Grand photographe et matos simple

Démarré par pourquoipas, Décembre 06, 2012, 20:55:03

« précédent - suivant »

Zouave15

En fait l'activité intellectuelle (et c'est vous qui convoquez Nietzsche, Bourdieu, Weber, etc.) décrit le monde de l'expérience. L'art ou du moins la création est, pour partie, celui de l'être (il me semble que Ninon y faisait référence). Peut-être que rickyfirst évoquait cela en imaginant être en prise directe avec le monde. Cela existe mais je suis dubitatif sur le fait que les photographes qu'il a cités y arrivent.

Jc.

Bon, comme je vois, lis, sens que vous devenez -tel un cerf volant- in maitrisables, in compréhensibles, et que pour moi (!) le plaisir disparait je vais essayer de ma ramener à terre ou plus prés de m compréhension.

La dernière idée aborde par BendeParis et ErickB est (pour moi toujours) la première à surgir.
Nous cherchons à faire des photos déjà prêtes dans notre esprit. Nous ne les recevons pas, nous les avons déjà composées.

Toujours dans l'ordre ante chronologique de la discussion nous agissons sur le monde ne serait ce qu'en choisissant techniquement une focale  ou une ouverture de diaph qui isole -ou pas- les acteurs de nos rêves.

Et pour finir par le début de ce fil le matériel n'a aucune importance dans notre discours car nous finirons toujours par "dire" ce que nous voulions exprimer au début quelque soit le matériel dont nous disposons, plume, appareil photo ou pinceau.

Jen'ai aucune référence et je n'en n'ai pas besoin. Si elles sont utiles pour préciser, corroborer, étayer, crédibiliser une idée leur profusion ne sert qu'au paraitre, et je n'en ressent pas le besoin.

ninon

Citation de: Zouave15 le Décembre 14, 2012, 09:24:12
Ça, c'est toute la question, qu'on pourrait développer à chaque fois sur une demande concrète si on avait une section ad hoc. Mais il faudrait une section différente, sinon, sarcasmes, et puis il suffit de contester ailleurs que sur ce fil l'idée même de la « photo parfaite » ou de la « bonne photo » pour se prendre une volée de bois vert.

...Au vu du développement qui touche ce fil, il parait indispensable de demander à CI une petite place ou l' on puisse débattre sereinement de ce qui se passe derriere la rétine! Il serait dommage que ce qui s' est dit ...et se dira, retourne dans l' ether!... ;)

Zouave15

Citation de: Jc. le Décembre 14, 2012, 15:33:20
Nous cherchons à faire des photos déjà prêtes dans notre esprit. Nous ne les recevons pas, nous les avons déjà composées.

Bien sûr, mais à mon sens il faut alors détailler. Car chaque photographe dit cela, en tout cas bien des paysagistes, par exemple, ou en macro c'est évident (rien n'existe en dehors d'un plan qui est virtuel avant de faire la photo).

Mais ce matching (arrive pas à remettre la main sur un mot français) est un fonctionnement normal du cerveau, il sert à reconnaître les visages amis et son futur conjoint, et bien d'autres choses. Le moment du matching est même caractérisé par un signal spécifique que les flics projettent d'utiliser pour de nouveaux détecteurs de mensonge (si, si).

Donc la question est, me semble-t-il : comment et sur quelles bases composes-tu l'image que tu as en tête ?

ninon

Citation de: Benaparis le Décembre 14, 2012, 10:34:14
Visiblement le mot démarche dérange pas mal...j'ai l'impression que l'on y attache bien trop de chose dans la mesure où il y aurait l'obligation de voir dans la démarche la notion de sens ce qui donne un aspect bien pompeux et lourd à porter pour une oeuvre...par ailleurs, j'ai également l'impression que l'on mélange la démarche propre de l'auteur et celle qui nous est servie par les commentateurs.

Si l'on s'en tient à la définition du mot, je cite le Larousse : "Manière de conduire un raisonnement, de progresser vers un but par le cheminement de la pensée ; méthode, manière d'agir"; ce que nous appelons communément le point de vue. Autrement dit on est bien loin du sens, du message censé être véhiculé par une œuvre. Comme cela a été évoqué l'interprétation du "message" de l'œuvre est contingenté par l'époque, la culture d'une société, et même du parcours personnel de l'individu.

Pour en revenir à la notion de démarche du point de vue de l'auteur, il me semble que même si il peut y avoir une manière très spontanée de travailler, pour ne pas dire instinctive, il n'est pas inutile si l'on considère l'œuvre de manière plus globale çàd non pas une seule œuvre mais un ensemble (Canito évoquais à un moment l'importance de la notion de série) et d'y chercher et encore mieux d'y trouver un fil conducteur, non pas pour se justifier auprès du public ce qui est une erreur monumentale, mais simplement pour affiner, améliorer ce que l'on exprime à travers les ses propres œuvres. A titre personnel, j'ai beaucoup appris de moi même (et je continue à la faire) à travers mes photos...je vois certains aspects qui sont a priori permanent (nature profonde), mais aussi ce qui relève de la réaction à un moment donné et qui forcément est amené à évoluer. Bref, ce travail analytique du côté auteur  dans la mesure où il apporte une voire plusieurs bases de travail est utile pour progresser et affiner son point de vue et continuer de donner cohérence et sincérité à son œuvre.

C'est pour cette raison que je peux tout à fait comprendre que l'on ne soit pas obligé en tant que spectateur de s'interroger ou de comprendre la démarche d'un auteur car on ne peut jamais se mettre à la place de celui qui a créé on peut au mieux s'en approcher, on peut tout à fait se contenter d'apprécier sans se poser plus de questions que cela par rapport aux intentions supposées de l'auteur. En revanche on s'interroge forcément par rapport aux échos, à la manière dont l'œuvre raisonne en nous. Autrement dit je vois l'art comme notre propre miroir...et comme j'aime bien illustrer en image  ;) :

...Tout à fait vrai, et très bien exposé!...Le mot DEMARCHE implique une quête vers l' Autre, le mot CHEMINEMENT indique que l' artiste défriche son itinéraire à son rythme et selon sa propre boussole, ce qui n' exclue pas qu' il accepte, voir, souhaite etre suivi!
                                                       ...Le mot EMOTION qui accrochait, en amont du fil, et qui implique la notion de fugacité, peut etre avantageusement remplacé par le mot SENSIBILITE, qui lui, contient une notion de pérrènité!... ;)

ninon

Citation de: Benaparis le Décembre 14, 2012, 11:23:18
Nous sommes complètement d'accord mais du point de vue du créateur tu ne te poses pas la question par rapport à la manière dont le public va recevoir ton œuvre et éventuellement percevoir le fil conducteur entre tes différentes œuvres, j'ai même précisé que c'était une erreur monumental de travailler sa propre démarche eu égard aux considération d'un public forcément peu homogène et inconstant si pris dans l'espace et le temps...Bref tu créé d'abord pour toi même même dans le cadre de commandes...si les œuvres arrivent ensuite à vivre par elle même à travers les hommes et les ages alors tant mieux si c'est le but recherché. Pour moi un artiste ne fait que proposer au public qui lui dispose selon les époques et son degré d'évolution et de compréhension...c'est en ce sens que la dépossession de l'œuvre est importante.

Peut être, mais je n'ai pas atteint à ce jour un tel niveau de conscience.  ;)

...Une future mère ne porte pas son enfant pour les autres...mais uniquement pour elle!...Mis au monde, elle offrira cet enfant au père, et partant de là, elle préparera cet héritier à etre offert au monde!
...Il en est de même du rapport de l' oeuvre et de l' artiste!...dès qu' il appose sa signature au bas du tableau, il signifie que l' oeuvre est achevé ( et lui seul est habilité à le décider)...et dès que celle-ci est accrochée à la cimaise, cette oeuvre ne lui appartient plus, elle est potenciellement la propriété de celui qui la comprend et l' aime...et légalement le bien de celui qui l' achète!... ;)

ninon

Citation de: rickyfirst le Décembre 14, 2012, 11:19:28
Appliquable aux photographes aussi bien sur, je doute fort que Cartier Bresson ait eu une quelconque volonté de faire oeuvre créatrice lorsqu'il se baladait et faisait des photos, elle vient seule lorsqu'elle vient, et souvent du fait des autres, indépendamment de la volonté du photographe. Je pense aussi que ces photographes ne sont pas à proprement parler des artistes, il y en a dans d'autres domaines photographiques, comme la mode, la pub, la photo conceptuelle, mais en photo de rue pas vraiment, toujours par l'idée qu'ils ne créent rien, seulement captent ce que le monde leur offre, lorsqu'ils arrivent à le voir. Leur talent résidant dans leur disponibilité sensorielle, prédisposition à voir ce que les autres ne voient pas.

De cela, et on en revient, par un chemin biscornu  ;) au titre du fil, le talent en photo de rue, c'est à dire en résumé, l'oeil, qui est ce qu'il est, presque inné, sui generis, est d'avoir cette faculté de communion avec le monde et de faire un acte de mémoire ; mémoire instantanée d'un moment qui disparait à la fois qu'il apparait, comment un moment mort né peut il représenter la mémoire, le passé, ce qui a été? l'enregistrement de cet instant sera finalement le moins important, la chose capitale étant d'avoir vu la scène, le support importera peu.

A ce point qu'on pourrait mémoriser la scène dans sa tête et s'en satisfaire, il me semble que le même HCB le disait lorsqu'il ne faisait plus de photos, que ses yeux et son cerveau suffisaient, l'idée me plait, car personnellement, sans appareil, je fais tous les jours dans ma tête des photos de scènes que je vois  ;) le peintre peut mémoriser ce qu'il a vu et le retranscrire sur toile plus tard, chez lui, un photographe ne peut pas le faire, la captation ne peut qu'être immédiate, irréfléchie presque. Un art irréfléchi peut il être un art? si oui, il ne peut être décidé ainsi que par les autres, enfin il me semble..

...OUI!...une création irréfléchie n' est pas seulement potentiellement un art, mais totalement un art!
   C' est le cas très intérèssant de l' "ART BRUT", produit créatif des "Fous et des Déments"!
   Une création instinctive, qui courcircuite toute notre conception de la "normalité", bien que profondément signifiante...mais pour nous, aussi indéchifrable qu' une tablette d' argile en Araméen!
...Il serait hautement interressant de mettre entre les mains de ces etres qui nous font peur, des appareils photo, et de contempler ce qui en sort!...Je prévois des surprises!...Si qq a eut vent d' une telle démarche, je suis tres intéressé!... ;)

Benaparis

Instagram : benjaminddb

Jc.

Citation de: Zouave15 le Décembre 14, 2012, 15:51:52
...
Donc la question est, me semble-t-il : comment et sur quelles bases composes-tu l'image que tu as en tête ?

Personnellement sur la base de ma (mon in-) culture, de mes frustrations, mes rêves/cauchemards.
Comme tout un chacun j'imagine, sans le savoir vraiment d'ailleurs.

Tiens, tu sais l'image qui me tarabuste depuis longtemps ? c'est con, c'est la photo (en n&b tant qu'à faire) de 3 vieux pochtrons qui évoquerait "Un singe en hiver"  avec Gabin. Voilà, tu as un exemple...

ninon

Citation de: Benaparis le Décembre 14, 2012, 11:47:30
Je vois bien ce que tu veux dire...mais curieusement c'est en allant chercher ces scènes mentales que j'en rencontre d'autres et qui finalement me satisfont plus que celles que j'avais imaginé capturer, elles sont finalement utiles en tant que moteur et non comme but :)

...Cela rejoint tout à fait ce que je conçoit de la démarche créatrice: l' art doit être sans INTENTION!
   L' artiste doit accepter d' "être agit" par une force qu' il porte en lui, mais qui échappe à sa volonté: Le moment de l' acmé créatrice, ou tout se met en place...comme par enchantement, est tout à fait comparable à une sorte de transe sans participants!
   On peut comparer ce moment à une sorte d' accouchement...avec la phase ultime et irréversible du "il faut que çà passe"...généralement accompagné de douleurs, de doutes, voir de peurs plus ou moins incontrôlables...
    Comme pour la mère, l' artiste contemple longuement son "bébé", et tente lentement de se l' "approprier", de se reconnaitre en lui, parfois d' y découvrir des caractères qui lui semblent exogènes...et c' est seulement quand il se sera convaincu de sa paternité, qu' il apposera son seing, véritable acte de naissance de son oeuvre!... ;)

ninon

Citation de: VCR le Décembre 14, 2012, 13:25:21
C'est peut-être le plus grands problème des occidentaux, ce besoin irrépressible de parler.

...N' est-ce pas parceque ce que nous VOULONS exprimer est indicible...que nous avons recours à la photo...qui par essence coucircuite la description verbale?... ;)

Silbad

Citation de: ninon le Décembre 14, 2012, 16:57:04
...Cela rejoint tout à fait ce que je conçoit de la démarche créatrice: l' art doit être sans INTENTION!
   L' artiste doit accepter d' "être agit" par une force qu' il porte en lui, mais qui échappe à sa volonté: Le moment de l' acmé créatrice, ou tout se met en place...comme par enchantement, est tout à fait comparable à une sorte de transe sans participants!
   On peut comparer ce moment à une sorte d' accouchement...avec la phase ultime et irréversible du "il faut que çà passe"...généralement accompagné de douleurs, de doutes, voir de peurs plus ou moins incontrôlables...
    Comme pour la mère, l' artiste contemple longuement son "bébé", et tente lentement de se l' "approprier", de se reconnaitre en lui, parfois d' y découvrir des caractères qui lui semblent exogènes...et c' est seulement quand il se sera convaincu de sa paternité, qu' il apposera son seing, véritable acte de naissance de son oeuvre!... ;)

Je crois profondément à cela. On ne décide pas de faire oeuvre et je ne sais pas par qu'elle opération magique l'instinct créatif peut surgir, contre toute attente, mais à un moment donné la chose est là, insistante, obsessionnelle, traversée par des sentiments contradictoires, tantôt euphorique, tantôt anxyogène. Progressivement on lui donne une existence, on essaye de la comprendre et on tend à la justifier, mais sa présence reste une enigme. Et quoi qu'on en dise, on l'a regardant de bien près, elle ne fait que parler de nous. En cela, elle peut être une façon d'exprimer une manière d'être au monde mais en aucun elle explique quoi que ce soit sur le monde. Elle est, c'est tout. Elle peur rester dans  le silence comme elle peut prendre une réalité sociale, mais cela ne dépend guère de son créateur mais de ceux qui vont la faire exister.

Silbad

Citation de: ninon le Décembre 14, 2012, 17:04:15
...N' est-ce pas parceque ce que nous VOULONS exprimer est indicible...que nous avons recours à la photo...qui par essence coucircuite la description verbale?... ;)
N'oublions pas qu'elle est aussi une forme d'écriture qui a sa propre grammaire et qui s'exprime à travers des styles !

kochka

Citation de: Zouave15 le Décembre 14, 2012, 12:53:07
ce n'est pas sans intention mais sans projet, c'est tout à fait différent. Il s'agit d'une intention qui ne serait pas volontaire et qui englobe la cible. C'est en fait un « travail » sur la conscience : lorsqu'elle devient assez large, il n'y a même plus de tir, le tir est la conscience, et donc la conscience est le tir.
Intéressant.
Je n'y avais jamais pensé car je ne me pose pas ce type de question, mais en y réfléchissant, le vide dans son esprit et sur le monde extérieur au moment du tir ressemble assez
à ça : Les instruments de visée flottent sur la cible qui est floue, le guidon est net, le cran de mire est flou, on laisse flotter, "l'autour" n'existe plus, l'esprit se concentre sur la queue de détente qui est pressée doucement et, normalement, le départ doit surprendre.
Seuls les meilleurs y arrivent à presque tous les coups.
Technophile Père Siffleur

ninon

#414
Citation de: Jc. le Décembre 14, 2012, 15:33:20
Bon, comme je vois, lis, sens que vous devenez -tel un cerf volant- in maitrisables, in compréhensibles, et que pour moi (!) le plaisir disparait je vais essayer de ma ramener à terre ou plus prés de m compréhension.

La dernière idée aborde par BendeParis et ErickB est (pour moi toujours) la première à surgir.
Nous cherchons à faire des photos déjà prêtes dans notre esprit. Nous ne les recevons pas, nous les avons déjà composées.

Toujours dans l'ordre ante chronologique de la discussion nous agissons sur le monde ne serait ce qu'en choisissant techniquement une focale  ou une ouverture de diaph qui isole -ou pas- les acteurs de nos rêves.

Et pour finir par le début de ce fil le matériel n'a aucune importance dans notre discours car nous finirons toujours par "dire" ce que nous voulions exprimer au début quelque soit le matériel dont nous disposons, plume, appareil photo ou pinceau.

Jen'ai aucune référence et je n'en n'ai pas besoin. Si elles sont utiles pour préciser, corroborer, étayer, crédibiliser une idée leur profusion ne sert qu'au paraitre, et je n'en ressent pas le besoin.


...Le vrai problème du photographe...c' est d' avoir des "images intérieures" (...préconçues?)...qu' il cherche bien évidemment à "réaliser"...mais que son "matériau"( médium) étant à l' exterieur (hors de son emprise)...il lui échappe!
   Le peintre a sa toile ses pinceaux et ses couleurs, le sculpteur, son bloc de pierre et son burin, l' écrivain, sa ramette de papier et son Underwood...mais le photographe, une fois son appareil en main, est OBLIGE de composer avec la réalité...et çà change tout!... ;)


kochka

Citation de: rickyfirst le Décembre 14, 2012, 15:54:10
Et pour revenir à Moriyama, dont j'apprécie sans plus les photos (trop d'effet, presque d'esbroufe pour mes gouts) le fait qu'il utilise un compact ne me gêne pas outre mesure, il ne manquerait plus que ça, mais participe un peu aussi, à son corps défendant surement, au sentiment mitigé que j'ai de sa démarche, si tant est qu'il ait une démarche bien sur. Se sentir plus à l'aise avec un compact? pourquoi pas, mais je le ressens comme la volonté de sa part de sortir de l'ordinaire, donner une patte à ses images, une signature, une marque de fabrique.

Comme un écrivain, puisque vous parliez littérature, qui écrirait en 2012 à la plume ou à la machine mécanique, ce n'est pas un défaut, mais qui s'évertuerait à le faire savoir, lors des reportages vidéos, sur les forums, car c'est souvent que l'on voit Moriyama avec son compact.

Bon, c'était histoire de relancer  ;D

Comme faire des photos en 2012 en argentique avec un vieux coucou, ce n'est pas non plus un défaut, mais toujours se montrer avec, pourquoi?

Histoire de relancer un peu plus  :D
C'est exactement ce que je ressent face aux images montrées ici. Pousser la forme sur le devant de la scène pour tenter de valoriser un fond qui n'éveille aucun écho en moi.
Technophile Père Siffleur

ninon

Citation de: Jc. le Décembre 14, 2012, 16:39:25
Personnellement sur la base de ma (mon in-) culture, de mes frustrations, mes rêves/cauchemards.
Comme tout un chacun j'imagine, sans le savoir vraiment d'ailleurs.

Tiens, tu sais l'image qui me tarabuste depuis longtemps ? c'est con, c'est la photo (en n&b tant qu'à faire) de 3 vieux pochtrons qui évoquerait "Un singe en hiver"  avec Gabin. Voilà, tu as un exemple...

...Personne n' est inculte! On ne vit pas vieux impunément! ;D
  Le fait de ne pas etre "branché" avec ceux qui prènnent des bains prolongés dans l' air du temps, ne fait pas de toi un imbécile, tant s' en faut!...Le fait que tu soit plus intériorisé que d' autres et moins attiré par la mode ambiante, fait de toi un être plus singulier...et en principe, plus interressant!... ;)

Silbad

Citation de: ninon le Décembre 14, 2012, 17:17:13
...Le vrai problème du photographe...c' est d' avoir des "images intérieures" (...préconçyes?)...qu' il cherche bien évidemment à "réaliser"...mais que son "matériau"( médium) étant à l' exterieur (hors de son emprise)...il lui échappe!
   Le peintre a sa toile ses pinceaux et ses couleurs, le sculpteur, son bloc de pierre et son burin, l' écrivain, sa ramette de papier et son Underwood...mais le photographe, une fois son appareil en main, est OBLIGE de composer avec la réalité...et çà change tout!... ;)

Oui, la spécificité de la photographie c'est de se confronter au réel, mais cela n'exclut pas la possibilité d'être une œuvre de l'esprit au même titre que les autres arts, simplement ça la conditionne et cela suppose de changer son regard sur la manière dont elle a pu être enfermé dans une certain conception, comme celle d'illustrer le réel. Mais si on prend toutes les expériences, par ex de Man Ray et de ses rayogrammes, ou encore celle de la nouvelle vision etc. Elle est aussi un champs d'expérimentation, qui certes est conditionné par sa nature, mais d'une très grande richesse. De plus si on considère la photographie dans l'ensemble de son dispositif, on peut agir à différents niveau. La photographie, pour moi, ne s'arrête pas à la prise de vue, de la même manière qu'Ansel Adams prônait le zone système et intégré le développement du négatif. Et là, c'est le propre d'une démarche artistique d'explorer tous les possibles, y compris de détourner les choses, de déconstruire les savoirs pour en reconstruire de nouveaux.

Canito

Citation de: rickyfirst le Décembre 14, 2012, 15:54:10
Et pour revenir à Moriyama, dont j'apprécie sans plus les photos (trop d'effet, presque d'esbroufe pour mes gouts) le fait qu'il utilise un compact ne me gêne pas outre mesure, il ne manquerait plus que ça, mais participe un peu aussi, à son corps défendant surement, au sentiment mitigé que j'ai de sa démarche, si tant est qu'il ait une démarche bien sur. Se sentir plus à l'aise avec un compact? pourquoi pas, mais je le ressens comme la volonté de sa part de sortir de l'ordinaire, donner une patte à ses images, une signature, une marque de fabrique.

Renseigne-toi sur le personnage et sur sa vie, sans le juger sur la base de pseudo-reportages réalisés par des geeks, et tu constateras sans doute que ce n'est pas à travers l'utilisation de tel ou tel outil qu'en soi il tente de se démarquer. Tu devrais normalement te rendre compte que c'est même totalement aberrant. Ensuite, donner une patte à ses images, avoir une signature, il faudrait tout de même voir à pas perdre de vue que la photographie est un art graphique, et qu'il n'y a là rien de répréhensible dans la démarche, je serais même plutôt tenté de penser le contraire.

Citation de: rickyfirst le Décembre 14, 2012, 15:54:10
Comme un écrivain, puisque vous parliez littérature, qui écrirait en 2012 à la plume ou à la machine mécanique, ce n'est pas un défaut, mais qui s'évertuerait à le faire savoir, lors des reportages vidéos, sur les forums, car c'est souvent que l'on voit Moriyama avec son compact. 

Encore une fois, et c'est un peu dommage d'en revenir à ce point de la discussion, lui se contente de répondre aux questions qu'on lui pose. Il n'y a de sa part aucune volonté, aucun plan pour communiquer là-dessus. Il est loin, très loin d'avoir besoin de cela, et c'est uniquement à travers le micro-prisme de forums consacrés au matériel photographique que l'on peut penser une chose pareille. Ceux qui vont voir ses photos dans les galeries et les musées s'en foutent éperdument.

Citation de: rickyfirst le Décembre 14, 2012, 15:54:10
Comme faire des photos en 2012 en argentique avec un vieux coucou, ce n'est pas non plus un défaut, mais toujours se montrer avec, pourquoi?

Pourquoi se saisir de comportements caricaturaux pour tenter de décrédibiliser une pratique, ici celle de la photographie argentique ? Il ne t'a pas échappé que celle-ci occupe encore aujourd'hui une place très importante dans la photographie qui nous occupe dans ce fil. A côté du type qui balade son vieux coucou des années 1970 au bord du canal Saint-Martin sans prendre une photo, il y a toute une série de photographes qui continuent d'utiliser leur matériel parce qu'ils aiment bosser avec, qu'ils le connaissent, que le rendu correspond à ce qu'ils souhaitent et qui n'ont donc strictement aucune raison d'en changer.

Zouave15

Citation de: ninon le Décembre 14, 2012, 17:17:13
Le vrai problème du photographe...c' est d' avoir des "images intérieures"
lécrivain, sa ramette de papier

Pour pratiquer les deux, certes à mon petit niveau, je ne ressens pas la différence à ce niveau-là. Je me trouve même plus libre lorsque je fais des photos. Peut-être parce que beaucoup de choses sont déterminées et qu'il reste moins de choses à maîtriser, et que du coup la création est plus libre ?

À l'écrit, la liberté est réduite. En poésie, la liberté est faible même si on s'affranchit des règles, de par la forme brève. La nouvelle oblige à rester centré sur une idée, le conte sur une forme. Quant au roman, il a une forme plus contraignante qu'on ne pense et, de par sa longueur, on est embarqué dans quelque chose qu'on ne maîtrise aucunement. Les personnages semblent évoluer d'eux-mêmes (quand ça se passe bien).

L'essai est plus libre mais n'est pas de l'art (?) et la structure des idées oblige à rester très cadré, etc. Bien sûr, chaque écrivain a son vécu, qui change en outre selon les moments, cependant beaucoup expliquent plutôt se sentir contraints que libres.

Pour moi, le plus comparable à la photo, serait l'article bien ciblé : une fois l'angle et le point de vue bien définis, l'écriture est assez libre, c'est d'ailleurs le propre de l'écriture journalistique (qui mélange les styles et les procédés pour accrocher le lecteur). Au niveau du vécu, je ressens cela comme créatif, mais à l'évidence ce n'est plus de l'art (on est supposé relater ou exposer, pas créer... mais il y a quand même Kessel et pas mal d'autres...).

Mon post ouvre plus de questions qu'il n'apporte de réponses...

Zouave15

Citation de: kochka le Décembre 14, 2012, 17:16:32
Je n'y avais jamais pensé car je ne me pose pas ce type de question, mais en y réfléchissant, le vide dans son esprit et sur le monde extérieur au moment du tir ressemble assez à ça

Sans doute, oui. Beaucoup de sportifs se sont mis à la méditation pour cela, ou l'ont découvert via le « tir à l'arc zen », le tir, et autres. Ayrton Senna décrivait la sensation que les autres étaient arrêtés sur la piste.

En photo ça se traduit par le fait d'être au bon endroit au bon moment, ou le sentiment de « savoir que la photo est là » ou de la prendre sans savoir pourquoi et de la découvrir après, comme la photo de Benaparis.

Quand le vécu est fort, si on n'y est pas préparé, on peut le vivre comme une expérience au lieu d'y être, et alors on parle par exemple d'expérience mystique, avec dissolution des limites, que pas mal de personnes ont vécu, y compris des artistes. Mais, tant que c'est une expérience, on est réduit à la rapporter, alors que si on le vit, on peut créer directement à partir de là. Par contre, cela peut être très fort, violent, et il n'est pas rare d'avoir la sensation de basculer dans le folie.

Vous allez dire que je me répète, mais parce que je voudrais trouver la manière d'exposer les choses pour que chacun le raccroche à son vécu.

Zouave15

Citation de: erickb le Décembre 14, 2012, 18:46:12
c'est le mental qui tente de donner une illusion de persistance pour qu'on se sente soi constamment

Tu vas nous emmener trop loin ;D . Tu parles de la discontinuité absolue du temps, de l'illusion de croire qu'il y a un passé, un présent et un avenir, notion à laquelle les photographes sont (ou devraient) être sensibles. La non-séparation est la perception de l'absence de différence entre intérieur et extérieur, spirituel et matériel, l'autre et toi, le monde et une de nos actions, etc. En fait on le ressent dès qu'on n'est plus dans l'expérience. Je suppose que tu dois le sentir en escalade, au moins lors de moments de grâce (je ne pense pas qu'il soit possible de dépasser un certain niveau en escalade sans ressentir tout cela, au moins par moments) où il y a vraie communion avec le rocher et le reste (encore une fois, ce sont des mots).

Les musiciens aussi le vivent, la musique porte à cela (comme quoi il n'y a pas que la méditation). Dans le reste de l'art, cela me semble évident, mais pas décrit (à ma maigre connaissance) ou alors à la rigueur on parle tout de suite de transcendance (mais elle est une expérience).

Verso92

Citation de: Canito le Décembre 14, 2012, 08:39:45
Verso, pour commettre Kind of blue, ils étaient au moins six, me semble-t-il, non ? Et il y a une énorme fausse note de Wynton Kelly.  :D ;) Ce parallèle avec le jazz, avec la "note bleue", me paraît très pertinent. Note bleue souvent absente, d'ailleurs, des clichés de H.C.-B. (mais pas sur l'exemple plus haut, où elle est bien présente).

On va dire presque parfait, alors... et puis la fausse note de Wynton Kelly, so what ?

http://www.youtube.com/watch?v=zqNTltOGh5c

;-)

Jc.

Citation de: ninon le Décembre 14, 2012, 17:17:13
...Le vrai problème du photographe...c' est d' avoir des "images intérieures" (...préconçues?)...qu' il cherche bien évidemment à "réaliser"...mais que son "matériau"( médium) étant à l' exterieur (hors de son emprise)...il lui échappe!
   Le peintre a sa toile ses pinceaux et ses couleurs, le sculpteur, son bloc de pierre et son burin, l' écrivain, sa ramette de papier et son Underwood...mais le photographe, une fois son appareil en main, est OBLIGE de composer avec la réalité...et çà change tout!... ;)

Oui, le vrai problème est d'avoir des images antérieures et d'exprimer celles ci. Peut importe la technique ou l'outil. Par exemple si je vous dit que dans ma vie professionnelle je n'écris qu'en bleu si c'est à la main ou qu' italique au clavier vous vous en moquez. Comme s'en moquent mes interlocuteurs car ils ne voient que la requête ou la réponse contenue dans le message.
De la même manière l'outil importe peu, seules la traduction des images pré conçues et intéressante, et leur diversité, ainsi que leur évolution.
Se renouveler signifie pour moi avancer dans sa réflexion. Renouveler son discours photographique ne peut être fait sans être aller au bout de sa réflexion, sans l'avoir exploré de fond en comble, essoré en quelque sorte.
Et c'est bien là que le bât blesse pour beaucoup de photographes -connus ou pas- car si la démarche peut prendre une vie elle est nécessairement multiformes. Or combien en voyons nous tourner en rond sans avancer et faire preuve d'inculture (;)) ?
Si l'absence de démarche peut en être une, l'absence de discours n'en constitue pas un.