent à foncer aveuglément est plus fort que le fond dont de la question je me soucie comme d'une guigne.
N'y vois surtout pas une once de mépris pour des photographes, honnêtement heureux et fiers de leur boulot et de qu'ils produisent. Je ne le permettrai jamais, n'ayant à aucun moment la prétention de juger.
Par contre, lorsque je vois porter aux nues des photos que je perçois comme banales, tu me permettra de chatouiller celui qui considèrent que les ressentis différents du sien  sont des nuls sans goût (je schématise pour simplifier).
De plus, la préoccupation du créateur est mon dernier soucis, c'est peut-être dommage, mais c'est comme ça; je regarde uniquement le résultat. Qu'il ait voulu représente un rond et a produit un carré n'a aucune importance vue de l'extérieur. Ce qui compte est ce que lui et les autres penseront du carré.

Dans notre monde de marchands, la forme prend le pas sur le fond et le discours le plus abscons accompagne souvent les plus belles platitudes pour le plus grand bien du commerce. Sur ce point, pendant plus 15 ans, Drouot a été ma promenade apéritive chaque fois que j'avais besoin de faire une courte pose dans le boulot. Lorsque l'on est amené à voir, parfois de très près à quelle bande de requins et d'escrocs de l'art on a affaire à haut niveau, il ne reste plus beaucoup de place pour l'estime.
Encore une fois, n'y vois aucun mépris pour ceux qui tentent de faire leur trou, ou plus modestement, de vivre.
Simplement le marché de l'art est devenu un support de placement avec toutes les dérives de la spéculation et des artistes souvent artificiellement montés à grand coup de baratin. Ce qui ne retire rien aux valeurs qui seront à terme plus durables.
En une image, et vu de ma fenêtre, le marché actuel ressemble fort à celui des subprimes où l'on a tellement mélangé des créances pourries avec des valeurs solvables que le tout a fini par s'écrouler.

...L' eternel problème du "fond" et de la "forme" ne provient nullement de la marchandisation du monde culturel! les ayathollas de la "forme" se recrutent principalement chez des individus culturellement stériles, qui faute d' une quelconque profondeur, se retranchent derriere le cache- sexe de la technicité et de ce qui se fait et ne se fait pas!
...Les tenants du "fond", à travers la mosaïque culturelle qui est leur terreau, tentent des experiences, souvent non-conventionnelles, avec l' intime espoir de découvrir une "terra incognita" à faire fructifier...et ce en utilisant, parfois de manière "perverse" des techniques qui ne sont, en fin de compte, que des outils provisoirement utiles mais jamais pleinement satisfaisants!
...Il est amusant de remarquer, qu' à travers l' histoire de l' art, le "fond" est pérènne, alors que la "forme" est soumise aux modes et systématiquement battue en brèche par la vitalité de la novation!... ;)

Zouave15

Citation de: Jc. le Décembre 10, 2012, 14:45:48
la mise en forme et la réflexion sur le discours restent les parents pauvres de cet espace de discussion.
En effet les discussions sur les thèmes cités par Canito seraient un plus dans ce forum.

Citation de: Canito le Décembre 10, 2012, 13:49:25
des questions sur la façon de construire un projet, de battir une série, d'aborder un thème, etc. C'est étonnant parce que c'est cette dernière catégorie de questions qui sont, de très loin, les plus difficiles. Or il n'y a quasiment pas d'échanges à ce sujet.

Peut-être suffirait-il de demander une section ? Il y a des discussions qui partent un peu partout. Quand c'est au bar, ça vrille, et ailleurs, on perd les fils dans la masse.

On peut ajouter : editing, savoir regarder ses propres images, construire un commentaire, etc.

Zouave15

Citation de: ninon le Décembre 10, 2012, 16:32:52
à travers l' histoire de l' art, le "fond" est pérènne,

Ça m'intéresse que tu précises car j'avais plutôt l'impression que le fond suivait grosso modo l'histoire des idées ?

kochka

Citation de: Canito le Décembre 10, 2012, 13:49:25
Et c'est reparti pour un tour... On pouvait espérer être passé à autre chose, mais non, ça continue.

Qui ? Où ? Quand on se permet de porter des accusations, la moindre des choses, c'est d'être précis et de les étayer.
Je vais être bon une fois deplus et éclairer ta lanterne
butés et ignares qui plus prennent les autres pour des imbéciles et des gogos, qui ne lisent pas ce que tu écris ou le comprennent totalement de traviole
et ce,sans remonter bien loin
Technophile Père Siffleur

kochka

Citation de: ninon le Décembre 10, 2012, 16:32:52
...L' eternel problème du "fond" et de la "forme" ne provient nullement de la marchandisation du monde culturel! les ayathollas de la "forme" se recrutent principalement chez des individus culturellement stériles, qui faute d' une quelconque profondeur, se retranchent derriere le cache- sexe de la technicité et de ce qui se fait et ne se fait pas!
...Les tenants du "fond", à travers la mosaïque culturelle qui est leur terreau, tentent des experiences, souvent non-conventionnelles, avec l' intime espoir de découvrir une "terra incognita" à faire fructifier...et ce en utilisant, parfois de manière "perverse" des techniques qui ne sont, en fin de compte, que des outils provisoirement utiles mais jamais pleinement satisfaisants!
...Il est amusant de remarquer, qu' à travers l' histoire de l' art, le "fond" est pérènne, alors que la "forme" est soumise aux modes et systématiquement battue en brèche par la vitalité de la novation!... ;)
Tu me sembles encore plus tranché que moi.
Pour sortir de la photo et faire une parallèle avec la littérature, combien d'auteurs à la mode en leur temps, sont complètement oubliés. 
Certes la distinction entre les différentes écoles littéraire se fait aussi sur la manière d'aborder le sujet, sur ce que l'on pourra appeler une démarche. Mais il ne me semble pas que la démarche fasse la pérennité de l'œuvre, elle n'en est qu'une des caractéristique permettant un classement, pas le fond. On peut être descritivo-réaliste comme Zola, sans écrire comme Zola. On peut être descriptivo-technique comme Jules Vernes sans être Jules Vernes.
Technophile Père Siffleur

Canito

Citation de: kochka le Décembre 10, 2012, 16:44:15
Je vais être bon une fois deplus et éclairer ta lanterne
butés et ignares qui plus prennent les autres pour des imbéciles et des gogos, qui ne lisent pas ce que tu écris ou le comprennent totalement de traviole
et ce,sans remonter bien loin

Non, une fois de plus tu réponds à côté. Où ai-je écrit quelque chose qui puisse entrer dans cette catégorie ?

CitationA partir de ce point de départ, il existe quelques individus qui ont un mal fou a admettre :
- qu'il ne peut s'agir de jugement de valeur universel, ni le leur, ni celui du voisin, ni celui qui ressent exactement le contraire.
- que la reconnaissance d'un microcosme n'apporte pas plus de certitude de valeur absolue que la valeur marchande, elle même bien manipulée par les marchands du temple et les spéculateurs.

[...]

Dans ces conditions, ceux qui persistent à vouloir imposer leur jugement dans l'absolu et à traiter d'incultes ceux qui ne partagent pas leur avis, continueront à s'attirer immanquablement des railleries placées sur le même niveau.

Dès ma première réaction, j'ai au contraire pris le soin de préciser que, bien entendu, chacun était libre d'aimer ou pas le travail du photographe dont il était question. Ce à quoi j'ai réagi, c'est à un post qui mettait en cause la sincérité de sa démarche, sans rien connaître de lui, le traitant au passage de tartuffe et ceux qui l'apprécient de gogos. Et toi, tu me bondis dessus pour me reprocher quelque chose qui n'a strictement aucun rapport, en écrivant :

CitationA-ton encore le droit de ne pas aimer?
As-t-on encore le droit de penser qu'une démarche "extrêmement sincère et authentique" si tant est qu'elle le soit, n'est en aucun cas pas un gage de qualité ?

Le seul, ici, qui a émis un jugement brut de décoffrage comme s'il s'agissait d'une vérité universelle, c'est toi.

Citationj'attendais autre chose que des photos aussi quelconques et insipides
, etc.

En affirmant qu'il se glorifiait de l'utilisation de tel outil, ce qui n'est pas le cas.

Donc maintenant laisse tomber, et passe à autre chose.

kochka

Technophile Père Siffleur

Silbad

Citation de: ninon le Décembre 10, 2012, 16:32:52
...L' eternel problème du "fond" et de la "forme" ne provient nullement de la marchandisation du monde culturel! les ayathollas de la "forme" se recrutent principalement chez des individus culturellement stériles, qui faute d' une quelconque profondeur, se retranchent derriere le cache- sexe de la technicité et de ce qui se fait et ne se fait pas!
...Les tenants du "fond", à travers la mosaïque culturelle qui est leur terreau, tentent des experiences, souvent non-conventionnelles, avec l' intime espoir de découvrir une "terra incognita" à faire fructifier...et ce en utilisant, parfois de manière "perverse" des techniques qui ne sont, en fin de compte, que des outils provisoirement utiles mais jamais pleinement satisfaisants!
...Il est amusant de remarquer, qu' à travers l' histoire de l' art, le "fond" est pérènne, alors que la "forme" est soumise aux modes et systématiquement battue en brèche par la vitalité de la novation!... ;)

Je partage cette analyse. Je pense néanmoins qu'il n'est pas inutile de resituer le travail des artistes dans le contexte socioéconomique dans lequel ils font œuvre, surtout lorsque la question de leur existence sociale est problématique. Bien souvent il se heurte aux critères de la forme qui gouverne et aujourd'hui, si on reprend la théorie d'Habermas sur la colonisation des mondes vécus (la culture) par l'économie, elle s'avère assez désastreuse pour un certain nombres d'artistes contraint d'exister dans une certaines indifférences. On a beau avoir des outils efficace de communication, cela ne change en rien le fait qu'il y a des critères pour accéder à une certaine notoriété, y compris celle des plus modeste, de désirer vivre de son travail. Hors des réseaux institutionnelles qui sont des espaces relativement fermés, il faut être tenace et ne pas mettre les pieds n'importe où. Quand je vois la manière dont des organismes n'hésitent pas à instrumentaliser la situation des artistes pour les faire payer pour le moindre espoir d'avoir de la lisibilité, il y a de quoi douter de leur vertu. Et trouver des espaces alternatifs qui peuvent donner sens à ce qu'apporte, par leur regard, les artistes, c'est franchement pas évident. Mais c'est là, un autre débat.